Quelle régulation globale pour l`information financière

Claudine Carluer
GRESEC, Grenoble
FRANCE
Quelle régulation mondiale pour l'information financière
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Claudine CARLUER
GRESEC
GRENOBLE
Quelle régulation mondiale pour l’information financière
L’information financière a-t-elle besoin d’une régulation mondiale spécifique ? Quels
domaines cette régulation aurait-elle à prendre en compte en priorité ? Qui pourrait la
mettre en œuvre et comment ? Nous verrons pourquoi il est de plus en plus difficile,
dans le cadre de l’évolution économique et sociale du début du XXIème siècle, d’éluder
cet ensemble de questions, et nous examinerons quelles premières réponses il est
possible dès à présent de leur apporter.
Pour ce faire, nous commencerons par montrer quelques traits significatifs de la
mondialisation contemporaine de l’offre d’informations financières : ses raisons, les
technologies correspondantes, ainsi que les publics visés.
Nous étudierons ensuite les outils de régulation, leurs motivations en terme d’efficacité
et d’éthique, et les autorités ayant des responsabilités dans leur mise en place et leur
fonctionnement, avec les lacunes créées par l’évolution récente.
L’information financière et ses mutations
La théorie économique donne à l’information un rôle central dans le fonctionnement des marchés. Au
niveau microéconomique, les acheteurs comme les vendeurs sont censés ne rien ignorer du produit
négocié, ni du niveau des prix pratiqués : c’est la “ transparence ” du marché, une des conditions
nécessaires à son efficience. Cette analyse, menée à l’origine pour des échanges de biens que l’on
appellerait aujourd’hui “de consommation ”, a également trouvé son application dans le domaine des
marchés financiers, c’est à dire sur des marchés où se négocient des valeurs de placement ou “ actifs ”.
Sur un marché financier, l’information relative à un produit donné précise, par exemple le revenu que ce
dernier est susceptible de générer, les risques qui lui sont associés (banqueroute de l’entreprise s’il s’agit
d’actions, ou tout simplement de l’emprunteur dans le cas d’une créance).
Dans la pratique, la notion de risque est essentielle. Le revenu qui intéresse l’acheteur d’un actif est bien
évidemment le revenu futur, pour lequel le revenu passé n’est pas forcément un indicateur fiable. La
valeur réelle de l’actif est donc elle-même incertaine, et notamment (ce qui est fondamental sur un marché
financier) en comparaison avec le revenu procuré par les autres placements.
De plus, la situation économique dans son ensemble est soumise à des fluctuations qui font varier aussi
bien – ils sont liés – les rendements que la valeur des actifs, mais qui modifient dans le même temps leurs
valeurs relatives : certains placements sont meilleurs en période de ralentissement ou de “ crise ”,
d’autres plus prometteurs en période de reprise.
En conséquence, les intervenants sur un marché financier demandent également des informations sur
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l’environnement économique et son évolution. Toute information susceptible d’avoir une influence
économique étant à prendre en compte, le champ s’élargit alors très vite à la politique, la diplomatie, la
situation internationale etc…
Le champ de l’information économique et financière est donc à la fois technique et large : technique car à
une extrémité de son spectre cette information traite avec des instruments spécifiques du rendement et de
la valeur des actifs, large car à l’autre extrémité elle ne peut ignorer les informations que l’on pourrait
qualifier de “ grand public ”, et qui traitent de décisions fiscales et sociales, d’orientations d’un
gouvernement etc. On peut alors considérer qu’elle a tendance à se diluer dans l’information générale, si
ce n’est qu’elle est toujours perçue dans la perspective du décideur financier.
Le caractère international de l’information économique et financière s’est développé particulièrement vite
parce que les marchés financiers – comme certains marchés de matière premières qui peuvent leur être
assimilés - ont travaillé tôt sur une base planétaire. Les économistes précisent que la différence est
essentielle entre le facteur de production “ travail ”, qui montre une réluctance à traverser les frontières
comme à engager de grandes migrations, et le facteur de production “ capital ” (sous sa forme financière
et non sa forme immobilière) qui au contraire se déplace avec une grande aisance vers les lieux où il
trouve une meilleure rentabilité .
De plus, la volatilité des marchés financiers a généré une demande pour une
information non seulement mondiale et abondante, mais également rapide, le moment
d’obtention de l’information étant une variable clef dans la compétition entre les
opérateurs1.
Dans les années récentes, la diffusion de l’information économique et financière a
évolué dans trois directions, les deux premières au moins s’inscrivant en fait dans la
continuité des tendances précédentes : le renforcement de son caractère planétaire, le
perfectionnement de ses outils (en particulier électroniques) et sa diffusion auprès d’un
public de plus en plus large.
Tout d’abord, elle est devenue de plus en plus globale, avec l’apparition de nouvelles
offres d’investissement dans le monde (Asie, Europe de l’Est), et l’apparition
d’organisations gérant des fonds d’importance planétaire. De plus, depuis quelques
années, les marchés financiers ont surtout requis des informations de plus en plus
transnationales. Durant la décennie 80, on a assisté à l’apparition de nouveaux produits
financiers liés à la désintermédiation des financements, qui a entraîné de nouveaux
besoins d’expertise, ce que l’on appelle la marchéisation des financements. Cette
marchéisation s’est traduite par des réformes institutionnelles qui organisent une
réduction de l’intervention directe de l’Etat tout en lui donnant de nouvelles
responsabilités dans l’établissement des conditions cadres - c’est à dire des textes qui
en régissent le fonctionnement.
Les marchés financiers traditionnels se sont décloisonnés en s’ouvrant de plus en plus à
des opérateurs extérieurs par l’aménagement des réglementations nationales qui
limitaient les modalités et la localisation des opérations financières. Les arbitrages de
rendements et les comparaisons de risques se sont faits de plus en plus dans un cadre
international. Les investisseurs jugent nécessaire de diversifier leurs portefeuilles en
jouant sur les devises, conformément aux études menées sur la réduction des risques.
1 Carluer C., Le comportement informationnel des gestionnaires de portefeuille - Modèles et croyances, Thèse,
Université Jean-Moulin Lyon3, 1994
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L’émergence d’un marché planétaire de capitaux résulte de la conjonction de plusieurs
facteurs : l’explosion de la demande des Etats pour financer leurs déficit comme des
entreprises privées à la recherche de capitaux, l’augmentation de l’offre de capitaux, les
nouvelles technologies d’information permettant de meilleures connexions entre les
marchés, la déréglementation.
Dans ce champ de la régulation financière, la mondialisation se manifeste alors de
plusieurs façons :
- l’apparition de nombreux opérateurs privés qui font que l’espace financier échappe de
plus en plus aux Etats et aux institutions financières traditionnelles. C’est l’exemple de
George Soros qui dans les années 90 est devenu par ses déclarations sur la parité de la
monnaie britannique une figure emblématique de la mondialisation et de la spéculation.
- la soumission des autorités publiques aux marchés, en particulier dans le cas des
marchés des changes. Les autorités monétaires qui voient se creuser l’écart entre leurs
ressources et les masses de capitaux en circulation ont des marges de manoeuvre
relativement limitées.
- la mise en place d’une concertation systématique avec toutes les ambiguïtés que cela
entraîne; c’est l’exemple de la création du G7 en 1975 qui a réuni les sept principales
démocraties industrielles, puis du G8 à l’association de la Russie.
- le développement de mécanismes de maîtrise de crises et de systèmes de solidarités
plus souvent dictés par des motivations de maintien de la stabilité économique mondiale
que par des motivations d’aides aux déshérités.
Deuxièmement, cette période est également celle d’une croissance corrélative du
volume des opérations financières, qui permet la spécialisation de professionnels pour
des tâches assurées auparavant à temps très partiel. Il va s’ensuivre une mutation des
flux d’information qui induisent une gestion différente des instruments financiers. Ce
nouveau marché financier est plus volatil qu’auparavant en raison du développement
des techniques de communication qui permet une diffusion instantanée des opérations
de bourse sur toute la planète. Le marché financier est devenu non seulement un
marché mondial par le biais de l’unification spatiale mais également un marché
permanent dans sa dimension temporelle : le marché fonctionne en continu, les
informations circulant d’une place à l’autre . Pour cela les acteurs utilisent des outils
électroniques de plus en plus puissants, dans un souci à la fois d’aide à la décision,
d’ergonomie et d’élargissement du contenu de l’information véhiculée. L’observation du
réseau d’information Bloomberg est à cet égard un exemple révélateur. Auparavant, ces
outils transféraient des données strictement boursières entre les professionnels. Mais à
présent ils sont utilisés pour transférer des informations vers des écrans, les données
boursières apparaissant dans des fenêtres spécifiques , à côté d’autres fenêtres
dédiées aux informations économiques générales. Le terminal boursier professionnel
permet de plus de passer des ordres en direct. Une des principales causes de cette
évolution est la demande émanant de professionnels, non seulement de données
chiffrées mais aussi de commentaires explicatifs et d’information à une plus large
échelle. Par exemple, des données sur l’arrière plan politique d’informations
économiques et financières, des données sur les activités culturelles pour leurs loisirs.
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Troisièmement, une autre tendance a donné un nouvel essor au développement des
médias d’information financière : la diffusion des actifs financiers dans les classes
moyennes dans un nombre de plus en plus grand de pays. Cette tendance est due pour
une bonne part à la mode du capitalisme financier poussé par le succès des dernières
années - la montée de la plupart des marchés financiers mondiaux et le développement
d’instruments financiers destinés aux petits ou moyens épargnants. L’information
économique et financière a ainsi abordé récemment une nouvelle phase
d’industrialisation de sa diffusion vers le grand public.
Les évolutions 2 et 3 se combinent pour conduire à l’apparition d’entreprises de diffusion
d’information économique et financière de plus en plus orientées vers une large
audience, s’appuyant sur des réseaux spécialisés de collecte et de traitement de
l’information et utilisant, pour la diffusion vers les professionnels et le public, des outils
présentant de grandes similitudes.
Pour clôturer cette première partie, nous formulerons deux propositions relatives à
l’information économique et financière :
- la première est son caractère stratégique dans le débat actuel sur l’avenir du concept
de nation, et sur l’avenir des fonctions de régulations assumées jusqu'à présent par les
Etats nationaux. Cette caractéristique découle du rôle lui même stratégique des
marchés financiers dans la mondialisation. Pour Elie Cohen2 la “ tyrannie des marchés
financiers ” est supposée illustrer la perte de souveraineté nationale.
- la deuxième est son caractère précurseur en ce qui concerne les modalités de la
globalisation de l’information en raison de la globalisation précoce des marchés
financiers, même si son industrialisation vers un public large a été relativement tardive.
L’information économique et financière nous semble donc un champ particulièrement révélateur pour
étudier l’internationalisation - ou la globalisation - de l’information et plus généralement des outils mais
aussi des stratégies de communication.
Le nouveau marché financier apparaît dès lors complexe et fluctuant et s’il ne s’agit pas
ici de statuer sur la justification économique des marchés financiers, il convient
cependant de se poser la question de la nécessité d’une éthique et d’une régulation de
l’information financière
Normalisation, déontologie et éthique en communication financière
Il est possible de distinguer plusieurs niveaux de préoccupation, qui peuvent
correspondre à autant de niveaux de régulation. Nous en citerons 3 :
- tout d’abord, le niveau relatif aux pratiques professionnelles d’information, on pourra
alors parler de déontologie
- ensuite, le niveau général, relatif à l’éthique de l’information dans la société
2 Cohen Elie, L’ordre économique mondial,essai sur les autorités de régulation, Fayard, 2001, pp 129-165
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