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et nations entendent grandir hors de toute allégeance religieuse. Dans le monde, le succès des
missions chrétiennes ne parvient pas à camoufler l’ignorance du Christ partagée par de nombreux
peuples et cultures. Le christianisme cesse de se confondre avec la civilisation occidentale et bien
des chrétiens, étonnés, découvrent que l’on peut ne pas croire et avoir cependant une morale.
En quelques décennies, la société change plus profondément que durant des siècles. Dans le
même temps, l’Eglise Catholique en reste pour l’essentiel au programme élaboré durant la
Contre-Réforme (seconde moitié du XVI° siècle). C’est là qu’il faut chercher l’origine première de
l’appel au Concile Vatican II : le fossé qui se creuse entre l’Eglise et le monde environnant
est tel que le dialogue entre les deux devient difficile.
D’un côté, une Eglise Catholique héritière d’une civilisation de nature traditionnelle, paroissiale et
rurale. De l’autre, une société industrielle et scientifique, désireuse d’expliquer rationnellement le
monde.
« Dieu est mort ! »
Clame le philosophe Nietzsche. « Nous avons éteint dans le ciel des
lumières qu’on ne rallumera plus », lance René Viviani, futur Président du Conseil de la Troisième
République française, au moment des querelles liées à la séparation des Eglises et de l’Etat (1905).
Tandis que l’histoire s’accélère, l’Eglise continue de véhiculer une tradition de moins en moins en
phase avec la vie du monde. Elle arrive parfois avec succès à résister à ce mouvement de fond : la
naissance du scoutisme, l’apparition du christianisme social, la fondation des mouvements de laïcs
comme l’Action catholique de la jeunesse française e, 1886, sont autant de signes de l’empreinte
vivante du christianisme. Mais ces résistances n’entravent pas le mouvement de fond : la
civilisation rurale, vivier traditionnel du catholicisme, s’épuise.
C – L’émergence d’un mouvement d’émancipation.
Il est intéressant de constater que ce mouvement d’émancipation appelé « modernité » prend
naissance dans un monde majoritairement chrétien, mais que les autorités ecclésiastiques ont du
mal à comprendre la légitimité de telles aspirations. Tandis qu’une Eglise hiérarchisée,
dogmatique, se resserre autour du pape, on constate les prémices d’un renouveau à la fois
pastoral, biblique (Ecole de Jérusalem) et liturgique. Après la seconde Guerre Mondiale, alors que
l’Occident entame une croissance cette tension devient insupportable.
Le pape Jean XXIII tire le constat de cette fracture en convoquant les évêques du monde entier.
Signe des temps, alors que le précédent concile, celui de Vatican I en 1870 n’avait réuni que 700
évêques pratiquement tous européens, Jean XXIII rassemble quelques 2400 évêques, parmi ceux-
ci, les Européens n’ont plus la majorité.
Le discours d’ouverture prononcé par le pape est significatif d’une Eglise et d’un monde certes
anxieux et divisés, mais également mus par un optimisme foncier.
« Le Concile qui vient de
s’ouvrir
, déclare le ‘’ bon pape Jean ’’,
est comme une aurore resplendissante qui se lève sur
l’Eglise, et déjà les premiers rayons du soleil levant emplissent nos cœurs de douceur.
»
Au fond, la convocation du concile entend faire œuvre d’évangélisation en adaptant l’Eglise aux
réalités de son époque.