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commun dénominateur dans la dénonciation de la technique" (p,
377)
"l'étrange
est ce besoin de parler d'une réalité qu'on ignore, de
disqualifier en toute bonne conscience la réalité que visiblement on
ignore le plus (...) les philosophies de la technique n'ont incité
personne à s'informer ou à prendre conscience de l'existence d'une
culture technique ancienne aussi bien que nouvelle, qui leur fait si
cruellement défaut" (p, 378),
Mais c'est exactement le reproche qui m'est venu à l'esprit en lisant
comment M, Séris traite nombre de philosophes auxquels il fait ces
reproches. En effet si pour
lui
la philosophie critique de la
technique n'est pas sérieuse, c'est qu'au fond, elle ne peut pas être
sérieuse, elle est disqualifiée d'avance. Il n'y voit qu'une
misotechnie, une haine de la technique, qui n'est, selon lui, que
la
forme moderne de la misologie, de la haine de la raison. C'est à cela
que,
pour l'auteur, se résume la philosophie moderne de la
technique où il ne voit que de la
technophobie.
Ce préjugé
s'accompagne de présentations tendancieuses, d'amalgames
arbitraires et de répudiations non
argumentées.
En effet, j'ai relevé à plusieurs reprises que la pensée
d'auteurs que je crois bien connaître est "évoquée" de manière
biaisée et infidèle. Ainsi j'ai sursauté en lisant à propos de Jean
Brun que, selon ce dernier, "la force collective qui pousse l'homme à
engendrer la technique n'est pas de l'homme, ni pour l'homme. Il
appelle cette force le "Désir" et lui donne un statut métaphysique"
(p.
44, note 1), D'où M. Séris sort-il cela ? Selon Brun, la technique
s'enracine dans le désir parfois inconscient de l'homme de dépasser
les limites de sa condition ; mais ce n'est pas une force collective car
il a son siège en chacun. Brun ne propose pas une interprétation
métaphysique de la technique mais il en fait une analyse
existentielle qui doit beaucoup à Pascal, en particulier quand ce
dernier interprète le divertissement comme l'exigence d'un "instinct
secret" qui pousse l'homme à se fuir et à chercher le repos par
l'agitation.
Que Brun procède de manière analogue à propos des
rapports de la technique et de nos désirs inconscients, on ne peut
pas en conclure qu'il accorde au désir le rôle que Schopenhauer o u
Nicolas von Hartman accordaient à l'inconscient, ou alors, il faut e n
faire autant avec Pascal !
De même lorsque M, Séris fait de Hans Jonas "un théologien
hostile à la raison"
et
"en rupture avec les idéologies du progrès" (p,
372),
ce n'est pas sérieux ! Pendant deux années, j'ai assisté aux
séminaires de Hans Jonas à la New School for Social Research. J'ai
été plutôt frappé par rationalisme et je me rappelle avec quelle
révérence enthousiaste il nous présentait la rédaction des Eléments
d'Euclide comme une prodigieuse avancée de l'esprit !
J'ai été aussi étonné par les amalgames arbitraires que j'ai
rencontrés dans ce livre. Par exemple, il met dans le même sac
des