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Le 14 mai 2007 Benoît XVI demandait aux évêques d'Amérique latine de veiller à
ce que les chrétiens ne s'évadent pas des grands problèmes économiques et sociaux,
pour se réfugier dans une foi trop intimiste et dans l'individualisme religieux. Il rappelait
que « l'option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi christologique »
puisque « Dieu s'est fait pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté ».
« Commencer sa journée sous le regard du Christ » est pour la plupart, une nécessité
indispensable.
Stéphane, l'homme à la grosse moto, n'est pas du genre confit en dévotion ni crispé
sur les rites, par contre il est profondément évangélique. « Quand je pense à ma journée,
je sais que le Christ me précède et que, dans toutes mes rencontres, c'est Lui qui va faire
l'essentiel du boulot ».
Même les plus « pieux » n'opposent pas la rencontre de Dieu dans la prière
personnelle et la rencontre de Dieu dans la personne qu'ils trouvent sur leur chemin. Dieu
est relation.
Bernard, 55 ans, insiste sur la compénétration de l'humain et du spirituel. Il se dit
« marqué par un Dieu qui communique, d'abord en lui-même entre Fils, Père et Esprit et
ensuite avec les hommes, par un Dieu qui nous donne d'être, qui partage aussi notre être,
et qui nous aide à le vivre ». Ce mystère d'un Dieu qui communique engage Bernard à
entrer concrètement dans une relation très ouverte avec les autres.
Le christianisme est bien une religion de la relation aussi incarnée et concrète que
spirituelle, puisque Jésus inscrit ses frères humains dans cette chaîne d'amour dont la
source est le Père et que l'Esprit diffuse en tous. Quel sens donnent les prêtres à ce
célibat qu'ils ont dû accepter avec l'ordination ?
Michel, 78 ans, plutôt du genre contestataire, bon vivant et entouré d'une foule
d'amis, prône la possibilité d'un clergé marié, mais sûrement pas pour lui-même ! Il dit
avoir compris le sens mystique profond du célibat, c'est à dire qu'il y a la possibilité
d'intégrer positivement cet élément dans la vie spirituelle, non comme une privation, mais
comme un don de soi. « Ce serait dommage que le célibat disparaisse, car donner sa vie
à ce point est une preuve de l'existence de Dieu ».
Jean-Christophe, 33 ans, après avoir dit qu'il essayait de « faire de nécessité
vertu » et qu'il pensait que la loi du célibat pourrait évoluer, ajoute; « J'épouse la
dimension spirituelle du célibat, comme un don total au Christ, qui a une dimension
prophétique dans un monde un peu obsédé par le sexe, avec la survalorisation affective et
les détresses que cela provoque. J'essaye de vivre le célibat comme une expérience
d'humanisation, comme un chemin pour découvrir que la Parole concerne toutes les
dimensions de notre être ».
Thierry-Dominique Humbrecht écrit : « ce qui est à éduquer, c'est la capacité de
grandir dans l'amour qui est don et dépossession, par opposition à l'esprit de jouissance et
au narcissisme... L'essentiel de l'amour consiste à passer du narcissisme à l'offrande ».
Les relations des prêtres entre eux : pas toujours faciles
« J'ai échoué à faire dialoguer les générations » s'attriste un évêque. Cela n'a rien
d'étonnant car jeunes et vieux viennent de deux planètes différentes.
Les premiers ont été formés dans une institution forte et dans une société encore
structurée par la « chrétienté ». Ils ont rêvé d'un « évangile de plein-vent » s'incarnant au
milieu du monde. Ils ont épousé le monde. Ils sont parfois perplexes devant ce qu'ils
éprouvent comme un retour en arrière.
Les seconds ont grandi sur la planète de la consommation, du moi-roi, de l'ici et
maintenant, du « il est interdit d'interdire », du soupçon à l'égard des religions, de la perte
de la foi. Et ils se sont réveillés, en mal de racines et de repères, en mal d'un idéal qui
donne des raisons de vivre. Ils n'ont pas eu besoin d'épouser le monde profane, ils y sont
immergés. Ce qu'ils peuvent apporter d'original peut ressembler à une culture de
résistance.