Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón LES GROUPES D’ÉCONOMIE SOCIALE. DYNAMIQUES ET TRAJECTOIRES Rafael CHAVES et José Luis MONZÓN Département d’Économie Appliquée. U.D. Politique Économique et CIRIEC-Espagne Université de Valencia (ESPAGNE) CITAR COMO : CHAVES,R. Y MONZON,J.L. (2001) : « Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires », En : Côté,D. (dir) : Les holdings cooératifs. Évolution ou transformation définitive? De Boeck – CIRIEC International, Bruxelles, pags. 53-76. Table des matières 1 2 3 4 5 6 Introduction Trajectoires: éléments théoriques La logique des groupes d’économie sociale La morphologie des groupes d’économie sociale Trajectoires de l’économie sociale Bibliographie Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón 1 INTRODUCTION Durant les dernières décennies, les groupes d’économie sociale se sont multipliés dans le monde, en particulier dans les secteurs financier, de l’assurance, agroalimentaire et de la distribution. Certains de ces groupes ont réussi à se positionner au premier rang de leur secteur d’activité économique respectif. Mais la pluralité a marqué leur évolution. Ainsi, croissance vertigineuse, internationalisation, renforcement des liens au territoire et aux valeurs d’origine, privatisation et vente au secteur privé à but lucratif (capitaliste) des activités plus rentables, et même effondrement économique, ont parfois été le lot des groupes d’économie sociale. Une vision rétrospective de ce champ de l’économie sociale met en évidence que la matérialisation d’une pluralité de comportements et modes d’articulation interne, dans l’ample éventail d’options possibles, a été leur caractéristique centrale. Néanmoins, dans ce panorama nettement hétérogène, il est possible de repérer certaines régularités dans leur développement. Étudier les facteurs qui influencent et orientent l’évolution et le développement des groupes d’économie sociale devient impératif. Ce travail s’attache ainsi à analyser la dynamique des groupes d’économie sociale en établissant les régularités dans leur évolution sous deux angles: (1) la perspective du mode d’articulation morphologique des groupes d’économie sociale, et (2) la perspective du maintien, du renforcement ou de la dénaturation des traits distinctifs de l’économie sociale. Une préoccupation centrale de ce travail consiste à vérifier si ces diverses formes d’évolution renferment l’hypothèse de l’isomorphisme organisationnel, qui a traditionnellement soulevé l’intérêt des chercheurs de l’économie sociale et coopérative. Selon cette hypothèse, le processus de consolidation et de développement des groupes d’économie sociale, dans un environnement de marché capitaliste, tendrait à les dépouiller de leurs traits distinctifs pour en faire des entités proches des groupes d’entreprises dominantes. En effet, comme la théorie de l’isomorphisme organisationnel l’indique (Oppenheimer, 1914; DiMaggio et Powell, 1983; Bager, 1994), toutes les formes atypiques existantes dans un certain milieu, par exemple, les coopératives dans l’économie de marché capitaliste, tendraient à perdre leurs traits distinctifs et à converger vers la forme dominante – dans ce cas, les entreprises capitalistes. Si on applique cette théorie aux groupes d’économie sociale, il semble qu’ils tendraient donc progressivement à perdre leurs traits différentiels. Logiquement, cette perte progressive aboutira également à une diminution de leurs propriétés spécifiques correspondantes, telle leur capacité de contribution à la réalisation de buts d’intérêt général comme la création d’emploi, une distribution plus équitable des revenus, une correction des déséquilibres territoriaux, la lutte contre l’exclusion sociale, la satisfaction des nécessités sociales, la démocratisation économique, etc. (Chaves, Monzón et Tomas-Carpi, 1999). Notre analyse devra donc aboutir à l’identification des différentes trajectoires des groupes d’économie sociale, en particulier, des trajectoires autorenforçantes ou dénaturantes des traits différentiels de l’économie sociale. 2 TRAJECTOIRES: ÉLÉMENTS THÉORIQUES Ces derniers temps, la population d’entités d’économie sociale s’est adaptée de plusieurs façons au nouveau contexte économique, dans l’ample éventail d’options possibles. Évolutivement, l’expression précise du type de comportement des agents économiques dans le temps, de leur adaptation ou transformation face aux menaces, pressions et défis de l’environnement, est le contenu de la notion de trajectoire d’un agent économique. La notion de trajectoire suppose l’existence de régularités dans le comportement de l’agent et, par conséquent, d’une rationalité du processus. Quand il s’agit d’entreprises ou de groupes d’entreprises, l’expression du comportement de ces agents se voit traduite dans des modes typifiés de conception, voies d’évolution technologique et formes institutionnelles et organisationnelles distinctives (Batsch, 1993; Tomás-Carpi, Gallego et al., 1999). Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón La matérialisation dans le temps d’une trajectoire d’entreprise ou autre est définie par, d’un côté, la force directrice qui oriente l’évolution suivie et, de l’autre, l’influence de différents types de facteurs. Dans les entreprises et les groupes d’entreprises, il s’agit d’une logique de création de valeur d’un type spécifique, aussi connue comme logique de valorisation de certains actifs, tels les capitaux investis ou le facteur travail, qui déterminent la trajectoire. Par conséquent, dans cette logique de valorisation seront recueillis le centre d’émanation et l’explication de la succession de décisions stratégiques qui définissent l’histoire économique du groupe. L’analyse de ce centre d’émanation devient une tâche incontournable pour pouvoir analyser les trajectoires. Mais il est également important d’analyser les facteurs centraux qui influencent, conditionnent ou limitent l’orientation et l’évolution de l’agent principal. Dans ce contexte, on part de l’hypothèse que chaque décision/action stratégique du groupe d’entreprises est le résultat de la confluence systémique de deux groupes de facteurs: d’un côté, des éléments internes du groupe, tels les principaux agents qui coexistent dans l’organisation, le cadre institutionnel et culturel interne régnant, et le processus de négociation et d’affrontement interne quand il s’agit d’adopter et de matérialiser cette suite de décisions stratégiques; et de l’autre, les éléments externes de nature économique, institutionnelle ou culturelle (Cyert et March, 1963; Tomás-Carpi, 1991; Batsch, 1993; Coopey et al., 1998; Chaves, 1999b). Pour pouvoir identifier les trajectoires des groupes d’économie sociale, il est pertinent d’aborder les différents éléments considérés comme définitoires de la trajectoire. 3 LA LOGIQUE DES GROUPES D’ÉCONOMIE SOCIALE 3.1 La notion de groupe d’économie sociale Quels sont les éléments définitoires d’un groupe d’économie sociale? Comme Chaves l’indique (1999a), cette locution intègre deux éléments: d’une part, une structure organisationnelle de groupe d’entreprises et, d’autre part, une réalité sociale se rattachant à l’économie sociale. Il est donc indispensable de traiter les deux aspects comme point de départ pour établir une définition. Suivant la définition du terme « groupe » la plus générique, de nature sémantique1, il s’agirait d’une « pluralité d’êtres qui forment un ensemble, matériellement ou mentalement considéré ». Deux éléments peuvent être identifiés, l’un étant les unités différenciées (ou nœuds), et l’autre, une logique de rapport entre elles (les liaisons) qui leur confère un sens de collectif différencié. Si l’on applique ces éléments au monde économique des entreprises, les deux éléments sont, d’un côté, les entreprises juridiquement indépendantes, et, de l’autre, une logique de rapport (économique) entre celles-ci, qui est la base de leur configuration en tant qu’entités différenciées. Les nœuds et les liaisons peuvent ainsi former différents types de structures organisatives, des plus rigides et homogènes, comme le sont les holdings, aux plus souples et flexibles, comme le sont les réseaux d’entreprises (Tomás-Carpi et al., 1997). L’élément clé quand il s’agit de différencier les types de structures de groupes est la nature des liaisons, c’est-à-dire, le genre de lien établi entre les entreprises du groupe. Ces liens peuvent se fonder sur a) la coopération parmi des entités (nœuds), ou b) la domination de certaines entités par rapport aux autres. Quoique, en théorie, il existe un vaste éventail de possibilités de structures organisationnelles de groupe, la conception la plus étendue de groupe d’entreprises dans la littérature économique est celle du holding: une entreprise dominante ou mère dont les autres entreprises dépendent au niveau du patrimoine, des finances ou économique, mais tout en conservant leur indépendance juridique. C’est la forme la plus répandue de groupe d’entreprises pour ce qui est des entreprises typiques du système économique, de nature capitaliste. Cette conception est précisée dans la définition de « groupe industriel » la plus étendue: « ensemble dérivé de la concentration d’unités d’entreprises au moyen d’une relation de dépendance, à travers laquelle une société exerce sur d’autres un pouvoir qui détermine la soumission de celles-ci à la volonté de la première, tout en conservant les personnalités 1 Dictionnaire de la langue espagnole, Real Academia Española, Madrid, 1984. Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón extérieures respectives ». Exceptionnellement, quelques définitions conçoivent l’existence d’autres formes de groupes d’entreprises, considérées en général comme minoritaires, par exemple la suivante: « ensemble de sociétés ou d’entreprises dont les décisions sont solidaires ou interdépendantes et généralement orientées par une société dominante » 2. Si le regard analytique s’oriente vers le secteur de l’économie sociale, celui-ci montre une pluralité de structures de groupes d’entreprises dont le holding ne serait qu’une parmi d’autres. À côté des formes traditionnelles du type holding coexistent des formes multiples moins rigides, comme les groupes par coordination. L’existence de cette pluralité de structures organisationnelles de groupes d’entreprises d’économie sociale permet de réfuter l’hypothèse de l’existence d’une exacte corrélation entre la structure du groupe et sa nature institutionnelle (capitaliste versus économie sociale), synthétisable dans la proposition suivante: holding -> forme typique et hégémonique du groupe d’entreprises capitaliste; groupe par coordination -> forme typique et hégémonique du groupe d’entreprises d’économie sociale. Le caractère différentiel des groupes d’entreprises d’économie sociale ne doit pas être cherché dans leur morphologie mais dans d’autres éléments, dont un des principaux est la nature de leur base d’entreprise, c’est-à-dire l’élément qui a dans le groupe les catégories dominante et bénéficiaire, dans le sens de Gui (1991). Sous cette perspective, dans un sens très général, on peut dire qu’il existe un groupe d’économie sociale quand les deux catégories, dominante et bénéficiaire, reposent sur une entité ou une coalition d’entités d’économie sociale. En dernier ressort, ce seront ces entités qui imposeront leurs buts au groupe d’entreprises et qui orienteront leur trajectoire. Mais cette première ébauche de définition peut sembler tautologique. Par conséquent, il faut descendre au niveau de ces entités de base – et ne pas rester au niveau du groupe – pour trouver le caractère différentiel, ce qui nous renvoie directement au débat sur le concept d’économie sociale. À cet égard, deux approches de conceptualisation ont été employées: a) celle qui souligne l’élément de l’agent économique important pour l’entité (p. ex., Gui, 1991); et b) celle qui accentue l’importance des règles de comportement de l’entité (p. ex., la Charte de l’économie sociale française de 1982, Monzón et Barea, 1994). Si on cherche une synthèse éclectique des deux approches, on peut dire qu’il s’agit d’un groupe d’économie sociale quand l’entité ou la coalition d’entités qui occupe une position dominante et bénéficiaire dans le groupe satisfait à ces deux conditions: 1) l’agent économique qui occupe la catégorie dominante et bénéficiaire est différent de l’investisseur-capitaliste; et 2) le comportement de la dite entité respecte certains principes typifiés, synthétisables dans une finalité de service aux membres et/ou à la collectivité plutôt qu’un but lucratif; un système de décision démocratique; et une attribution des bénéfices qui considère comme prioritaires les personnes et le facteur travail plutôt que le capital. 3.2 Les acteurs à l’origine des groupes Partant de ces présupposés, s’interroger sur le type d’agent économique « dominant et bénéficiaire » du groupe d’économie sociale est primordial, car ce sont ses intérêts (mutuels ou généraux) qui orientent la stratégie, voire la trajectoire du groupe. Auparavant, il convient de rappeler l’identité des détenteurs de ces catégories dans les groupes d’entreprises capitalistes. Les catégories dominante et bénéficiaire, suivant l’approche de Gui (1991), cristallisent pour ce type de groupe dans l’investisseur-capitaliste, qui est le propriétaire de la quantité nécessaire d’actions dans la société capitaliste (SA et SARL) pour exercer un contrôle effectif sur le groupe3. Les groupes de cette nature présentent une logique 2 Vocabulaire économique et financier, Asociación para el progreso de la dirección, Madrid, 1981. Les différents types de contrôle (absolu, majoritaire et minoritaire), dépendants du pourcentage de participations détenu et de la structure de la propriété des participations restantes, ont été largement 3 Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón de création de valeur pour l’investisseur du capital (qu’il soit familial, personnel, industriel ou financier) visant, en principe, l’obtention d’un maximum de rentabilité possible en contrepartie d’un minimum de risque. Pour ce qui est des groupes d’économie sociale, la classification des agents économiques offerte par Gui (1991) est intéressante à cet effet. Il répertorie quatre principaux types d’acteurs susceptibles d’intégrer la base sociale des entités d’économie sociale, donc des entités de base du Noyau Coopératif du groupe: les consommateurs ou usagers de biens et de services, les producteurs, les travailleurs et les bénévoles qui offrent des ressources, des biens et des services. Dans tous les cas, la logique de valorisation (intérêts) est différente de celle des investisseurs-capitalistes. Les deux premiers types d’agents – les consommateurs et les producteurs –, contrairement aux deux derniers, ont en commun le rapport de leurs intérêts en tant que collectif avec un secteur d’activité économique déterminé. Ainsi, dans le cas des consommateurs demandeurs de logements, le rapport s’établit avec le secteur de la construction, dans celui des consommateurs de services sanitaires, avec le secteur sanitaire, etc. En ce qui concerne les producteurs (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs), le rapport s’établit avec le secteur agroalimentaire, leur logique étant de valoriser leurs actifs, p. ex. la récolte, dans ce secteur. Les travailleurs, troisième type d’agents, tiennent à valoriser le principal actif dont ils disposent: le facteur travail. Leur logique de valorisation se matérialise de manière multiforme, cherchant à augmenter la capacité d’emploi, la rémunération, les qualifications, la stabilité, la qualité, l’intégration et le statut social, etc., rationalité qui est, en principe, indépendante du secteur économique. C’est à partir de cette rationalité qu’il faut interpréter les processus de création de groupes par les coopératives de travailleurs (p. ex. le Groupe de Mondragón) et par les entreprises d’insertion, processus qui vont de la création de groupes basés sur des mécanismes de distribution inter-entreprises du travail et de stabilité de celui-ci, à celle de groupes basés sur des mécanismes de placement dans des entreprises spécialement constituées pour favoriser l’employabilité et l’insertion de collectifs défavorisés sur le marché du travail. L’intérêt du quatrième type d’acteurs réside dans la répercussion sur un objectif social, plus concret (p. ex. lutte contre la toxicomanie, défense de l’environnement) ou général (développement social et économique d’une région ou d’une zone rurale), de son action et de ses ressources. Cet intérêt demeure institutionnalisé grâce à la constitution d’entités altruistes (à but non lucratif, p. ex. une fondation) dotées d’un plan, d’une charte, ou de principes orientant leur action. Cette typologie d’acteurs est cependant trop simple. En réalité, l’homogénéité des intérêts n’est pas toujours la règle dans les groupes, de même que pour les entités de base de l’économie sociale. Il existe souvent des intérêts divergents (dans le sens de Cyert et March, 1963), et ce, à l’intérieur de la même catégorie d’agents (p. ex. les agriculteurs les plus productifs et efficients face aux autres, les plus âgés face aux jeunes, Eschenburg, 1979; ou encore les consommateurs qui valorisent davantage le prix du bien ou du service objet de la consommation face à ceux qui valorisent plutôt la qualité, Gui, 1991). 3.3 Contraintes internes: cadre institutionnel et processus d’élaboration des décisions Dans les groupes d’économie sociale, les décisions/actions successives effectivement matérialisées, qui expriment la trajectoire réelle du groupe, sont le résultat d’un processus de négociation entre des acteurs différents. Ces acteurs, ou agents économiques, présentent des intérêts divers, voire divergents, et des positions de pouvoir et d’influence, ainsi que des stratégies et une conception de la politique d’entreprise, tout aussi diverses. L’orientation de la stratégie du groupe, et donc la forme et le contenu que celui-ci adopte, dépendront des intérêts de la catégorie de l’agent dominant (ou de la coalition d’agents) au cours d’une période étudiés par la littérature économique depuis Berle et Means (1932). Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón déterminée. Les rapports de pouvoir entre les différents acteurs (les protagonistes internes du groupe), et donc leur capacité d’imposer leurs intérêts ou d’influencer l’orientation de la stratégie du groupe, sont ainsi le premier facteur clé du processus d’élaboration des décisions de politique d’entreprise dans les groupes d’économie sociale. Les deux autres facteurs à mettre en relief dans ce processus sont a) le cadre institutionnel ou système politique dans lequel se canalise formellement (avec des organes et des règles) le processus de décision, et b) le niveau de complexité de l’information économique sur le groupe et son environnement devant être considérée pour adopter les décisions stratégiques. Le cadre institutionnel dans lequel les agents économiques précédemment mentionnés canalisent leurs intérêts ou logiques de valorisation est défini par les statuts juridiques des entités du groupe (forme coopérative, associative, fondation, SARL, etc.) du Noyau et du Réseau (voir partie 4 de ce travail), ainsi que par les rapports entre les entités du groupe. Les statuts définissent à leur tour des mécanismes spécifiques de participation/négociation et de diffusion de l’information. L’édification des groupes d’économie sociale ainsi que les matérialisations successives d’innovations institutionnelles (implantation de nouveaux mécanismes institutionnels qui favorisent ou restreignent la participation effective des acteurs centraux, en particulier de ceux présents à l’origine du groupe) représentent d’importantes modifications dans le cadre institutionnel du groupe, qui peuvent favoriser les positions stratégiques et de pouvoir de certains acteurs face à d’autres. L’augmentation de la quantité et de la complexité de l’information nécessaire au processus de décision peut, à son tour, limiter la capacité de participation et de décision de certains acteurs, en particulier de ceux à l’origine du groupe, s’ils n’arrivent pas à la gérer et à la traiter (p. ex. par un processus de formation additionnel). Enfin, la façon dont se déroule le processus de participation démocratique influence l’apparition de nouveaux centres de contrôle (pouvoir) au sein de ces entités, spécialement celui de la technostructure. Celle-ci jouit, si des mécanismes institutionnalisés effectifs de participation et de garantie de continuité dans l’exécution des intérêts de la base sociale de l’organisation d’économie sociale de base n’ont pas été établis, d’une grande facilité pour exercer un contrôle interne, analogue à celui qu’exercent les entreprises capitalistes, et d’un plus grand contrôle si la base sociale de cette organisation de base est plus grande. 3.4 Contraintes externes: environnement, secteur et politique économique Aucune décision/action, aussi bien celle d’origine (apparition du groupe) que celles qui suivent (dynamique du groupe) n’est étrangère aux caractéristiques structurelles et aux tendances dans l’évolution des secteurs d’activité où les groupes se trouvent ancrés. Le cadre sectoriel dans lequel se développent ces groupes, les occasions et menaces qu’il génère, ses tendances, influencent les possibles options et la direction des décisions de politique d’entreprise. Par conséquent, il conditionne l’édification de Réseaux d’entités instrumentales et filiales dans le groupe et donc la morphologie de celui-ci. Ce cadre conditionnant est commun à tous les types d’opérateurs, quelle qu’en soit la nature (capitaliste, publique ou d’économie sociale); cependant, ses implications stratégiques, compétitives et sociales se verront influencées précisément par cette nature différentielle. La position du groupe dans son secteur, ce dernier étant appréhendé sous l’angle de la filière productive, constitue un premier aspect de ce cadre. Sa position est définitoire des restrictions, des défis et des handicaps caractérisant son développement. Par exemple, son positionnement dans les phases de la filière qui incorporent des valeurs ajoutées réduites ou qui accusent une forte intensité de la compétence limite ses possibilités de capitalisation et de développement. Une solution stratégique pourrait viser, dans ces cas, à entreprendre des déplacements stratégiques du groupe vers des phases ou des créneaux de marché moins touchés par la concurrence (surtout par l’intermédiaire des prix) et générateurs de plus grandes valeurs ajoutées. Cependant, les possibilités de mise en place de ce type de stratégies sont limitées dans les groupes d’économie sociale, contrairement aux holdings de type capitaliste, Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón par la base sociale qui détient la catégorie dominante (matière première du groupe) (Nicolas, 1990), ce qui signifie que ces groupes jouissent d’une marge de manœuvre stratégique plus restreinte que les groupes capitalistes. Les caractéristiques technologiques et le rythme du changement technologique dans différentes phases de la filière productive ou dans les créneaux de marché constituent des restrictions additionnelles au positionnement et au déplacement stratégique des groupes d’économie sociale, surtout si ces phases ou créneaux sont très exigeants en fait de capital financier. Rappelons que les entités d’économie sociale présentent des difficultés majeures d’accès au crédit et de capitalisation par rapport aux entreprises et holdings capitalistes, difficultés qui limitent leur capacité économique et financière. Les caractéristiques de la demande (existence de segmentation ou de consommation massive), les facteurs de préférence des consommateurs ou clients (prix versus qualité, service, rapidité, différenciation, etc.), les techniques de marketing dominantes, les caractéristiques des réseaux de distribution commerciale et les rapports entre producteurs et commercialisateurs définissent à leur tour le potentiel de développement du groupe, orientent les politiques d’entreprise à suivre afin de maintenir des avantages compétitifs sur le marché, et conditionnent l’efficacité des stratégies instrumentées par les groupes. D’autres facteurs qui influencent les stratégies des groupes d’économie sociale résident dans leur position de pouvoir, leur capacité de négocier et conclure des accords de coopération avec les agents économiques restants, tels les clients (réseaux de distribution, franchiseurs, etc.), les fournisseurs, le système financier, les concurrents dans les créneaux du marché où ils travaillent, les pouvoirs publics, et les agents sociaux. Ces facteurs peuvent limiter les options possibles. Ainsi, dans un contexte d’insuffisance financière pour aborder des projets d’entreprise exigeants en fait de capital (p. ex. la construction de nouveaux hypermarchés, ou d’usines destinées à fabriquer des produits primaires déterminés, etc.), la capacité des groupes à arrimer des investissements publics ou à accéder à des crédits du système financier s’élève au rang d’actif de première importance. L’action publique, dans le ou les secteurs économiques au sein desquels opère le groupe, altère, d’un côté, les expectatives, et, de l’autre, impose des restrictions aux stratégies du groupe. Ainsi, les processus de régulation et dérégulation des secteurs, tels que la privatisation d’entreprises publiques, ont modifié significativement l’environnement économique de ces secteurs en altérant les positions des agents qui y opèrent et/ou en incorporant de nouveaux concurrents (parfois même étrangers). La capacité des groupes d’économie sociale à répondre à ces transformations de leur environnement et à accéder à l’achat d’entreprises publiques en processus de privatisation a conditionné leurs stratégies des dernières années, altérant leur position compétitive future. Quand le groupe d’économie sociale s’internationalise, le cadre juridique et institutionnel, aussi bien dans le pays d’origine du groupe que dans les pays où il s’est implanté par la suite, restreint l’éventail d’options instrumentales possibles. Les limitations légales, par exemple, empêchent dans plusieurs cas l’installation ou l’exploitation d’entreprises étrangères dans certains marchés, en exigeant la constitution préalable d’entreprises conjointes avec des sociétés nationales. Finalement, une autre conséquence de l’accélération des changements (technologiques, du marché, réglementaires, des positions stratégiques des concurrents, etc.) dans l’environnement est que le niveau d’information nécessaire devant être considéré pour adopter les décisions stratégiques s’accroît, constituant à son tour un facteur de grande ampleur qui influence le processus décisionnel interne du groupe. 3.5 Les acteurs de la dynamique L’évolution des groupes d’économie sociale est marquée par des transformations dans les éléments signalés précédemment. Ainsi, de nouveaux agents économiques, avec leurs intérêts propres, apparaissent et influencent l’évolution du groupe, tandis que d’autres voient Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón leur capacité d’influence réduite jusqu’à être relégués dans une position marginale dans le processus décisionnel. De plus, la transformation morphologique du groupe modifie le cadre institutionnel, donc les règles internes du groupe. Ces mutations méritent une attention spéciale. - De nouveaux acteurs Les employés forment un groupe d’intérêts à la présence croissante, surtout quand se créent des filiales. Ils sont présents aussi bien dans le Noyau Coopératif que dans le Réseau d’entités instrumentales et filiales. Dans certains cas, ce groupe d’intérêts accède à la condition de membre/actionnaire, bénéficiant ainsi d’un nouveau canal de participation et d’influence relativement aux décisions et contribuant à augmenter la complexité du processus décisionnel. Notons la présence d’un segment particulier parmi les employés, à savoir la haute direction. Deux autres agents économiques, cette fois-ci étrangers au groupe, arrivent à influencer, voire conditionner sa stratégie. Ce sont, d’un côté, les pouvoirs publics, qui peuvent exercer une pression directe, par exemple en rendant l’octroi des subventions ou mesures d’appui conditionnel à l’adoption de mesures précises de politique d’entreprise, et, de l’autre côté, les membres/actionnaires externes (y compris ceux du secteur capitaliste) qui détiennent une participation dans certaines entreprises du Réseau d’entités instrumentales et filiales. La création de nouvelles entités dans le groupe entraîne un changement dans le cadre institutionnel interne qui transforme le panorama englobant les acteurs et leurs rapports de pouvoir. Par exemple, la formation d’un Groupe Coopératif typique du secteur agroalimentaire qui répond au type « groupe par coordination externe avec irradiation polarisée » (voir section suivante de ce travail) crée de nouveaux centres de pouvoir: il faut différencier deux niveaux, celui des entités de base du Noyau Coopératif, et le niveau de l’agence stratégique, ou mécanisme de coopération (p. ex. une coopérative de deuxième niveau). Au premier niveau coexistent trois centres de pouvoir: l’assemblée générale des membres (AS), qui détient le pouvoir de contrôle et de décision ultime, le conseil recteur (CR), auquel l’AS délègue certains pouvoirs de décision, et la gérance-direction. Au deuxième niveau, les organes effectifs se réduisent à deux, le CR et la haute direction. L’augmentation du nombre des niveaux (deuxième niveau et au-delà) comporte deux effets. D’un côté, on note une tendance à éloigner progressivement du processus de décision les membres de base des entités de base du Noyau Coopératif – dans des domaines de décision de plus en plus stratégiques. D’un autre côté, on assiste à l’apparition et à l’accession au pouvoir des acteurs politiques des organes supérieurs (CR) des groupes d’économie sociale, et de la haute direction (acteurs techniques ou technostructure). L’augmentation du poids du Réseau d’entités instrumentales et filiales par rapport au Noyau Coopératif n’est pas non plus neutre. En effet, un poids croissant relatif du Réseau tend à réduire le pouvoir de décision et de contrôle relatif de la catégorie dominante originaire du Noyau Coopératif, au bénéfice des nouveaux agents économiques: 1) la technostructure (contrôle interne); 2) les partenaires externes, parfois à caractère capitaliste, dans les entreprises conjointes du Réseau; et 3) les travailleurs salariés des entreprises du Réseau. L’influence de ces nouveaux agents économiques va conditionner, voire réorienter la trajectoire du groupe. - L’accession au pouvoir managérial L’accès à l’information interne ainsi que le contrôle et la gestion de cette information par les acteurs sont un autre facteur clé de la dynamique des groupes, en ce qu’ils conditionnent le processus de décision. Or on est en présence, de façon croissante, de situations d’asymétrie informative entre les acteurs internes. Avec le développement des groupes d’économie sociale, les organes supérieurs du groupe, et surtout la technostructure, ont tendance à concentrer un pouvoir croissant sur l’information, ce qui accentue leur influence sur la stratégie suivie par le groupe, à moins que s’implantent des mécanismes institutionnels qui neutralisent ce phénomène. Ce pouvoir technocratique dérive d’un plus grand contrôle de l’information interne – qui est « filtrée » avant d’être dirigée vers les autres organes du groupe –, de la quantité et de Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón la complexité croissantes de l’information, et de l’« interprétation » du sens des décisions adoptées par le CR et les autres organes détenant un pouvoir décisionnel. L’accession au pouvoir managérial et son rôle dans les entreprises ont été l’objet de nombreuses analyses dans la littérature économique depuis l’introduction de la notion de contrôle interne par Berle et Means (1932). Les auteurs « classiques » que sont Marris (1964) et Galbraith (1967), entre autres, ont analysé les différences au niveau de la rationalité économique des entreprises lorsqu’elles sont soumises à ce contrôle interne ou technocratique. L’importance de ce phénomène a poussé les analyses de groupes industriels à considérer ce qu’on a appelé les « groupes technocratiques », ainsi que l’ascension de la technostructure vers la catégorie dominante, et le déplacement des membres de base. La ligne argumentative centrale est que l’édification des groupes avec des Réseaux obéit à une logique de « politique expansionniste technocratique » (Ballestero, 1991). Cette politique repose sur deux groupes de facteurs: une logique de valorisation liée à ce nouvel acteur et sa culture de politique d’entreprise. Il a d’abord été souligné que ce nouveau groupe d’intérêts présentait une logique de valorisation spécifique basée sur le « on the job consumption » (Fama, 1980), visant à augmenter son pouvoir, son statut social, sa sécurité d’emploi, ses possibilités de promotions et ses revenus. La création de nouvelles entités filiales et l’élection d’un type de statut déterminé pour celles-ci sont plus fonctionnelles avec la logique de valorisation de la haute direction qu’avec celle des autres acteurs du groupe, notamment les membres de base. Cet élément met en évidence la divergence, voire la contradiction potentielle entre les intérêts de ces deux groupes d’acteurs. Par conséquent, comme cela a été signalé plus haut, les changements dans le cadre institutionnel peuvent accroître significativement le pouvoir managérial en dépit des membres de base. La culture managériale, entendue comme l’amalgame de croyances et de conceptions, ainsi que d’un système de valeurs et d’un style de direction, est l’autre aspect mis en relief (Hayes et Abenathy, 1980; Clark et Salaman, 1998). En effet, la haute direction imprime sa culture dans ses pratiques de politique d’entreprise aussi bien au niveau du type de formation des structures de groupe qu’à celui de la gestion du processus d’élaboration des décisions internes, p. ex. en facilitant la circulation de l’information et la participation des acteurs internes. Le fait que la haute direction des groupes d’économie sociale soit réceptive à l’influence de la culture émise par les « think tanks » managériaux, appelés aussi « business schools », peut engendrer une des formes d’isomorphisme répertoriées par DiMaggio et Powell (1993): l’isomorphisme normatif. Mais la technostructure et les organes recteurs (CR) ne constituent pas non plus des groupes d’intérêts et de pouvoir homogènes. Schediwy (1997), par exemple, a mis en relief les conflits existant, d’un côté, entre les deux niveaux, celui des entités de base du Noyau et celui du mécanisme de coopération (ou entité que centralise le Réseau d’entités instrumentales et filiales), et, d’un autre côté, entre certaines entités de base (qui jouissent d’un pouvoir important dérivé de leur forte position économique relative) et les entités de base restantes et/ou l’entité centrale de deuxième niveau. Les cultures divergentes entre groupes de technocrates sont souvent à la base de ces conflits. - La nouvelle scène politique Avec le développement du groupe et la reconfiguration des acteurs, trois dimensions du bilan de pouvoir et d’influence sont à considérer: 1) l’une, propre à l’entité de base, entre les différents acteurs du même nœud du Noyau Coopératif; 2) une autre, propre au groupe, entre les différents nœuds du Noyau Coopératif (s’il y a lieu) et entre ceux-ci et les niveaux du Réseau d’entités instrumentales et filiales; 3) et enfin une troisième, externe, entre les agents internes et les partenaires du Réseau d’entités instrumentales et filiales du groupe (qu’ils soient publics, privés capitalistes, ou d’économie sociale). La variation des rapports de pouvoir dominants est alors influencée par le système politique interne du groupe et par l’augmentation de la complexité de l’information économique propre aux entreprises. En effet, le mode d’organisation institutionnelle du système politique Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón interne des groupes peut limiter et réduire la capacité de contrôle et de décision de certains organes (p. ex. de l’AS – assemblée générale des membres – des entités de base), et avec eux des membres de base, au fur et à mesure qu’augmente la taille de la base sociale et que se multiplie l’information technique nécessaire pour décider de la stratégie du groupe. L’instrumentalisation de mécanismes destinés à favoriser la participation interne, telles la transparence informative, la décentralisation décisionnelle vers les assemblées et les sections, la promotion de la formation et de l’éducation des membres, cadres, employés et directeurs en matière coopérative et économique sur le groupe et son secteur d’activité, constitue un élément du système politique qui contrebalance l’effet antérieur limitatif de la capacité de contrôle du groupe par les membres de base (Nicolas, 1991). Last but not least, la capacité d’organisation et de regroupement des groupes d’intérêts, en fonction de leur conception idéologique, stratégique et politique commune, influence le processus décisionnel. En effet, une forte segmentation et une diversité de conceptions (divergentes) peuvent sérieusement complexifier ce processus, voire le bloquer. La conception du style de direction, de la stratégie et, en général, de ce que doit être la politique d’entreprise, jointe aux valeurs et intérêts existants, bref, le système culturel dominant (parfois appelé « culture corporative ») oriente finalement la stratégie du groupe. En effet, l’évolution expérimentée par le groupe n’est pas indépendante du mode d’organisation et d’institutionnalisation de chaque activité nouvelle mise en place par lui (p. ex. la création d’une filiale) ni du mode d’organisation interne du système politique, lesquels répondent tous deux à des conceptions sur l’entreprise. Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón 4 LA MORPHOLOGIE DES GROUPES D’ÉCONOMIE SOCIALE Un champ d’importance primordiale où se matérialisent les décisions/actions successives des protagonistes du groupe d’économie sociale est le champ institutionnel, les entités de base d’économie sociale élaborant des accords de coopération et/ou édifiant des Réseaux d’entités instrumentales et filiales à statuts juridiques divers. Selon cette perspective morphologique, ainsi que Chaves (1999a) l’a précisé, deux modèles génériques institutionnels de groupes d'économie sociale peuvent être identifiés: le groupe par subordination et le groupe par coordination. Le premier est basé sur des liens (liaisons) de domination entre les entreprises (nœuds) du groupe, dérivés principalement des droits de propriété et/ou des rapports de pouvoir, tandis que le second s’articule moyennant des rapports de coopération entre les nœuds. 4.1 Le « groupe par subordination » Ce genre de groupe est caractérisé par l’existence d’un rapport asymétrique entre les entreprises filiales et la société mère, qui agit comme bureau central de décision du groupe. Cette asymétrie provient de certains rapports établis entre elles, reliés 1) aux droits de propriété; 2) à la dépendance financière; ou 3) aux rapports de pouvoir émanant de liens économiques et productifs spécifiques tels ceux dérivés des rapports de sous-traitance de capacité entre entreprises. Les rapports de domination les plus connus sont, sans doute, ceux qui découlent des droits de propriété, et ce sont ceux qui sont considérés ici. L’incorporation d’une ou de plusieurs entités juridiquement indépendantes (filiales) à un groupe d’entreprises à la tête duquel (société mère) figure une organisation d’économie sociale constitue la voie typique de formation de ce type de groupe. Cette incorporation peut être la conséquence de l’achat de ces entités ou de la création ex novo d’une nouvelle unité d’affaires de la part de la société de holding. La dualité existant entre les entreprises/organisations filiales du holding et les organisations Têtes de groupe (qui correspondent au statut juridique des entités d’économie sociale) a été normalisée, dans le cas des coopératives, par des auteurs comme Levesque (1997) et Nicolas (1990), sous les dénominations, respectivement, de Secteur Coopératif face au Secteur Corporatif et de Noyau Coopératif face au Secteur de filiales (ou Réseau d’entités instrumentales et filiales). Le statut juridique des entités du groupe, tant les filiales que la société mère, est un élément institutionnel clé conditionnant la formation de groupes par subordination. En effet, certaines formes juridiques, comme les Sociétés Anonymes et les fondations, se prêtent mieux, tout dépendant du cadre juridique de chaque pays, à un contrôle par voie patrimonialecapitaliste par une autre entreprise; d’autres, par contre, comme les coopératives (Embid, 1995) et les associations (Castro et Alix, 1990), présentent certains écueils institutionnels, inhérents à leur nature sociétaire, des entités filiales des groupes par subordination. 4.2 Le « groupe par coordination » L’intégration, ou le groupement d’organisations d’économie sociale (entités de base), est très courante dans le monde de l’économie sociale, notamment l’économie coopérative. Dans ce modèle de groupe, les entreprises d’économie sociale (nœuds) maintiennent leur indépendance juridique mais sont liées entre elles par un tissu de relations durables et institutionnalisées de coopération qui conditionnent plus ou moins leur stratégie d’entreprise. La relation qui existe entre les entreprises qui s’intègrent au groupe (ou entités de base) est, au départ, de caractère symétrique, et elle est basée sur la coopération. Le lien coopératif peut articuler des structures de groupe de deux types, soit qu’elles soient dotées de plus de cohésion ou d’une plus grande souplesse. Les premières, basées sur des liens de coopération plus intenses, engagent les entreprises du groupe dans les différentes activités économiques. Ce serait le cas des groupes d’entreprises qui établissent des politiques d’entreprise globales conjointes. Le problème réside dans la persistance dans le temps d’une Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón forte tension entre l’espace (intérêt) individuel (parcelle B) et l’espace (intérêt) partagé par le groupe (parcelle A) (Chaves, 1996, p. 29). Les secondes, qui présentent une forme plus souple, s’appuient sur un lien partiel de chaque entité de base du groupe, l’interdépendance directe affectant exclusivement certaines fonctions économiques de l’entreprise. Ce serait le cas de plusieurs coopératives agricoles de deuxième niveau formées sur la base d’un groupe de coopératives de premier niveau qui décident d’établir une liaison au niveau de la commercialisation (ce qui affecte donc leurs stratégies commerciales respectives), en excluant les rapports de production, d’organisation interne, etc. Ces entités de base jouent collectivement le rôle de Tête de groupe ou de « Centre de décision » relativement aux activités ou fonctions qui, en vertu de l’accord, sont exercées par le « groupe » (activités de type A). Les autres activités propres à chaque entreprise (activités de type B) restent à l’écart du groupe, bien que logiquement elles se trouvent conditionnées, limitées ou favorisées par l’évolution de activités liées au groupe. La nature de la relation stable de coopération établie entre les entités coopérantes du Noyau définit deux prototypes de groupes par coordination. - Le Groupe par coordination « interne » Dans ce type de groupe, les entités de base lient directement entre elles leurs activités de type A sans édifier de nouvelles entités instrumentales. Par conséquent, cette logique de groupe n’exige pas la création de nouvelles entités, le pacte formalisé par le contrat entre les parties constituant un mécanisme de garantie suffisant. Cependant, il est habituel de créer des « entités-pont », sous forme associative, dont la fonction centrale est d’institutionnaliser le processus de rationalisation de ce groupe. Le groupe par coordination nourri par un processus de réorganisation interne constitue parfois une étape intermédiaire vers une fusion-absorption des différentes entités juridiques de base, en adoptant postérieurement une organisation analogue à celle du modèle multidivisionnel (M-form) de Chandler (1982). L’élément différentiel morphologique entre ce type de groupe par coordination et les autres types de groupe réside donc dans l’absence de Réseau d’entités instrumentales et filiales. La réorganisation et la rationalisation économiques entre les entités de base, qui touchent directement le devenir économique de celles-ci, constituent un des principaux objectifs de la formation de groupes par coordination. Cette réorganisation interne peut se matérialiser de deux façons: - Au moyen de la réassignation des fonctions économiques clés internes – par exemple, dans la fonction de production, en réattribuant à chaque entité de base une phase du processus ou la production d’un input identifiable différencié, ou encore, dans la commercialisation, en réattribuant à chaque entité de base quelque marché typifié ou ligne de commercialisation, etc. - Au moyen de la réattribution de ressources économiques (bénéfices) et humaines, des entités de base excédentaires vers les déficitaires ou vers des projets viables d’entreprises de groupe. C’est le cas des groupes régionaux et sectoriels du fameux Groupe de Mondragón. - Le Groupe par coordination « externe » La constitution de « groupes par coordination » comporte, dans la plupart des cas, la création de nouvelles entités juridiquement indépendantes, qui se traduit par l’édification d’un Réseau d’entités instrumentales et filiales. Ces entités exercent des fonctions déléguées (ou ségréguées) par les entreprises de base et/ou des activités non développées antérieurement par ces entreprises-partenaires de base. En considérant deux variables, soit l’activité exercée par ces entités et la nature juridique de celles-ci, quatre types de Réseau peuvent être répertoriés: En utilisant la première variable, il est possible de distinguer, d’une part, les entités qui développent des fonctions périproductives (d’information, financières, de formation, d’assistance, de recherche, de représentation), qui généralement adoptent un statut fédératif Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón (de coopératives), et, d’autre part, les entités avec des fonctions productives4 (ou Réseau d’entités instrumentales et filiales, stricto sensu), liées directement à la production/transformation, à la commercialisation et/ou à l’approvisionnement. Suivant la variable de la nature juridique, ces entités peuvent adopter un statut légal à caractère capitaliste (SA, SARL) ou protocapitaliste (fondation), formant ainsi un « Réseau capitaliste », ce qui conduit au cas concret de la création de « holdings coopératifs » ou groupes par subordination. Elles peuvent aussi adopter un statut à caractère associatif (coopérative, association, fédération, AIE – groupement d’intérêt économique), formant ainsi un « Réseau associatif ». La différence centrale entre le Groupe par subordination ou « holding coopératif standard » analysé plus haut et ce type de groupe par coordination réside dans la composition différente du Noyau Coopératif. Dans le premier cas, ce Noyau est intégré par une seule organisation (Tête de groupe unitaire), tandis que, dans le second, il est formé par une plurarité d’organisations, définissant ainsi un centre de décision ou Tête de groupe plurielle. Cette dernière réalité incorpore un plus grand niveau de complexité dans le processus d’élaboration des décisions. Ces deux groupes d’économie sociale partagent le fait d’édifier progressivement un Réseau d’entités instrumentales et filiales. Le mode d’édification de ce Réseau, ou mode d’irradiation, sera approfondi ci-dessous. 4.3 Les groupes d’économie sociale et leur mode d’irradiation du réseau d’entités instrumentales et filiales En ce qui concerne la dimension des rapports de propriété et de contrôle du Réseau d’entités instrumentales et filiales par rapport à la Tête de groupe (qu’elle soit unitaire ou plurielle), l’édification de ce Réseau, ou son mode d’irradiation, peut être centralisée (ou polarisée), multiple ou mixte. L’irradiation est centralisée lorsque les nouvelles entités du Réseau d’entités instrumentales et filiales créées dépendent d’un seul centre de décision, que celui-ci soit une seule organisation d’économie sociale ou une entité filiale du groupe. L’irradiation est multiple lorsque les différentes entités du Réseau présentent différents modèles de propriété, bien que dans tous les cas la propriété repose sur une seule ou plusieurs organisations du Noyau Coopératif. Dans ce dernier cas, de véritables sous-groupes coopératifs peuvent parvenir à se constituer au sein d’un autre, plus vaste. L’irradiation est mixte lorsque les nouvelles entités créées présentent des schémas mixtes d’irradiation – centralisée et multiple. En utilisant le concept d’irradiation, quatre modèles principaux de groupes d’économie sociale possédant des Réseaux peuvent être répertoriés: a. Groupe par subordination avec irradiation polarisée GROUPE D’ÉCONOMIE SOCIALE Noyau Coopératif Réseau d’entités instrumentales et filiales Membres de base 4 Entités du Noyau Coopératif Entités du Réseau d’entités instrumentales et filiales Les deux fonctions ont été désignées, respectivement, activités d’appui et secondaires, et, d’un autre côté, activités primaires, dans le concept de chaîne de valeur de Porter (1987). Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón Dans ce modèle, une entreprise d’économie sociale agit en tant que centre de décision unitaire ou Tête du Groupe d’entreprises, dont dépendent toutes les entités du Réseau d’entités instrumentales et filiales. Ces dernières présentent des formes politiquement et financièrement contrôlables, en particulier des formes sociétaires capitalistes (SA et SARL) et des formes patrimoniales (fondations). Comme nous l’avons signalé auparavant, les statuts associatifs et coopératifs ne permettent pas un contrôle facile de ce type, mais plutôt un contrôle indirect ou minoritaire, si certaines conditions sont présentes. Quant au flux décisionnel, la catégorie dominante repose sur les membres de base de l’entreprise d’économie sociale qui décident en assemblée générale ou délèguent à un conseil recteur. L’assemblée générale des membres ou le conseil recteur agit en temps qu’organe collectif de base de décision du groupe. b. Groupe par coordination externe avec irradiation polarisée Les groupes par coordination, spécialement les groupes coopératifs, ont tendance à créer une entité filiale centrale à la personnalité juridique propre, p. ex. une coopérative de deuxième niveau. Au moyen de ce premier mécanisme de coopération institutionnalisé, le groupe d’économie sociale tend ultérieurement à activer de nouvelles entités instrumentales, généralement sous la forme de sociétés capitalistes ou protocapitalistes (SA, SARL ou fondations). Ce mécanisme de coopération (ou première entité filiale) détient le contrôle (par voie de propriété, généralement) des entités restantes du Réseau. Ce type de groupe par coordination s’est notamment étendu au sein des coopératives agricoles. Réseau d’entités instrumentales et filiales Noyau Coopératif GROUPE D’ÉCONOMIE SOCIALE Membres de base c. Groupe par coordination externe avec irradiation multiple Un autre mode d’irradiation réside dans la multiplication des mécanismes de coopération stable (entités de couverture, et aussi contrats de relation) parmi les entités de base du Noyau Coopératif. Dans certains cas, de nouvelles sociétés filiales dépendantes de quelques-unes de ces entités de base peuvent se constituer, celles-ci formant des sousholdings de ce groupe. Dans d’autres cas, par un processus d’essaimage, ou proto« intrapreneurship », de nouvelles entités créées par le Noyau Coopératif peuvent obtenir leur indépendance en s’incorporant à cette partie du groupe. Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón Réseau d’entités instrumentales et filiales GROUPE D’ÉCONOMIE SOCIALE Noyau Coopératif Membres de base d. Groupe par coordination externe avec irradiation mixte Réseau d’entités instrumentales et filiales GROUPE D’ÉCONOMIE SOCIALE Noyau Coopératif Membres de base Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón 5 TRAJECTOIRES DE L’ECONOMIE SOCIALE Les différents groupes d’économie sociale existants ont expérimenté diverses transformations suivant les variables analysées dans ce travail. Il nous paraît intéressant d’étudier, dans cette dernière partie, le rapport entre le comportement du groupe et l’évolution des traits spécifiques d’identité de l’économie sociale, dans le but de typifier des trajectoires de groupe, les unes, dénaturantes de ces traits, qui confirmeraient l’hypothèse de l’isomorphisme institutionnel, et les autres, autorenforçantes de ces traits, qui signaleraient des voies de maintenance et de développement de la nature d’économie sociale du groupe. Les variables à détacher sont les suivantes: - les changements dans le cadre institutionnel, c’est-à-dire, la création/suppression de nouvelles entités, le type de statut de ces entités et la création/suppression de canaux de participation des acteurs internes; - la capacité des membres de base à gérer et utiliser la quantité et la complexité croissantes de l’information nécessaire pour influencer et décider dans le processus de décision central du groupe. La formation des membres tendrait à aider à augmenter cette capacité; - le maintien, le développement ou la diminution de l’intérêt (implication) des membres envers le groupe, dérivant notamment de leur perception que le groupe évolue conformément à leur logique de valorisation; - le rôle de la haute direction du groupe et des entités qui l’intègrent, laquelle peut éventuellement faire obstacle, voire être contraire, dans sa politique d’entreprise, à la logique de valorisation propre aux autres acteurs, notamment les membres de base; - la complexité croissante des acteurs internes en scène. Comme nous l’avons signalé, l’évolution du groupe d’économie sociale fait émerger de nouveaux acteurs internes, ébranlant l’homogénéité d’origine des membres de base. Mais la nouvelle hétérogénéité des acteurs/membres n’implique pas une dénaturation du groupe (cette dernière dépend plutôt de la nature des membres, qui ne doivent pas être majoritairement des investisseurs-capitalistes). L’enjeu est de canaliser de manière participative, voire démocratiquement, les intérêts des différents acteurs avec de nouvelles règles (AAVV, 1998). Suivant ces variables, deux types extrêmes de trajectoire peuvent être dégagés: a. Une trajectoire dénaturante. Cette trajectoire serait basée sur un pouvoir croissant entre les mains d’une technostructure du groupe; un style de management dirigiste; un langage spécialisé éloigné du niveau cognitif des membres de base et peu propice à instrumentaliser des mécanismes favorables à leur participation; une préférence pour l’élection de formes juridiques capitalistes (SA et SARL) au moment d’activer de nouvelles entités du Réseau d’entités instrumentales et filiales; et une sociologie de la haute direction basée sur une conception et une formation communes à celles des grandes entreprises capitalistes du secteur (entreprises pour lesquelles, dans beaucoup de cas, ces dirigeants aspirent à travailler après leur passage dans le secteur de l’économie sociale). Du côté des membres de base, les valeurs sociales et intérêts apparaissent peu consolidés et institutionnalisés, et témoignent des difficultés à participer au « jeu politique du groupe ». Une trajectoire de ce type a tendance à détériorer les traits différentiels du groupe d’économie sociale en le rapprochant des groupes capitalistes. À la limite, certaines parties du groupe, en particulier le Réseau, pourraient éventuellement être privatisées. b. Une trajectoire autorenforçante. Cette trajectoire reposerait sur une technostructure du groupe détenant un pouvoir (auto)limité; des mécanismes de transparence informative et de fluidité dans le rapport direction-base; une préférence, dans le processus de formation morphologique du groupe (pour édifier le Réseau d’entités instrumentales et filiales), pour l’élection de formes d’intégration ou associatives (sauf restrictions externes); une sociologie de la haute direction basée sur une proximité culturelle, sociale et de formation avec des personnes (directeurs, formateurs, chercheurs) liées au monde de l’économie sociale ou de l’économie publique; et des valeurs sociales de groupe explicites et institutionnalisées (Chartes, Principes) et surveillées périodiquement grâce à des mécanismes de contrôle (p. ex. un bilan social coopératif). Du côté des membres des entités de base, les intérêts sont organisés, institutionnalisés et canalisés dans le cadre de nouveaux mécanismes favorables à la participation. Le cadre institutionnel tend à se transformer avec créativité, cherchant à canaliser Les groupes d’économie sociale. Dynamiques et trajectoires. Rafael Chaves et José Luis Monzón la participation et à renforcer les logiques de valorisation des différents acteurs de base. Une trajectoire de ce type a tendance à autorenforcer la nature différentielle du groupe d’économie sociale. 6. BIBLIOGRAPHIE - AAVV (1998). Cooperazione e corporate governance, Edizioni cooperative, Rome. - Bager, T. (1994). « Isomorphic processes and the transformation of cooperatives », Annals of public and cooperative economics, vol. 65, nº 1, p. 35-58. - Ballestero, E. (1991). Economía social y empresas cooperativas, Alianza Universidad, Madrid. - Bakaikoa, B. et al. (1999). « Mondragón Corporación Cooperativa – MCC », in Barea, J., Julià, J. et Monzón, J.L. (dir.), Grupos empresariales de la economía social en España, CiriecEspagne, Valence, p. 197-257. - Barea, J. et Monzón, J.L. (dir.) (1996). 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