04/08/2014
Repenser l’économie avec les citoyens
Positionnement et propositions pour le développement des associations
Ce texte s’adresse à l’ensemble des acteurs associatifs et au-deà tous les acteurs, politiques,
économiques et citoyens désireux de d’affirmer un nouveau mode de développement socio-
économique co-construit avec et pour les citoyens. Il s’adresse aussi aux médias qui reconnaissent
souvent les initiatives associatives de manière individuelle, mais ignorent très largement sa dimension
globale de transformation sociale.
La crise et les mutations actuelles de notre économie nous obligent à penser des
alternatives au modèle de croissance actuel. L’augmentation des inégalités sociales et des
désordres écologiques et l’incapacité structurelle à y faire face témoigne des limites du
capitalisme financiarisé et de l’Etat social. Dans ce contexte, un changement de paradigme
économique est nécessaire, porté par une ambition sans commune mesure avec les moyens
mis en œuvre jusqu’à ce jour.
Le premier pas de ce changement consiste ne plus considérer le marché comme la seule
force économique guidant l’économie et à terme la société. Le recours aux seules logiques
de marchés, bien que mythifiés, ont fait la preuve de leur inefficacité à régler les problèmes
écologiques et sociaux du 21ème siècle. Elles ont érigé en dogme la performance monétaire
et le profit maximum. Leur prédominance a conduit à l’exclusion du champ économique les
initiatives citoyennes obéissant à une autre finalité que le profit mais répondant pourtant à
des besoins sociétaux fondamentaux. La liberté d’acheter a supplanté une conception plus
ambitieuse de la liberté en termes de participation politique et sociale, les citoyens se muant
en consommateurs.
Pour sortir de cette vision unilatérale et réductrice, il est temps de repenser l’économie pour
y intégrer l’ensemble des formes de productions et de circulation de richesses (redistribution
par l’Etat, réciprocité entre citoyens) qui ont été négligés par la place prédominante accordée
aux seuls mécanismes de marché. En s’appuyant sur les citoyens mais sans sous-estimer le
rôle de Etat ni exclure le marché, cette nouvelle économie plurielle conduirait l’ensemble de
la société vers de nouveaux équilibres.
Rééquilibrer la pensée économique implique de ne plus considérer l’entreprise de capitaux
comme la seule organisation productive légitime. Les associations, qui fondent leurs activités
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sur la participation active des citoyens, doivent trouver une place centrale dans l’univers des
acteurs socio-économiques. En effet, bien que s’appuyant sur des bénévoles, elles ne sont
pas pour autant caritatives et se situent sur le marché, parfois dans des domaines laissés
par les entreprises ordinaires. Souvent impliquées dans la mise en œuvre de politiques
publiques, elles savent aussi mobiliser des ressources non-marchandes issues de la
redistribution par les pouvoirs publics. En cela, leur fonctionnement reflète cette vision plus
ouverte de l’économie intégrant une pluralité de types d’échanges. C’est donc en accordant
une place plus grande aux associations et aux citoyens qu’elles mobilisent que l’économie
changera de cap et de repères.
Repenser l’économie dans cette pluralité constitue donc une opportunité inédite pour
affirmer, reconnaître et faire reconnaître la force économique et sociale des 1.3 millions
d’associations actives en France. Mobilisant près de 16 millions de bénévoles sur tous les
territoires, employant 1.8 millions de salariés, elles dégagent aujourd’hui une valeur ajoutée
égale à 3,5 % du PIB français et constituent 80% de l’économie sociale et solidaire. Nous
sommes donc à un moment historique qui doit conduire à les faire sortir de la marge et les
mettre au centre afin qu’elles pèsent et s’affirment dans le débat public.
Cette réintroduction des associations comme acteurs socio-économiques de premier plan,
qui doit être menée conjointement à une amélioration interne des pratiques associatives,
renforcerait l’exercice de la démocratie au sein de l’économie, en redonnant du pouvoir aux
citoyens. Elle contribuerait ainsi à réorienter la création de richesse vers la satisfaction des
besoins populations et de territoires. Elle permettrait mettre les préoccupations sociales et
écologiques au cœur des enjeux économiques.
1. Notre positionnement
Une sortie de crise par un changement de paradigme
économique
Crise et mutation du système productif
Notre époque est traversée par une crise multidimensionnelle, financière, sociale,
économique, environnementale, qui a des effets dévastateurs sur la société détruisant les
emplois, l’environnement, le lien social et creusant les inégalités. Cette crise se double d’une
crise de la représentation démocratique. Elle est une crise de société que ni le capitalisme
financiarisé ni l’Etat social ne semblent à même de résoudre seuls.
Cette crise multiple s’accompagne d’une profonde évolution de notre mode de production et
d’agir, marquée par le développement massif des technologies de l’information et de la
communication et par la tertiarisation continue des pays développés, qui reposent de plus en
plus sur des économies de services, dans lesquelles les idées et les concepts jouent un rôle
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essentiel. Ainsi, la production immatérielle émerge comme une composante majeure de
l’économie.
Cette réorientation de notre système productif s’accompagne d’une nouvelle manière de
penser les conditions de circulation, d’appropriation et de partage des biens et des services.
Des revendications émergent en faveur de l’institutionnalisation, par décisions politiques, de
certains biens comme étant communs à tous les êtres humains et à la nature elle-même et
donc non-appropriables. Ainsi en est-il des richesses produites par la société de l’information
et de la connaissance, des ressources naturelles limitées dont la gestion par des intérêts
privés et l’appropriation individuelle conduirait à en diminuer la valeur.
Remise en cause des logiques de marché
Les raisons sont donc nombreuses aujourd’hui qui conduisent à une remise en cause des
logiques de marché. Pourtant, depuis plus d’un siècle, notre conception de l’économie a eu
tendance à accorder une place centrale à ces mécanismes de marché.
Dans une illusion d’optique, le marché a été perçu comme autorégulateur. L’entreprise
moderne a été identifiée à l’entreprise capitaliste fondée sur la propriété des moyens de
production.
Cette confusion entre économie et marché s’est doublée d’un cantonnement de l’Etat à un
rôle de gestion des défaillances de marché. Elle a entrainé une rupture entre l’économique,
le social et l’environnemental. Elle a conduit au découplage que l’on constate aujourd’hui
entre la mesure de la croissance et l’amélioration du bien-être individuel et collectif. Elle
contient des risques de régressions autoritaires et n’est pas adaptée aux nouveaux enjeux
économiques, notamment à la gestion des biens communs.
Pour la reconnaissance d’une pluralité de principes économiques
Les mutations profondes de notre système économique ouvrent donc une brèche dans la
pensée économique et politique et invitent au renouvellement des théories. La crise secoue
les certitudes et impose un changement de paradigme économique.
Il consiste à reconnaître que l’économie, loin de se réduire au marché, est fondée sur
d’autres principes d’échanges, tels que la redistribution et la réciprocité. La redistribution est
une circulation de biens et de services à partir de règles édictées par un pouvoir central. Son
rôle dans l’économie ne doit pas être sous estimée. La réciprocité est un échange de
prestations entre personnes uniquement motivé par la recherche de lien social et dont le rôle
dans l’économie ne peut être occulté. A côté du marché, ces deux notions ont fondé les
échanges économiques dans toute l’histoire de l’humanité mais ont été négligées depuis le
XIXème siècle.
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A cette pluralité de principes économiques, s’ajoute la nécessité de reconnaître une pluralité
de formes de propriété et de considérer l’existence de diverses formes d’entreprises, dont la
propriété n’est pas uniquement fondée sur la détention de capitaux.
Une place inédite aux associations
Cette nouvelle approche de l’économie implique de dépasser le dualisme Etat / Marché et
dont l’opposition a structuré la pensée politique depuis plus d’un siècle et demi mais sans
parvenir pas à résoudre les défis sociétaux sur le long terme. A côté du marché et de l’Etat,
elle doit intégrer un troisième pilier issu de la société civile organisée. Pour cela, les
associations ne doivent donc pas être regardées comme des acteurs résiduels cantonnés à
un rôle de réparation sociale mais bien comme des acteurs socio-économiques de premier
plan.
Les associations au cœur d’une économie plurielle
Parce qu’elles font appel, de par leur organisation, à des ressources de nature plurielles, les
associations sont en effet parfaitement adaptées à ce nouveau paradigme. Leur équilibre
économique repose sur une hybridation des ressources issues de la vente de biens et
services sur le marché, d’aides publiques, de cotisations, de dons et de travail bénévole...
Elles mobilisent des ressources issues des principes réciprocitaires, fondées sur le don et le
contre don (bénévolat, volontariat, réseaux d’entraide, implication des usagers). Elles
s’appuient aussi sur des ressources issues de la redistribution (contribution issues de
produits de transferts ou de dons privés, par exemple des ressources publiques sous la
forme de subventions) et sur des ressources marchandes (vente de biens et services en
concurrence sur un marché).
Leur mode d’organisation est donc particulièrement pertinent dans cette approche
d’économie plurielle : leur place doit être reconsidérée.
Les atouts associatifs dans l’économie de demain
Par ailleurs, le déplacement du centre de gravité du système de production vers une
économie de tertiaire relationnel les place en position de force. Les activités associatives
sont en effet très concentrées dans les services relationnels et elles disposent du capital
social nécessaire pour produire ces services d’une manière efficace et adaptée aux besoins.
De plus, leur organisation démocratique impliquant des citoyens bénévoles en fait des
acteurs particulièrement efficaces pour la gestion des biens communs, la manière optimale
de gérer ce type de biens reposant sur l’auto-organisation de communauté locale.
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Enfin, elles constituent un laboratoire s’élaborent, par des expérimentations et des
ajustements de nouveaux modes d’action politique, des modèles économiques de
développement durable.
Vers une création de richesses plus démocratique, tournée
vers la réponse aux besoins
Dans la période de bouleversements que nous connaissances quant au fonctionnement de
l’économie et de la société, redonner de la centralité économique aux associations
permettrait l’émergence d’une nouvelle manière de créer de la valeur, plus en phase avec
les besoins des personnes et des territoires, et d’injecter une dimension démocratique au
sein de l’économie.
Les associations placent le citoyen au centre
Les initiatives associatives n’émergent et ne se développent que par la participation active
des citoyens. En cela, elles participent d’une forme de démocratie délibérative et
participative complémentaire à la démocratie représentative.
Elles confèrent aux individus un « pouvoir d’agir » et fournissent un cadre à la participation
citoyenne à des projets d’intérêt collectif. En tant qu’organisations économiques, elles sont
porteuses d’un nouveau compromis social qui intègre la société civile et qui favorise une
prise de parole citoyenne sur le devenir de l’économie.
Elles visent la satisfaction des besoins individuels et collectifs
Les activités associatives sont l’œuvre de citoyens libres et égaux se référant à un bien
commun. Non lucratives et ne pouvant avoir le profit comme finalité, les associations
orientent leurs activités de manière substantielle vers la satisfaction des besoins humains, de
la qualité du « vivre ensemble» et l’intérêt général.
Elles agissent pour cela dans une pluralité de secteur : santé (hôpitaux,..) social (insertion,
régies de quartier...), services aux personnes (personnes âgées, petite enfance...), culture
(cafés culturels, écomusées...), tourisme associatif et solidaire, éducation populaire, sport,
développement économique,
Leurs actions sont ancrées sur les territoires.
Les associations se créent et prospèrent avec et dans leur territoire d’implantation dont elles
participent au développement, à l’attractivité, à la cohésion et à l’équilibre. Elles se
distinguent par leur capacité à mobiliser et faire travailler ensemble une grande diversité
d’acteurs locaux (usagers, entreprises, collectivités...).
Elles sont porteuses d’innovation sociale et sociétale
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