Institut de physique Actualités scientifiques La transition métal-semiconducteur observée sur une chaîne atomique de carbone Juillet 2015 Des physiciens ont pour la première fois observé le changement d’organisation d’une chaîne monoatomique de carbone en mesurant comment elle conduit le courant électrique. On sait depuis les travaux de Rudolph Peierls dans les années 30 que les atomes d’un métal unidimensionnel ne sont pas régulièrement espacés. Chaque atome s’approche de l’un de ses voisins et s’éloigne de l’autre de sorte que la chaîne est une alternance de liaisons longues et courtes. Toutefois, une étude récente menée à l’Université Rice a prédit que ce n’est pas le cas pour une chaîne d’atomes de carbone : pour cet atome, la configuration où les atomes sont régulièrement espacés serait énergiquement favorable. En mettant à profit la différence de nature dans les propriétés de conduction électrique de ces deux configurations, des physiciens de l’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg - IPCMS (CNRS/Univ. Strasbourg) viennent de montrer que cela est effectivement le cas. Par des mesures de conductivité électrique effectuées à l’aide d’un microscope à effet tunnel, sous observation en microscopie électronique, ces physiciens ont montré qu’une chaîne monoatomique de carbone a une structure métallique, caractéristique d’un espacement régulier entre atomes. En revanche, lorsque cette chaîne est tendue, la conductivité est caractéristique d’un semi-conducteur, signe d’un changement de configuration vers une alternance de liaisons courtes et longues. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications. Chaque atome de carbone dispose de quatre électrons non appariés et est donc susceptible de former quatre liaisons chimiques. Dans une chaîne d’atomes de carbone, deux types de configuration sont donc possibles : une liaison double avec chaque voisin ou bien une liaison simple avec l’un et une liaison triple avec l’autre. Dans le premier cas, appelé cumulène, les atomes sont régulièrement espacés et la succession de liaisons doubles conduit à une délocalisation des électrons sur toute la longueur de la chaîne, c’est-à-dire au comportement d’un métal. Dans le second cas appelé polyyne, l’alternance de liaisons simples et triples, de longueur différentes, conduit la localisation des électrons et à un comportement électrique de type semi-conducteur. C’est cette propriété que les chercheurs on mis à profit pour déterminer électriquement l’agencement des atomes dans la chaîne. Grâce à un microscope à effet tunnel intégré dans le porte-objet d’un microscope électronique en transmission, les physiciens ont créé des fils atomiques en contactant un matériau graphitique avec les électrodes, puis en rétractant précautionneusement l’une d’elles. Le contact électrique avec cette même électrode leur a alors donné accès aux propriétés électroniques des chaînes. Des chaînes de carbone courbées, donc non contraintes, ont montré le comportement électrique d’un métal. La structure est alors celle du cumulène, une suite régulière de liaisons doubles. A contrario, des caractéristiques électriques différentes furent mesurées lorsque les chaînes étaient soumises à une tension mécanique. Les chaînes tendues montrent alors une courbe courant-voltage en forme « S », typique des semiconducteurs avec une bande interdite et caractéristique du polyyne et de l’alternance de liaisons simples et triples. En collaboration avec des théoriciens de l’Université de Louvain, le comportement électronique des chaînes de carbone sous contrainte a pu être expliqué de manière quantitative grâce aux simulations ab initio basées sur la fonctionnelle de la densité (DFT). En augmentant la contrainte mécanique dans la chaîne, la structure cumulène se transforme automatiquement en polyyne, engendrant une transition métal – semiconducteur dont la bande interdite est directement proportionnelle à la contrainte appliquée. Une contrainte typiquement d’1eV a été calculée pour un allongement de la chaîne de 5%. Les chercheurs ont en outre étudié l’influence des contacts avec les électrodes et montré que si un des deux contacts est un métal, une rectification est observée et mène à une courbe courant-voltage asymétrique. Ils ont ainsi réalisé expérimentalement une diode monoatomique du type Schottky. En savoir plus Strain-induced metal–semiconductor transition observed in atomic carbon chains, A. La Torre1, A. Botello-Mendez2, W. Baaziz3, J.-C. Charlier2 et F. Banhart1, Nature Communications (2015) Contact chercheur Florian Banhart, professeur de l’Université de Strasbourg Informations complémentaires Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg (IPCMS) Institute of Condensed Matter and Nanosciences, Université catholique de Louvain 3 Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé (ICPEES) 1 Modèle d’une chaîne atomique de carbone (en bleu) avec des courbes courant-voltage pour une chaîne semi-conductrice (polyyne) et une chaîne métallique (cumulène). Le circuit électrique est montré avec l’image d’une chaîne au microscope électronique (droite). © IPCMS/CNRS www.cnrs.fr 2 Institut de Physique CNRS - Campus Gérard Mégie 3 rue Michel-Ange, 75794 Paris Cedex 16 T 01 44 96 42 53 [email protected] www.cnrs.fr/inp Illustration du bandeau : © CNRS Photothèque / PLAS Frédérique