BRGM
PDG/JV Orléans, le 22 mai 2011, 17h
L’éruption du volcan Grimsvötn en Islande
Le samedi 21 mai 2011, à 21h (heure de Paris), le volcan islandais Grimsvötn est
entré en éruption, et le souvenir de celle de l’Eyjafjallajökull l’an dernier est encore assez
présent dans les esprits pour que l’on se préoccupe à nouveau de l’impact de ce nouvel
évènement tellurique sur le trafic aérien. D’autant que, comme son célèbre prédécesseur, le
Grimsvötn est situé sous un glacier, le Vatnajökull, l’éruption se traduisant également par un
panache de cendres émis dans l’atmosphère, produit par fragmentation du magma au
contact de la glace (et de l’eau sous-jacente).
1. Principales caractéristiques du volcan Grimsvötn
Le volcan Grimsvötn est un des plus importants et plus actifs d’Islande. Situé dans la
partie centrale de l’ile, sa localisation correspond à l’endroit où le rift nord se divise en deux
rifts caractérisant le système volcano-tectonique du Sud de l’Islande. Plus précisément à la
croisée de l’axe méridien actif (orienté N-S) avec le système transverse (E-W) assurant la
liaison avec la dorsale de Reikjanes, qui se prolonge au sud par la dorsale médio-atlantique
(Fig.1). C’est cette localisation – interprétée comme l’apex d’un panache du manteau par de
nombreux auteurs – qui explique l’importance de ce volcan, de grande dimension, couronné
par une vaste caldera complexe, connue seulement indirectement puisque située sous un
glacier permanent1. Néanmoins, la très forte activité hydrothermale de ce volcan se traduit
par une fonte sous-glaciaire avec la présence d’un lac dans la caldera, sous une épaisseur
de glace de 50 à 200m.
Figure 1 : carte de localisation du volcan Grimsvötn dans le système de rifts islandais (source : USGS)
Le volcan Grimsvötn est bien connu pour son activité volcanique historique, les
dernières éruptions datant de 2004 et de 1922. On ne compte pas moins de 75 éruptions au
cours des 1100 dernières années. Outre la caldera elle-même, ce volcan comprend un
système de fissures émissives, dont celle du Laki, rendue célèbre par l’éruption de 1783, qui
a eu un impact important sur l’ensemble de l’Europe, au point que certains historiens y voient
une des causes de la révolution française, le nuage de cendre ayant eu un impact sur le
climat et les récoltes pendant plusieurs années. C’est un fait que l’éruption du Laki, qui a
émis 12 à 14 Km3 de magma, a été une des éruptions historiques majeures.
1
M.T. Gudmundsson, T. H¨ognad´ottir / Journal of Geodynamics 43 (2007)
Au cours de ces dernières années, les observations géophysiques ont permis aux
volcanologues islandais de montrer que le Grimsvötn était en période de remplissage de sa
chambre magmatique, dont le volume pourrait atteindre 400Km3, avec une inflation
régulière, de 5 à 10 cm par an, depuis 1998.
Fig. 2 : La caldera complexe du volcan Grimsvötn (dans laquelle on retrouve l’influence des deux
directions tectoniques majeures, NNE et WSW) et le système magmatique intrusif sous-jacent,
allongé selon l’axe du rift (M.T. Gudmundsson, T. H¨ognad´ottir, 2007)
2. Comparaison avec l’éruption de l’Eyjafjallajökull
En comparaison avec l’Eyjafjallajökull, l’éruption du Grimsvötn présente plusieurs
différences :
- C’est une éruption de plus forte puissance, avec un panache atteignant une hauteur
de 17 à 20 Km, alors que celle de l’an dernier était de 6 à 9 kilomètres (Fig. 3). Cette
hauteur classe cet évènement parmi les plus importants.
- La composition de la lave est basaltique, impliquant un degré de fracturation moindre
que dans le cas de l’Eyjafjallajökull, dont la lave plus acide était aussi plus
fragmentable, du fait que le dégazage du magma augmente les surfaces de contact
avec la glace.
- La direction des vents, qui rabattaient directement le panache de l’Eyjafjallajökull vers
l’Europe dès le début de l’éruption, alors que dans le cas du Grimsvötn, les vents
étaient orientés vers le NW et recentraient le panache sur l’Islande elle-même, qui de
ce fait a fermé son espace aérien. Néanmoins, si les vents d’altitude portaient vers le
nord, les vents de moindre hauteur portaient dimanche 22 vers le sud (Fig. 4).
Fig. 3 : hauteur des panaches (en Km) des éruptions volcaniques historiques et taux d’émission de
magma en Kg/s (Mastin et al, 2009).
3. Quelles prévisions pour les jours qui viennent ?
Il est essentiel de rester très vigilant concernant l’impact de cette éruption sur le continent
européen et la France en particulier. 4 éléments seront notamment à prendre en compte :
1) L’évolution du régime météorologique, et plus spécifiquement l’orientation des vents
en altitude dans les jours à venir.
2) La caractéristique des particules produites par le volcan, dont la composition initiale,
basaltique, indique des tailles plus élevées que dans le cas de l’éruption précédente.2
Si cette observation se confirme, elle a pour conséquence que les particules
retombent plus vite à la surface (une particule de moins de 63 microns émise à une
hauteur de 17Km peut voyager 1000 Km avant d’atterrir)
3) La durée de l’éruption, qu’il est difficile de prédire. Les dernières éruptions du
Grimsvötn ont duré de quelques jours à quelques semaines, mais le volume
important de la chambre magmatique et son inflation continue depuis 1998 peut
entrainer une éruption d’importance exceptionnelle. L’éruption du Laki – fissure
appartenant au même système volcanique - a été une des plus importantes de
l’histoire de l’Islande.
4) Enfin, la composition du magma, si elle joue actuellement, par sa composition
basaltique, dans le sens d’un moindre impact en terme de volatilité du panache
(moindre fragmentation et taille plus grosse des particules), peut également évoluer
vers des compositions plus acides (il faut noter toutefois que le Grimsvötn a été
jusqu’ici caractérisé par une activité basaltique).
Figure 4 : prévisions météorologiques concernant l’évolution du panache du Grimsvötn jusqu’à
lundi 23 mai 2011 (Metoffice, UK)
2 Les particules sont plus grossières selon Pall Einarsson, Université d’Islande
Figure 5 : photo de l’éruption prise par un avion de reconnaissance islandais le 21 mai ; on
observe un panache vertical de couleur blanche (forte teneur en vapeur d’eau), remontant en
haute altitude (17 à 20 Km) et un panache de couleur grise, de moindre hauteur, chargé en
cendres basaltiques avec importantes retombées sur le sol islandais.
Sites de référence :
http://en.vedur.is/earthquakes-and-volcanism/earthquakes
http://hraun.vedur.is/ja/oroi/grf.gif (enregistrement continu du tremor volcanique)
http://www.earthice.hi.is
http://www.metoffice.gov.uk/aviation/vaac/vaacuk_vag.html
http://www.brgm.fr
Jacques Varet
Volcanologue, ancien président du CSERV (Comité Supérieur d'Évaluation des Risques Volcaniques).
Docteur ès-sciences, lauréat du prix L.R.Wager décerné par la Royal Society et l’Association
Internationale de Volcanologie et de Chimie de l’Intérieur de la Terre (AIVCIT).
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !