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1960-1965 : Une mise en garde pour notre époque
Les cinq premières années qui suivirent l’indépendance (1960-1965) servent de « mise en
garde » à la RDC d’aujourd’hui. En effet, les élections organisées à la suite de l’indépendance
conduisirent le pays presque directement à la guerre civile, opposant d’une part les
nationalistes radicaux contre les nationalistes modérés et d’autre part ces deux factions contre
les « féodaux et les tribalistes ». Les mouvements sécessionnistes qui virent le jour au
Kantaga et dans le sud de Kasai, deux régions riches en minéraux, reçurent un soutien externe
considérable de la part de certains pays développés qui craignaient que les nationalistes
n’adoptent les principes du monde socialiste au sein du territoire devenu indépendant et dont
les sociétés souhaitaient obtenir un accès privilégié
aux ressources minérales du pays. Les mouvements sécessionnistes recrutèrent leurs forces de
combat auprès des membres de la Force Publique, laquelle se divisa rapidement selon des
critères ethniques. L’embryonnaire Armée Nationale Congolaise (ANC) s’avéra être
complètement inefficace pour établir l’ordre depuis le centre du pays. Cinq années de
développement économique furent ainsi perdues en raison de l’extrême instabilité qui régnait
à travers le territoire, dans la mesure où les élites locales émergentes s’emparèrent des sites de
production et détournèrent les ressources publiques pour financer la guerre ou s’enrichir
personnellement. Cette période de violence, qui ne prit fin qu’à la suite d’une intervention des
Nations Unies, donna une ampleur accrue au tribalisme à la fois entre les régions et au sein-
même de celles-ci.
Le dilemme auquel était confronté le pays nouvellement indépendant est résumé par un
observateur éclairé, témoin de cette période :
L’existence de la nation elle-même était menacée… à l’intérieur comme à
l’extérieur. À l’intérieur, par les conflits stériles des politiciens qui avaient
sacrifié le pays et leurs compatriotes au profit de leurs propres intérêts.
La seule chose qui leur importait, c’était le pouvoir… Remplir leurs poches,
exploiter le Congo et le peuple congolais, voilà quel était leur style.
Avec de tels exemples, l’administration nationale et provinciale
s’embourbait dans l’inertie, l’inefficacité et, pire encore, la corruption.
… Certains politiciens n’hésitaient pas à faire appel à des puissances étrangères
pour rester au pouvoir ou pour reconquérir le pouvoir… La situation sociale,
économique et financière du pays est catastrophique.
Ces paroles furent prononcées par Mobutu Sese Seko lorsqu’il expliqua la raison pour
laquelle il prit le pouvoir en 1965 (Young et Turner, 1985, p.42).
1965-1974 : Formation de l’État et création d’une élite horizontale
L’effondrement de l’État et de l’économie vers la fin des trente-deux années du règne de
Mobutu, fait souvent oublier que le Congo, ou plutôt le Zaïre, comme celui-ci fut rebaptisé
par Mobutu, connut une période importante de développement en matière de formation de
l’État au cours de la première décennie de son arrivée au pouvoir. Après s’être emparé du
pouvoir avec l’appui du fameux groupe « Binza » et de certaines puissances occidentales, le
régime de Mobutu renforça son pouvoir à travers tout le pays. Mobutu réduit le nombre de
provinces, affaiblissant considérablement le pouvoir des réseaux locaux et déploya des efforts
concertés visant à marginaliser les pouvoirs traditionnels. Le gouvernement de Mobutu