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Valeurs universelles dans le Judaïsme,
le Christianisme et l’Islam
ARMAND GUIGUI
L’Histoire du monde judaïque, comme celle d’ailleurs du monde
chrétien ou musulman, est marquée de faits et repères qui représentent
autant de valeurs universelles à la base même de la pérennité de notre
infrastructure communautaire et de ses institutions. Ces faits et
repères, communs aux Sagesses juive, chrétienne et musulmane, sont
multiples et embrassent des domaines divers :
- D’abord, l’amour et la crainte de Dieu qui ont engendré
l’Éthique.
- Ensuite, le savoir et le rapport du savoir avec la justice, du
savoir avec la politique, et la transmission de ce savoir aux
citoyens lettrés, appelés communément foukaha (ou fquih au
singulier) chez les musulmans, et talmid hakaham chez les
juifs.
- Enfin, les modes d’expression de pensée, dans la littérature, la
philosophie, le folklore, voire même la musique et la
gastronomie.
Ces repères de sagesse sont autant de lieux de dialogue, ou
d’espaces de rencontres des civilisations et des diverses cultures.
Ainsi, Bible (l’ancien comme le nouveau testament) et Coran se
rejoignent dans la définition même de cette sagesse : la hikma chez les
musulmans et la hokma chez les juifs.
Un bel exemple illustre cette similitude ; celui de Job qui identifie
sagesse et crainte de Dieu dans le verset 28 : « Vayomer la adam han
irât Adonaï hi hokma, vessour lérââ bina » qui veut dire « La crainte
de Dieu, voilà la sagesse, s’écarter du mal, c’est l’intelligence ».
Avec sa réplique exacte du Coran dans la sourate 35, et curieusement
aussi verset 28, « Innama yakhcha Allah min ibadihi al oulamâa ».
Un autre exemple commun à la Bible et au Coran illustre encore
cette similitude ; c’est la fabuleuse histoire de Joseph ou Youssef. En
effet, nul comme Joseph n’a reçu de Dieu d’enseignements et de
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science lui permettant d’interpréter les évènements et le monde du
mystère ; rappelons-le, le rêve mystérieux des sept vaches qui avaient
tant agité et troublé le Pharaon qui fit alors appel à Joseph dont
l’interprétation se révéla par la suite exacte, et qui lui valut sa
nominantion comme ministre de l’Égypte de l’époque.
Mais l’un des corollaires de la sagesse et de la crainte de Dieu est
l’humilité. Ce fut d’ailleurs la principale qualité de Moise qui fût
choisi pour recevoir les Tables de la Loi dans le Sinaï, soulignant ainsi
la préeminence de l’humilité sur la sagesse. L’homme, en effet, ne sait
être sage s’il n’est pas humble.
C’est ainsi que le premier des dix commandements reçus dans ces
Tables de la Loi désigne l’unité et l’unicité de Dieu. En effet, Moïse,
peu de temps avant sa mort fait entendre au peuple juif cette célèbre
invocation devenue depuis la confession suprême du dernier soupir :
« chemaa Israël
1
, Adochem Elohénou, Adochem Ehad », ce qui veut
dire : écoute Israël, l’Éternel est Notre Dieu, l’Éternel est Un. Quoi de
plus équivalent que : « La Ilaha Illa Allah, Mohammed Rassoul
Allah ».
Cette première valeur universelle est, depuis la nuit des temps, le
fondement même de toutes les religions monothéistes. C’est un Dieu
qui n’a pas Son égal ni Son pareil et dont tous les attributs forment un
ensemble indissociable qu’on ne peut concevoir qu’en esprit.
Maimonide disait d’ailleurs : « Dieu échappe à toute ressemblance et
nul ne peut Le saisir dans Sa sublime essence ».
Ceci nous amène à dire quelques mots sur le philosophe Moussa
Ibn Maimoun, que la tradition juive appelle Harambam et que
l’Occident connaît plus volontiers sous le nom de Maimonide. Ce fût
une figure emblématique et prestigieuse du XII
e
siècle incarnant
l’essor de la philosophie juive en terre d’islam. C’est à Fès, puis à
Fostad que fût écrite, en arabe, la presque totalité de son œuvre
immense, dont le fameux traité philosophique « Le Guide des
Égarés » ou « Dalil El Haïrine », ou encore en hébreu « Moreh
Névokhim ».
C’est en effet, avec des penseurs, des philosophes et des savants
arabes qu’il discute et polémique en toute libérté, chacun défendant
âprement ses idées tout en respectant celles des autres, tout en gardant
intacte son identité.
1
Ici Israël signifie peuple juif.
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Maimonide ayant déjà été le symbole même de cette
extraordinaire coexistence et cohabitation socio-culturelle et
civilisationnelle, dont le Maroc a toujours été la terre de prédilection
par excellence et dont Feu S.M. Hassan II en a fait une devise
philosophique, celle de la « réconciliation de tous les Fils
d’Abraham », dont il fût l’apôtre et le promoteur numéro 1.
Cette magnifique symbiose socio-culturelle prévalait d’ailleurs
dans l’Andalousie de « l’Age d’Or », triomphaient ensemble et de
manière éclatante les trois grandes cultures issues des trois grandes
religions, apogée décrite merveilleusement par le romancier Herbert
Le Porrier dans un ouvrage dédié en hommage à Maimonide, intitulé
« Le médecin de Courdoue » l’on peut lire dans l’une de ses pages
célèbres :
« Il n’y a jamais eu de réussite aussi semblable dans
l’histoire des hommes par la fusion des trois culture. Chacune
secrétant le meilleur d’elle-même, pour une élévation
commune. Ce fût un mariage d’amour et de raison, qui
associait l’âme et la chaire, la liberté de soi et le respect
d’autrui, les courants de fonds et les remous de surface ».
Ce fût le miracle de Courdoue.
Signalons qu’à cette époque vivait aussi Ibn Rochd ou Averroès
qui avec Maimonide formaient à eux deux, deux itinéraires
exemplaires et similaires d’intellectuels de l’Age d’Or ; ils sont tous
les deux issus de Cordoue, produits d’une même civilisation hispano-
maghrébine, dont la culture avait atteint à l’époque un très haut degré
de raffinement : c’était deux maîtres de la médecine, deux maîtres de
la philosophie et des sciences juridiques, voire même deux complices
dans leurs critiques acerbes et masquées des évènements politiques
des autorités de l’époque.
Mais Maimonide, travailleur infatiguable durant toute la semaine,
observait un strict repos le Chabbat, autre valeur universelle commune
aux trois religions. C’est effectivement le repos hebdomadaire ou
Samedi chez les juifs, par comparaison au Vendredi chez les
musulmans et Dimanche chez les chrétiens. Il est, en effet, dit dans le
4
ème
Commandement que Dieu a créé le ciel et la terre et tout ce qu’ils
renferment en six jours et se reposa le septième jour, appelé Chabbat.
Ce commandement dit en résumé : « travail et repos » ; telle est
la constante biologique immuable de toute nature organisée, qu’elle
soit animale ou végétale, brute ou intelligente. Pour l’homme,
l’exercice des facultés physiques et mentales pendant six jours, est
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certes une nécessité naturelle et sociale. De même, elle doit être
cycliquement suivie d’un repos le septième jour, peu importe que ce
soit le Samedi, le Vendredi ou le Dimanche. Cependant, ça ne doit pas
être une simple inaction ou suspension de telle ou telle activité, mais
un véritable repos ou une véritable fête dont le corps et l’esprit ont
naturellement besoin pour pouvoir repartir ou rebondir de plus bel sur
des bases saines les six jours suivants, et ainsi de suite.
C’est tout simplement et tout bêtement dans le monde, la
première notion de repos ou de vacances, reprise de manière
commerciale à travers nos sociétés modernes et leurs agences ou clubs
de voyage sous forme de « congé payé ».
Une autre valeur universelle que l’on voudrait aborder également
ici est celle de la charité, ou tsedaka en hébreu ou encore sadaka en
arabe, et qui signifie à la fois justice et bienfaisance. Elle n’était
d’ailleurs point facultative, mais imposée dans les trois religions
comme un devoir aussi rigoureux que la justice qui est le fondement
même du judaïsme, de la chrétienté et de l’islam. Valeur universelle
par laquelle l’homme se doit de rétablir un certain équilibre, une
certaine justice en quelque sorte, par la justesse dans la péréquation
qui le régit avec son prochain.
Et nous terminons par évoquer la notion de la liberté religieuse et
la dignité de la personne humaine. Cette notion n’est nullement
moderne puisqu’en 1958 lorsque les Nations Unies ont voulu célébrer
le 10
ème
anniversaire de la Déclaration des Droits de l’homme, on a
demandé aux États membres d’émettre un timbre symbolisant cet
évènement. Et bien le timbre qui a remporté la palme de ce concours
représentait une pierre ancienne sur laquelle était gravé « Tu aimeras
ton prochain comme toi-même », renvoyant ainsi l’acualité du jour à
un texte biblique infiniment ancien ; un des dix commandements
affirmant aussi la fraternité de tous les hommes.
Peut-il avoir un principe moral plus élevé que celui
recommandant d’aimer son prochain comme soi-même, sans
distinction de race, de couleur ou de religion, formule devenue depuis
universellement célèbre et très étendue incluant l’humanité tout
entière. Car Dieu n’a pas seulement créé le juif, le chrétien ou le
musulman mais l’Homme en général, et qui plus est, le créa à son
image avec le strict souci de l’égalité à la base ; voilà donc le principe
de la valeur universelle la plus élevée qui puisse exister : Égalité et
Fraternité.
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