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Cependant il est nécessaire de bien comprendre le phénomène des turbulences qui, ayant fait
l'objet d'une utilisation plus comme champ que comme objet de recherche, ont connu des
acceptations et des définitions différentes malgré le fait qu'elles ont toutes en commun une
certaine image d'incontrôlabilité de la firme en regard de l'extérieur, de son milieu, de son
environnement. Pour ce faire, nous essayerons de déterminer les causes des turbulences, de
voir dans quel contexte leur émergence est la plus probables.
Une fois cette définition ou plutôt cette conception "fédératrice" trouvée, permettant de
véhiculer un sens commun pour la recherche, une tentative d'opérationnalisation peut être
envisagée. Le but est d'identifier les comportements types des entreprises en fonction de la
donne environnementale de turbulences. Différents facteurs ont tour à tour été étudiés,
lorsqu'on se penche quelque peu sur la littérature sur le sujet. Là encore, et cela est lié à
l'observation de la turbulence plus comme un champ que comme un objet, les études montrent
des comportements particuliers parfois contradictoires les uns envers les autres. Nous
essayerons de retrouver les "dogmes" dominants en nous penchant sur les études réalisées
précédemment.
Il apparaîtra à l'issue de cette revue de la littérature, que les turbulences environnementales,
que l'on se place d'un point de vu déterministe ou volontariste, entraînent obligatoirement des
comportements spécifiques. Notre étude se veut d'identifier ces comportements en nous
penchant sur une industrie qui présente ces différents éléments concourants à construire un
environnement turbulent. L'intérêt sera d'y déceler des degrés divers, tant d'une façon
qualitative que quantitative, permettant une avancée dans l'étude de ces concepts. Notre
problématique ainsi dégagée sera confrontée à un corps d'hypothèses et à un test empirique.
I. Causalité des turbulences.
Les turbulences sont un concept issu des sciences physiques. Leur étude a suscité différentes
approches, notamment celles concernant les théories du chaos. Dans la théorie des fluides,
s'opposant à un écoulement laminaire ou régulier, la turbulence est un écoulement complexe où
une superposition de fréquences entraîne des perturbations. Dans la théorie du chaos, elle est la
manifestation d'une croissance de variations et d'amplifications faisant sortir un système d'un
équilibre pour aller vers un autre. Utilisée en gestion, par l'intermédiaire de métaphores, cette
même turbulence a caractérisé des environnements où de nombreuses perturbations
intervenaient.
Emery et Trist ( 1965) vont distinguer quatre types d'environnements allant de très calmes à
très perturbés. Pour eux, le plus complexe est l'environnement turbulent où seule une politique
d'institutionnalisation peut permettre l'émergence d'une solution. D'autre part, ils analysent
l'environnement en essayant de comprendre la texture causale, à savoir la nature des
interrelations au sein de l'environnement. Reprenant cette idée, qu'une décision peut apparaître
rationnelle au niveau individuel mais irrationnelle au niveau collectif, Metcalfe et Mac Quillan
(1977), dans le prolongement d'Emery et Trist, proposent un management macro-
organisationnel qui se veut créateur d'un cadre d'institutions qui traitent avec les implications
systémiques des conflits interorganisationnels. En fait, un paradoxe peut survenir : en effet,
comme on le verra par la suite, la turbulence est issue de la complexité. Hors en augmentant les
interrelations entre les organisations, afin de réduire les turbulences, on augmente la complexité
(définit en terme du nombre d'interrelation), d'où augmentation de la turbulence.