Tommy Bouchard-Lebrun - Supreme Court of Canada

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DEVANT LA COUR SUPRÊME DU CANADA
(En appel d’un jugement de la Cour d’appel du Québec)
Dossier No 33687
ENTRE :
TOMMY BOUCHARD-LEBRUN
APPELANT - Appelant
ET :
SA MAJESTÉ LA REINE
INTIMÉE - Intimée
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Me Véronique Robert
Me Jean Campeau
11906, Boulevard de L’Acadie
Montréal, Québec
H3M 2T7
136, rue Wright
Gatineau, Québec
J8X 2G9
Tél. :
Télec. :
Tél. :
Télec. :
514 858-8111
514 303-9689
819 772-3084
819 772-3105
[email protected]
[email protected]
Procureure de l’appelant
Correspondant de l’appelant
Guy Loisel
Me Pierre Desrosiers
382, Avenue St-Jérôme
Matane, Québec
G4W 3B3
17, rue Laurier
Gatineau, Québec
J8X 4C1
Tél. :
Télec. :
Tél. :
Télec. :
418 562-3532
418 560-8427
819 776-8111
819 772-3968
[email protected]
[email protected]
Procureur de l’intimé
Correspondant de l’intimé
TABLE DES MATIÈRES
Mémoire de l’appelant
Page
Partie I – FAITS MATÉRIELS ET PROCÉDURAUX
................................... 1

Trame factuelle
...................................... 1

Décision de première instance
...................................... 5

Décision de la Cour d’appel
...................................... 7
Partie II – QUESTION EN LITIGE

................................... 9
La Cour d’appel du Québec a-t-elle erré en droit en
refusant
de
déclarer
l’appelant
non
criminellement
responsable pour cause de troubles mentaux au motif que
la psychose dont il souffrait, bien que l’empêchant de
distinguer le bien du mal, a été déclenchée par une
intoxication volontaire?
Partie III – ARGUMENTS
...................................... 9
................................. 10

Importance des faits mis en preuve
.................................... 10

Distinction entre intoxication et psychose
.................................... 12

- Au plan juridique
.................................... 13
- Au plan clinique
.................................... 16
- Traitement jurisprudentiel
.................................... 18
Psychose toxique et trouble mental préexistant
.................................... 26
Partie IV – DÉPENS
................................. 36
Partie V – CONCLUSIONS RECHERCHÉES
................................. 37
Partie VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
................................. 38
Partie VII – DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
................................. 42
-1Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
PARTIE I – FAITS MATÉRIELS ET PROCÉDURAUX
Trame factuelle
1.
Au moment des événements, l’appelant est un jeune homme de 20 sans histoire
qui a déjà expérimenté des drogues de manière récréative et qui étudie en
charpenterie-menuiserie à Rivière-du-Loup.
2.
Les événements se sont déroulés dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 octobre
2005.
L’appelant s’est livré à des voies de fait sur deux hommes qu’il ne
connaissait pas parce que, selon lui, l’un deux personnifiait le mal. Ce dernier a
été mordu à un sein alors que le second, plus âgé, a été frappé à la tête avec un
pied et en a gardé de graves séquelles invalidantes.
3.
Déjà le jeudi précédant l’incident, l’appelant était, aux dires de sa mère, dans un
état inhabituel. Peu loquace au téléphone, tout en disant avoir du mal à se
concentrer à l’école et à avoir des choses à lui raconter1.
4.
Le dimanche suivant, vers midi, l’appelant rappelle sa mère et lui annonce, dans le
désordre, qu’il abandonne l’école, qu’il y a un tsunami à Rivière-du-Loup, qu’il doit
quitter l’endroit, qu’une copine s’est brûlée les mains sur le mur, qu’il y a des
signes dans le miroir, des gens dans l’appartement, que c’est l’apocalypse et qu’il
a jeté son modem et ses lentilles cornéennes.2
5.
Selon son complice Yohann Schmouth, l’appelant est « bizarre » dans la semaine
précédant les événements : Il parle d’exorcisme, du démon, du déluge et il met des
coquilles d’œuf dans le bain. On sait aussi qu’ils sont allés rencontrer un prêtre à
deux reprises, la première fois afin de boire de l’eau bénite3.
1
2
3
Témoignage de Diane Bouchard, Dossier de l’appelant (ci-après d.a.), vol. IV, p. 516 et 517.
Témoignage de Diane Bouchard, d.a., vol. IV, p. 518 à 521.
Témoignage de Yohann Schmouth, d.a., vol. III, p. 382 à 384; 393.
-2Mémoire de l’appelant
6.
Partie I – Faits matériels et procéduraux
La mère n’a plus de contact avec son fils jusqu’à ce qu’il la rappelle le lundi matin
du 24 octobre en lui disant de façon décousue que des choses se sont passées
pendant la nuit, qu’il s’est retrouvé dans les bois, qu’il a les mains pleines de terre
et qu’un homme est blessé.4
7.
Entre leur conversation du dimanche midi, donc, et cet appel du lundi matin,
l’appelant a attaqué messieurs Roger Dumas et Dany Lévesque. Ce dernier ayant
déjà porté « une croix à l’envers dans le cou », il devait être puni ou, à tout le
moins, exorcisé.
8.
C’est qu’à la suite de son appel du dimanche à sa mère, Tommy Bouchard-Lebrun
a pris l’autobus en direction d’Amqui avec son ami Yohann Schmouth. Ils se sont
arrêtés à Mont-Joli et ont été pris en stop pour le reste du trajet par un dénommé
Gilles Tremblay qui connaît l’appelant comme étant « le p’tit Lebrun » qu’il a « vu
grandir ».5
9.
Tommy Bouchard-Lebrun et son comparse ont donc quitté Rivière-du-Loup
ensemble, le soir du dimanche 23 octobre 2005. Selon l’appelant, et selon sa
mère, ce dernier voulait quitter la ville parce qu’il avait peur d’un déluge. Selon le
complice Yohann Schmouth, ils ont quitté parce que « Tommy y filait pas pis y
voulait [descendre] à Amqui chez sa mère »6.
10. Cependant, une fois arrivés à Amqui vers 2h00 du matin, tous deux auraient pris
un comprimé de ce que le témoin Schmouth croit être de l’ecstasy et qu’il décrit
comme une « poire bleue », après quoi l’appelant serait devenu bizarre.
L’appelant ne se souvient pas avoir pris ce comprimé d’amphétamine 7. Selon lui,
4
Témoignage de Diane Bouchard, d.a., vol. IV, p. 525.
Témoignage de Gilles Tremblay, d.a., vol. II, p. 238.
6
Témoignage de Yohann Schmouth, d.a., vol. III, p. 351.
7
Aux fins du pourvoi et comme il l’a fait en appel, l’appelant ne conteste toutefois pas cet élément de
preuve puisque le premier juge y a ajouté foi. L’appelant tient toutefois à souligner que le témoin
Schmouth n’est pas un modèle de crédibilité et que nous ne disposons d’aucune analyse sanguine pour
étayer cette portion de son témoignage.
5
-3Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
pendant la semaine, il a fumé du cannabis à quelques reprises et pris un demicomprimé de méthamphétamine le mercredi.
11. Plutôt que de continuer sa route en direction de chez ses parents, l’appelant aurait
voulu aller battre Dany Lévesque. Celui-ci est la première victime de l’appelant. Il a
été mordu au mamelon peu après que l’appelant et son ami se soient introduits
dans l’immeuble à logements où il habitait. Voulant défendre son voisin, Roger
Dumas a agrippé l’appelant qui l’a fait tomber dans les escaliers et lui a donné un
coup de pied à la tête, de haut en bas, comme quelqu’un qui veut écraser quelque
chose8.
12. Pendant l’agression, l’appelant parlait de Dieu, demandait aux témoins s’ils
croyaient en lui, s’ils croyaient au Seigneur; il leur faisait des signes de croix sur le
front et les avisait que l’apocalypse approchait.9 Le témoin Rita Bernatchez se
souvient aussi que l’appelant, après avoir frappé Roger Dumas, s’est penché au
dessus de lui pour lui annoncer que le Seigneur s’en venait le chercher10.
13. Selon la déclaration de Yohann Schmouth aux policiers, lui-même et l’appelant se
sont rendus sur une passerelle près du fleuve en quittant la scène du crime.
L’appelant se disait divin et l’a sommé de se prosterner devant lui11.
14. On sait aussi que vers 9h30 du matin, l’appelant s’est rendu chez un ami d’où il a
lui-même appelé les policiers qui sont venus le chercher.
15. La mère de l’appelant dépose que la première fois qu’elle a revu son fils après leur
courte conversation téléphonique du dimanche midi, c’est approximativement 24
8
Témoignage d’André Burdon, d.a., vol. II, p. 162.
Témoignage de Rita Bernatchez, d.a., vol. II, p. 126 et 127; Témoignage de André Burdon, d.a., vol. II,
p. 150, 151, 168, 173 et 179.
10
Témoignage de Rita Bernatchez, d.a., vol. II, p. 135.
11
Témoignage de Yohann Schmouth, d.a., vol. III, p. 414.
9
-4Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
heures plus tard au poste de police de Matane. Son fils qu’elle ne reconnaît pas lui
parlait encore du déluge et de l’apocalypse12.
16. Aux policiers qui l’ont transporté de Rimouski à Matane pour sa comparution, puis
de Matane à Rimouski pour son incarcération, avec un arrêt à l’hôpital pour des
prises de sang13, c’est-à-dire entre 14h et 18h, l’appelant tient encore des propos
qui relèvent du délire religieux. Il parle du Christ et du Démon, il prétend être un
messager venu sur la terre pour « purifier les personnes ayant une mauvaise vie »;
Il chante aussi, une chanson contenant la syllabe « JO » qui, selon lui, est la
dernière chanson que le Christ a chantée en mourant sur la croix14.
17. Son discours est à la fois saugrenu et cohérent : Cohérent parce qu’il connaît les
membres de sa famille, qu’il peut en parler intelligiblement, qu’il sait nommer les
trafiquants de stupéfiants connus des policiers, qu’il s’exprime dans un langage
clair15. Il est d’ailleurs en présence de deux policiers, dont l’un a pris des notes, a
témoigné à la Cour, en ne mentionnant nulle part qu’il aurait eu à ce moment les
symptômes d’une personne intoxiquée.
18. Cohérent donc, mais saugrenu parce qu’il explique aux policiers qu’il a été forcé de
s’attaquer à la victime Roger Dumas puisque ce dernier « n’a pas voulu
[l]’écouter » et qu’il a tenté de l’empêcher de poursuivre sa « mission » qui était de
« purifier Pee-Wee Lévesque »16.
19. La mère de l’appelant raconte qu’encore dans les jours suivants le drame,
lorsqu’elle visite son fils à la prison, il dit s’appeler Dominique Legrand et tient le
même discours déconnecté qu’elle a entendu au téléphone et au poste de police
de Matane17. Ces propos sont corroborés par une gardienne de prison, une dame
12
Témoignage de Diane Bouchard, d.a., vol. IV, p. 529.
Les résultats ces prises de sang n’ont jamais été produits et le ministère public n’a jamais utilisé ces
résultats pour étayer une quelconque preuve d’intoxication.
14
Témoignage du policier Gilles Lavoie, d.a., vol. IV, p. 479 et 480.
15
Id., p. 492 et 493.
16
Id., p. 481.
17
Témoignage de Diane Bouchard, d.a., vol. IV, p. 531 à 533.
13
-5Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
Gagnon, qui a témoigné à l’effet que Tommy Bouchard-Lebrun signait dévotement
les gens à la prison encore quelques jours après cette nuit du 23 au 24 octobre.18
Décision de première instance
20. En première instance, le psychiatre appelé à témoigner en défense, le docteur
Roger Turmel, est celui qui a vu l’accusé le 28 octobre 2005 pour évaluer son
aptitude à subir son procès, et qui l’a revu le 4 novembre de la même année
concernant sa responsabilité criminelle.
21. Ce psychiatre est d’avis que l’appelant a souffert d’une psychose brève causée par
une multitude de facteurs, dont l’influence néfaste de son ami, la privation de
sommeil, la prise de stupéfiants, une fragilité inhérente dû à une personnalité
schizotypale, une fragilité héréditaire de la lignée paternelle19 et un intérêt marqué
pour la religion et le spiritisme, intérêt que le médecin juge particulier chez un
jeune homme de son âge qui n’a pas grandi dans une famille pratiquante20.
22. Le psychiatre Sylvain Faucher a témoigné pour la Couronne. Il opine plutôt que
l’appelant a souffert d’un trouble psychotique induit par une substance21.
La
psychiatrie n’étant pas une science exacte, il ne peut pas exclure à 100% la
psychose brève ni la psychose partagée22, mais il explique qu’elles sont beaucoup
plus rares que la psychose toxique23.
18
Témoignage du Dr. Roger Turmel, d.a., vol. V, p. 799. Pour une raison inconnue, l’appelant n’a jamais
pu avoir accès au témoignage de cette dame. On sait que le premier juge trouvait son témoignage sans
intérêt (d.a., vol. VI, p. 984) mais on ignore pourquoi le support audio de ce témoignage est introuvable.
L’appelant trouve ce témoignage essentiel : il fait état d’un désordre psychotique qui a excédé les effets
de la drogue dans le sang de l’accusé.
19
Rapports du Dr. Turmel du 28 octobre et du 4 novembre 2005, d.a., vol. VII, p. 1132 et 1135;
Témoignage du Dr. Turmel, d.a., vol. V, p. 803 et vol. VI, p. 913.
20
Témoignage de Diane Bouchard, d.a., vol. IV, p. 547 à 554; Témoignage du Dr. Turmel, d.a., vol. VI, p.
896 et 897.
21
Rapport d’expertise du Dr. Sylvain Faucher, d.a., vol. VII, p. 1138.
22
Témoignage du Dr. Faucher, d.a., vol. VI, p. 960.
23
Id., p. 966.
-6Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
23. Le docteur Faucher s’inscrit en faux contre les conclusions du Dr. Turmel selon
lesquelles l’appelant aurait une personnalité de type schizotypal.
Selon lui,
l’appelant aurait plutôt une personnalité histrionique. Il ajoute toutefois que cela ne
change rien aux données puisque ces deux troubles
de la personnalité
prédisposent aux psychoses, qu’il s’agisse de psychoses toxiques, brèves,
partagées ou de tout autre trouble psychotique.
Parmi les 10 troubles de la
24
personnalité répertoriés dans le DSM-IV TR , cinq ou six rendent le sujet à risque
de développer des désordres psychotiques au cours de sa vie. La personnalité
histrionique et la personnalité schizotypale sont de celles-là. 25
24. Même raisonnement sur la question de la vulnérabilité familiale provenant de la
lignée paternelle : le docteur Faucher explique qui si elle prédispose à la psychose
brève, elle prédispose aussi à la psychose toxique26.
25. Chose certaine, pour le Docteur Turmel comme pour le Docteur Faucher, le patient
souffrait d’une psychose sévère au moment des événements, une psychose si
sévère qu’il ne pouvait pas savoir que les gestes commis étaient mauvais. Jamais
le psychiatre n’émet l’idée que le patient aurait agi en raison de son intoxication et
non de sa psychose, ou encore que la psychose n’était pas suffisamment
importante pour qu’il ne sache plus distinguer le bien du mal. L’opinion du Dr.
Faucher est juridique : N’eût été de l’article 33.1 qui le prive de toute défense en
raison du caractère volontaire de l’intoxication, les critères de l’article 16 étaient
remplis et l’appelant aurait pu être excusé.
26. En effet, dans son rapport écrit, Le Dr. Faucher avance que l’appelant, bien qu’il ait
été en proie à un trouble psychotique sérieux, ne pouvait soulever une défense de
troubles mentaux puisque son intoxication a été volontaire27. Le psychiatre avance
aussi, en témoignant, qu’une fois établie la psychose grave qui affectait l’appelant
24
American Psychiatric Association, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth edition
- Text Revision (DSM-IV, TR), Washington DC, American Psychiatric Association, 2000 (ci-après appelé :
« DSM-IV »). Recueil des sources de l’appelant (ci-après appelé : « r.s.a. »), vol. III, onglet 35.
25
Témoignage du Dr. Faucher., d.a., vol. VII, p. 1060 à 1063.
26
Id., d.a., vol. VI, p. 962.
27
Expertise psychiatre – Dr. Sylvain Faucher, d.a., vol. VII, p. 1147.
-7Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
au moment des faits reprochés, il « reste à savoir si la prise des toxiques a été
volontaire de la part de monsieur Bouchard-Lebrun ou involontaire…».
27. L’honorable juge Decoste a retenu cette opinion juridique du psychiatre Faucher
sans s’appuyer sur quelque autorité jurisprudentielle ou doctrinale, sinon l’arrêt
Daley28de cette Cour qui traite d’intoxication sans égard à la défense de troubles
mentaux.
Décision de la Cour d’appel
28. L’appelant s’est pourvu en appel contre cette décision et, dans un jugement étoffé,
la Cour a rejeté ses prétentions dans les termes suivants : « La proposition de
l’appelant aurait pour effet de vider l’article 33.1 C.cr. de son sens et aussi de
mettre de côté le vœu, clairement exprimé par le législateur, d’empêcher un
individu qui, par sa consommation volontaire de drogues ou d’alcool atteint un état
d’intoxication extrême, de se soustraire à sa responsabilité criminelle.
En
l’absence de contestation constitutionnelle, l’intention consacrée dans un texte
législatif doit prévaloir »29.
29. L’appelant soumet respectueusement que la Cour d’appel commet sensiblement la
même erreur que le premier juge.
30. D’une part, la psychose induite par une substance n’est pas toujours reliée au
caractère « extrême » d’une prise de stupéfiants. La quantité n’est qu’un facteur
parmi tous ceux qui rendent un sujet à risque de développer une psychose30. Qui
plus est, le scénario de consommation dressé par les témoignages ne permet pas
de conclure que l’appelant était extrêmement intoxiqué et aucune preuve matérielle
ne confirme le degré de cette intoxication.
28
R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523, r.s.a., vol. I, onglet 3.
Décision de la Cour d’appel, par. 79, d.a., vol. I, p. 47.
30
Témoignage du Dr. Turmel, d.a., vol. VI, p. 795, 796, 801 à 804; Voir aussi CATON, Carol L. & als,
« Difference Between Early-Phase Primary Psychotic Disorder With Concurrent Substance Use and
Substance-Induced Psychoses », (2005) Arch, Gen. Psychiatry, 137, r.s.a., vol. III, onglet 28.
29
-8Mémoire de l’appelant
Partie I – Faits matériels et procéduraux
31. D’autre part, si le vœu du législateur en 1995 avait été de contrecarrer la défense
de troubles mentaux, il l’aurait énoncé. Ni l’article 33.1, ni son préambule, ne
réfère aux troubles mentaux pouvant résulter d’une intoxication31.
En outre,
l’article 16 est demeuré inchangé.
31
Préambule du projet de loi C-72 (Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire), Elizabeth II,
Ch. 32, sanctionné le 13 juillet 1995, r.s.a., vol. III, onglet 36.
-9Mémoire de l’appelant
Partie II – Question en litige
PARTIE II – QUESTION EN LITIGE
La Cour d’appel du Québec a-t-elle erré en droit en refusant de déclarer l’appelant
non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux au motif que la
psychose dont il souffrait, bien que l’empêchant de distinguer le bien du mal, a
été déclenchée par une intoxication volontaire?
32. Pour conclure que l’adoption de l’article 33.1 du Code criminel canadien interdisant
la défense d’intoxication volontaire à l’encontre d’une accusation pour un crime
violent d’intention générale est venue contrecarrer la défense de trouble mental
lorsque ce dernier est occasionné par une prise de substances, la Cour d’appel
s’est mal dirigée de trois manières :
33. D’abord, la Cour a escamoté complètement les éléments de preuve essentiels,
éludant ainsi les symptômes psychotiques de l’appelant avant et après l’incident et
minimisant la psychose aigue qu’il vivait pendant qu’il attaquait les victimes. Les
faits tels que narrés par la Cour d’appel se limitent à la prise de stupéfiants et aux
voies de fait, de sorte que l’appelant ne peut être qu’intoxiqué. La défense de
trouble mental devient illusoire.
34. Ensuite, la Cour d’appel confond l’intoxication et la psychose au sens médical tout
comme elle confond la défense d’intoxication volontaire et la défense de troubles
mentaux au sens juridique. Ce faisant, la Cour d’appel infère que l’article 33.1 a
modifié la défense de troubles mentaux.
35. Enfin, la Cour d’appel a lu la jurisprudence canadienne en matière de psychose
toxique erronément en l’interprétant comme ayant accepté la défense de psychose
toxique uniquement lorsque le défendeur est un utilisateur chronique de
substances qui auraient causé un ravage permanent sur sa condition mentale, ou
encore un individu souffrant préalablement d’une maladie mentale.
- 10 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
PARTIE III – ARGUMENTS
Importance des faits mis en preuve
36. Dans toute affaire relative à une défense de trouble mental, la trame factuelle est
essentielle pour que les psychiatres puissent émettre une opinion diagnostique.
37. Mais puisque le concept de « trouble mental » est un concept juridique, cette trame
factuelle, qui se dessine grâce à la preuve testimoniale bien souvent, est aussi
essentielle au juriste qui doit décider, à la lumière des opinions psychiatriques, si
les critères de l’article 16 sont remplis.
38. Il est étonnant de lire, au début de la décision de la Cour d’appel « qu’aux fins du
présent appel, il suffit de savoir que l’appelant et Yohann Schmouth, une de ses
connaissances, ont fumé de la marijuana et pris des amphétamines, le 23 octobre
2005 ». Le seul autre fait rapporté est la commission du crime. Avec respect, cette
lecture du contexte de l’incident est bien loin de la réalité.
39. Les événements qui se sont déroulés dans la semaine du 17 octobre jusqu’au jour
du drame le 24 octobre ne laissent place à aucun doute sur l’état de déséquilibre
psychique dans lequel se trouvait l’appelant, déséquilibre qui a culminé en une
phase aigue de psychose le 24 octobre,
pour s’amenuiser jusqu’à s’éteindre
presque complètement lors de la visite au Docteur Turmel du 28 octobre. La Cour
d’appel a choisi de n’en pas traiter, de sorte que l’accusé n’a aucune défense : il
s’est volontairement intoxiqué, le reste ne compte pas.
40. Sans revenir sur les faits de manière élaborée, il est intéressant de résumer la
section du rapport écrit du docteur Faucher où il résume ainsi l’histoire :32
32
Expertise psychiatrique du Dr. Sylvain Faucher, d.a., vol. VII, p. 1141.
- 11 Mémoire de l’appelant
-
Partie III – Arguments
Le 20 octobre, alors que Yohann Schmouth est hébergé par l’appelant depuis
quelques jours, ce dernier commence à « se sentir bizarre ». Il commence
même à croire aux propos étranges de son colocataire;
-
Le 21 octobre, il se rend quand même à ses cours mais n’a pas de
concentration, il est envahi par la voix de son ami (hallucinations auditives), et à
son retour à la maison il voit les mêmes phénomènes anormaux que ses amis
prétendaient voir jusque là (hallucinations visuelles);
-
Le 22 et le 23 octobre, ces phénomènes mentaux sont exacerbés;
-
Le matin du 24 octobre, il prend un comprimé de « poire bleue » et le délire
religieux devient aigu, tous les témoignages en font foi;
-
À compter du 28 octobre, il commence à se sentir mieux.
41. Autres éléments de preuve fondamentaux dont la Cour d’appel n’a pas tenus
compte: le caractère mystique de l’appelant, son éventuel trouble de la
personnalité (schizotypale pour le Dr Turmel et histrionique pour le Dr. Faucher)33,
les problèmes de santé mentale présents dans son hérédité paternelle34, le
manque de sommeil dans la semaine précédant le drame35.
42. Il s’agit-là de considérations utiles aux psychiatres pour diagnostiquer un trouble
psychotique, et il s’agit aussi de considérations importantes pour le juriste qui
devra décider si les critères de l’article 16 sont remplis dans le contexte particulier
33
ARENDT, M., R. ROSENBERG, L. FOLDAGER, G. PURTO et P. MUNK-JØRGENSEN, « CannabisInduced Psychosis and Subsequent Schizophrenia-Spectrum Disorders : Follow-up Study of 535 Cases»,
(2005) British Journal of Psychiatry 187, 510-515, r.s.a., vol. III, onglet 25.
34
ARENDT, M., P. MORTENSEN, R. ROSENBERG, L. FOLDAGER, C. PEDERSEN, «Familial
Predisposition for Psychiatric Disorder – Comparison of Subjects Treated for Cannabis-Induced Psychosis
ans Schizophrenia», (2008) Arch, Gen. Psychiatry 65 (11), 1269-1274, r.s.a., vol. III, onglet 26; CATON,
Carol L. & als, « Difference Between Early-Phase Primary Psychotic Disorder With Concurrent Substance
Use and Substance-Induced Psychoses », (2005) Arch, Gen. Psychiatry, 137, r.s.a., vol. III, onglet 28.
35
Voir à cet effet People v. Skinner, 185 Cal. App. 3d 1050, 228 Cal, Rptr 652, à la page 6, l’opinion d’un
psychiatre sur la psychose induite par la cocaïne : « Lack of sleep would greatly aggravate the
condition », r.s.a., vol. II, onglet 20.
- 12 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
de la défense de troubles mentaux survenus à la suite de consommation de
substances psychotropes36.
43. Ceci est tellement vrai que, dans le débat entourant le concept de « settled
insanity » aux États-Unis, l’expert en psychiatrie légale J. Reid Meloy, a soumis
l’idée que cette notion floue de « settled insanity » soit remplacée par une analyse
uniquement fondée sur les vulnérabilités de l’accusé :
I argue that his definition is tautological and arbitrary and propose a new
definition of « settled insanity » based only upon a demonstrates predisposition
to psychosis »37
44. L’auteur ajoute plus loin :
How can an individual who voluntarily took drugs be found insane? Despite the
individual’s voluntary ingestion of drugs, his biological proneness to psychosis is
beyond his volitional control and therefore becomes the most salient factor in his
exculpation.38
45. Car la préoccupation morale de condamner le geste volontaire d’intoxication peut
difficilement se justifier lorsque cette intoxication déclenche une maladie latente.
Distinction entre intoxication et psychose
46. L’intoxication, et les dérangements y afférant, sont bien définis en médecine. Sont
aussi bien définis les troubles d’ordre psychotique, qu’ils soient ou non apparus
dans le contexte d’une ingestion d’alcool ou de drogues.
36
L’appelant peut-il reprocher à la Cour d’appel de ne pas avoir considéré un fait que le premier juge
comme les psychiatres ont omis de commenter. Car l’appelant est préoccupé par le fait que jamais dans
ce dossier on n’a retenu cette partie du témoignage de Diane Bouchard où elle raconte que son fils a été
hospitalisé à 11 ans pour des terreurs nocturnes. Des terreurs nocturnes ne sont pas des cauchemars, et
une hospitalisation à 11 ans pour cette raison n’est pas banale. Témoignage de Diane Bouchard, d.a.,
vol. IV, p. 570 et 571.
37
MELOY, J.R., « Voluntary Intoxication and the Insanity Defense », 20 J. Psychiatry & L. 439, 1992, p.
439, r.s.a., vol. III, onglet 33.
38
Id., p. 452.
- 13 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
47. L’intoxication comme moyen de défense fait l’objet de nombreuses décisions en
droit criminel canadien. Fait aussi l’objet d’études et de décisions la défense de
trouble mental.
48. La psychose toxique est un trouble mental. La psychose toxique n’est pas une
conséquence normale de l’intoxication, ni de l’intoxication extrême, même si
l’élément déclencheur ou contributif de cette psychose est la prise d’une
substance.
-
Au plan juridique
49. L’article 16 du Code criminel est ainsi rédigé :
Troubles mentaux39
16. (1) La responsabilité criminelle d’une personne n’est pas engagée à
l’égard d’un acte ou d’une omission de sa part survenu alors qu’elle était atteinte
de troubles mentaux qui la rendaient incapable de juger de la nature et de la
qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était
mauvais. (nous soulignons)
Présomption
(2) Chacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature
à ne pas engager sa responsabilité criminelle sous le régime du paragraphe (1);
cette présomption peut toutefois être renversée, la preuve des troubles mentaux
se faisant par prépondérance des probabilités.
Charge de la preuve
(3) La partie qui entend démontrer que l’accusé était affecté de troubles
mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle a la charge de
le prouver.
50. Alors que l’article 33.1 établit ceci :
INTOXICATION VOLONTAIRE
Non-application du moyen de défense
39
er
L.R. (1985), ch. C-46, art. 16; L.R. (1985), ch. 27 (1 suppl.), art. 185(F); 1991, ch. 43, art. 2.
- 14 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
33.1 (1) Ne constitue pas un moyen de défense à une infraction visée au
paragraphe (3) le fait que l’accusé, en raison de son intoxication volontaire,
n’avait pas l’intention générale ou la volonté requise pour la perpétration de
l’infraction, dans les cas où il s’écarte de façon marquée de la norme de
diligence énoncée au paragraphe (2).
Responsabilité criminelle en raison de l’intoxication
(2) Pour l’application du présent article, une personne s’écarte de façon
marquée de la norme de diligence raisonnable généralement acceptée dans la
société canadienne et, de ce fait, est criminellement responsable si, alors qu’elle
est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maîtriser
consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou
menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité
physique d’autrui.
Infractions visées
(3) Le présent article s’applique aux infractions créées par la présente loi ou
toute autre loi fédérale dont l’un des éléments constitutifs est l’atteinte ou la
menace d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ou toute forme de voies
de fait. (Nous soulignons)
51. Force est de conclure que ces dispositions ne traitent pas des mêmes notions. La
défense d’intoxication repose sur le défaut de volonté, sur la défection de la
conscience, sur la difficulté à se maîtriser. La défense d’aliénation mentale est
plutôt tributaire d’une incapacité de juger de la qualité de ses actes ou de
distinguer le bien du mal. En cas de psychose, la conscience demeure aiguisée,
mais la réalité n’est plus la même.
52. Le professeur Hugues Parent l’illustre bien :
Les troubles psychotiques induits par une substance « excèdent les effets
normaux de l’intoxication (…) L’intoxication est donc le support de la maladie,
l’étincelle qui, en déstabilisant la délicate mécanique du cerveau, met en branle
40
l’apparition de symptômes psychotiques. »
(…)
L’état psychotique n’entraîne pas de diminution de la conscience, mais une
altération de la réalité.41
40
e
PARENT, Hugues, Traité de droit criminel - tome 2, 3 édition, Thémis, 2008, p. 133, r.s.a., vol. III,
onglet 23.
41
Id., p. 134,135.
- 15 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
53. La Cour d’appel du Québec juge que l’appelant fait erreur en parlant
d’imprévisibilité de la psychose comme conséquence de l’intoxication puisque,
suivant le témoignage du Docteur Sylvain Faucher, les consommateurs de
psychostimulants ont 13 % de risques de développer une psychose. Un chiffre qui
monte à 50% dans le cas des consommateurs de PCP42.
54. Trois choses. D’abord, en témoignant de ces chiffres, le docteur Faucher n’énonce
pas ses sources43. Ensuite, ne citant ni ses sources ni la méthodologie, on ne
connait pas le type de psychostimulants ni le type d’usagers dont il est question.
Enfin, et c’est le plus important, ce n’est pas parce que statistiquement une chose
peut se produire que cette chose est normale et encore moins souhaitée.
L’appelant maintient que la psychose n’est pas un effet attendu de l’intoxication, a
fortiori pour le consommateur profane qui ignore même avoir des prédispositions
aux troubles psychotiques.
55. Chose certaine, tous les consommateurs d’alcool ou de drogue ne vivront pas
d’épisode psychotique44. L’ivrogne qui n’a aucune fragilité inhérente fera un coma
éthylique avant de souffrir d’un trouble psychotique; le cocaïnomane abusif subira
un infarctus avant de souffrir d’un trouble psychotique. Autrement dit, l’individu
sans prédisposition fera une surdose avant de faire une psychose.
56. L’arrêt Daley45 de cette Cour a énuméré les trois niveaux d’intoxication reconnus
en droit canadien : légère, avancée et extrême (s’apparentant à l’automatisme)46.
Le désordre psychotique induit par une substance toxique n’entre dans aucune de
ces catégories.
42
43
44
45
46
Jugement de la Cour d’appel, d.a., vol. I, p. 34.
Témoignage du Dr. Sylvain Faucher, d.a., vol. VI, p. 967.
Témoignage du Dr. Turmel, d.a., vol. VI, p. 866.
R. c. Daley, préc., note 28.
Id., par. 41 à 43.
- 16 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
57. Commentant l’entrée en vigueur de l’article 33.1 au Code criminel, le juge
Bastarache dit ceci :
Neuf mois après le prononcé de Daviault, le législateur a réagi en édictant
l’art. 33.1 du Code criminel afin que ceux qui pouvaient se prévaloir de la défense
décrite dans cet arrêt continuent d’être reconnus coupables des mêmes crimes
violents d’intention générale qu’avant la décision. Cette disposition semble
modifier le droit de manière à ce que l’intoxication extrême entraînant
l’automatisme ou l’absence de volonté ne puisse être invoquée qu’à l’égard des
infractions ne comportant pas « [d]’atteinte ou [de] menace d’atteinte à l’intégrité
physique d’une personne, ou toute forme de voies de fait » : par. 33.1(3) du
Code.47
58. Faut-il souligner que « ceux qui pouvaient se prévaloir de la défense décrite dans
cette arrêt » sont ceux qui pouvaient se prévaloir de la défense d’intoxication, et
non de troubles mentaux. Faut-il souligner aussi que le juge Bastarache ne traite
aucunement des gestes volontaires d’intoxication ayant occasionné ou favorisé
l’apparition de troubles psychotiques mais d’intoxication pure et simple.
-
Au plan clinique
59. Au chapitre intitulé « Schizophrenia and Other Psychotic Disorders », le DSM-IV
TR48, fournit ceci, comme premier critère du « substance-Induced Psychotic
Disorder » :
A. Prominent hallucinations or delusions. Note : Do not include hallucinations
if the person has insight that they are substance induced.49
60. Une personne qui consomme un hallucinogène sait qu’elle hallucine. Une
personne qui boit de l’alcool reconnait la sensation d’ivresse. La personne en état
de psychose croit en ses hallucinations et ne les relie pas à sa consommation,
pour la simple raison que la maladie mentale s’est installée. La réalité est ailleurs,
la vérité est autre.
Mais la victime d’un désordre psychotique ne le sait pas,
contrairement à celui qui ressent les effets normaux d’une substance psychotrope.
47
Id., par. 39
Préc., note 24.
49
Id., p. 342.
48
- 17 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
61. Les autres critères établis par le DSM-IV pour déceler la psychose induite sont les
suivants et sont tous pertinents pour distinguer la maladie mentale de
l’intoxication :
B. There is evidence from the history, physical examination, or laboratory
findings of either (1) or (2): (1) the symptoms in Criterion A developed during, or
within a month of, Substance Intoxication or Withdrawal (2) medication use is
etiologically related to the disturbance
C. The disturbance is not better accounted for by a Psychotic Disorder that is not
substance induced. Evidence that the symptoms are better accounted for by a
Psychotic Disorder that is not substance induced might include the following: the
symptoms precede the onset of the substance use (or medication use); the
symptoms persist for a substantial period of time (e.g., about a month) after the
cessation of acute withdrawal or severe intoxication, or are substantially in
excess of what would be expected given the type or amount of the substance
used or the duration of use; or there is other evidence that suggests the
existence of an independent non-substance-induced Psychotic Disorder (e.g., a
history of recurrent non-substance-related episodes).
D. The disturbance does not occur exclusively during the course of a delirium.
Note: This diagnosis should be made instead of a diagnosis of Substance
Intoxication or Substance Withdrawal only when the symptoms are in excess of
those usually associated with the intoxication or withdrawal syndrome and when
the symptoms are sufficiently severe to warrant independent clinical attention.50
62. Par ailleurs, l’intoxication, l’état d’intoxication usuel, fait aussi partie des sujets
traités dans le DSM-IV au chapitre intitulé « Substance-Related Disorder ». Pour
chaque substance51, plusieurs désordres possibles dont la dépendance, l’abus,
l’intoxication et le sevrage. Seules l’intoxication au cannabis et l’intoxication aux
amphétamines nous intéressent ici :
Amphetamine Intoxication52: A. Recent use of amphetamine or a related
substance (e.g., methylphenidate). B.
Clinically significant maladaptive
behavioral or psychological changes (e.g., euphoria or affective blunting;
changes in sociability; hypervigilance; interpersonal sensitivity; anxiety, tension,
or anger; stereotyped behaviors; impaired judgment; or impaired social or
occupational functioning) that developed during, or shortly after, use of
50
Id.
Alcool, amphétamines, caféine, cannabis, cocaïne, hallucinogènes, solvants volatiles, nicotine,
opiacées, phencyclidine, sédatifs, hypnotiques, anxiolytiques.
52
DSM-IV TR, préc., note 24, p. 227.
51
- 18 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
amphetamine or a related substance. C. Two (or more) of the following,
developing during, or shortly after, use of amphetamine or related substance:
(1)
tachycardia or bradycardia (2)
pupillary dilation (3)
elevated or
lowered blood pressure (4)
perspiration or chills (5)
nausea or vomiting
(6)
evidence of weight loss (7)
psychomotor agitation or retardation (8)
muscular weakness, respiratory depression, chest pain, or cardiac arrhythmias
(9)
confusion, seizures, dyskinesias, dystonias, or coma D. The symptoms
are not due to a general medical condition and are not better accounted for by
another mental disorder.
Cannabis intoxication53: A. Recent use of cannabis B. Clinically significant
maladaptive behavioral or psychological changes (e.g., impaired motor
coordination, euphoria, anxiety, sensation of slowed time, impaired judgment,
social withdrawal) that developed during, or shortly after, cannabis use. C. Two
(or more) of the following signs, developing within 2 hours of cannabis use:
(1)
conjuctival injection (2)
increased appetite (3)
dry mouth (4)
tachycardia D. The symptoms are not due to a general medical condition and
are not better accounted for by another mental disorder.
63. En médecine donc, nous ne trouvons aucune allusion à la psychose comme
symptôme propre de l’intoxication. Il faut aller au chapitre sur la schizophrénie et
les autres troubles psychotiques pour retrouver la notion de psychose toxique.
64. Les critères de diagnostique différentiel entre les deux problématiques que sont
l’intoxication et la psychose sont encore plus éloquents:
A diagnosis of Substance-Induced Psychotic Disorder should be made instead
of a diagnosis of Substance Intoxication (...) when the psychotic symptoms are
judged to be excess of those usually associated with the intoxication (...) and
when the symptom are sufficiently severe to warrant independent clinical
attention.
Individals intoxicated with stimulants, cannabis, the opioid
meperidine, or phencyclidine (...) may experience altered perceptions (...) that
they recognize as drug effects.54
-
Traitement jurisprudentiel
65. L’appelant soutient que « les états volontairement provoqués par l’alcool ou les
stupéfiants » exclus par le juge Dickson de sa définition des troubles mentaux dans
l’arrêt Cooper55 sont ceux que le DSM-IV TR classe dans la catégorie des
53
54
55
Id., p. 238.
Id., p. 341.
R. c. Cooper, [1980] 1 R.C.S. 1149, r.s.a., vol. I, onglet 2.
- 19 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
«Substance-Related Disorders » et non ceux qui se trouvent à la section
« Schizophrenia and Other Psychotic Disorders »:
En bref, on pourrait dire qu’au sens juridique, «maladie mentale» comprend
toute maladie, tout trouble ou tout état anormal qui affecte la raison humaine et
son fonctionnement à l’exclusion, toutefois, des états volontairement provoqués
par l’alcool ou les stupéfiants, et des états mentaux transitoires comme l’hystérie
ou la commotion. Afin d’appuyer une défense d’aliénation mentale, la maladie
doit, bien sûr, être d’une intensité telle qu’elle rende l’accusé incapable de juger
la nature et la qualité de l’acte violent ou de savoir qu’il est mauvais56.
66. Concernant cette exclusion de l’intoxication volontaire, le professeur Simon
Verdun-Jones et la doctorante en criminologie Michelle S. Lawrence, dans un
document préparé en vue d’un colloque qui se tiendra à Vancouver en avril 2011,
parlent d’un obiter dictum :
Dickson J.’s reference to self-induced intoxication is strictly obiter. The facts of
that case did not include allegations of substance-induced psychosis or any
other substance-related disorder57.
67. Les auteurs ajoutent, à juste titre, que l’enseignement de la Cour suprême du
Canada dans Cooper s’inscrivait dans la lignée de l’affaire Rabey58 qui portait sur
l’automatisme et dans laquelle on peut lire clairement que l’exclusion ne s’applique
pas aux cas où l’alcool ou la drogue ont provoqué une maladie mentale.
57. In R. v. Quick; R. v. Paddison (1973), Cr. App.R. 722, the English Court of
Appeal (Criminal Division) held that automatism due to hypoglycaemia, a
condition brought about where there is more insulin in the bloodstream than the
amount of sugar there can cope with, was not caused by “disease of the mind”,
but by the accused’s use of insulin prescribed by his doctor. Lawton, L.J.,
delivering the judgment of the Court said, at p. 734:
Our task has been to decide what the law means now by the words
“disease of the mind.” In our judgment, the fundamental concept is of a
malfunctioning of the mind caused by disease. A malfunctioning of the
56
57
58
Id., p. 1159.
LAWRENCE, Michelle S. et Simon VERDUN-JONES, «Substance-Induced Psychosis and Criminal
Responsibility» (Paper to be presented to the 7th Annual Pacific Forensic Psychiatry Conference,
Vancouver, 1 April 2011 [non publié], p. 11, r.s.a., vol. III, onglet 31.
R. c. Rabey, 1977 CanLII 48 (ON C.A.), r.s.a., vol. II, onglet 17.
- 20 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
mind of transitory effect caused by the application to the body of some
external factor such as violence, drugs, including anaesthetics, alcohol
and hypnotic influences cannot fairly be said to be due to disease.
58. The above passage, of course, is subject to the distinction, previously
pointed out, where alcoholic excess or drug abuse has brought about a disease
of the mind. 59
68. L’arrêt Rabey a été confirmé par cette Cour
60
sans qu’aucun commentaire ne soit
fait sur cette question de maladie mentale provoquée par l’usage de drogue ou
d’alcool, ni par la majorité, ni par la dissidence.
69. Au contraire, dans sa dissidence, le juge Dickson écrit ceci :
Comme dans tous les autres aspects du droit pénal, mis à part les infractions de
négligence, l’examen porte sur l’état d’esprit réel de l’accusé. Le droit
s’intéresse à son état mental subjectif. S’il a un crâne fragile et subit une
commotion qui provoque une crise de folie, alors il a une défense d’automatisme
valide. S’il a un métabolisme irrégulier qui provoque une réaction imprévue et
violente à une drogue, il ne sera pas tenu responsable de ses actes.61
70. C’est donc dire que, six mois après avoir rendu l’arrêt Cooper et sa fameuse
définition des troubles mentaux, le juge Dickson a énoncé qu’un individu au
métabolisme défaillant n’est pas responsable de ses actes s’il agit en raison d’une
réaction imprévue et violente à une drogue. L’appelant soumet qu’il s’agit-là d’une
démonstration patente que le juge Dickson, dans Cooper, n’a pas voulu exclure les
maladies mentales provoquées par l’alcool ou les drogues.
71. Certes, l’article 33.1 n’avait pas encore été adopté à l’époque, mais puisque cette
définition du trouble mental, et l’exclusion qu’on lui connait, sont toujours celles qui
prévalent aujourd’hui, ce commentaire est éclairant.
59
60
61
Id., par. 57-58, le juge Martin.
R. c. Rabey, [1980] 2 R.C.S. 513, r.s.a., vol. II, onglet 18.
Id., p. 548.
- 21 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
72. Éclairant surtout que l’article 33.1, on le sait, est né en réaction aux tollés publics
contre l’arrêt Daviault62 dans lequel cette Cour avait remis en question les règles
de l’arrêt Leary63 suivant lesquelles l’intoxication volontaire n’est jamais une
défense en cas de crime contre la personne, sauf pour nier l’intention spécifique.
73. L’appelant rappelle qu’en adoptant l’article 33.1, le législateur est revenu à la règle
de Leary, laquelle n’avait jamais exclu la défense de trouble mental provoqué par
une intoxication, la jurisprudence canadienne faisant suite à l’arrêt Leary en fait
foi64.
L’appelant soutient aussi qu’en adoptant l’article 33.1, le législateur a
endossé la position des juges dissidents dans Daviault qui jugeaient que, pour des
motifs d’ordre public et moral, le crime commis en raison d’une intoxication
volontaire, même extrême, devait être condamné et puni.
74. Toutefois, ces mêmes juges dissidents, sous la plume du juge Sopinka, ont
nommément prévu que la psychose toxique demeurait un moyen de défense en
vertu de l’article 16:
Une deuxième solution de rechange à la règle de l'arrêt Leary serait de traiter les
cas d'extrême intoxication comme s'il s'agissait d'aliénation mentale. Il me faut
rappeler qu'au procès comme en appel, l'avocat de l'appelant a concédé qu'il n'y
avait aucune preuve qui permette d'établir que l'appelant souffrait d'aliénation
mentale. À mon avis, cette concession était fondée puisque, selon l'état actuel du
droit, la preuve ne permettait pas de conclure que l'appelant souffrait d'aliénation
mentale.
Pour appuyer la défense d'aliénation mentale, l'accusé doit prouver qu'il souffrait
d'une maladie mentale. La consommation d'alcool ou de stupéfiants peut conduire
à un état comme le delirium tremens et à certaines autres psychoses qui
constituent des maladies mentales. C'est ce qui est établi clairement par la
première proposition formulée par lord Birkenhead dans l'arrêt Beard, précité, de
même que dans des arrêts comme R. c. Malcolm, (1989), 50 C.C.C. (3d) 172
(C.A. Man.); R. c. Mailloux, (1985), 25 C.C.C. (3d) 171 (C.A. Ont.), conf. par [1988]
2 R.C.S. 1029, et R. c. Hilton (1977), 34 C.C.C. (2d) 206 (C.A. Ont.). Toutefois, en
règle générale, l'expression «maladie mentale» ne comprend pas les états
d'intoxication volontaire causés par l'alcool ou les stupéfiants: Cooper c. La Reine,
62
R. c. Daviault, [1994] 3 R.C.S. 63, r.s.a., vol. I, onglet 4.
R. c. Leary, [1978] 1 R.C.S. 29, r.s.a., vol. II, onglet 13.
64
R. c. Malcolm, (1989), 50 C.C.C. (3d) 172 (C.A. Man.), r.s.a., vol. II, onglet 15; R. c. Mailloux, (1985), 25
C.C.C. (3d) 171 (C.A. Ont.), conf. par [1988] 2 R.C.S. 1029, r.s.a., vol. II, onglet 14, et R. c. Hilton (1977), 34
C.C.C. (2d) 206 (C.A. Ont.), r.s.a., vol. I, onglet 9.
63
- 22 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
[1980] 1 R.C.S. 1149, à la p. 1159, le juge Dickson (plus tard Juge en chef). 65
75. La Cour d’appel du Manitoba unanime est allée dans le même sens dans l’arrêt
Malcolm en 1989 portant sur le delirium tremens. Pour la Cour unanime, le juge
O’Sullivan écrit :
The exclusion by Dickson, J. of "self-induced states caused by alcohol" was no
more than a cautionary one. The exclusion was intended, as I understand the
judgment as a whole, to ensure that his view as to the meaning of "disease" was
not misunderstood and inappropriately expanded to include the ordinary effects
of drunkenness66.
76. Même opinion chez le juge Bridges dans l’affaire Moroz de la Cour provinciale de
l’Alberta où l’on peut lire :
In my view, the 1995 amendment to the Criminal Code, s. 33.1 was intended to
remove intoxication as a defence in general intent offences following questions
raised by the Supreme Court of Canada decision in R. v. Daviault, [1994] 3
S.C.R. 63. It was not directed at qualifying the s. 16 defence of a mental
disorder. I believe that I am supported in that view by the dissenting judgment of
Madam Justice Paperny in Her Majesty the Queen v. S.J.B., 2002 ABCA 143 in
para. 58 to 61. This latter point was not discussed in the majority decision.
Accordingly, s. 33.1 is not relevant to this issue67.
77. Les propos de la juge dissidente Paperny auxquels il est fait référence ici sont les
suivants :
The amendment does not change the common law which allows the voluntary
intoxication defence for specific intent offences. Nor does it change the use of
the defence where intoxication is to the point of insanity or automatism.68
78. Il convient de noter au passage que, dans cet arrêt de 2002 de la Cour d’appel de
l’Alberta, les trois juges s’entendent pour dire que l’intoxication qui amène un état
d’automatisme ou « d’insanity » est une défense en droit criminel canadien :
65
66
67
68
R. c. Daviault, préc., note 62, p. 81.
R. v. Malcolm, préc., note 64, p. 8.
R. v. Moroz, 2003 ABPC 5, par. 50, r.s.a., vol. II, onglet 16.
R. c. S. (B.J.), 2002, ABCA, 143, par. 61, r.s.a., vol. II, onglet 19.
- 23 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
There is ample authority for the proposition that in crimes requiring only a general
intent, extreme intoxication akin to automatism or insanity must be established by
the accused on a balance of probabilities. R. v. Daviault. As Cory, J. wrote in
Daviault: This will undoubtedly require the testimony of an expert.” He added (at
p. 103):
... Obviously, it will be a rare situation where an accused is able to
establish such an extreme degree of intoxication. Yet, permitting such
procedure would mean that a defence would remain open that, due to
the extreme degree of intoxication, the minimal mental element
required by a general intent offence had not been established. To
permit this rare and limited defence in general intent offences is
required so that the common law principles of intoxication can comply
with the Charter.69
79. Toujours sur la distinction entre la défense d’intoxication et la défense de troubles
mentaux, la Cour d’appel a reproché à l’appelant de faire une lecture erronée de la
doctrine70 et, pour appuyer cette prétention, la Cour réfère à ce passage du Traité
de droit pénal canadien des auteurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon :
La défense d'alcoolisme ou d'ivresse peut aussi découler des mêmes faits que
les troubles mentaux provoqués par l'alcoolisme. L'accusé a le choix d'invoquer
l'une ou l'autre, mais en définitive c'est une question de droit que devra trancher
le juge : si les troubles découlent de l'absorption d'alcool ou de drogues, la
question se décidera sur l'intoxication. Mais si le mauvais fonctionnement est dû
à des troubles mentaux, même si ceux-ci découlent d'un usage abusif d'alcool
ou de drogues, la défense des troubles mentaux pourra être examinée. Les
deux moyens de défense sont donc bien distincts, même si parfois, sur le plan
des faits, l'alcoolisme et les troubles mentaux peuvent être présents : c'est au
juge de statuer lequel doit s'appliquer.71
80. Cet extrait est pourtant clair : La défense d’intoxication prévaut lorsque le désordre
est une résultante normale de l’ingestion de drogues ou d’alcool. Par contre, si le
désordre est de l’ordre de la maladie mentale, la défense de troubles mentaux doit
prévaloir même si la maladie découle d’un usage d’alcool ou de drogues.
81. Le passage est d’autant plus clair que, quelques pages avant, le Traité résume
ainsi l’état du droit :
69
Id., par. 36.
Jugement de la Cour d’appel, d.a., vol. I, p. 42.
71
ème
CÔTÉ-HARPER, T., P. RAINVILLE et J. TURGEON, Traité de droit pénal canadien – 4
édition, Les
Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1998, p. 937, r.s.a., vol. III, onglet 24.
70
- 24 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
L’état actuel du droit est de ne pas reconnaître, en règle générale, comme des
troubles mentaux, l’intoxication découlant de l’alcool et des stupéfiants sauf si
cela provoque des états comme le delirium tremens et des psychoses, lesquels
constituent eux-mêmes des troubles mentaux 72.
82. Il eut d’ailleurs été étonnant que les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon
nient aussi catégoriquement une défense d’aliénation mentale à celui qui a mal agi
en s’intoxiquant quand on sait que leur prise de position est à l’opposé :
Le refus des tribunaux d’exonérer un accusé sous prétexte qu’il s’est intoxiqué
volontairement ne se justifie pas toujours, médicalement parlant, et cette
approche négative est le relent d’un principe de la justice punitive à tout prix
(…)
Dans la mesure où une preuve médicale démontre clairement des troubles
mentaux ou toute forme d’incapacité de discernement, le verdict devrait en être
un de non-responsabilité pénale73.
83. Car le fondement de l’interdiction d’une défense d’intoxication volontaire à
l’encontre de crimes violents est d’ordre moral et trouve sa justification dans le vœu
sociétal de réprimer le comportement répréhensible qu’est celui de s’intoxiquer.
Parallèlement, et paradoxalement, la Common Law s’est toujours mise en garde de
condamner ou de punir une personne si diminuée mentalement au moment du
crime qu’elle ne pouvait pas former l’intention coupable74.
84. C’est là tout l’intérêt de bien saisir que la maladie mentale n’est pas une résultante
habituelle ou normale de l’intoxication. L’intérêt aussi de comprendre que ce sont
des individus fragiles, vulnérables, prédisposés aux troubles mentaux qui, en
raison d’une consommation de stupéfiants, deviennent mentalement malades.
85. Comment le droit canadien pourrait-il vouloir punir l’individu qui certes n’a pas agi
en personne raisonnable en consommant alcool ou drogue, mais qui a commis un
72
Id., p. 933.
Id., p. 936.
74
Voir Richard J. BONNIE, «The Moral Basis of the Insanity Defense», (1983) 69 A.B.A.J. 194, r.s.a., vol.
III, onglet 27.
73
- 25 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
crime non pas en raison de cette consommation mais en raison d’un état mental
dérangé, un état presque toujours tributaire de prédispositions inhérentes.
86. Des États américains l’ont fait en abolissant toute défense de troubles mentaux
dans un contexte d’intoxication à moins que ceux-ci ne répondent à la définition –
aussi changeante que contestée75 – de « settled insanity »76,.
Le Colorado a
77
même aboli la défense de « settled insanity » .
87. La critique est sévère, à juste titre, puisque le résultat de ces changements amène
une situation juridique insensée :
This discrepancy is an injustice. Both Individuals engaged in identical activities,
but one will be acquitted because that individual used more drugs and
developped a mental disease, which the excuses his or her commission of
crimes. The message is clear: under the criminal law, it is better to be a chronic
drug abuser than an occasional one78.
88. Il s’agit d’une situation juridique inacceptable que le droit canadien ne voudra pas
endosser et qui semble avoir pourtant été effleurée par la Cour d’appel du
Québec.79
75
LEONG, Gregory, Sarah LEISENRING and Margaret DEAN, «Commentary: Intoxication and Settled
insanity – Unsettled Matters», (2007) 35, J. Am. Acad. Psychiatriy Law, 183, r.s.a., vol. III, onglet 32;
FEIX, Jeff and Greg WOLBER, «Intoxication and Settled Insanity: A finding of not Guilty by Reason of
insanity», (2007) 35, J. Am. Acad. Psychiatriy Law, 172, r.s.a., vol. III, onglet 29.
76
La défense de “settled insanity” est ouverte à celui ou celle qui, ayant abusé de drogues ou d’alcool
pendant des mois ou des années, se retrouve mentalement diminué (« Dingy ») pour une période
indéterminée, ou « fixe », ou « permanente », ou « raisonnable », la défintion changeant d’une époque à
l’autre et d’un État à l’autre. Il s’agissait historiquement uniquement des ravages de l’alcool sur les
capacités psychiques. Les drogues sont désormais comprises.
77
JOHNSON, Leslie, « Settled insanity is not a Defense: Has the Colorado Supreme Court Gone Crasy?
Bieber v. People», (1994) 43 U. Kan L. Rev. 259, r.s.a., vol. III, onglet 30.
78
Id., p. 270.
79
Pour un apercu de la jurisprudence américaine en matière de « settled insanity », voir People v. Kelly,
1973 10 Cal. 3d 565 (r.s.a., vol. II, onglet 11), People v. McNeil, 933 A.2d 354 (r.s.a., vol. III, onglet 22),
People v. Gonzalez, 2006 WL 688006 (Cal. App. 2 Dist.) (r.s.a., vol. I, onglet 8) et People v. Skinner,
préc., note 35 (r.s.a., vol. II, onglet 20).
- 26 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
Psychose toxique et trouble mental préexistant
89. En effet, la Cour d’appel du Québec est d’avis que l’appelant appuie son
argumentation sur des causes où les accusés souffraient d’une trouble mental
sous-jacent, ou encore sur des causes ou l’état mental des accusés a été diminué
par la consommation abusive de substances sur une longue période, si bien qu’ils
pourraient répondre à la définition américaine de « settled insanity ».
90. L’appelant est d’accord que la jurisprudence fait souvent état d’individus ayant de
sérieux problèmes de toxicomanie, affaiblis mentalement, et qui, momentanément,
deviennent intensément psychotiques.
Rien d’étonnant à ce qu’il y ait des
psychoses toxiques plus fréquentes chez les toxicomanes que chez ceux qui,
malencontreusement, font un seul essai de drogue ou d’alcool et vivent un épisode
psychotique. Rien d’étonnant à ce que, conséquemment, les tribunaux soient plus
souvent sollicités par les individus du premier groupe.
Mais là n’est pas la
question.
91. C’est dans l’arrêt Leary80 en 1978 que la Cour suprême du Canada (avec la
dissidence des juges Laskin, Spence et Dickson), avait ébranlé la règle de
Common Law qui remontait à l’arrêt Beard81 de la Chambre des Lords de 1920
selon laquelle l’ivresse qui cause une maladie mentale est un moyen de défense
« d’insanity ». En décidant que la défense d’intoxication était irrecevable pour les
crimes d’intention générale violents, l’arrêt Leary modifiait le droit.
92. Il faut donc bien saisir qu’avant l’arrêt Daviault, et avant la codification de 33.1, la
Common Law avait permis la défense d’ivresse dans les cas où elle occasionnait
une maladie mentale. C’est seulement à la suite de l’arrêt Leary que cette défense
devenait irrecevable pour les crimes d’intention générale, mais ce nouveau courant
80
81
R. c. Leary, [1978] R.C.S. 29, r.s.a., vol. II, onglet 13.
Director of Public Prosecution v. Beard, [1920] A.C. 479, r.s.a., vol. I, onglet 1.
- 27 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
n’affectait en rien la défense d’aliénation mentale qui est « complètement différente
de la défense d’intoxication »82.
93. Il n’a jamais été question de priver l’accusé en état de psychose ou de delirium
tremens au moment du crime d’une défense de troubles mentaux au motif qu’il
n’était pas préalablement malade ou encore qu’il n’avait pas le cerveau ravagé pas
la drogue ou l’alcool.
94. Dans l’arrêt Hilton83 de la Cour d’appel de l’Ontario en 1977, il a simplement été
décidé que la démence est une défense, qu’elle soit causée par la l’alcool ou
autrement.
Nous sommes après l’arrêt Leary qui édictait la même règle que
l’article 33.1 quant à l’intoxication.
L’accusé souffrait de troubles mentaux au
moment du crime et c’est ce qui importait à la Cour d’appel lorsqu’elle a annulé le
verdict initial en édictant « Insanity, whether produced by drunkenness or otherwise
is a defence to a crime charge »84. Aucun élément ne permet de penser que
l’appelant Hilton avait une maladie mentale préexistante.
95. Quelques années plus tard, l’arrêt Mailloux85 de la Cour d’appel de l’Ontario a
réitéré ce raisonnement en établissant que la psychose toxique résultant d’une
grande consommation de cocaïne est un trouble mental. Cet arrêt a été confirmé
par cette Cour86.
96. L’appelant Mailloux avait été diagnostiqué par les deux psychiatres impliqués
comme ayant un trouble de la personnalité paranoïaque.
Dans la semaine
précédant le meurtre, il avait fréquemment reniflé de la cocaïne.
Les deux
psychiatres opinaient que l’appelant avait été en proie à une psychose toxique, « a
major mentall illness », tout en affirmant que sa personnalité paranoïaque avait
contribué à l’apparition de la maladie.
82
83
84
85
86
Les juges d’appel ont affirmé que la
R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314, par. 29, r.s.a., vol. II, onglet 10.
R. c. Hilton, (1977) 34 C.C.C. (2d) 206 (C.A. Ont), r.s.a., vol. I, onglet 9.
Id., par. 4.
R. c. Mailloux, (1985) 25 C.C.C. (3d) 171 (C.A. Ont), r.s.a., vol. II, onglet 14.
[1988] 2 S.C.R. 1029.
- 28 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
psychose toxique est une maladie mentale. L’appel est a été rejeté pour le motif
que les directives au jury avaient été correctement faites sur la question de la
maladie mentale.
97. Dans l’affaire Moroz dont il a été question plus haut, le juge Bridges, bien qu’il ait
jugé l’accusé criminellement responsable de ses actes, s’est opposé à l’idée
qu’une maladie mentale doit exister préalablement pour que l’article 16 trouve
application en cas de psychose toxique:
[46] I respectfully disagree with counsel for the Crown that the absence of any
underlying mental disorder such as existed in Malcolm, Charest, and Mailloux
(supra) (where the accused were also intoxicated) precludes a finding, as a
matter of law (or as a “generalized statement”), that an accused could have a
disease of the mind. I prefer the approach of Martin, J.A. in para. 28 above that
transient mental disturbances should be considered on a case by case basis. In a
case such as Moroz, a cocaine induced psychosis may be found, in law, to be a
disease of the mind without evidence of an additional underlying mental disorder.
However, I do believe that the absence of any other mental disorder is a strong
factor pointing away from a finding of fact that there existed a disease of the
mind. This is another way of saying that the cocaine ingestion on the day of the
attack was an external factor rather than a condition internal to the accused as
outlined in Rabey, per Ritchie, J. in para. 28 above. 87
98. L’accusé consommait de la cocaïne quotidiennement depuis plusieurs mois. La
psychose de l’accusé ayant été qualifiée de légère à modérée, la juge a décidé
que l’article 16 ne pouvait trouver application parce qu’il savait ce qui était bien et
mal au moment des événements.
99. Dans l’arrêt Snelgrove de la Cour suprême de la Colombie-Britanique88, il était
admis tant par la poursuite que par le Tribunal que la psychose induite par une
consommation de cocaïne était une maladie mentale89. L’accusé a néanmoins été
déclaré coupable en raison du témoignage du psychiatre de la poursuite qui opinait
qu’en dépit de cette psychose, l’accusé savait encore que ce qu’il faisait était
87
88
89
R. v. Moroz, préc., note 67, par. 46.
R. c. Snelgrove, [2004] B.C.J. No. 1208, r.s.a., vol. III, onglet 21.
Id., par. 234.
- 29 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
répréhensible90. Le juge a décidé par conséquent que les critères de l’article 16
n’étaient pas rencontrés.
100. L’accusé Snelgrove avait consommé de la cocaïne régulièrement dans les mois
précédant l’incident et n’avait pas de maladie mentale sous-jacente.
101. L’affaire Lauv de la Cour suprême de la Colombie-Britanique91 est l’une des rares
affaires où le tribunal a déclaré l’accusé non criminellement responsable en raison
d’une psychose toxique. L’accusé avait consommé des amphétamines sur une
base régulière dans les mois précédant l’incident et il avait ingéré, juste avant les
faits, au moins dix comprimés d’ecstasy. Une psychose s’est déclenchée alors que
rien n’indique que l’individu souffrait a priori d’une maladie mentale.
On sait
seulement que la psychiatre au dossier a diagnostiqué une « psychose non
spécifiée » plutôt qu’une « psychose toxique ». Son témoignage est ainsi résumé
par le juge :
Mr. Lauv at this time was suffering from a psychosis. It may be entirely caused
by drugs or it may be his underlying mental disorder was precipitated by drugs.92
102. Le diagnostique différentiel de la psychiatre, pour en arriver à la conclusion d’une
psychose non spécifiée conséquemment à la prise d’amphétamines93, incluait la
psychose toxique, le désordre schizoaffectif de type bipolaire et le désordre
bipolaire. La psychiatre a exclu ces désordres, y compris la psychose toxique, en
raison de la durée des symptômes psychotiques après les faits. Toutefois, le juge
ajoute :
Even if Mr. Lauv psychosis was entirely substance related, he was still, in Dr.
Ceresny’s view, suffering from a mental illness. Drug or toxic psychosis has been
recognized by courts as mental disorder.94
90
91
92
93
94
Id., par. 233 et suiv.
R. c. Lauv, 2004 BSCS 1093, r.s.a., vol. II, onglet 12.
Id., par. 15.
Id., par. 13.
Id., par. 18.
- 30 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
103. Dans R. c. Fortin95, de la Cour du Québec du district de Chicoutimi, un jeune
homme
vit
un
épisode
psychotique
après
avoir
consommé
alcool,
métamphétamines et PCP et il commet des crimes d’enlèvement, de séquestration
et de voies de fait. La psychose toxique en vertu de l’article 16 du Code criminel
était le moyen de défense principal de l’accusé. Il s’agissait d’un consommateur
régulier de drogue et d’alcool, sans maladie mentale sous-jacente.
104. La Couronne, appuyée d’un toxicologue entendu en contre-preuve, arguait non pas
que la psychose toxique n’était pas un moyen de défense, mais que les faits ne
soutenaient pas cette perte de contact avec la réalité, entre autres parce que
l’accusé n’était pas délirant lors de son arrestation. Ce fut aussi l’opinion du juge
qui déclarât l’accusé coupable, tout en ayant reconnu que la psychose toxique est
une maladie mentale qui relève de l’article 16.96
105. La décision canadienne la plus récemment répertoriée sur la psychose induite par
une substance est l’affaire R. c. D.P.97 Le jeune homme était un consommateur
régulier de stupéfiants, il avait des antécédents psychiatriques et il avait vécu dans
le passé des psychoses secondaires à la consommation de drogues. Le juge
Gabriel Lassonde l’a déclaré non criminellement responsable, entre autres sur la
foi du psychiatre Louis Morissette dont le rapport soutenait que le jugement du
patient était perturbé par une pathologie mentale en phase aigue au moment des
faits : la psychose toxique98.
106. La Cour d’appel du Québec reproche à l’appelant de citer l’arrêt Fontaine99 de
cette Cour au motif qu’il s’agit d’une accusation de meurtre donc d’un crime
d’intention spécifique pour lequel une défense d’intoxication est valide. On sait
pourtant que l’intoxication est une défense à l’encontre d’une accusation de
95
R. c. Fortin, 2005 CanLII 6933, r.s.a., vol. I, onglet 7.
Id., par. 57 : « La psychose toxique figure parmi les maladie mentale reconnue. (…) Cela est reconnu
par la jurisprudence et la doctrine ».
97
R. c. D.P., 2009 QCCQ 644, r.s.a., vol. I, onglet 5.
98
Id., par. 25.
99
R. c. Fontaine, [2004] 1 R.C.S. 702, r.s.a., vol. I, onglet 6.
96
- 31 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
meurtre, mais seulement dans la perspective de nier l’intention spécifique de
causer la mort. Or, ce n’est pas ce que Fontaine recherchait.
107. L’appelant Fontaine n’invoquait pas une défense d’intoxication (qui aurait pu le
rendre coupable d’un homicide involontaire plutôt que d’un meurtre si elle avait
réussi); Il invoquait une défense d’automatisme avec troubles mentaux causé par
la consommation de cannabis. L’automatisme amène un acquittement.
108. La question en litige n’était donc pas de savoir si l’individu était intoxiqué au point
de n’avoir pas l’intention spécifique de tuer, mais si la défense d’automatisme avec
troubles mentaux aurait dû être soumise au jury. Or, cette défense avait pour point
d’ancrage le témoignage de l’expert principal en défense qui diagnostiquait chez
l’accusé un épisode psychotique causé par l’abus de drogue. En outre, l’essentiel
du témoignage de l’appelant a été résumé dans les termes suivants par la juge
Rousseau-Houle en appel : Il n’aurait jamais tué s’il n’avait pas été à ce point
« perturbé par l’épuisement, le cannabis et la psychose »100.
109. Incidemment, les faits dans Fontaine sont ceux qui s’apparentent le plus à ceux qui
nous occupent : pas de maladie mentale préexistante mais un possible trouble de
la personnalité, épisode psychotique causé par une substance (le cannabis) qui a
commencé quelques jours avant le drame et qui s’est résorbé quelques jours
après; une psychose si grave (selon deux des quatre psychiatres) que l’accusé
n’était plus en mesure de juger de ce qui était bien et mal.
110. L’appelant Fontaine n’avait cependant pas de fragilités héritées de la lignée
paternelle, il n’avait pas de préoccupations religieuses marquées, n’avait pas subi
l’influence d’un ami dérangé et il n’avait pas été hospitalisé à 11 ans pour des
terreurs nocturnes.
100
Id., par. 43.
- 32 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
111. La distinction théorique majeure entre ces deux affaires, c’est qu’on a débattu de la
défense d’automatisme avec troubles mentaux
dans Fontaine alors qu’on a
débattu ici de la défense de troubles mentaux. Dans les deux cas, le désordre
survient dans la foulée d’une consommation de stupéfiants. La défense
d’intoxication n’est soulevée ni dans un cas, ni dans l’autre. La distinction repose
donc dans la conclusion recherchée. Un acquittement d’une part, une déclaration
de non responsabilité d’autre part.
112. À cet égard, le juge Fish pour la Cour unanime souligne que la question de savoir
si la défense de troubles mentaux aurait dû être soumise au jury ne faisait pas
l’objet du pourvoi101. Cela étant, il conclut en rappelant que
De plus, selon le Dr Talbot, l’intimé traversait au moment de l’infraction un épisode
psychotique provoqué par l’abus d’une drogue. Dans son rapport, il a affirmé que
l’intimé présentait un trouble mental majeur apparenté à la psychose qui faussait
sérieusement sa perception de la réalité. Son jugement était par conséquent
perturbé, ce qui l’empêchait de distinguer le bien du mal, ce qui est légal de ce qui
ne l’est pas.102
(…)
Considérée dans son ensemble, cette preuve suffisait selon moi pour conclure que
l’intimé s’était acquitté de sa charge de présentation relativement à sa défense
d’automatisme avec troubles mentaux. Il appartenait au jury de décider si les actes
de l’intimé étaient ou non involontaires.
113. La Cour d’appel et la Cour suprême ont répondu par l’affirmative : la défense
d’automatisme avec troubles mentaux devait être soumise au jury qui devait
décider si les gestes avaient été volontairement commis, et cela même si le trouble
de l’esprit avait été engendré pas la consommation de cannabis.
114. Avec respect pour l’opinion contraire, l’appelant voit mal comment il pourrait être
possible, dans l’état actuel du droit, d’autoriser l’acquittement pour un crime en
raison d’un automatisme avec trouble mental dû à une intoxication volontaire, tout
en interdisant, pour un crime identique ou moindre, la déclaration de non
101
102
Id., par 47.
Id., par. 95.
- 33 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
responsabilité criminelle au motif que ce crime aurait été commis pendant un
épisode de psychose toxique lié à une intoxication volontaire.
115. Analysées à la lumière de l’arrêt Fontaine, les deux décisions rendues dans notre
dossier s’articulent autour d’un raisonnement étonnant : L’article 33.1 empêcherait
une défense de troubles mentaux dès lors que le trouble mental a été causé par
une intoxication volontaire, mais n’empêcherait pas une défense d’automatisme
provoqué par une intoxication volontaire.

116. Tommy Bouchard-Lebrun était plongé dans un état psychotique grave qui
l’empêchait de distinguer le bien du mal au moment des événements.
Sa
perception de la réalité était faussée dans les jours précédents, et le délire
religieux était devenu aigu au moment du drame. Ce déséquilibre a dure quelques
jours après l’incident.
117. Le juge du procès a refusé de déclarer Tommy Bouchard-Lebrun non
criminellement responsable au motif que son trouble mental a pris naissance en
raison d’une intoxication volontaire. La Cour d’appel a jugé que si la psychose
toxique liée à une intoxication volontaire est parfois un moyen de défense, les faits
en l’espèce ne permettent pas d’accueillir la défense. Il faut, pour la Cour d’appel,
une maladie mentale sous-jacente.
118. Pour décider de la responsabilité criminelle d’un individu dans un contexte de
psychose toxique103, le professeur Hugues Parent suggère une analyse en deux
103
PARENT, Hugues, «Les troubles psychotiques induits par une substance en droit pénal canadien:
analyse médicale et juridique d’un concept en pleine évolution, Revue du Barreau, Tome 69, 2010, p.
103, r.s.a., vol. III, onglet 34.
- 34 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
grandes étapes, celles-ci étant subdivisées en quelques points essentiels104. Nous
reformulons le test légèrement:
I – Y a-t-il présence d’un trouble mental chez l’accusé :
1) Est-ce que le déséquilibre mental invoqué constitue un trouble mental au
sens de l’article 16?
2) Est-ce que l’accusé a démontré, selon la prépondérance de preuve, qu’il
souffrait d’un trouble mental au moment du crime?
a) Caractéristiques cliniques de la maladie
i.
Absence d’appréciation intacte de la réalité
ii.
Persistance des symptômes malgré le retrait de la substance
b) Circonstances de l’affaire
i.
Existence de preuves corroborant les prétentions de l’accusé
ii.
Témoignage d’un observateur sur l’état et le comportement
de l’accusé au moment du crime
II – Y a-t-il présence d’une incapacité mentale chez l’accusé
1) Capacité de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou omission
2) Incapacité de distinguer le bien du mal
104
Id., p. 117 à 129.
- 35 Mémoire de l’appelant
Partie III – Arguments
119. Si ce test avait été appliqué par le premier juge, il aurait déclaré Tommy BouchardLebrun non criminellement responsable pour cause de trouble mental et aurait
laissé à la Commission d’examen du Québec le soin de juger si un suivi est requis.
- 36 Mémoire de l’appelant
PARTIE IV – DÉPENS
120. Aucune ordonnance n’est demandée
Partie IV – Dépens
- 37 Mémoire de l’appelant
Partie V – Conclusions recherchées
PARTIE V – CONCLUSIONS RECHERCHÉES
121. L’appelant prie cette Cour
-
d’accueillir l’appel;
-
d’annuler sa condamnation ;
-
d’y substituer un verdict de non responsabilité criminelle pour cause de troubles
mentaux, assortie d’une libération inconditionnelle;
122. Ou, subsidiairement :
-
d’accueillir l’appel;
-
d’annuler sa condamnation ;
-
d’y substituer un verdict de non responsabilité criminelle pour cause de troubles
mentaux et de déférer le dossier à la Commission d’examen des troubles
mentaux du Québec
Le tout respectueusement soumis,
Montréal le 2 février 2011
(s) Véronique Robert
_____________________
Véronique Robert
Avocate de l’appelant
Copie conforme
Véronique Robert, avocate
- 38 Mémoire de l’appelant
Partie VI – Table alphabétique des sources
PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
Jurisprudence
Paragraphes
Beard, (Director of Public Prosecution v.), [1920] A.C. 479 ................................. 74, 91
R. c. Cooper, [1980] 1 R.C.S. 1149 ......................................................... 65, 67, 70, 74
R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523.......................................................................... 27, 56
R. c. Daviault, [1994] 3 R.C.S. 63 ................................................ 57, 72, 73, 76, 78, 92
R. c. D.P., 2009 QCCQ 644..................................................................................... 105
R. c. Fontaine, [2004] 1 R.C.S. 702 ................................. 106, 107, 109, 110, 111, 115
R. c. Fortin, 2005 CanLII 6933 (CQ) ........................................................................ 103
People v. Gonzalez, 2006 WL 688006 (Cal. App. 2 Dist.) ......................................... 88
R. c. Hilton, (1977) 34 C.C.C. (2d) 206 (C.A. Ont)............................................... 74, 94
R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314 .......................................................................... 92
People v. Kelly, 1973 10 Cal. 3d 565 ......................................................................... 88
R. c. Lauv, 2004 BSCS 1093 ........................................................................... 101, 102
R. c. Leary, [1978] R.C.S. 29 ............................................................. 72,73, 91, 92, 94
R. c. Mailloux, (1985) 25 C.C.C. (3d) 171 (C.A. Ont) ............................... 74, 95, 96, 97
R. c. Malcolm, 1989 CanLII 214 (MB.C.A.) .................................................... 74, 75, 97
R. c. Moroz, 2003 ABPC 5................................................................................... 76, 97
R. c. Rabey, 1977 CanLII 48 (C.A. Ont.) ................................................................... 67
R. c. Rabey, [1980] 2 R.C.S. 513 .............................................................................. 68
R. c. S. (B.J.)., 2002, ABCA, 143............................................................................... 77
People v. Skinner, 185 Cal. App. 3d 1050 ................................................................. 41
R. c. Snelgrove, [2004] B.C.J. No. 1208 ............................................................ 99, 100
U.S. v. NcNeil, 933 A.2d 354 ..................................................................................... 88
- 39 Mémoire de l’appelant
Partie VI – Table alphabétique des sources
Doctrine
Livres
Paragraphes
PARENT, H., Traité de droit criminel, tome 2, 3e édition, 2008. .................................. 52
CÔTÉ-HARPER, T., P. RAINVILLE et J. TURGEON, Traité de droit pénal
canadien – 4ème édition, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1994. ....... 79, 82
Articles
ARENDT, M., R. ROSENBERG, L. FOLDAGER, G. PURTO et P. MUNKJØRGENSEN,
« Cannabis-Induced
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and
Subsequent
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ARENDT, M., P. MORTENSEN, R. ROSENBERG, L. FOLDAGER, C.
PEDERSEN,
«Familial
Predisposition
for
Psychiatric
Disorder
–
Comparaison of Subjects Treated for Cannabis-Induced Psychosis ans
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BONNIE, R.J., «The Moral Basis of the Insanity Defense», (1983) 69 A.B.A.J.
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CATON, C.L., R. DRAKE, D. HASIN, B. DOMINIGUEZ, P. SHROUT, S.
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- 40 Mémoire de l’appelant
Partie VI – Table alphabétique des sources
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LAWRENCE, M. S. et S. VERDUN-JONES, «Substance-Induced Psychosis
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Pacific Forensic Psychiatry Conference, Vancouver, 1 April 2011
[unpublished], 29 p. ............................................................................................. 66
LEONG, G., S. LEISENRING and M. DEAN, «Commentary: Intoxication and
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Law, 183 ............................................................................................................. 86
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pénal canadien: analyse médicale et juridique d’un concept en pleine
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- 41 Mémoire de l’appelant
Partie VI – Table alphabétique des sources
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Disorders, Fourth edition - Text Revision (DSM-IV, TR), Washington DC,
American Psychiatric Association, 2000. .................................... 23, 59, 61, 62, 65
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volontaire), Elizabeth II, Ch. 32, sanctionné le 13 juillet 1995 ............................. 31
- 42 Mémoire de l’appelant
Partie VII – Dispositions législatives
PARTIE VII – DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
(Capture d’écran prise à l’URL : http://laws.justice.gc.ca/fra/C-46/page-2.html)
(Capture d’écran prise à l’URL : http://laws.justice.gc.ca/eng/C-46/page-2.html)
- 43 Mémoire de l’appelant
Partie VII – Dispositions législatives
(Capture d’écran prise à l’URL : http://laws.justice.gc.ca/fra/C-46/page-2.html)
(Capture d’écran prise à l’URL : http://laws.justice.gc.ca/eng/C-46/page-2.html)
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