Pays émergents et préférence pour les produits importés

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Pays émergents et préférence pour les produits importés : exploration
d’une relation complexe
Mouna Myriam LABIDI
Enseignant-chercheur, Institut Supérieur de Gestion, Université de Tunis
41, rue de la Liberté, 2000, Le Bardo, Tunis, Tunisie
Tel : 71 588 423
Fatma SMAOUI
Maître-Assistante, Institut Supérieur de Gestion, Université de Tunis
41, rue de la Liberté, 2000, Le Bardo, Tunis, Tunisie
Tel : 71 588 423
Unité de recherche MUT-COM
Mourad TOUZANI
(auteur contact)
Professeur associé, Rouen Business School
Pôle de recherche "Retail, Customer & Supply Chain"
Boulevard André Siegfried - BP 215
76825 Mont-Saint-Aignan Cedex
tél. 02 32 82 57 97
fax. 02 32 82 58 34
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Pays émergents et préférence pour les produits importés : exploration
d’une relation complexe
Emerging countries and preference for imported products:
exploring a complex relationship
Abstract
The present research study tries to bring knowledge about cultural factors liable to predict
consumers’ preference for international brands in emerging countries. An inductive
qualitative approach, based on in-depth interviews with consumers is adopted. Several
predictors have emerged from the thematic analysis, namely the complex of the colonized,
acculturation in situ, frustration toward the West, as well as the fashion system. This research
study shows that the country-of-origin effect in emerging countries operates in a way different
from what may suggest the majority of studies in this field, these latter being generally based
on data gathered in developed countries.
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Introduction
Dans un environnement de globalisation, le nombre et la diversité de produits à disposition
des consommateurs ne cessent d’augmenter. Ces produits proviennent d’origines de plus en
plus diverses. Dans les pays en développement, face à l’entrée fulgurante de produits
étrangers, les consommateurs trouvent à leur disposition des biens qu’ils ne pouvaient
acquérir auparavant et se trouvent de plus en plus confrontés à un choix entre les anciennes
marques locales et les nouvelles marques étrangères. Cette situation semble faire naître chez
les consommateurs de ces pays une prédisposition à valoriser tout ce qui vient des pays
développés et plus précisément de l’Occident. Ils auraient, en effet, tendance à préférer les
produits importés des pays développés aux produits locaux (Batra et al., 2000).
En dépit d’une littérature abondante portant sur l’effet du « pays d’origine », cette préférence
pour les produits importés de pays développés demeure peu explorée. En effet, depuis quatre
décennies, le pays d’origine intéresse les chercheurs en marketing qui se sont surtout focalisés
sur la manière avec laquelle ce facteur affecte l’évaluation des produits (Pharr, 2005). D’une
manière générale, il ressort de ces recherches que le pays d’origine du produit est utilisé par le
consommateur comme un réducteur de risque étant donné qu’il est utilisé comme un attribut
qui renseigne sur la qualité et/ou le prix du produit lorsqu’il y a un manque d’informations sur
les attributs physiques du produit (Ahmed et D’Astous, 2008). Outre l’effet du pays d’origine
sur la perception de la qualité et/ou du prix, d’autres chercheurs examinent l’effet direct du
pays d’origine du produit sur les attitudes et/ou sur les intentions d’achat (Aurier et Fort,
2005). Ainsi, le pays d’origine opère que les informations concernant les attributs physiques
du produit soient présentes ou non. Les consommateurs montrent souvent une préférence pour
les produits domestiques même si ces produits n’ont pas dans tous les cas la meilleure qualité
ou le meilleur prix, et ce, pour des raisons d’ethnocentrisme (Chattalas et al., 2008).
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Toutefois, la majorité de ces recherches ont été effectuées dans des pays développés et celles
qui se sont intéressées aux consommateurs des pays moins développés ont confirmé une
tendance opposée à celle décrite dans les pays développés (Dikčius et Stankevičienė, 2010).
Autrement dit, les consommateurs semblent plutôt préférer les produits importés des pays
développés aux produits de leur propre pays (Quartey et Abor, 2011). Pour expliquer cette
tendance, certains chercheurs avancent que pour ces consommateurs lorsqu’un bien de
consommation est importé, il est forcément de qualité supérieure (Kumara et Canhua, 2010).
D’autres montrent que dans les pays moins développés, le pays d’origine du produit opère
d’une façon différente à celle décrite dans la littérature marketing dans la mesure où l’origine
étrangère d’un bien peut mener directement le consommateur à l’évaluer positivement sans
nécessairement passer par la qualité (Kumara et Canhua, 2010 ; Opoku et Akorli, 2009). Bien
que ces recherches présentent la préférence des produits et marques importés de pays
développés comme un fait récurrent dans les pays en développement, elles ne font qu’évoquer
certains des facteurs sous-jacents à ce phénomène pour l’expliquer.
Dans le cadre de cette recherche, nous tentons de focaliser notre attention sur certains facteurs
peu ou pas explorés dans la littérature et explicatifs de ce phénomène et ce, dans le cadre d’un
pays émergent : la Tunisie. Cette recherche propose des résultats théoriques permettant
également d’éclairer les entreprises désireuses de cibler les consommateurs qui préfèrent les
importations à élaborer les stratégies adéquates à cet effet. La démarche empruntée est de type
inductif, menée à travers une méthodologie exploratoire qualitative. Dans ce qui suit, une
revue de la littérature sur le sujet sera présentée suivie d’une description de la méthodologie
adoptée au niveau de cette recherche et des résultats obtenus.
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1. Evolution de la recherche sur le pays d’origine
La littérature définit le « pays d’origine » comme un attribut extrinsèque qui influence la
perception de la qualité du produit, sa valeur perçue, le risque associé au produit, ainsi que les
préférences et l’intention d’achat du consommateur (Ahmed et D’Astous, 2008). A l’origine,
la recherche portant sur les stéréotypes nationaux remonte aux années 1930 (Roth et
Diamantopoulos, 2009). Ce n’est qu’à partir de l’étude de Schooler (1965) que l’effet du pays
d’origine attire l’attention des chercheurs en marketing. Depuis, le sujet fait l'objet d’une
multitude de contributions scientifiques dont le nombre ne cesse d’augmenter (Usunier,
2006). L’idée de ces recherches est que le pays d’origine influence les évaluations des
produits originaires de ce pays. L’image perçue d’un produit est affectée par la perception du
pays d’origine.
D’une façon générale, les différentes recherches établissent la présence d’un « effet pays
d’origine » dans l’évaluation des produits (Opoku et Akorli, 2009 ; Peterson et Jolibert, 1995).
L’objet et la sophistication des recherches ont évolué à travers le temps connaissant plusieurs
périodes (Usunier, 2006), passant de recherches uni-critères seul le pays d’origine est pris
en compte comme stimulus du comportement d’achat ou d’évaluation (Bilkey et Nes, 1982),
aux études multicritères, l’effet pays d’origine est combiné à d’autres attributs du produit
tels que le prix ou la marque (Jin et al., 2010 ; Propeck et Arellano, 1997). Les recherches les
plus récentes considèrent plusieurs facettes du pays d’origine suite aux mouvements de
globalisation de la production et de la commercialisation. Divers chercheurs proposent des
reconceptualisations du pays d’origine. Selon ces auteurs, plusieurs pays d’origine peuvent
caractériser un produit : pays de conception, pays de production, pays d’assemblage (Dikčius
et Stankevičienė, 2010 ; Samiee 1994). Le pays d’origine ne se confond plus uniquement avec
le made-in (Gabriel et Urien 2006), les chercheurs avancent alors la notion de produits
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