Les discordances de la concordance
3. LES GRAMMAIRES DU FLE
Le français au présent de A. Monnerie (1987) démontre, s’il en était besoin, com-
bien les grammaires du FLE, loin d’adapter les objectifs à leurs destinataires et
d’élaborer une méthodologie spécifique, se contentent, en accumulant ad nau-
seam des exemples de « simultanéité », d’« antériorité » et de « postériorité »
vis-à-vis de tel ou tel présent ou passé, de démarquer les grammaires du FLM,
quitte à témoigner d’une ouverture supérieure dans le choix des illustrations,
à reconnaître que les « règles de concordance ne sont pas toujours respectées à
l’oral » et, faisant l’impasse sur les formes verbales jugées en perte de vitesse, à
exclure du propos le mode subjonctif.
La Grammaire expliquée du français de S. Poisson-Quinton, R. Mimran et
M. Mahého-Le Coadic (2002) réintroduit le subjonctif auprès de l’indicatif. Son
mérite est de risquer une définition généralisante de la « concordance des temps »
(bien que l’adverbe principalement italiqué infra rouvre un espace à la simple cohé-
rence temporelle) :
C’est un accord, une harmonie entre les différents temps des verbes d’une phrase.
Cette concordance des temps s’établit principalement dans les phrases complexes, c’est-
à-dire des phrases qui comportent plusieurs propositions, au moins une proposition
principale et une proposition subordonnée : Je sais (proposition principale) que tu as
raison (proposition subordonnée). (Poisson-Quinton, Mimran & Mahého-Le Coadic,
2002 : 146)
[et] Tout comme la concordance des temps à l’indicatif, la concordance des temps
au subjonctif est une recherche d’accord, d’harmonie entre les différents temps des
verbes d’une phrase. (op. cit. : 153)
Par un louable souci de clarification, les responsables troquent le « temps » étroit
du verbe principal contre un « contexte » du présent (réunissant le présent, le
futur et l’impératif) ou du passé (réunissant l’imparfait, le passé composé, le
passé simple et l’imparfait). Eux aussi signalent la tendance de l’oral à s’affran-
chir des règles strictes, mais plutôt dans le sens d’une propension « à faire malgré
tout la concordance » (op. cit. : 147). Ils n’évitent pas, cela dit, l’émiettement des
données et se croient tenus, quand ils abordent le mode subjonctif, d’établir des
rapprochements entre les quatre formes verbales du subjonctif et la kyrielle de
formes de l’indicatif (que grossissent encore les « futurs proches » – et même un
« futur de probabilité » – et les « passés récents »).
On doute que les non-francophones sortent intellectuellement armés de cette
poussière d’indications mêlant l’accessoire et l’essentiel. Les préceptes et les
SOIS travailleur et une « remarque » énonçait que « l’attraction modale est comparable, mutatis mutandis, à
la concordance des temps. On lui a d’ailleurs parfois donné le nom de concordance des modes ». Constatons
qu’à l’abri de l’« attraction », la « concordance » évacuée par la porte rentre par la fenêtre. Les débordements
du subjonctif sur l’indicatif demeurent en tout état de cause fréquents : « Quelle que soit la décision que l’on
prenne durant les Jeux, on est critiqué » (dans Le Soir, 1
er
août 2012, p. 16) = ‘quelque décision que l’on
prenne’, etc.
Langages 191
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“LG_191” (Col. : RevueLangages) — 2013/9/20 — 15:18 — page 39 — #39
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