Les coopératives et les mutuelles canadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Qu’est-ce qu’une coopérative ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 L’avantage coopératif en développement international Créer et partager la richesse pour réduire la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 L’intercoopération avant tout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Une réponse adaptée à la demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Des entreprises résilientes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Des écoles de démocratie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Un modèle d’affaires inclusif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Leaders dans l’innovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Un appui de taille aux entrepreneurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Construire la paix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Tout n’est pas parfait. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Les coopératives et les mutuelles canadiennes en développement international Le caractère unique des coopératives et mutuelles canadiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Les coopératives et les mutuelles canadiennes : une contribution majeure au développement international. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Présentation des organisations auteures de cet ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Préface Il n’existe pas de recette simple pour combattre la pauvreté et créer de la richesse. Certaines des réponses à ces immenses défis devraient nous apparaître à la suite d’un examen approfondi des systèmes financier et commercial internationaux. D’autres devraient plutôt être liées aux initiatives réglementaires des gouvernements, et ce, à tous les niveaux. D’autres enfin devraient venir des communautés locales et des individus, des villages marginalisés et des bidonvilles urbains qui sont malheureusement trop répandus à travers le monde, et tout particulièrement dans les pays en développement. Au lendemain des bouleversements financiers qui ont secoué l’économie mondiale en 2008 et en cette Année internationale des coopératives, le moment semble propice pour redécouvrir l’un des secrets les mieux gardés du monde économique, qui constitue une réponse particulièrement pertinente et appropriée au problème de la pauvreté dans les pays en développement : l’approche coopérative et son étonnant pouvoir. L’essence de l’approche coopérative est d’une simplicité désarmante : accroître le pouvoir des individus et des communautés afin qu’ils puissent prendre en charge leur propre développement par l’entremise d’entreprises dont ils sont les propriétaires et les décideurs. Cette approche, si on lui donne les moyens de prendre sa place et de s’épanouir, peut connaître un succès remarquable en créant de la richesse économique tout en appuyant la vitalité culturelle, en encourageant des pratiques démocratiques et en réduisant la pauvreté. Il n’est pas surprenant que la production de cet ouvrage se soit appuyée sur la coopération. Trois des plus importantes organisations œuvrant à la promotion des coopératives à l’échelle canadienne et internationale ont joint leur efforts pour ce faire : Développement international Desjardins (DID), SOCODEVI et l’Association des coopératives du Canada (ACC). Ces organisations doivent leur existence à la vision et à l’esprit coopératifs qui animent nos membres d’un bout à l’autre du pays. Et elles doivent leur succès à la force des partenariats coopératifs sur lesquels elles s’appuient, dont vous retrouverez plusieurs exemples dans les pages qui suivent. Nous sommes très fiers également de la longue et bénéfique relation qui nous lie à l’Agence canadienne de développement international (ACDI), active depuis plus de 40 ans dans l’appui au développement du secteur coopératif dans les pays en développement. Avec cet ouvrage, nous souhaitons contribuer à la reconnaissance, à la visibilité et à l’avancement du mouvement coopératif – au Canada et partout dans le monde. Ensemble, nous nous appuyons sur la force du mouvement coopératif canadien pour participer à la création et au renforcement de coopératives dans les pays en développement et en émergence, avec l’objectif ultime de contribuer à l’autonomie des communautés et à leur développement socio-économique. Anne Gaboury Réjean Lantagne Jo-Anne Ferguson Présidente-directrice générale Directeur général Directrice principale Développement international Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 2 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur Sommaire Les entreprises coopératives créent de la richesse et contribuent à son partage équitable dans leur milieu. Dirigées par des leaders élus démocratiquement, elles existent pour répondre à des besoins réels et clairement exprimés par leurs membres dans les pays où elles opèrent. Elles permettent à des millions d’individus d’avoir accès à des services fondamentaux et essentiels au maintien de la vie. Les coopératives existent parce que des individus croient qu’il est possible de construire des sociétés plus prospères, plus justes, plus inclusives et plus adaptées aux aspirations des être humains en favorisant la collaboration plutôt que la compétition. Les coopératives sont des entreprises qui valorisent une saine émulation, le partage des bonnes idées, la solidarité en cas de crise. Les coopératives sont constamment à la recherche de nouvelles réponses pour satisfaire les demandes de leurs membres et de leur milieu. Les coopératives sont des entreprises résilientes. Elles résistent aux crises et traversent l’épreuve du temps beaucoup mieux que les autres entreprises privées. Elles sont moins présentes dans les médias financiers parce qu’elles ne sont pas cotées à la bourse, mais elles ne sont pas moins présentes et actives dans l’économie de plusieurs pays. Les 300 plus grosses coopératives du monde ont un chiffre d’affaires total de plus 1 600 milliards de dollars canadiens. Elles constituent de véritables écoles de gestion et de gouvernance pour des millions d’individus qui apprennent à diriger une entreprise de façon démocratique en poursuivant des objectifs de transparence et de développement durable. Ouvertes à tous ceux et celles qui partagent les objectifs et les valeurs de la coopération, les coopératives permettent à des personnes exclues des circuits formels de l’économie de s’y insérer et d’y contribuer dignement. Les coopératives sont innovantes. Elles sont capables d’offrir à leurs membres des technologies ainsi que des produits et services innovateurs qui contribuent A u Canada, nous possédons une riche histoire coopérative dont nous avons toutes les raisons d’être fiers. à accroître leur rendement, leurs revenus et leur capacité de résister aux crises personnelles et aux crises naturelles. Les coopératives, en travaillant ensemble, sont en mesure de partager entre elles les solutions les plus appropriées pour répondre aux besoins de leurs membres, mais aussi pour accroître leur propre performance. Des millions de membres de coopératives sont en fait des entrepreneurs, petits ou grands producteurs agricoles, commerçants, producteurs forestiers, artisans. Ces chefs d’entreprises peuvent compter sur les services financiers, les autres produits et services ainsi que les conseils en production de leur coopérative pour améliorer le rendement et la performance de leur propre entreprise et créer davantage de richesse dans leur milieu. Les facteurs clés de succès des coopératives sont aujourd’hui bien connus. Au Canada, nous possédons une riche histoire coopérative et une large expérience dans la transmission des meilleures pratiques en développement coopératif dont nous avons toutes les raisons d’être fiers. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 3 Qu’est-ce qu’une cOopérative ? Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels grâce à une entreprise gérée démocratiquement et dont ils sont les propriétaires. Les premières coopératives modernes sont apparues au début du 19e siècle en Europe, alors en pleine crise. Leurs leaders voulaient freiner l’appauvrissement de la population provoqué par la révolution industrielle et la disparition d’une multitude de métiers. Ils luttaient contre les pires formes d’exploitation de la main d’œuvre, souvent très jeune. S’appuyant sur l’idée que le capital humain doit dominer le capital financier et que l’économie doit servir les gens et non le contraire, ils ont mis sur pied des coopératives de consommation, de producteurs, de travailleurs, de services financiers qui depuis n’ont cessé d’innover et d’offrir des services répondant aux besoins de leurs membres, de telle sorte que ces coopératives sont toujours en place. L’évolution des êtres humains a été possible dès qu’ils ont réussi à coopérer. Les civilisations où la coopération a été la plus Les coopératives occupent une place de première importance avancée ont pu évoluer plus rapidement et ont pu mieux faire face aux défis internes et externes. dans l’économie mondiale. Les coopératives sont présentes dans tous les secteurs de l’économie : gestion et exploitation forestière, production et transformation agricole, génération et distribution de l’électricité, communications et téléphonie, consommation, transformation industrielle, ainsi que dans les services de santé, financiers, d’éducation, d’habitation et funéraires. En fait, elles sont actives et rayonnantes là où s’expriment les besoins de leurs membres. Dans le secteur agricole, par exemple, les coopératives jouent un rôle prépondérant dans la production alimentaire dans presque tous les pays. En Corée et au Japon, 90 % des agriculteurs sont membres d’une coopérative agricole. En France, 40 % de la production agricole transite par une coopérative et 60 % des services financiers de détail sont offerts par ce type d’entreprise. À l’échelle mondiale, 35 % de la production de sirop d’érable provient de coopératives québécoises. Le tiers des Canadiens sont membres d’une caisse populaire ou d’une Credit Union. Ensemble, les caisses et autres coopératives canadiennes cumulent un actif de quelque 370 milliards de dollars. Les coopératives occupent une place de première importance dans l’économie mondiale. Plus d’un milliard d’individus sont membres d’une coopérative. Cent millions d’hommes et de femmes travaillent dans une coopérative, soit 20 % de plus que dans toutes les multinationales du monde. À l’échelle planétaire, la présence des coopératives est devenue incontournable et constitue une assise économique essentielle. Bien que les coopératives prennent plusieurs formes, elles suivent les mêmes sept principes coopératifs partout dans le monde : adhésion volontaire et ouverture à tous, démocratie exercée par les membres, participation économique des membres, autonomie et indépendance, éducation, intercoopération et engagement dans la communauté. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 5 L’avantage coopératif en développement International CC oopératives réer et partager la richesse pour réduire la pauvreté Toute personne aspire à vivre dignement et en sécurité. Un certain niveau de richesse est nécessaire pour créer et maintenir un milieu de vie propice à l’émancipation individuelle et collective. Les coopératives contribuent à créer cette richesse. En regroupant les actifs, le pouvoir d’achat et les compétences de leurs membres, les coopératives réussissent à accroître la valeur ajoutée de la production individuelle, diminuent les coûts de transport, améliorent la diversité et la qualité des produits et services disponibles dans un milieu, en plus de créer des emplois permanents. Bien organisées, les coopératives repoussent les limites de l’efficacité économique en contribuant à hausser la production, et ce, de façon responsable. M. Trang Nguyen possède une parcelle de terre de 0,5 hectare dans le Delta du Mékong au Vietnam. Travaillant, il a un excellent rendement avec sa production de riz, mais sa terre étant trop petite, cela ne suffit pas à nourrir, éduquer et soigner ses deux enfants. L’arrivée de la coopérative laitière Evergrowth dans sa localité lui a permis d’obtenir un prêt pour acheter une première vache. Celle-ci a été inséminée grâce au service de la coopérative. Après la mise-bas, il a pu vendre le lait de cette vache à la coopérative et pour la première fois de sa vie, il a commencé à avoir un revenu régulier à chaque semaine. Une partie de ces revenus a été réinvestie dans la production laitière, et le reste a servi à reconstruire sa maison. Cinq ans plus tard, il possède quatre vaches en lactation. Il n’est plus pauvre. Ses enfants peuvent aspirer à joindre la classe moyenne dans son pays. Il est l’un des 1 223 membres de la coopérative. Mais les coopératives permettent bien plus. Elles deviennent un instrument économique entre les mains d’individus qui apprennent à devenir maîtres de leur destinée. Les coopératives diminuent l’isolement, contribuent à accroître la cohésion sociale en impliquant de manière dynamique tous les acteurs d’un milieu donné pour qu’ils puissent choisir ensemble comment orienter leur développement. La création d’une coopérative est un processus inclusif qui contribue à diminuer les causes principales de la pauvreté. Le succès des coopératives ne peut exister sans le succès de leurs membres. En partageant les excédents entre les membres au prorata de leur engagement au sein de leur coopérative, celle-ci fait profiter un grand nombre d’individus de la richesse créée. De plus, le succès d’une coopérative rayonne au-delà des membres pour s’étendre à toute la communauté, dans laquelle la coopérative s’engage à investir dans la perspective de construire un monde plus juste. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 7 CL’ oopératives et mutuelles intercoopération avant tout En Afrique de l’Ouest, six grands réseaux coopératifs financiers opérant au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal et au Togo se sont réunis en 2007 au sein de la Confédération des institutions financières (CIF). La CIF est née de la nécessité de se regrouper face à des préoccupations communes : Dans un monde qui attache beaucoup d’importance à la réussite individuelle et à la performance, on pourrait croire que les personnes et les entreprises qui réussissent le mieux privilégient la compétition plutôt que la coopération. Depuis plus de 250 ans, les coopératives et les mutuelles ont toutefois prouvé le contraire. On gagne à travailler ensemble et à joindre efforts et ressources pour répondre aux aspirations des gens. croissance, innovation, partage d’expertise, etc. Les quelque 500 caisses membres de la CIF offrent des services financiers complets à plus de trois millions de membres, dont le tiers sont des femmes. Ensemble, elles représentent plus de 70 % du marché de la microfinance dans leur zone d’intervention. La CIF et ses six réseaux affiliés sont également membres du réseau international Proxfin, qui regroupe des institutions de microfinance désireuses de mettre en commun leurs meilleures pratiques et La solidarité et l’intercoopération figurent en tête des principes qui guident l’action des coopératives et font d’elles des entreprises différentes et plus performantes. L’intercoopération permet de réaliser des économies d’échelle, d’atteindre une meilleure maîtrise de la complexité des processus et des marchés, d’investir dans des projets de recherche et développement plus ambitieux, de réduire les risques et de conquérir de nouveaux marchés. En mettant en commun leurs connaissances, leurs compétences, leurs ressources financières, leurs liens avec les fournisseurs et les clients ainsi que leurs contacts avec les décideurs, les coopératives et mutuelles augmentent considérablement leur performance et leur capacité de mieux servir leurs membres. de contribuer ainsi à une plus grande inclusion financière Les entreprises coopératives se regroupent généralement en réseaux. Ces réseaux permettent de centraliser et d’optimiser certaines fonctions, tout en laissant une grande autonomie aux entités de base. Grâce aux réseaux, les coopératives mettent en commun leurs ressources, standardisent leurs systèmes, normes et produits, misent sur la solidarité contractuelle et établissent des règles de gouvernance visant à préserver une bonne représentation démocratique. Les réseaux valorisent le partage, l’émulation et l’innovation. Les meilleures idées font plus facilement leur chemin. Les bons coups sont plus largement reconnus et imités. Les impacts de développement sont maximisés. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 8 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur à l’échelle de la planète. CU oopératives ne réponse adaptée à la demande Les coopératives existent par et pour leurs membres. Elles visent d’abord et avant tout à répondre à la demande exprimée par ceux-ci. Elles y parviennent en proposant des produits et services de qualité, comparables ou supérieurs à ceux des autres entreprises, tout en maintenant un juste prix. Ces produits et services permettent d’améliorer le sort des membres, de créer de la richesse et de contribuer au développement durable du milieu. Les coopératives sont en mesure d’offrir des produits et services extrêmement diversifiés et surtout adaptés aux spécificités des membres d’un milieu donné, et ce, même si ces produits et services ne génèrent pas de trop-perçus immédiats ou importants. En s’ouvrant à une clientèle diversifiée, les coopératives sont des intermédiaires sociaux de première importance : les activités qu’elles réalisent auprès de la portion mieux nantie de la population leur permettent de dégager des bénéfices qui leur permettent d’offrir des services de qualité aux moins nantis. Ancrées dans les réalités locales Mieux ancrées dans les réalités locales et régionales, les coopératives sont à même de s’ajuster rapidement pour innover en proposant une offre répondant aux priorités et aux exigences locales, qu’il s’agisse des types d’intrants agricoles ou du moment où ceux-ci sont mis en disponibilité, ou de la configuration des politiques d’épargne et de crédit pour répondre aux contraintes spécifiques auxquelles les entrepreneurs sont confrontés. Il n’existe pas deux individus identiques. Chacun est important. Les coopératives et les mutuelles l’ont compris et en tiennent compte tous les jours. L’un des impacts de cette adaptation aux besoins des membres est la sécurité alimentaire. En effet, dans les pays en développement, la pauvreté est souvent concentrée dans les zones rurales et la subsistance de la plupart des populations qui y vivent dépend de l’agriculture vivrière et de rente. En répondant adéquatement aux besoins de ces populations, les coopératives rurales et agricoles jouent un En Bolivie, dans le département de Chuquisaca, une proportion importante de la population rurale n’avait auparavant pas accès à des protéines animales et affichait donc des carences alimentaires. La centrale de coopératives AGROCENTRAL a mis en place des installations qui permettent de mettre à profit les surplus de maïs pour la production animale et de les convertir ainsi en œufs, en chair de poulet et en viande porcine. Cette initiative a permis de stabiliser le prix du maïs pour tous les producteurs agricoles tout en permettant de diversifier l’offre d’aliments pour la population rurale. rôle central dans la production et la distribution alimentaires, aidant les communautés locales à mieux gérer et s’approprier leurs ressources agricoles et contribuant directement à la sécurité alimentaire dans les communautés touchées. Les coopératives y parviennent notamment en impliquant les femmes, responsables de près de 80 % de la production alimentaire dans ces pays.1 1Selon certaines études, si on réduit les inégalités structurelles entre les sexes, on peut augmenter les rendements agricoles de plus de 20 % sur le continent africain, UNIFEM (United Nations Development Fund for Women) Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 9 CD oopératives es entreprises résilientes Au cours de l’histoire, les coopératives ont maintes fois démontré leur résilience. Les coopératives ont traversé des guerres, les grandes crises économiques, des révolutions. Elles n’ont cessé de confondre les sceptiques au sujet de leur pertinence, que confirme l’espace qu’elles occupent aujourd’hui. Sans trop faire de bruit, les coopératives continuent, malgré les difficultés qu’elles rencontrent, d’occuper de plus en plus de secteurs de l’économie du Nord comme du Sud. Plusieurs études démontrent la résilience des coopératives. Une étude menée au Québec en 20082 a constaté que le taux de survie des coopératives est de 62 % après cinq ans et de 35 % au bout de dix ans, comparativement à 44,3 % et 19,5 % pour les autres entreprises québécoises du secteur privé. En 2009, l’Organisation internationale du Travail a démontré que les entreprises coopératives survivaient et performaient mieux que la plupart des autres organisations en temps de crise et qu’elles affichaient un taux de survie plus élevé.3 En 2011, une étude du Mouvement Desjardins a confirmé ce constat, notant que les entreprises coopératives s’en sont mieux sorties que les entreprises traditionnelles durant la crise économique mondiale de 2008 et 2009.4 En janvier 2010, les Haïtiens ont été frappés par un tremblement de terre dévastateur. Les coopératives de crédit d’Haïti, regroupées au sein de la Fédération Le Levier, ont pu se soutenir mutuellement et surmonter ainsi cette tragédie en plus de jouer un rôle clé dans la reconstruction du pays. Les coopératives épargnées par le séisme ont mis leurs liquidités au service des caisses affectées. Elles ont également mis en commun leurs ressources et investi dans la technologie, ouvrant la voie à de nouveaux services innovateurs comme la carte à puce, la biométrie, les transactions inter-institutionnelles et les transferts de fonds internationaux. Malgré la tourmente, les caisses haïtiennes ont su conserver la confiance de leurs membres et ont continué de répondre à leurs besoins. Aujourd›hui, la Fédération Le Levier affiche un actif et un rendement à la hausse par rapport à 2008, et ce, malgré le ­tremblement de terre. Dans le secteur financier, les coopératives ont non seulement mieux résisté que les banques privées à la crise financière de 2008-2009, mais elles ont même enregistré une hausse de leur membership, de leur actif et de leur volume d’épargne et de crédit (alors que ces variables étaient en décroissance chez les banques), et ce, partout à l’échelle de la planète. Plusieurs facteurs inhérents au mode de fonctionnement des coopératives peuvent expliquer cette résilience : • Les pratiques rigoureuses des coopératives et leur ancrage communautaire agissent comme des garde-fous contre les dérives, les risques et les pratiques trop agressives ; 2Étude réalisée en 2008 par le ministère québécois du Développement économique, de l’Innovation et de l’exportation (MDEIE) 3 « Resilience of the Cooperative Business Model in Times of Crisis », étude réalisée par l’Organisation internationale du travail en 2009 4 Perspective, revue d’analyse économique produite par Desjardins, volume 21, automne 2011 • Les coopératives utilisent le capital de leurs membres d’abord : elles sont donc moins tolérantes au risque tout en affichant une dépendance plus faible à l’utilisation de ressources externes ; • Les excédents des coopératives sont avant tout réinvestis à même l’organisation ainsi que dans la communauté ; • La gouvernance des coopératives est exercée par leurs membres, qui sont ainsi tenus de rendre des comptes à leurs pairs. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 10 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur CD oopératives es écoles de démocratie Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres, qui participent activement aux processus de décision. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Chaque personne peut exprimer son intention, signifier ce qu’elle veut ouvertement tout en s’engageant à respecter les choix de la majorité. Chaque vote compte. Raquel Alfaro est membre d’une des sept coopératives de production de noix de cajou du Salvador. Ces coopératives emploient 58 travailleurs (39 sont des femmes). Tous sont égaux indépendamment des revenus personnels, de l’origine sociale, du sexe, de la religion ou du rôle dans l’organisation. L’engagement social et politique de plusieurs femmes jouant des rôles important au sein de leur société a commencé au sein d’une coopérative où elles ont acquis des compétences de leader et la confiance pour les exercer. « Dans mon pays, la coopérative est le seul endroit où je peux voter, où je sens que je peux faire la différence… »5 M Alfaro s’est impliquée dans la gestion de sa coopérative et y a me acquis les compétences et la confiance qui lui ont permis de devenir la première femme maire de Chilanguera. Son engagement a contribué de façon significative à la construction et l’installation de l’usine de transformation de fruits et à la mise en place d’un service de garde pour les enfants des travailleurs impliqués dans la production de noix de cajou. Mme Alfaro a inspiré d’autres femmes à devenir administratrices de la coopérative. « Je me suis dit que je devais continuer, et à la fin j’ai réussi parce que mon mari me comprenait. Ce fut le plus grand obstacle pour moi, que de convaincre ma famille que je pouvais le faire. Que j’étais une femme, mais que oui, je pouvais le faire ! » En permettant à un milliard d’individus de partout sur la planète d’apprendre à prendre des décisions importantes pour eux et pour leur communauté, la formule coopérative éduque des citoyens pour qu’ils puissent mieux participer à l’émergence d’une société démocratique juste et respectueuse des populations. La démocratie tient au cœur des coopérateurs non seulement parce c’est l’un des principes fondateurs des coopératives, mais aussi parce que la démocratie est l’un des piliers des organisations et des sociétés respectant les aspirations des individus. 5Témoignage d’une femme membre d’une coopérative • • • • • • • Respect Droits Responsabilités Lois Citoyenneté Reddition de compte Alternance Ces principes démocratiques mis de l’avant dans les coopératives s’appuient sur l’éducation offerte par et pour les membres et la communauté. Cette éducation porte entre autres sur les rôles et responsabilités des membres afin qu’ils soient en mesure de les exercer avec discernement. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 11 CU oopératives n modèle d’affaires inclusif Les coopératives sont des institutions inclusives, qui ne ferment leurs portes à personne. Ce faisant, elles se doivent d’adapter leur offre de services à toutes les catégories de leur clientèle, incluant les plus pauvres, trop souvent marginalisés et délaissés par les entreprises traditionnelles. Les femmes, les jeunes, les handicapés et les minorités culturelles ou communautés ethniques sont trop souvent confrontés à l’exclusion et à des contraintes qui les empêchent d’échapper à la pauvreté. La coopérative sait s’ajuster aux besoins de tous les membres de la communauté où elle est présente afin de les aider à surmonter les défis auxquels ils font face. Les principes coopératifs d’adhésion ouverte à tous, de pouvoir démocratique exercé par les membres, de participation économique des membres, d’éducation et d’engagement envers la communauté constituent la base de l’inclusion. Le recours au modèle coopératif permet de mobiliser des ressources en provenance et au profit des membres les plus marginalisés de la communauté. La Fédération des coopératives de femmes SEWA a vu le jour en 1992 dans l’État du Gujarat, en Inde, pour aider les femmes pauvres et travailleuses autonomes à obtenir du travail et un revenu réguliers. Elle fait partie d’une famille plus large d’organisations parrainées par l’Association des femmes travailleuses autonomes (SEWA, ou Self Employed Women’s Association), un syndicat qui a démarré ses activités en 1972 et qui regroupe plus de cinq millions de femmes à l’échelle nationale dans le secteur informel de l’économie indienne. Aujourd’hui, la Fédération compte une centaine de coopératives de travailleuses affiliées, dont la seule coopérative indienne de sagefemmes. Artisanes, agricultrices et commerçantes ont toutes bénéficié de ses services, s’appropriant ainsi les enjeux et outils propres à leur secteur d’activité, éliminant les intermédiaires, améliorant leurs connaissances et leur maîtrise des technologies, et ayant enfin les moyens de faire entendre leurs préoccupations aux législateurs. Les coopératives reconnaissent que le succès est basé sur le développement socio-économique à long terme de la communauté dans son ensemble. Elles disposent par ailleurs de mécanismes de gouvernance qui favorisent l’inclusion à même leurs conseils d’administration. Des groupes d’ordinaire vulnérables peuvent ainsi se regrouper pour créer une entreprise coopérative capable de répondre à leurs besoins particuliers. La flexibilité du modèle permet également à différents types de coopératives de voir le jour. Les travailleurs du secteur informel peuvent s’unir pour créer des coopératives de travail ou de service ; des femmes issues de communautés rurales mettent en place des coopératives d’épargne et de crédit dont elles deviennent les propriétaires en même temps que les membres; dans les villes, des coopératives d’habitation rendent accessibles des logements à prix décent. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 12 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur CL oopératives eaders dans l’innovation L’innovation est considérée comme un mécanisme clé pour créer de la richesse, et les coopératives sont des entreprises innovantes. Que ce soit grâce à l’introduction de nouvelles technologies ou la mise en œuvre de partenariats public-privé où le secteur privé est composé d’entreprises coopératives appartenant aux populations locales, les entreprises coopératives sont constamment à la recherche de solutions pour répondre aux défis du développement. À titre d’exemple, les coopératives d’épargne et de crédit, dont les plus anciennes ont vu le jour il y a plus de cent ans, ont été les premières à offrir ce qu’il est maintenant convenu d’appeler des services de microfinance. Elles l’ont fait en répondant à une demande exprimée par des populations laissées de côté par les entreprises financières existantes. Aujourd’hui, ces institutions essaiment partout dans le monde et leur offre de service ne cesse de s’accroître : financement spécialisé (entreprise, habitat, agricole), assurance (vie, santé, récolte), services de convenance tels les transferts de fonds, etc. Il y a plus de 70 ans, les communautés rurales pauvres n’étaient pas considérées comme un marché rentable pour les compagnies vendant de l’électricité et étaient ignorées par les entreprises de services publics. Ces communautés ont donc mis sur pied des Mutual Benefits A ssociations (MBA) regroupe des mutuelles des Philippines qui offrent depuis 2003 des produits de microassurance-vie en lien avec les petits prêts faits aux femmes membres. Cette assurance, qui coûte quelque 0,80 $ par semaine, couvre les frais de santé jusqu’à concurrence de 50 $ par année, assure un remboursement de 3 175 $ aux membres de la famille en cas de décès de l’assuré et de 530 $ en cas de décès du conjoint ou d’un enfant de l’assuré. De plus, si l’assuré contribue pendant trois ans, 50 % de la prime payée est reversée dans son compte d’épargne. Voilà un produit qui diminue considérablement la vulnérabilité des familles. coopératives capables de leur fournir de l’électricité à un coût raisonnable. Aujourd’hui, plus de 100 millions de personnes dans plus de 40 pays reçoivent de l’électricité grâce à leur coopérative. Conscientes que la mise à disposition des innovations les mieux adaptées à la réalité des populations des pays en développement est essentielle pour permettre à celles-ci d’améliorer leur sort, les coopératives ne cessent de se consacrer au développement et à la diffusion d’innovations. Plusieurs coopératives agricoles, par exemple, possèdent des centres de recherche et développement de classe internationale où elles développent et améliorent des semences, la génétique animale, des processus de gestion environnementale, des processus de transformation agroalimentaire pour mettre en valeur les productions de leurs membres, qu’il s’agisse de lait, de fruits, de noix ou de céréales. En matière de développement durable, les coopératives sont parfois au premier rang en termes d’innovation. Au Québec, dans le domaine des services funéraires, c’est une coopérative qui, la première, a reçu la certification d’entreprise écologique. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 13 CU oopératives n appui de taille aux entrepreneurs A u Burkina Fa so, le Réseau des caisses populaires du Burkina (RCPB) a mis en place quatre Centres financiers aux entrepreneurs (CFE) situés en régions rurales afin d’offrir aux Partout dans le monde, les micro, petites et moyennes entreprises constituent ensemble les principaux employeurs nationaux et jouent un rôle central dans le développement des communautés en plus de contribuer à réduire la pauvreté. Pour se développer, ces entreprises doivent avoir accès à des services financiers, à des intrants, à des marchés pour leurs produits. Mais parce qu’elles sont trop petites et souvent informelles, ces entreprises sont généralement ignorées par les institutions financières et n’ont pas accès à des services conseils adaptés à leur secteur d’activité. agriculteurs et autres entrepreneurs de ces régions des services financiers adaptés à leurs besoins. Cette clientèle n’était auparavant desservie par aucune institution financière puisqu’elle demande des services plus élaborés que ceux qu’offrent les institutions de microcrédit, mais ne répond pas pour autant aux critères imposés par les banques traditionnelles. Les CFE affiliés au RCPB comblent ainsi un grand vide. Ensemble, ces institutions coopératives permettent à 5 400 agriculteurs de financer l’intensification et la diversification de leurs cultures et de contribuer ainsi à la sécurité alimentaire du pays. Par leur caractère inclusif, les coopératives offrent leurs services à toutes les catégories d’entreprises, incluant les plus petites. Dans le secteur financier, les coopératives sont d’ailleurs bien souvent les seules à ouvrir leurs portes à ces petites entreprises. Les entrepreneurs qui en profitent ont un impact considérable dans leur milieu. On estime que chaque prêt fait à une petite entreprise dans un pays en développement amène la création ou le maintien de 1,4 nouvel emploi.6 En milieu rural, les coopératives agricoles offrent aux entreprises de ce secteur des produits et des services qui leur permettent d’améliorer leur rendement, de diversifier leur production et de diminuer les risques techniques et commerciaux auxquels elles font face, et d’accroître leurs revenus. Souvent, ces coopératives offrent des conseils en production et appuient la mise en marché de la production, que ce soit à l’échelle locale ou internationale. Ces services sont déterminants pour assurer le succès des entreprises agricoles familiales. 6Selon le Social Return on Investment (SROI) Calculator mis au point par Calvert Foundation (www2.calvertfoundation.org/impact/calculate/index.cgi) Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 14 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur CC oopératives onstruire la paix La coopération entre les personnes et les institutions est essentielle pour espérer construire des sociétés en paix. Dans un monde où plusieurs projets de développement international prennent place dans un contexte de conflit ou dans des environnements post-conflit, les coopératives se sont révélées extrêmement efficaces pour promouvoir cette paix. Le Guatemala a été affecté par une guerre civile qui a duré 36 ans et entraîné le décès de 250 000 personnes ainsi que des destructions aux infrastructures de base nécessaires au développement. Les accords de paix signés en 1996 ont été conclus grâce aux travaux de la Commission nationale de réconciliation, au sein de laquelle la Confédération des coopératives du pays (CONFECOOP) a joué un rôle déterminant en tant que l’un des représentants de la société civile. le soutien mutuel, aident à surmonter les divisions qui provoquent ou sont le résultat des conflits. Les tensions qui persistent à la fin des conflits sont par ailleurs atténuées par le fait que les gens partagent de nouveaux objectifs communs, et apprennent à travailler ensemble pour le bénéfice de tous. La pauvreté et les conflits sont inextricablement liés. D’une part, les conflits sont souvent causés par la pauvreté ou la trop grande disparité de revenu entre les pauvres et les plus nantis. D’autre part, les conflits entraînent inévitablement la pauvreté et la misère. Le développement coopératif passe par la mise en place de solutions à long terme susceptibles de réduire la pauvreté et donc les frictions à l’origine des conflits. Les valeurs qui définissent et guident les coopératives, telles que l’utilisation équitable et le partage des ressources, le travail en commun et la promotion du potentiel humain par des actions collectives et De nombreux exemples démontrent l’efficacité des coopératives pour atténuer les conflits et apporter des solutions contribuant à reconstruire la paix. À Aceh, en Indonésie, après 30 ans de guerre civile, les coopératives se sont avérées les plus utiles pour rapprocher les membres des communautés affectées. Cela n’a pas été un processus facile, ni rapide. Il a d’abord fallu établir des entreprises coopératives communautaires pour relancer le dialogue au sein des villages. Au même moment, de petites coopératives agricoles et de production ont vu le jour et se sont éventuellement transformées en véritables coopératives membres d’une union de coopératives. Au nord du Ghana, où des conflits fonciers faisaient fréquemment irruption, la création de coopératives agricoles a réuni tous les acteurs concernés et leur a permis de trouver des solutions permanentes. À la fin de la guerre civile qui a frappé le Salvador, c’est également grâce aux coopératives que la distribution des terres aux agriculteurs a été rendue possible. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 15 CT oopératives out n’est pas parfait Malgré tout ce qui a été mentionné antérieurement, il faut reconnaître que les coopératives ne réussissent pas toujours à avoir l’impact ou l’efficacité souhaités. Certaines ont dû fermer leurs portes ou sont entrées en dormance. D’autres ne servent qu’un groupe restreint d’individus. Il faut reconnaître que les coopératives ne peuvent pas toujours être considérées comme la meilleure solution pour réduire la pauvreté. Les entreprises coopératives, bien qu’appartenant à leurs membres et étant profondément ancrées dans leur milieu, sont confrontées aux mêmes contraintes que toutes les autres entreprises privées. Elles peuvent être mal gérées, vivre des problèmes de leadership, avoir du mal à répondre aux attentes de leur marché, manquer de ressources financières pour accroître leur efficacité, ne pas disposer de technologies compétitives. Elles peuvent être affectées par les crises économiques, l’inflation, les embargos. Si les entreprises coopératives ne réussissent pas à opérer de façon efficace, elles ne sont pas en mesure de créer et de partager la richesse et de réduire la pauvreté. Gouvernance, réglementation et appropriation : des défis Comme les autres entreprises, les coopératives peuvent éprouver des problèmes de gouvernance. Des membres peu ou mal informés sont susceptibles d’élire des dirigeants médiocres, qui mettront en place des orientations non souhaitables et parfois non viables. Dans certains cas, des dirigeants élus vont usurper le pouvoir et diriger uniquement en fonction de leurs propres intérêts ou de ceux d’une minorité de membres. Lorsque cela se produit, les membres n’obtiennent pas les services et les produits de qualité auxquels ils s’attendent et se désintéressent de leur coopérative. Dans certains pays, les politiques gouvernementales ont largement contribué aux insuccès des coopératives. Le manque de compréhension du rôle de l’État par rapport au développement coopératif et mutualiste s’est parfois traduit par la mise en place de lois et de règlements inadaptés. Dans d’autres cas, certains états ont voulu imposer la solution coopérative, imposer des objectifs aux coopératives et à leurs membres, ou encore imposer des façons de faire qui déresponsabilisaient les membres et les dirigeants et les considéraient davantage comme des bénéficiaires ou des employés que comme des membres propriétaires. Les coopératives peuvent aussi avoir été utilisées à des fins partisanes. Certaines coopératives créées dans le cadre de projets de développement international l’ont été sans respecter suffisamment les attentes et les limites de leurs membres. Le rythme de croissance a dépassé la capacité des dirigeants de gérer ces entreprises. Les coopératives dont les membres sont véritablement les propriétaires, qui sont gouvernées de façon démocratique, bien gérées, regroupées en réseau et qui disposent de plans d’affaires réalistes sont en mesure de faire face à ces défis et de contribuer à améliorer les conditions de vie de leur communauté, à créer de la richesse et à participer au développement socio-économique local. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 16 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur Les coopératives et les mutuelles canadiennes en développement International Le caractère unique des coopératives et mutuelles canadiennes Les coopératives canadiennes sont un maillon essentiel de l’économie du pays et ont joué un rôle majeur dans le développement de notre société au cours du 20e siècle. Le Mouvement Desjardins est le premier employeur privé au Québec et la sixième plus grande institution financière au Canada. Vancity est la deuxième credit union en importance au Canada avec plus de 400 000 membres. La coopérative agricole Agropur est la plus grosse coopérative laitière du pays, avec des opérations de transformation à la grandeur du Canada, aux États-Unis et en Argentine. Les coopératives canadiennes offrent des services de santé et d’habitation, elles produisent de l’électricité, elles sont les plus présentes pour l’offre de services financiers sur l’ensemble du territoire, elles offrent également des services funéraires, entretiennent et gèrent des forêts et offrent des produits de consommation, pour ne nommer que ces quelques dimensions de la coopération à l’échelle canadienne. Ces coopératives, comme la plupart des coopératives dans le monde, ont été mises sur pied par des individus à la recherche de solutions que ni l’État, ni le secteur privé traditionnel ne pouvaient ou ne voulaient proposer. Ces leaders ont souvent pu compter sur l’apport et l’appui des autorités politiques ou religieuses locales. À d’autres moments, ils ont travaillé pour que des lois spécifiques aux coopératives soient adoptées. Ils ont parfois bénéficié de certains programmes d’appui gouvernemental pour leur permettre de compléter leurs capitaux propres. Ils ont pu compter sur les conseils d’un ministère ou d’autres coopératives. Le succès d’aujourd’hui n’est pas arrivé du jour au lendemain. Les coopératives ont pu compter sur les pouvoirs publics et ceux-ci ont su faire appel aux coopératives pour mettre en œuvre des politiques de dévelop­ pement économique régional, des politiques d’industrialisation de l’agriculture, des politiques de logement et des politiques de développement forestier. Actrices responsables du secteur privé et partenaires privilégiées des États souhaitant un développement impliquant les populations, les coopératives canadiennes ont, depuis plus de 100 ans, réussi à maintenir un juste équilibre entre croissance entrepreneuriale et services aux membres et à la population, entre exploitation des ressources naturelles et préservation du milieu. 18 000 000 Canadiens membres d’une coopératives et mutuelles au Canada 8 500 coopératives et mutuelles au Canada 2 700 coopératives d’habitation où habitent 250 000 personnes 1 300 coopératives agricoles 660 coopératives de consommation 900 credit unions et caisses populaires joignant 11 millions de membres 400 coopératives offrant des services de garde 340 coopératives de travailleurs 100 coopératives de santé 150 000 employés 330 milliards $ d’actif pour l’ensemble des coopératives du Canada Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 18 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur Les coopératives et les mutuelles canadiennes: une contribution majeure au développement international Les trois principales organisations canadiennes œuvrant à la promotion des coopératives dans un contexte de développement international cumulent 100 ans d’expérience dans le domaine. Aujourd’hui, l’ACC, DID et SOCODEVI sont des organisations de référence reconnues comme telles sur la scène mondiale. Elles ont établi des partenariats avec la plupart des grands bailleurs de fonds privés et gouvernementaux de la planète, à commencer par l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Au fil de leurs actions, ces organisations ont réalisé plus d’un millier de projets dans quelque 80 pays à travers le monde. Elles ont touché des dizaines de millions de familles et d’entrepreneurs, améliorant ainsi leurs conditions de vie de même que leur autonomie et leur capacité de contribuer activement à l’essor de l’économie locale et du développement de leur communauté. Ce qui caractérise chacune de ces organisations, c’est leur affiliation à un réseau de coopératives actif sur la scène domestique. Elles peuvent ainsi puiser à même un vaste bassin de ressources techniques, humaines et financières qui sont, en raison des valeurs de solidarité animant ces réseaux, mises au service de leurs partenaires coopératifs. Au cours des vingt dernières années, plus de 1500 coopérateurs canadiens ont donné l’équivalent de 300 annéespersonne pour partager leur expertise avec les nombreuses institutions coopératives appuyées par l’ACC, DID et SOCODEVI. Les coopérateurs canadiens ont aussi donné plus de 40 millions de dollars pour soutenir le travail des trois organisations. Ces dons ont permis de mobiliser des appuis additionnels en provenance d’autres partenaires, notamment du gouvernement canadien. Des solutions adaptées aux besoins Le succès des interventions de ces trois organisations vient également du fait qu’elles sont soucieuses et capables de proposer à leurs partenaires coopératifs des pays en développement des solutions non seulement concrètes et pratiques, mais par-dessus tout ancrées dans la réalité des coopératives appuyées et adaptées aux besoins rencontrés. C’est dire que les méthodologies et innovations du Nord dont s’inspirent ces organisations ne sont pas simplement reproduites, mais plutôt adaptées en partenariat avec leurs partenaires coopératifs qui sont ainsi en mesure de s’approprier les solutions proposées. Ces solutions jouent ainsi un rôle déterminant dans la capacité des institutions partenaires à surmonter les défis auxquelles elles font face. Enfin, les organisations canadiennes actives en coopération internationale mettent en œuvre le principe d’intercoopération cher aux coopératives et collaborent entre elles de façon régulière et soutenue dans la réalisation de projets communs et dans le partage et l’enrichissement de leur expertise collective. Elles multiplient ainsi leur impact et leur portée. Bien qu’il soit largement reconnu dans les pays en développement et en émergence, l’engagement concret des organisations canadiennes œuvrant dans le domaine de la coopération internationale demeure à ce jour méconnu de plusieurs sur la scène locale. Or, les contributions apportées par les coopératives canadiennes sont loin d’être banales, tout particulièrement dans un contexte économique susceptible d’encourager davantage la concurrence et le repli sur soi que la solidarité et l’ouverture. La rencontre entre les mouvements coopératifs du Nord et du Sud rend possible un partage d’expertise et de savoir-faire, mais surtout, il contribue à une plus grande équité en termes de capacité de prise en charge, d’accès aux services et aux ressources et de participation au pouvoir. Ensemble, les coopératives et les mutuelles canadiennes engagées en développement international participent à la réduction des clivages et des inégalités et donnent tout leur sens aux valeurs de solidarité canadiennes. Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur 19 Présentation des organisations auteures de cet ouvrage L’Association des coopératives du Canada (ACC) appuie la promotion, le développement et le regroupement de coopératives et de credit unions au bénéfice des populations du Canada et de partout dans le monde. Les membres de l’ACC proviennent de nombreux secteurs économiques incluant la finance, l’assurance, l’agroalimentaire, l’habitation, la santé et le secteur des services. Les membres de l’ACC imaginent un monde dans lequel les gens de toutes provenances puissent prospérer à la fois sur les plans économique, culturel et social. Depuis plus de 40 ans, le programme de développement international de l’ACC contribue à réduire la pauvreté par la création et le développement de coopératives, de credit unions et d’organisations ancrées dans la communauté. Depuis plus de 40 ans, Développement international Desjardins (DID) s’emploie à partager avec les pays en développement et en émergence l’expérience et l’expertise du Mouvement Desjardins, le plus grand groupe financier coopératif du Canada. L’objectif poursuivi par DID est de rendre accessibles aux populations moins favorisées de la planète des services financiers diversifiés, sécuritaires et adaptés à leurs besoins. Pionnier dans le déploiement et le développement de la microfinance à travers le monde et comptant sur une équipe de plus de cent employés, DID est aujourd’hui un leader mondial dans ce secteur. www.did.qc.ca www.coopscanada.coop/id La Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) est un réseau de 26 entreprises coopératives et mutualistes qui partage son expertise technique et son savoir-faire avec ses partenaires dans les pays en développement, afin d’y créer, protéger et distribuer la richesse. SOCODEVI mesure son succès par la capacité des entreprises appuyées à devenir des références dans leur milieu en raison de leur durabilité et des retombées de leurs activités sur leurs membres et les communautés locales. Depuis sa création en 1985, SOCODEVI a accompagné plus de 680 entreprises et organisations coopératives et mutualistes dans une quarantaine de pays en développement touchant ainsi plus de 12 millions de personnes. Plus de 400 projets d’une valeur totale de 220 millions de dollars CAN ont été menés par SOCODEVI. www.socodevi.org T i r a g e 1600 exemplaires I m p r e s s i o n Imprimerie JB Deschamps D e s i g n Pouliot Guay, graphistes IS B N 978-2-921777-39-1 Imprimé sur papier recyclé à 100 % Septembre 2012 Les coopér atives et les mutuelles c anadiennes en développement international 20 Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur