Les expérimentations actuelles se situent principalement au niveau des villes. Par exemple, à Bologne, un
règlement sur « la collaboration entre les citoyens et l’administration pour le soin et la régénération des
biens communs urbains » donne le pouvoir aux collectifs de voisins de proposer des projets de rénovation
urbaine. On sort du vieux modèle où l’Etat produit du service public consommé par des citoyens passifs,
vers une vision où le citoyen est co-producteur et co-créateur de la politique de la ville. C’est donc un
renversement très fort. La première année, 30 projets sont nés, puis 100 projets l’année suivante.
Barcelone en est un autre exemple : le grand mouvement du 15M (en référence au 15 mai, jour de
naissance du mouvement), a eu peu de résultats politiques mais a régénéré la vie militante et associative
des quartiers. Est née la coaliton En comú, la première coalition politique orientée vers les communs, qui a
gagné les élections à Barcelone.
Le projet FLOK en Equateur visait à expérimenter ce modèle au niveau de l’État, même si pour l’instant
le projet n’est pas vraiment un succès. Cela est principalement dû à des divisions politiques au sein du
gouvernement, la vision extractiviste dominant encore. L’objectif était de créer et de stimuler du commun
dans les grands domaines de la vie civique (éducation, agriculture, industrie, etc.). Par exemple, dans le
secteur de l’éducation, il faut des MOOCs, des manuels ouverts et donc des cursus adaptés à ces nouveaux
formats et que les étudiants et les professeurs collaborent pour créer un commun de la connaissance.
L’équipe s’est aussi interrogée sur les mesures matérielles ou immatérielles favorisant les communs. Par
exemple, si un laboratoire avec du matériel privé devient ouvert, avec un même budget, on peut créer bien
plus de laboratoires. Cette transition est décrite dans l’ouvrage Open Source Lab de Joshua Pearce publié en
2014. L’Equateur avait une loi pour le logiciel ouvert mais les ingénieurs devaient avoir des diplômes en
computer science. Ils sont très peu nombreux à rester en Equateur, alors que des milliers de jeunes se sont
formés au codage par eux-mêmes. La création d’un Open accreditation system, c’est-à-dire une reconnaissance
des compétences qui pourrait être mise en relation avec le monde académique, permettrait de mobiliser
des milliers de personnes pour le développement du logiciel libre en Equateur. Toutes ces informations
sont sur le site http://commonstransition.org/ . Dans tous les domaines, une réflexion systématique
similaire a été menée.
L’État a un rôle central, celui de renforcer les capacités contributives de la société. Pour participer au
commun, la société a besoin de connaissances, d’un accès au réseau, etc. Ces conditions ne peuvent être
assurées par le commun lui-même. La puissance publique a pour rôle de créer les capacités de contribution
et de favoriser l’autonomie de la société. Les villes sont particulièrement importantes pour permettre le
développement d’initiatives locales. Mais la force communautaire reste fondamentale pour protéger le
commun face aux risques de privatisation ou de centralisation. Il y a donc une nouvelle triarchie entre les
communautés productives, les communautés entrepreneuriales et les entités étatiques.
Les conséquences pour le développement sont multiples. Par exemple, le fair trade peut naître à l’initiative
de consommateurs occidentaux mobilisés par des idéaux de l’économie sociale et solidaire et qui vont
chercher des partenaires dans le Sud pour créer des flux de commerce équitable. La chaine logistique est
alors dominée par des organisations occidentales. Le cas contraire peut aussi exister : des organisations de
producteurs du Sud vont eux-mêmes prendre en main cette chaine logistique et chercher des débouchés
en Occident. Mais dans les deux cas, le système reste binaire. Les chaines logistiques participatives peuvent
aider à sortir de cette dichotomie. A Rio de Janeiro, l’ancien directeur d’une unité de production de café a
constaté que le meilleur café était tourné vers l’exportation et que les producteurs directs étaient sous-
payés et se retrouvaient en cas de crise en dessous du seuil de pauvreté. L’enjeu était donc de faire du bon
café, sans exploiter des producteurs primaires. Il a créé en premier lieu une chaine logistique ouverte et
absolument transparente, qui expose d’où vient le café, combien chaque producteur est payé, etc. Cela
court-circuite la certification. D’autre part, la torréfaction du café a été répartie entre les producteurs dans
des micro-manufactures. En troisième lieu, un commun de la connaissance a été créé pour partager les
recettes et les mélanges de café. Enfin, le financement de la distribution est participatif : un crowdfunding a