chemin
La Compagnie Choses
Dites, créée en 1999,
clôt en cette n dannée
2008, avec la création de
Et si on jouait au Camion,
Marguerite ? daprès
le lm de Duras
(novembre 2008),
ses années de résidence
artistique à lHexa-
gone Scène Nationale de
Meylan, soutenue par le
Conseil Général de lIsère
et la Ville de Meylan.
Cette rencontre, ce
parcours prirent naissance
avec LÉchange de Paul
Claudel (nov. 2003).
Je remercie Antoine
Conjard de la conance
quil ma faite, ainsi que
toute son équipe davoir
accueilli la Cie Choses
Dites au long de ses
quatre saisons. Cette
résidence nous a permis
de présenter quatre créa-
tions sur ce beau plateau
de lHexagone, dernière-
ment Et si on jouait au
camion, Marguerite ?
daprès le Camion de
Marguerite Duras,
le
grand chantier autour des
auteurs allemands avec
Limpossible innocence du
Monde daprès le Lenz
de Georg Büchner et la
pièce Grand et Petit de
Botho Strauss, des petites
formes hors les murs ont
pu voir le jour comme Les
rencontres avec Bram van
Velde de Charles Juliet
au musée Hébert, ou
encore des lectures mises
en espace comme celle du
Livre du rire et de loubli de Milan Kundera avec
Culture à lhôpital, les joyeuses Mémoires Impro-
visées autour de Paul Claudel ou bien encore Les
chemins de traverses à Berlin.
Non seulement ce compagnonnage avec
lHexagone-SN, son soutien et notamment
linvestissement de son équipe technique, nous
ont permis de travailler (ce qui nest pas rien, en
cette époque où lart « pourrait paraître inutile
Comme lamour », disait Tadeusz Kantor ),
mais a permis aussi que ce travail artistique
grandisse et safrme.
Dès le début de cette aventure, la Cie Choses
Dites sest donc pleinement engagée dans la
création et la transmission en posant un geste
artistique exigeant : défendre un théâtre de la
langue - un théâtre poétique - où la « parole
est porteuse de tout » - théâtre qui prend
sa source dans le soufe et la racine des mots,
tout en convoquant aussi les rencontres
avec dautres arts comme la musique, la danse,
le cinéma, la peinture Avec toujours
la nécessité de transmettre ce que lon cherche
à lautre - aux autres - aux spectateurs -
amateurs - apprentis acteurs : la quête insatia-
ble de - lêtre au monde - du sens - à partager
ensemble.
Toujours les choix artistiques se sont tournés
vers un théâtre qui creuse et révèle une part
dhumanité blessée, fragile.
Un théâtre du désir celui de donner à voir et
à entendre, de partager ensemble de lhumanité
« coude à coude », pour que peut-être « autre
chose advienne »
Un théâtre porteur dune quête de lesprit ,
demandant un peu de travail aussi aux specta-
teurs Et toujours la rencontre a eu lieu avec le
public présent Jamais dindifférence Traces
laissées indicibles Aventure humaine qui forti-
e le désir et lexigence de continuer à travailler,
creuser, sinterroger - activement ensemble - sur
ce quest notre art, notre pratique et sa néces-
sité, dans ce quest - aujourdhui - le monde.
Aussi, forte aujourdhui de cette expérience
partagée, la Cie Choses Dites, en cette année
2009 qui marque ses 10 ans dexistence, saven-
ture et sengage vers de nouveaux horizons
Avec - à cœur - un projet artistique au long
cours et sa reconnaissance à légard de toute
léquipe de lHexagone SN de Meylan
pour ce chemin parcouru ensemble.
Muriel Vernet
et toute l’équipe de Choses Dites
parcouru
Cest ainsi que Muriel
Vernet nomma
son projet de résidence
à lHexagone,
entreprise dune belle et
grande exigence.
En effet, Muriel livre
sur scène une parole,
(la parole), nous laisse
entendre une langue
et sincarner les mots,
comme autant
démotions et didées.
Avec elle, le théâtre
parle et pense le monde.
Même sil est un jeu,
il ne nous distrait pas
de nous-mêmes, mais
expose, au regard de
chacun, lhumain étouffé
par son indignation
et sa colère, la condition
humaine dans ce quelle
a de plus noble.
Cest autour de lÉchange
de Paul Claudel, en 2003,
que se sont noués les
liens entre la compagnie
Choses Dites et lHexa-
gone scène nationale.
Comme un présage, cette pièce admirable
a permis dinaugurer quatre saisons de résidence
et de dialogue, soutenues par le Conseil général
de lIsère et la ville de Meylan et dinitier
le parcours sensible de la compagnie, dans notre
théâtre et au-delà, auprès des publics
les plus divers.
Chaque saison a été marquée par le sceau
de la création tout autant que par la présence
sur « le terrain de la vraie vie » de Muriel
et des comédiens qui laccompagnent.
Dans un souci permanent de transmission,
la compagnie est allée à la rencontre de tous :
écoliers, collégiens et lycéens (avec, plus
particulièrement, le travail de préparation
et daccompagnement des élèves au Bac option
théâtre), patients de la clinique du Grésivaudan
(dans le cadre du programme Culture
et Hôpital), adultes avertis ou éloignés des arts,
dans les Maisons pour tous, les comités
dentreprise, les bibliothèques ou encore
la Mission Initiative Emploi de Meylan
et même au domicile de nos spectateurs
Ainsi, Limpossible innocence du monde, inspirée
du poème de Jean-Pierre Spilmont, Grand et
Petit de Bothos Srauss, Rencontres avec Bram van
Velde daprès Charles Juliet, au Musée Hébert
de la Tronche, mais aussi les nombreuses
lectures mises en espace et en musique
dans des lieux insolites qui nous menèrent
jusquà Berlin, et, aujourdhui, la version
très originale du Camion de Marguerite Duras
ont marqué les esprits.
Cest pourquoi, au nom de toute léquipe
de lHexagone Scène nationale de Meylan
et de ses spectateurs, je tenais (nous tenions)
à rendre hommage à lempreinte subtile,
mais rageuse, laissée par Muriel Vernet
et à lui souhaiter, ainsi quà sa compagnie,
quelle ait toujours autant de choses belles
et fortes à nous dire !
Antoine Conjard, Christine Prato
et toute léquipe
de lHexagone Scène Nationale de Meylan
les traces
2004/2008,
bilan dune résidence
lart,
la parole,
Et si
on jouait
« La majorité
cest personne, la minorité
cest tout le monde »
(Gilles Deleuze)
« - Cest un lm ? - Caurait
été un lm () Cest un
lm. » Premiers mots
échangés au tout début
du lm entre Gérard De-
pardieu et Marguerite Du-
ras. Avec Le Camion , Du-
ras ose un parti pris inouï :
elle fait un lm où lécrit
et la parole sont porteurs
de tout. Où « limage »
proprement cinématogra-
phique ne montre jamais
rien de lhistoire. Et cette
histoire est dune simpli-
cité absolue, histoire de
quatre sous qui nous est
seulement racontée (dans
le lm, par Duras, texte en
main) : celle dune femme,
sans âge, (Marguerite ?)
qui « ferait du stop » et
qui narrêterait que les ca-
mions, et parle, raconte
Sa vie ? Ses vies, la vie, les
vies à un camionneur,
tous les camionneurs
(quaurait pu être Gérard
Depardieu, qui lécoute),
les hommes de passage.
Je suis sûre que tout le
monde peut se recon-
naître en elle, que tout le
monde, au fond, aspire
à cette simplicité-là, à cette liberté là. Elle na
plus peur de rien, cette « dame du Camion », et
ses histoires font du bien, parce quelles sont à
la fois fragiles et concrètes, drôles et violentes,
sans jugement ni commentaire, ni concessions.
Interchangeables aussi, à inventer toujours,
le « on dirait que » des enfants dans leurs
propositions de jeu Ce futur antérieur, cest le
temps de lenfance, cest la matrice de tout et
cest aussi le temps du théâtre
Alors nous aussi, nous allons « faire notre
cinéma » sur le plateau du théâtre où « la parole
est souveraine, porteuse dimages à linni ».
Cest ce frottement de limage et de la parole, ou
plus exactement de la poésie de limage et de
la parole poétique au théâtre quil mintéresse
encore - de creuser.
« - Cest du théâtre ? - Caurait été du théâtre
Cest du théâtre »
Enn, si ce projet sappelle Et si on jouait au
Camion, Marguerite ? Ce nest pas seulement
pour « prendre du champ » face à cette œuvre
singulière, littéraire et cinématographique quest
Le camion. Cest aussi pour rendre hommage à
la dimension ludique et de merveilleuse arnaque
que recèle Duras. Esprit frondeur, souvent de
mauvaise foi, mais dune puissance dacuité, de
liberté, dengagement et résistance remarqua-
bles, nayant pas pris une ride
Jaime espérer que le théâtre est encore le lieu de
cet esprit et de cette parole, à partager.
MV
au camion,
Marguerite ?
les créations
daprès le camion de Marguerite Duras
Cest donc dans cet
esprit « irrévérencieux »
que nous avons abordé
ce texte et « la dame
Marguerite » : cest donc
une totale « réécriture
plateau ».
Enn, cest dans ce lm
que Duras fait dire à la
dame du camion :
« Que le monde aille à
sa perte, cest la seule
politique », thème quelle
reprendra très souvent.
Cette pensée-là est pour
moi tout à fait contem-
poraine du monde actuel.
Travailler cette matière
quest le lm Le Camion
en 2008, cest faire enten-
dre aussi cette pensée-là,
avec toute la difculté
que cela suppose, ce
constat de la perte de
lêtre et de ses contradic-
tions.
MV
« Pour moi, la perte
politique cest avant tout
la perte de soi, la perte de
sa colère, autant que celle
de sa douceur, la perte de
sa haine, de sa faculté de
haine, autant que celle
de sa faculté daimer, la
perte de son imprudence
autant que celle de sa
modération, la perte dun
excès, autant que la perte
dune mesure, la perte
de la folie, de sa naïveté,
la perte de son courage
comme celle de sa
lâcheté, que celle de son
épouvante devant toute
chose, autant que celle de
sa conance, la perte de
ses pleurs comme celle
de sa joie. Cest ce que je
pense, moi. »
Marguerite Duras,
Les Yeux verts
« Vernet joue avec Duras
Muriel Vernet décide de sattaquer à la prolique Duras
et au livre scénario de son lm atypique Le Camion.
Derrière une trame très simple () se cachent de nombreux ressort
dramatiques avec lesquels la metteuse en scène samuse à loisir
Subtile mise en abyme quelle accentue
mise en scène, vidéo, musique nétant utilisé, avec habilité, dans le seul but
de renforcer le propos. Muriel Vernet ne trahit pas lauteure
Elle joue avec ses mots, avec une exigence
qui ravira les inconditionnels de la verve durassienne.
Annabel Brot, Le Dauphiné Libéré -11 novembre 2008
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