Bases de la mécanique quantique 0. Théorie quantique - BFH

Mécanique quantique
Stefan Stankowski BFH / HES BE TI
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Bases de la mécanique quantique
0. Théorie quantique - pourquoi ?
La théorie quantique est étroitement liée avec la notion du "dualisme onde - corpuscule". En physique
classique, on distingue entre une onde (qui transporte l'énergie de manière continue) et une
corpuscule (qui porte une quantité d'énergie définie). Considérant p.ex. un détecteur recevant de la
lumière pendant un certain temps, on imagine que cette énergie est absorbée de manière tout à fait
continue, tandis qu'un détecteur recevant un rayonnement de particules absorbe l'énergie par portions,
telles qu'elles sont livrées par les particules.
Des expériences exécutées au début du 20
e
siècle démontrèrent que cette vue des choses n'est pas
correcte. Le rayonnement électromagnétique (et tout autre) lui aussi ne peut transporter l'énergie que
par portions ("quanta"). On peut en fait s'imaginer que la lumière se compose de particules (photons).
A part l'énergie, d'autres grandeurs importantes telles que la quantité du mouvement et le moment
cinétique apparaissent en forme quantisée.
Egalement important, on constate aussi des propriétés ondulaires chez les particules. En physique
classique, une onde se distingue par l'effet d'interférence (deux ondes avec décalage de phase
approprié peuvent s'annuler) tandis que deux particules ne s'annulent jamais mutuellement. On
rappellera que les effets d'interférence apparaissent lorsque les distances expérimentales se
rapprochent de la longueur d'onde. En se rapprochant des dimensions très petites (atomiques), on
constata expérimentalement l'apparition d'effets d'interférence même avec les particules!
Par conséquent la distinction classique entre ondes et particules doit être abandonnée. Les
phénomènes physiques montrent les deux propriétés simultanément.
On peut visualiser ce résultat à l'aide de la notion du "paquet d'on-
des": c'est un train d'onde (dont on peut définir une fréquence et
une longueur d'onde) de durée finie (dont on pourra donc définir
la position et le contenu en énergie - nous reviendrons plus tard à
la question de la précision avec laquelle ces grandeurs peuvent
être définies).
La théorie quantique décrit tous les objets du monde microscopique par des "paquets d'ondes" en ce
sens: ayant en même temps la capacité d'interférence et une énergie, un moment cinétique, une
masse etc. quantisés.
0.1. Ondes corpusculaires
Les ondes plus typiques de la physique classique sont celles électromagnétiques, dont les
caractéristiques interférentielles sont étudiées au détail (diffraction sur une fente, interférence sur une
couche mince etc.).
Au début du 20
e
siècle, 3 expériences démontrèrent que la rayonnement électromagnétique présente
également des caractéristiques corpusculaires.
0.1.1 La radiation du corps noir - dépendance de la longueur d'onde
Les corps chaux émettent de la radiation électromagnétique. Le modèle idéal est constitué par le
"corps noir", réalisé expérimentalement par une cavité avec une petite ouverture. En analysant son
rayonnement en fonction de la longueur d'onde, un problème théorique se pose: d'après
l'électrodynamique classique, l'intensité du rayonnement émis devrait augmenter indéfiniment avec la
diminution de la longueur d'onde ("catastrophe UV").
Expérimentalement, on trouve que l'intensité est
maximale pour une certaine longueur d'onde λ
max
(dépendant de la température), et diminue pour les
λ plus petites, ultérieurement approchant zéro.
Max Planck chercha d'abord une formule capable d'interpoler les
points expérimentaux et démontra ensuite que cette formule s’ob-
tient en admettant que le corps noir ne rayonne pas son énergie de
manière continue, mais en forme de paquets ("quanta") de grandeur
E = h f = £ ω
(h = £ 2π = 6.6256 10
- 34
J s constante de Planck,
f = fréquence rayonnée, ω = 2π f )
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0.1.2 L'effet photoélectrique
Lorsqu'on expose une feuille métallique, à l'intérieur d'un tube évacuée, à de la lumière, l'énergie
photonique peut libérer des électrons de leur liaison métalique. En appliquant une tension électrique
appropriée, les électrons quittant le métal sont accélérés vers une électrode de détection.
En imposant une tension inverse (de freinage), les électrons sont empêchés de sortir du métal.
Expérimentalement, on constate que:
la tension de freinage empêchant la sortie des électrons
ne dépend pas du tout de la quantité de la lumière incidente.
aucun électron ne sort du métal si la fréquence de la lu-
mière incidente reste inférieur à une valeur seuil.
les électrons sortent du métal immédiatement (ca. 10
- 9
s)
après qu'on ait allumé la lampe.
Ces résultats sont incompatibles avec l'idée d'une énergie qui
s'accumule dans le temps à l'endroit de l'électron.
Par contre, tous ces résultas s'expliquent de la manière la plus
naturelle en imaginant que les électrons interagissent avec des quanta de lumière (photons) dans un
choc de particules. Le critère pour quitter le métal n'est alors pas donné par l'énergie globale du
rayonnement (répartie sur plusieurs photons), mais par l'énergie d'un quantum. En admettant que
cette énergie est égale à h f , selon Planck, toute observation s'explique naturellement.
Le même raisonnement explique aussi pourquoi les rayons x sont dangereux pour nous, mais non pas
la lumière visible, même à intensité élevée.
0.1.3. L'effet Compton
On appelle effet Compton la diffusion de la lumière sur des particules, p.ex. des électrons.
La lumière diffusée ne change pas seulement de direction, mais aussi de fréquence et de longueur
d’onde. Les résultats expérimentaux sont totalement compatibles avec l'idée de particules de lumière
distinctes (photons) se heurtant contre les électrons dans un choc élastique, les changements de
l'énergie et de la quantité de mouvement étant données par les lois de conservation bien connues.
0.2. Particules ondulaires
Lorsque la lumière passe à travers d'une fente ou d'une
série de fentes ou de raies (réseau), l'interférence produit
un certain nombre de franges lumineuses. Lors du passage
d'une ouverture circulaire ou d'une série d'obstacles ponc-
tuels, les franges sont circulaires.
Les atomes d'un cristal forment une série d'obstacles ponctu-
els de petite dimension. Lorsqu'un tel cristal est soumis à
l'irradiation d'un faisceau électronique, une figure de diffrac-
tion se produit qui ressemble à celle de la diffraction lumineuse
(expérience de Davisson et Germer).
Les particules peuvent donc interférer comme des ondes!
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1. Dualisme ondes - corpuscules
I.1. Ondes de de Broglie
Louis de Broglie, un physicien français, fut le premier à énoncer l'hypothèse que non seulement les
ondes électromagnétiques mais aussi toute particule ont simultanément des propriétés d'onde et de
corpuscule. Les caractéristiques corpusculaires, l'énergie E et la quantité du mouvement, p, sont
directement liés aux caractéristiques ondulaires, à savoir la fréquence f (ou pulsation ω) et la longueur
d'onde λ (ou le nombre d'onde k = 2π/λ). La transformation entre ces grandeurs se fait en utilisant la
constante de Planck, h (ou h = h / 2π).
E =
£
ω = ( h f ) p =
£
k (= h / λ )
h = 6.625 10
-34
Js,
£
= 1.054 10
-34
Js
Exemple: Calculer la fréquence et la longueur d'onde correspondant à un faisceau
d'électrons après son accélération, sous l'action de 5 kV, dans un microscope électronique.
E = e U = 1.610
-19
510
3
VAs = 0.810
-15
J f = E / h = 1.210
18
Hz
v = 4.210
7
m/s (à partir de E = ½ m v
2
, correction relativiste négligée, m = 0.9110
-30
kg)
p = m v = 3.810
-23
Ns λ = 1.7410
-11
m
C'est 4 ordres de grandeur plus petit que les longueurs d'onde de la lumière visible. Elle
permet, en principe, une résolution atteignant les dimensions atomiques (< 10
-10
m).
La nature ondulaire des objets microscopiques est démontrée par les expériences de diffraction où l'on
constate des effets d'interférence pour les électrons aussi bien que pour les protons, les neutrons, les
atomes et les molécules. D'autre part, la quantisation de l'énergie et les interactions de collision
mettent en évidence des caractéristiques corpusculaires.
La relation entre l'énergie et la quantité du mouvement est non-linéaire (E = p
2
/2m ou, dans le cas
relativiste: E
tot
= m
o
2
c
4
+ p
2
c
2
), ce qui vaut aussi pour la relation entre la fréquence et le nombre
d'ondes, k : Les ondes de deBroglie sont soumises à la dispersion.
Vitesse particulaire = vitesse de groupe de l'onde de de Broglie.
I.2. Relation d'incertitude
En mécanique classique, la trajectoire d'une particule est considérée comme totalement déterminée
lorsqu'on connaît la position et la vitesse initiales ainsi que les forces qui agissent. D'autre part, la
nature ondulaire des particules microscopiques rend impossible de déterminer simultanément la
position et la quantité du mouvement. Cette dernière correspond à la longueur d'onde, et il ne fait pas
de sens de parler d'une longueur d'onde en un point.
Une traînée d'onde monochromatique idéale s'étend infiniment. Afin de localiser une onde, cette
traînée doit être limitée. En régime transitoire (au commencement et à la fin de la traînée) des
fréquences (ou des longueurs d'ondes) supplémentaires se produisent auto-matiquement. La théorie
de Fourier permet de représenter un "paquet d'ondes" limité en superposant une multitude de
fréquences. Plus exacte la localisation, plus de fréquences sont requises. Et vice-versa: le plus étroit
qu'est le spectre, plus large est le paquet d'ondes.
W. Heisenberg en tira la conclusion qu'il existe une incertitude de principe si l'on essaie de
déterminer simultanément des grandeurs complémentaires (position / quantité du
mouvement, temps / énergie):
x p
x
> £ / 2
y p
y
> £ / 2
z p
z
> £ / 2 relation d’incertitude
t E > £ / 2
Ici, x et p
x
représentent l'incertitude expérimentale lorsqu'on tente de déterminer ces grandeurs
simultanément. Plus exacte l'une, moins exacte l'autre, de manière que le produit n'en devienne
jamais inférieur à
£/2
.
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Dans la pratique, la relation d'incertitude s'exprime par une perturbation du système lors de la mesure
d'un paramètre (p.ex. la position) qui engendre une variation aléatoire du para-mètre complémentaire
(p.ex. la quantité du mouvement), en rendant sa détermination incertaine. Il faut toutefois réaliser que
la relation d'incertitude découle non pas des problèmes de mesure mais directement du dualisme onde
- corpuscule des objets microscopiques.
I.3. Le monde microscopique et le monde macroscopique
Pourquoi la mécanique quantique est-elle valable pour les objets microscopiques, mais non pas pour
les objets macroscopiques?
Réponse: elle vaut de manière universelle, mais pour les objets macroscopiques les effets quantiques
sont trop petits pour être mesurés.
Voici deux exemples démontrant ce constat:
Calculons la longueur d'onde de deBroglie pour une particule de masse 1 gramme se mouvant avec
une vitesse d' 1 m/s: λ = h/mv = 6.62510
-34
/0.001 /1 = 6.610
-31
m.
Une longueur d'onde aussi petite est sans valeur pratique. Pour les objets plus lourds ou plus rapides,
l'argument est valable à plus forte raison.
Calculons l'incertitude pour la détermination de la vitesse d'une graine de poussière de 10
-12
kg dont
le diamètre soit de 10
- 8
m. Admettons que le diamètre soit connu à 1% près. Alors: x = 10
- 8
m
p
x
£
/ x = 10
- 26
Ns v = p
x
/ m = 10
- 14
m/s.
L'incertitude de la vitesse est donc totalement négligeable même pour cette graine de poussière, et
d'autant plus pour des objets plus lourds.
Afin de voir la différence, analysez l'incertitude de la vitesse d'un électron dans un atome d'hydrogène!
Vous allez remarquer que l'incertitude y sera plus grande que la vitesse elle-même !
II. Interférence et probabili
Dans ce chapitre nous examinons un peu plus au détail certaines notions importantes de la mécanique
quantique. Nous nous référons au "cours de physique de Feynman", vol. 3.
II.1. Interférence
Considérons une double fente. Des particules (p.ex. des balles de fusil) arrivent de gauche. Nous
admettons qu'il y a une certaine dispersion au passage des fentes. Si on n'ouvre qu'une seule fente on
trouvera alors la distribution de balles selon la fig. 1a (détectée à l'aide d'une rangée de détecteurs).
Pour l'autre fente, on aura le même résultat (ligne pointillée). Si l'on ouvre les deux fentes, on trouve la
distribution indiquée qui est la somme des deux distributions individuelles (fig. 1b).
La situation est totalement différente lorsque c'est de la lumière qui passe à travers les fentes.
L'interférence des ondes produit alors une figure de diffraction, avec des maxima et minima alternants
(fig. 2).
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Qu'est-ce qui arrive lorsqu'on répète l'expérience avec des électrons au lieu des balles de fusil?
(Evidemment, il faudra réduire la largeur des fentes de manière convenable. Feynman a inventé cette
expérience comme une version simplifiée de la dispersion de Bragg). Etonnant: on trouve aussi une
figure de diffraction!
Comment expliquer ce résultat? Intuitivement, on supposerait qu'un électron individuel devrait passer
ou la fente supérieure ou la fente inférieure. Le nombre d'électrons détectés serait alors simplement le
nombre de ceux qui ont passé la fente supérieure (distribution pour une fente individuelle) et de ceux
qui ont passé la fente inférieure. Cela ne pourrait donner qu'une distribution semblable à la fig. 1.
(Notez qu'à la fig. 2 l'intensité au milieu excède le double de l'intensité maximale enregistrée pour une
fente seule!).Le fait d'observer une figure de diffraction signifie donc qu'il est impossible de dire si
l'électron est passé par une fente déterminée. Sa trajectoire est totalement indéterminée par rapport à
cette question.
On pourrait alors envisager de positionner un détecteur près de l'un des trous afin de vérifier si
l'électron y passe ou non. (Feynman propose d'installer une petite source de lumière; la lumière
pourrait être dispersé par un électron à son passage). Le résultat est remarquable:
Si l'on monte l'expérience de manière à pouvoir vérifier le passage de l'électron, on ne détecte plus de
figure de diffraction, mais une distribution conforme à la fig. 1! Mieux encore: il n'a aucune importance
si la détection de l'électron passant a réussi ou non. Tout ce qui compte c'est la possibilité de principe
de déterminer la trajectoire de l'électron. (Notez d'ailleurs qu'au moment de la dispersion de la lumière
la quantité de mouvement de l'électron se modifie: en déterminant plus précisément la position on
perdra automatiquement de la précision sur la détermination de la quantité de mouvement).
Quel est d'ailleurs la différence entre les balles de fusil et les électrons qui fait qu'on observe dans l'un
des cas une figure de diffraction mais pas dans l'autre? Il n'y a pas de différence fondamentale. La
longueur d'onde de de Broglie est simplement beaucoup plus petite pour les balles de fusil ce qui
produit une figure de diffraction correspondante extrêmement étroite. Tout détecteur concevable ne
pourra qu'enregistrer une moyenne couvrant beaucoup de maxima à la fois ce qui rend la structure
diffractive invisible (fig. 3).
II.2. Fonction d’onde et probabilités
Les distributions observées dans les expériences décrites ci-dessus s'expriment par des probabilités
P. Soit P
1
la probabilité qu'un objet passe par la fente 1, P
2
la probabilité correspondante pour la fente
2. La distribution de la fig. 1b s'obtient alors très facilement:
P = P1 + P2
En ce qui concerne la figure de diffraction, la théorie ondulaire nous dit comment procéder: il ne faut
pas sommer les intensités des ondes individuelles, mais leurs fonctions d'onde. L'intensité résultante
s'obtient alors comme le module au carré de la somme de ces fonctions. C'est ainsi qu'il faut procéder
aussi pour les électrons. Soit Ψ
1
la fonction de l'onde passant par la fente 1, Ψ
2
la fonction de l'onde
passant par la fente 2. La probabilité de passer par une seule fente i ouverte (l'autre fente étant
fermée) est P
i
=
i
|
2
. A deux fentes ouvertes, la distribution de probabilités est donnée par
P =
1
+ Ψ
2
|
2
On écrit les fonctions de probabilité aussi en forme de
fonction de transition d'un état A à un état B: < B | A >
(à lire de droite à gauche comme pour la multiplication
des matrices) :
Ψ
A ---> B
= <B | A >
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