Société des Sciences Naturelles de la Charente-Maritime Mercredi 3 juin 18h 1944° séance Présidence de Pierre Miramand - 46 participants Conférence : Les « fossiles vivants » : un mythe qui a la vie dure animée par Pierre Miramand Université La Rochelle, Laboratoire LIENSs Jusqu’au dix-huitième siècle, les fossiles étaient considérés, soit comme des jeux de la nature, soit comme des restes du déluge, malgré que quelques érudits, dont Leonard de Vinci et Bernard Palissy, avaient, dès la renaissance, reconnu la vrai nature des fossiles comme étant des restes d’animaux pétrifiés. Au début du dix-neuvième siècle Cuvier étudie des dents fossiles remmenées de l’Ohio et de Sibérie qui étaient considérées par ses contemporains comme des dents appartenant à des éléphants. Il leur applique sa méthode d’anatomie comparée et conclut que celles-ci n’appartenaient pas à des éléphants, mais étaient les restes d’animaux aujourd’hui éteints. Cuvier va ainsi révéler à ses contemporains l’existence de mondes disparus. Pour expliquer leurs extinctions, il va développer une théorie dite théorie des catastrophes dans laquelle il explique que les faunes du passé ont disparu lors de grands cataclysmes et ont été remplacées par de nouvelles faunes. Alcide d’Orbigny, disciple de Cuvier et comme lui fixiste, va appliquer cette théorie aux invertébrés et va découper les strates géologiques en 28 étages qui correspondaient pour lui à autant de créations. C’est la naissance de la bio stratigraphie. Dans ce contexte, un fossile pour A. d’Orbigny ne pouvait exister que dans un seul étage, et il n’était pas concevable que des espèces traversent les grands cataclysmes qui ont frappé la biosphère. Pourtant ce concept va apparemment être remis en cause par des découvertes faites à la fin du dixneuvième siècle, lorsque les scientifiques vont explorer les grands fonds marins. C’est d’abord en 1856, la découverte par 300 m de fond d’exemplaires vivants de gastéropodes pleurotomaires que l’on croyait éteints depuis le miocène. Puis, en 1872, ce fut la remontée de 4000 m de fond d’un crinoïde pédonculé lors de l’expédition britannique du Challenger. Cette découverte stupéfia les scientifiques, car ces animaux n’étaient connus qu’à l’état fossile et on les croyait éteints depuis le mésozoïque. Ces découvertes spectaculaires ont fait qualifier ces organismes de « fossiles vivants », terme employé par Darwin, dans un autre sens, pour qualifier des espèces actuelles qui constituaient, pour lui, des formes de transition entre des ordres actuellement profondément séparés. Ce terme va alors être utilisé pour des espèces que l’on croyait éteintes depuis des millions d’années et retrouvées fortuitement. La découverte en 1938 au large des Comores d’un cœlacanthe vivant, organisme qui n’était connu qu’à l’état fossile depuis le dévonien et dont aucun exemplaire fossile n’avait été retrouvé depuis le crétacé, va rendre l’expression « fossiles vivants » très populaire. Depuis, de nombreux « fossiles vivants » requalifiés d’espèces panchroniques, c'està-dire présentant des ressemblances morphologiques avec des espèces éteintes ont été identifiées. Citons, parmi les plus célèbres, les nautiles, les limules, les lingules, les scorpions, les méduses et les requins dont le plus ancien fossile connu date du dévonien et semble avoir la même morphologie que les requins actuels. Ces espèces vont faire naitre beaucoup d’interrogations, notamment au sujet de la théorie de l’évolution. Elles vont être utilisées soit par des « fixistes » qui vont les prendre en exemple pour nier l’évolution des espèces, soit par des non darwiniens, comme, par exemple Teilhard de Chardin qui développa la théorie du « Christ cosmique » ou Pierre Paul Grassé qui développa une théorie néo lamarckienne de l’évolution. Mais est-ce vrai que les espèces panchroniques n’évoluent plus ? 28 rue Albert 1er – 17000 La Rochelle. Tél. : 05.46.31.87.17 [email protected] Fondée en 1836 – Reconnue d’utilité publique depuis 1852 – Agréée au titre de l’environnement-département de la Charente-Maritime www.societesciences17.org Société ociété des Sciences Naturelles aturelles de la Charente harente-Maritime Le cas du cœlacanthe montre que c’est faux. On ne connait aucun fossile de cœlacanthe du genre actuel Latimeria.. Les derniers fossiles connus du crétacé appartiennent au genre Macropoma. Macropoma Ils sont anatomiquement différents des cœlacanthes actuels, notamment amment au niveau de leur taille et surtout au niveau du squelette de leurs nageoires. En réalité, les cœlacanthes n’ont pas cessé d’évoluer depuis le dévonien en s’adaptant à différents habitats. Ceci est montré par les 2 espèces actuelles qui ont des différences diff génétiques significatives. Les cœlacanthes ne sont pas des fossiles vivants, il n’y a de bons fossiles que morts ! Ce sont des espèces à évolution lente dont la morphologie externe a peu changé. Le manque de fossiles depuis le crétacé est vraisemblablement ablement dû à leur nouveau mode de vie dans des zones océaniques profondes peu propices à la fossilisation. Les mêmes considérations peuvent être formulées pour tous les organismes qualifiés, à tort de « fossiles vivants ». Par exemple les crinoïdes pédonculés pédonculés actuels des grands fonds vivent sur les substrats meubles, alors que leurs ancêtres mésozoïques vivaient fixés sur des substrats durs, ce qui dénote chez ces échinodermes de remarquables qualités d’adaptation et d’évolution. D’ailleurs les crinoïdes pédonculés pédonculés n’avaient pas complétement disparu depuis le crétacé, comme le pensaient les naturalistes du siècle passé. En effet, il a été découvert récemment un fossile de crinoïde pédonculé daté de l’éocène. La ressemblance morphologique des requins du dévonien dévo avec les requins actuels n’est qu’un exemple de convergence évolutive dû à une adaptation au milieu océanique. En réalité, les requins du dévonien sont très différents des requins actuels, leur bouche est terminale et non ventrale, ils ont une épine en n os alors que les requins actuels sont entièrement cartilagineux, l'articulation de leur nageoire pectorale est différente, ils n’ont pas de denticules dermiques et ont une absence de calcification de leurs corps vertébraux. En réalité les plus anciens requins quins modernes datent du permien et ce n’est qu’au trias qu’apparait l’ordre des héxanchiformes, encore présent dans nos mers et ce n’est qu’à l’éocène que la plupart des familles actuelles de requins feront leur apparition dans les océans. Pour qualifier les espèces panchroniques, on emploie actuellement le terme de Taxons lazares qui désigne un taxon qu’on croyait éteint et qui semble réapparaitre à un moment donné, la plupart du temps parce qu’ils vivent actuellement dans les grands fonds, encore peu explorés explorés et qui sont des zones peu propices à la fossilisation. Les grands fonds, sont, en outre, des zones où les conditions environnementales sont relativement stables, ce qui réduit la pression évolutive sur ces espèces. Ce sont des espèces à évolution lente lente qui présentent une mosaïque de caractères ancestraux et de caractères dérivés. Leur apparente stabilité morphologique ne concerne que leur morphologie externe qui ne représente que 5 % du génome. Leur anatomie interne, leur physiologie et leur patrimoine patrimo génétique a évolué au cours du temps comme pour les autres espèces. Le terme de « fossiles vivants » doit donc être banni de notre vocabulaire. Communiqué du conférencier Tous nos remerciements pour une présentation très appréciée des « mystères »de l’évolution. 28 rue Albert 1er – 17000 La Rochelle. Tél. : 05.46.31.87.17 [email protected] Fondée en 1836 – Reconnue d’utilité publique depuis 1852 – Agréée au titre de l’environnement-département département de la Charente-Maritime Charente www.societesciences17.org