Karl Marx (1818-1883) 1. Eléments de biographie Né à Trèves dans une famille d'origine juive convertie au protestantisme, Karl Marx étudie le droit, l'histoire et la philosophie. Il débute par une activité de journaliste dans la "Gazette rhénane". Il se trouve au carrefour de la philosophie allemande (Hegel, Feuerbach), du socialisme utopique français (Saint-Simon, Fourier) et de l'économie politique britannique (Smith, Ricardo). Sa doctrine philosophique part de l'homme comme être agissant et non comme être pensant. Il critique la religion et l'Etat, qui sont des réalisations imaginaires, et substitue la conscience humaine à la conscience divine. Karl Marx développe une philosophie basée sur la lutte des classes (exploitants et exploités) qui est le moteur de l'histoire. Le matérialisme dialectique se caractérise par le primat de l'histoire (tout évolue), le progrès venant de contradictions résolues, l'action réciproque des choses les unes sur les autres, le progrès par bonds, par crises brusques et soudaines (révolutions). Le prolétariat doit s'organiser à l'échelle internationale afin de s'emparer du pouvoir et, après une période de transition (dictature du prolétariat), conduire à l'abolition des classes et la disparition de l'Etat (communisme). Karl Marx prédit la fin de la société actuelle où le capitalisme se détruira lui-même, permettant ainsi l'avènement d'un état ouvrier. Passant de la théorie à la pratique, Karl Marx crée avec Friedrich Engels la Ligue des communistes en 1847 et rédige avec lui le Manifeste du parti communiste. Après l'échec de la Révolution allemande en 1848, il s'exile à Londres où il mène en parallèle son activité militante (animation de la première "Internationale ouvrière") et la rédaction de son oeuvre majeure, Le Capital, qu'il laisse inachevée. Karl Marx a vécu dans la pauvreté et a été soutenu financièrement par son ami Engels. Ses théories ont été reprises après sa mort sous une forme dogmatique, le marxisme, pour servir de fondement aux mouvements socialistes et ouvriers de la fin du XIXe et du début XXe siècle et de justification de leurs excès. • • 2. Notions clés Le matérialisme dialectique : La vision dialectique de Marx, qui s'oppose à celle de Hegel, considère que ce sont les conditions matérielles d'existence des hommes (en particulier leur place dans les rapports de production) qui déterminent leur conscience et non l'inverse. Pour lui, la dialectique de l'histoire trouve son origine dans les contradictions entre les classes sociales, dans la lutte entre leurs intérêts divergents, ainsi qu'entre le développement des forces productives et les rapports sociaux issus de leur état antérieur. Le "matérialisme dialectique", basé sur les faits pratiques, se distingue du matérialisme ordinaire par ses aspects dynamiques et révolutionnaires et son orientation vers la "transformation du monde". Les classes sociales : Marx définit les classes sociales par rapport à leur position et à leur rôle dans le processus de fabrication. En se fondant sur une vision antagoniste de la société et en s'inspirant de l'histoire, il a rassemblé les différents groupes en deux classes sociales principales : le prolétariat, classe dominée, et la bourgeoisie, classe dominante qui possède les moyens de production. Pour Karl Marx, une classe ne peut exister que si elle a conscience d'être une classe, d'être une “classe pour soi”. Il considère que "l'histoire de toute société est l'histoire de la lutte des classes" et que la lutte des classes conduit à la dictature du prolétariat, étape de transition vers une société sans classes. Si une classe n'a pas conscience d'être, elle est simplement une “classe en soi”. • Travail et aliénation : C'est un concept philosophique que Marx emprunte à Feuerbach. L'aliénation est la perte de soi dans un autre. Elle est pratique et non métaphysique. Les produits de l'homme échappent à son contrôle et prennent des formes abstraites qui deviennent des réalités oppressives. Il faut bien voir que pour Marx tout travail n'aliène pas. Il retient de Hegel cette idée que le travail est le propre de l'homme, qu'il est anthropogène c'est à dire qu'il fait de nous des hommes, nous distingue de l'animal. Mais, justement, ce qui caractérise le travail aliéné est qu'il perd cette fonction d'hominisation. L'aliénation présente trois aspects : -Niveau de la marchandise : à la différence de l'artisan, l'ouvrier ne produit qu'une petite partie de la marchandise et cette marchandise ne lui appartient pas. Alors qu'il s'investit dans la chose, cette partie de lui-même lui est enlevée. Pourtant, cet objet, c'est lui. L'homme " prête sa vie à son objet ". Il met quelque chose de lui dans la chose et, s'il voit dans le produit de son travail quelque chose qui lui est étranger, c'est lui-même qui devient étranger à lui. Il perd sa qualité d'homme investie dans les choses. -Niveau du travail lui-même : le travail lui-même apparaît comme étranger au travailleur. L'ouvrier ressent son travail comme quelque chose qui lui est imposé du dehors. Il a l'impression qu'il le nie au lieu de l'affirmer. Dans le travail, il ne se sent plus lui-même. Le travail n'est plus une satisfaction de soi mais un simple moyen d'assurer l'existence et la satisfaction des besoins. Dans le travail, l'ouvrier ne s'appartient plus. Il appartient à un autre (le patron). Il se sent plus libre dans ses loisirs qui se résument en fait à des fonctions animales (boire, manger, procréer, dormir) que dans ses fonctions d'homme (travailler) où il se sent bestial. " Le bestial devient l'humain et l'humain devient bestial ". • • -Niveau du travailleur : l'aliénation rend l'homme étranger à lui-même. Le travail, avons-nous dit, nous distingue de l'animal. C'est par lui que nous sommes humains, parce que nous sommes conscients de notre activité. L'homme se contemple dans le monde qu'il a créé. C'est dans la transformation que l'homme s'affirme comme homme. Autrement dit, si le travail apparaît comme étranger, l'homme perd son essence. " L'homme est rendu étranger à l'homme ". On sait combien le taylorisme (postérieur à l'analyse marxiste) a accru le phénomène d'aliénation ainsi décrit. Marx pense l'homme soumis à la machine par cette formule saisissante : " Le travail vivant est soumis au travail mort ". Le salaire de subsistance : cette notion chez Karl Marx explique les conditions de la classe ouvrière Ainsi, c'est le salaire versé aux travailleurs de manière à lui assurer le renouvellement de sa force de travail et la possibilité de se reproduire. Il suffit donc qu'il permette l'accès à un toit et à un minimum de nourriture. Il exclu toute satisfaction d'autres besoins tel que l'accès à la culture, à l'épargne ou même le besoin de luxe. Les modes de production : Combinaison d'un certain niveau des forces productives (capital et travail) et d'un type de rapports de production donné qui caractérise une société donnée à un moment de son histoire. Chaque société a un mode de production spécifique. Marx en distingue quatre (asiatique, antique, féodal, bourgeois). 3. Citations "La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple." Avec Engels, Critique de "La philosophie du droit" de Hegel, 1844 "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, il s'agit maintenant de le transformer." Thèse sur Feuerbach "Le comportement borné des hommes en face de la nature conditionne leur comportement borné entre eux." L'idéologie allemande "La production des idées, des représentations et de la conscience, est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle." L'idéologie allemande "Les ouvriers... doivent inscrire sur leur drapeau le mot d'ordre révolutionnaire: "Abolition du salariat", qui est leur objectif final." Salaire, prix et profit, rapport de 1865 à l'Internationale "Dans la famille, l'homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat." L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État "Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience." Oeuvres économiques "Le domaine de la liberté commence là où s'arrête le travail déterminé par la nécessité." "Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre." "Abolissez l'exploitation de l'homme par l'homme et vous abolirez l'exploitation d'une nation par une autre nation." "L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes." Karl Marx et Friedrich Engels - Manifeste du parti communiste "Les travailleurs n'ont pas de patrie." Karl Marx et Friedrich Engels - Manifeste du parti communiste "Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" Karl Marx et Friedrich Engels - Manifeste du parti communiste 4. Extraits “Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue luimême vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté”. Karl Marx, Le capital (1867) 5. Sujets possibles • De nos jours, l’analyse en terme de classes sociales est-elle encore pertinente ? • • • • Chez Marx, l’homme est-il un sujet individuel ou un être social ? Le travail est-il nécessaire à l’homme ? Peut-on agir sans connaitre l’histoire ? Le travail est-il libérateur ?