Géopolitique en bref : L`Argentine enfin lancée dans la bonne

9 septembre 2016
L’Argentine enfin lancée dans la bonne direction?
Introduction
Malgré ses ressources naturelles abondantes et sa population instruite, l’Argentine a longtemps eu une économie
insuffisamment performante, conséquence de politiques malavisées. Pour cette raison, les vagues de prospérité dans ce
pays étaient le plus souvent suivies de crises – période d’hyperinflation de 1989-1990 et défaut de paiement de la dette en
2001, par exemple. Plus récemment, de mauvais choix de politiques et la fin du boom mondial des matières premières se
soldaient par une inflation galopante, des fuites de capitaux et des pannes d’électricité.
Tout cela a fortement contribué à la victoire électorale du réformiste Mauricio Macri en novembre dernier. Sitôt investi
président le 10 décembre 2015, celui-ci a vite donné suite à sa promesse de commencer à réformer l’économie malade
de l’Argentine. Il a levé des contrôles des capitaux, a laissé flotter le peso, a éliminé nombre de restrictions commerciales,
a réduit de coûteuses subventions à l’énergie et a conclu un accord avec les porteurs des obligations souveraines sur
lesquelles le pays avait fait défaut en 2001, ce qui a permis à l’Argentine de regagner accès aux marchés mondiaux du
crédit. Beaucoup espèrent maintenant que l’arrivée de M. Macri marque la fin des politiques à l’origine de décennies
d’alternance entre forte expansion et crises économiques.
Comme le nouveau président s’est vite mis à la tâche, la question n’est plus de savoir si le gouvernement
entreprendra les vastes réformes promises, mais si celles-ci dureront. Le principal risque est que les effets
immédiats, inévitables, de certaines de ces réformes créent des remous sur la scène politique avant que des gains à long
terme soient réalisés – et obligent le gouvernement à faire marche arrière sur certaines mesures. Par exemple,
l’élimination de subventions et de contrôles des changes était nécessaire pour réduire la pression sur les finances
publiques et attirer des investissements, mais ces mesures ont fait passer l’inflation de 25 % à 40 %1. Autre ombre au
tableau : le Brésil, premier partenaire commercial de l’Argentine, est plongé dans une profonde récession.
Il reste donc à espérer que l’État n’abandonne pas les réformes entreprises. Car l’Argentine, riche de terres agricoles, de
gisements de lithium et de réserves de pétrole et de gaz, est bien positionnée, autrement, pour connaître une croissance
durable. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que l’économie passera d’une contraction de 1,5 % cette année à
une expansion de 2,8 % en 2017 et que le taux national d’inflation chutera à 17 % d’ici la fin de 2017.
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1 « Argentinian President Finds Economic Problems Are Harder at Home Than Abroad », Time Magazine, 19 juillet 2016
GÉOPOLITIQUE EN BREF
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L’Argentine a recommencé à se financer sur les marchés mondiaux
En décembre 2001, l’Argentine s’est déclarée en défaut de paiement sur près de 82 milliards de dollars de dette. Cela a
non seulement déclenché une crise économique et politique, mais aussi marqué le début d’une longue bataille juridique
opposant l’État et certains de ses créanciers extérieurs.
Grâce à l’action rapide du président Macri pour régler les derniers différends, l’Argentine a maintenant regagné l’accès
aux marchés mondiaux du crédit. L’accord conclu comportait le paiement de 4,6 milliards de dollars aux créanciers qui
avaient refusé tout abandon de créance (ce qui représente une décote d’environ 70 % sur leur créance initiale).
Après en avoir été exclue pendant 15 ans, l’Argentine a fait son retour sur les marchés internationaux en avril dernier
avec une émission d’obligations de 16,5 milliards de dollars. Les souscripteurs ont reçu près de 70 milliards de dollars
d’ordres, soit plus de quatre fois la valeur de l’émission, un exploit pour un État qui, il y a un an seulement, semblait au
bord d’un nouveau défaut. L’Argentine offrait des rendements de 7,5 % à 8 % sur des obligations de 10 et de 30 ans, ce
qui, dans le contexte actuel de faibles taux d’intérêt, a aussi aidé.
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FBN Économie et Stratégie (données du FMI)
Argentine : Les perspectives de croissance restent faibles
Variation d’année en année du PIB réel de l’Argentine
Macri
investi
président
Prévision
GÉOPOLITIQUE EN BREF
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Gagner du temps pour redresser les finances publiques
Il ne fait pas de doute que les finances de l’Argentine sont sous pression. Selon le FMI, le ratio dette/PIB du pays passera
de 45 % en 2014 à 61 % en 2016 sous l’effet d’un déficit budgétaire de plus de 6 %. Les réserves de change ont chuté
d’un sommet de 52 milliards de dollars en 2001 à seulement 29 milliards de dollars en mars 2016. Point positif, grâce à
l’emprunt réussi de 16,5 milliards de dollars, la fonte des réserves est arrêtée pour le moment.
Parmi les stratégies de l’État pour redresser ses finances figure aussi un programme d’amnistie fiscale visant à persuader
les Argentins, qui ont mis à l’abri jusqu’à 400 milliards de dollars d’actifs à l’étranger, de rapatrier leurs avoirs. Ceux que
cela intéresse peuvent, d’ici la fin de l’année, soit rapatrier leurs fonds pour acheter des bons de l’État versant des intéts
nuls ou très bas, soit garder leur argent à l’étranger et payer une retenue équivalente à 10 % des actifs déclarés. Cette
amnistie pourrait, estime-t-on, donner lieu au rapatriement de 50 à 70 milliards de dollars d’ici la fin de 20162. Si elle
réussit, cette mesure devrait aider à relancer l’économie et réduire la nécessité pour l’État d’émettre de nouveaux titres de
créance. Le Congrès, contrôlé par l’opposition, l’a approuvée à la condition qu’une partie des fonds récupérés serve à
augmenter le financement des retraites.
L’agriculture, moteur de l’économie
L’agriculture est de loin le plus grand secteur de l’économie argentine. Elle compte à elle seule pour 66 % des
exportations du pays3. Premier exportateur mondial d’aliments à base de soja pour le bétail, l’Argentine est aussi le
troisième exportateur de soja cru, le quatrième exportateur de maïs et un fournisseur de blé de premier plan4. Ses
abondantes réserves de terres agricoles et d’eau lui confèrent un net avantage concurrentiel dans le secteur agricole.
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2 « Argentina sees tax amnesty boosting economy », Reuters, 10 août 2016
3 « Industry Outlook: Mining in Argentina », Deloitte, juin 2016
4 « Workers set to push ahead with strike at major Argentina grains port », Reuters, 12 mai 2016
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2013 2014 2015 2016
Argentine : Les perceptions s’améliorent
Obligation de premier rang non garantie en USD à 2.5%, échéant le 31 décembre 2038
FBN Économie et Stratégie (données de Bloomberg)
Rendement à l’échéance
GÉOPOLITIQUE EN BREF
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Immédiatement après son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement a annoncé l’abolition des taxes sur les
exportations de céréales et de bœuf. Les taxes sur les exportations de fèves de soja ont quant à elles été ramenées de
35 % à 30 %, et elles seront réduites de 5 % par année5. La levée du contrôle des changes, qui a fait baisser la valeur du
peso, a aussi contribué à stimuler les exportations agricoles.
Malgré le repli récent des cours de nombreux produits agricoles de base, les facteurs fondamentaux à long terme de ce
secteur restent excellents, pour les raisons suivantes :
selon les projections, la population mondiale augmentera de deux milliards d’ici à 2050;
en raison de la perte de terres agricoles au profit de l’urbanisation et de la raréfaction croissante de l’eau due à la
demande et à la pollution, de nombreux pays finiront par devoir accroître leurs importations de nourriture en
provenance de pays comme l’Argentine;
l’augmentation de la richesse dans le monde, en particulier en Chine et en Inde, entraîne un accroissement de la
demande de viande et d’œufs; il faut donc cultiver davantage de maïs et de soja, pour nourrir des élevages laitiers,
avicoles et porcins plus nombreux. Au cours des 50 dernières années, la production mondiale de viande a presque
quadruplé alors que la population n’a augmenté que d’un peu plus du double. L’Organisation des Nations Unies (ONU)
prévoit que la demande mondiale de viande augmentera encore de 66 % au cours des 35 prochaines années.
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5 « Industry Outlook: Mining in Argentina », Deloitte, juin 2016
66%
9%
6%
3%
16%
Agroalimentaire
Automobile
Mine
Carburant et énergie
Autres
Argentine : Composition des exportations
Composition sectorielle des exportations totales
FBN Économie et Stratégie (données de Deloitte)
GÉOPOLITIQUE EN BREF
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Source : « Tastes Like Chicken », The Wall Street Journal, 4 décembre 2015
Encourager la production pétrolière et gazière
Les réserves de gaz de schiste de l’Argentine sont les deuxièmes en importance dans le monde, tandis que ses
gisements de pétrole de schiste arrivent au quatrième rang mondial. Malheureusement, le développement de ce secteur
est freiné par des interventions coûteuses de l’État qui durent depuis plus de dix ans. Et cela explique que, malgré ses
abondantes réserves, l’Argentine importe 25 % du gaz qu’elle consomme.
Alors qu’il a éliminé les règles qui empêchaient les sociétés énergétiques d’importer des biens et de rapatrier leurs
bénéfices, le président Macri a maintenu l’une des grandes politiques de sa prédécesseure. Il y a quelques années, le
gouvernement a en effet fixé le prix du pétrole à 67,50 $ le baril et celui du gaz naturel à 7,50 $ le million de BTU afin de
protéger les Argentins contre des flambées des prix. Le nouveau gouvernement a maintenu ces prix (aujourd’hui
beaucoup plus élevés que les prix mondiaux) afin d’encourager une plus grande production d’énergie6.
Des possibilités d’investissement dans les énergies de remplacement
Le vaste territoire semi-désertique qui forme le nord de l’Argentine est l’une des régions les plus venteuses et ensoleillées
de la planète. Le nouveau gouvernement espère attirer jusqu’à 20 milliards de dollars d’investissements au cours de la
prochaine décennie pour porter à 20 % en 2025 – comparativement à 1 % aujourd’hui – la proportion de l’électricité
produite à partir de sources renouvelables en Argentine7.
Le secteur minier se fait lui aussi plus accueillant
Dans le secteur minier comme dans ceux du pétrole et du gaz, l’élimination des contrôles des importations et des
changes rend l’Argentine beaucoup plus attrayante pour les investisseurs étrangers. Le président Macri a de plus aboli la
taxe de 5 % sur les exportations minières qu’avait instituée sa prédécesseure, Cristina Fernandez.
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6 « Next hot spot for shale drilling? Argentina », CNN Money, 28 juillet 2016
7 « Argentina turns to renewable energy », Financial Times, 9 juin 2016
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