Cultures, arts et travail social. - IRTS de Franche

Cultures, arts
et travail social.
Les cahiers du travail social #65 I © IRTS de Franche-Comté I janvier-avril 2011
Ce numéro est coordonné par Gérard CREUX,
cadre pédagogique et attaché de recherche à l’IRTS de Franche-Comté.
rard CREUX, Claude DE BARROS,
Introduction. Art et travail social : une confrontation créatrice. 03-06
ARTICLES
Sylvie ROUXEL,
L’insertion par la culture : une articulation en co-construction... qui ne va pas de soi !
09-17
Radia EL KHOMSI,
De la médiation culturelle au changement.
Le territoire de l’action sociale questionné par le secteur culturel. 19-24
Frédéric JANUS,
Culture, art et travail social : un rendez-vous à ne pas manquer.
Lapproche culturelle dans la formation des assistants sociaux. 25-36
Sébastien DAMBRA, Sébastien CASTELLS, Delphine MALKA,
Théâtre et actions éducatives auprès d’enfants placés. 37-45
Delphine BURGUET,
Donner à voir autrement.
Lexpérience artistique des personnes en situation de prostitution. 47-59
Antoine PLET,
Dissonance sociale et accord musical : ethnographie de la pratique musicale des
usagers de psychiatrie
.
61-71
Christophe PITTET,
Laccompagnement à l’insertion sociale des allocataires du Revenu d’Insertion par
la médiation artistique. Entre prescription et créativité. 73-87
Charles GOURGEON,
Arts de la rue et ruralité. Comment une action culturelle et artistique peut être vec-
teur de lien social en milieu rural. 89-95
Thierry COMBE,
Que fait le théâtre au travail social ? 97-104
CONTRIBUTIONS RégIONALES
Patrice DESMARE,
Sens et paranoïa. 107-126
2
La rubrique
CONTRIBUTIONS RégIONALES
a pour but de faire conntre les flexions et les témoignages des
divers acteurs régionaux du secteur social (étudiants, professionnels, bévoles, universitaires, etc.). Si vous souhaitez
faire paraître vos études et témoignages, adressez vos manuscrits numériques par courrier à : Les cahiers du tra-
vail social, IRTS de Franche-Com.
Il est entendu que les articles publiés ne reflètent que l’opinion des auteurs et n’engagent pas la rédaction des cahiers
du travail social.
CTS #65 - 2011
3
Introduction.
Art et travail social : une
confrontation créatrice.
Bien que les rapports entre l’« art » et le travail social ne soient pas nouveaux,
notamment à travers la formation des travailleurs sociaux et plus particulièrement
dans le champ de l’éducation et de l’animation, force est de constater la recrudes-
cence des travaux de recherche sur ce phénomène social.
Loin d’être des activités occupationnelles, les pratiques artistiques interrogent
le rapport à l’usager mais, aussi, les mutations du travail social. En effet, si le travail
social peut être entendu comme processus d’accompagnement des personnes en
difficulté sociale ou en situation de handicap, celui du début du XXème siècle na
plus grand chose à voir avec le travail social contemporain. De l’accompagnement
charitable au « projet de vie »1, il a subi de multiples mutations qui ont suivi les
évolutions sociétales et, de fait, son analyse ne peut être traitée indépendamment
de tout contexte social. En termes davantage sociologiques, le travail social n’a pas
échappé au processus de « rationalisation ». Dans ces conditions, interroger ce que
la démarche artistique apporte au travail social donne une toute nouvelle perspec-
tive de réflexion. Serait-elle, par exemple, une nouvelle manière d’accompagner
l’usager et en quoi aurait-elle des effets positifs sur ce dernier ? Quelles difren-
ces est-il possible d’établir par rapport à des pratiques plus « ordinaires » ?
De telles interrogations ne peuvent faire l’économie d’une définition de l’« art »
afin d’éviter de tomber dans quelques travers. En premier lieu, il est possible de le
définir sociologiquement de la manière suivante : d’une part, l’art est un fait social
Gérard CREUX
Docteur en sociologie, attaché de recherche à l’IRTS de
Franche-Comté.
Claude DE BARROS
Secrétaire de rédaction des Cahiers du travail social,
assistant de documentation à l’IRTS de Franche-Comté.
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Gérard CREUX, Claude DE BARROS I Introduction I pp. 3-6
et est un sous domaine de la culture au sens anthropologique du terme (cela ren-
voie, entre autres, aux valeurs et aux représentations d’une société) ; d’autre part,
il est ce qui est socialement défini comme art par le champ artistique. Cependant,
le second élément de cette proposition n’est pas d’une grande utilité dans le cadre
du travail social dans la mesure la production artistique se fait hors champ, ce
qui ne signifie pas que les œuvres réalisées ne sont pas « artistiques ». Ce qu’il
est cessaire d’étudier, ce sont davantage les valeurs attribuées à l’art et à son
cortège de croyance.
En effet, l’une des caractéristiques essentielles de l’art est sa dimension sacrée,
sorte d’objet intouchable, hermétique à toute approche scientifique. Néanmoins, il
ne s’agit pas de désacraliser l’objet, car, comme le note Pierre Bourdieu, la désa-
cralisation est « un de ces sacrilèges faciles auxquels s’est souvent laissée prendre
la sociologie : comme la magie noire, l’inversion sacrilège enferme une forme de re-
connaissance du sacré. Et les satisfactions que donne la désacralisation empêchent de
prendre au sérieux le fait de la sacralisation et du sacré, donc d’en rendre compte »2.
Cette suggestion invite surtout à analyser les conditions sociales de la production
du sacrée et ce qui fonde la « croyance collective » collectivement produite qui est
principe de cette croyance. C’est à partir de cette flexion qu’il est possible de
comprendre les liens que peuvent entretenir l’art et le travail social et de montrer
que ce rapport comporte une dimension « totale »3 dans la mesure cela touche
l’ensemble des strates institutionnelles.
Si les pratiques artistiques peuvent servir de support éducatif, elles créent du
mouvement au sein des établissements et structures dans lesquels elles se ali-
sent. Elles servent de support éducatif. Mais, de par leur caractère original, elles
engendrent des bouleversements institutionnels du point de vue de l’organisation
du travail et des schèmes d’intervention. Elles changent également les manres
d’être avec les usagers, notamment en termes de « distance », ce qui marque, en
quelque sorte, un des fondements de la professionnalité de l’intervention. En effet,
dans le cadre des conduites artistiques, celle-ci a tendance à se réduire, mais n’en-
tache en rien l’efficacité de l’action. Ainsi, dans l’optique d’un questionnement qui
articulerait une nouvelle fois les pratiques artistiques et le travail social, il serait
nécessaire d’interroger dans quelles mesures la condition émotionnelle produite
par l’art peut être créatrice d’un lien « durable » en termes d’accompagnement
social entre le professionnel et l’usager ?
Enfin, elles permettent de rendre visible le travail quotidien des travailleurs
sociaux, de même que l’intervention d’artistes dans le
champ du travail social participe de cette visibilité.
Elles acvent d’être totales dans la mesure elles
peuvent servir de vitrine pour les établissements.
***
1. Ce concept est inscrit dans la loi n°2002-2
rénovant laction sociale et médico-sociale du 2
janvier 2002. Mais que nous retrouvons égale-
ment dans l’œuvre de Jean-Paul Sartre…
2. Pierre BOURDIEU,
Questions de sociologie
,
Paris, Éditions de Minuit, 1984, p. 221.
3. Dominique CHÂTEAU,
Lart comme fait social
total
, Paris, L’Harmattan, 1998.
Les cahiers du travail social #65 I Cultures, arts et travail social
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La nécessaire confrontation des ethos professionnels dans la mise en place d’un
projet socio-culturel installe une dynamique (quel que soit le terme utilisé pour
nommer ce mouvement : coopération, réciprocité, échange ou don) qui oblige les
intervenants à modifier leurs postures initiales. Car, si la rupture avec un quotidien
enfermant est l’objectif souhaité par les professionnels de l’action sociale pour sor-
tir ceux qu’ils accompagnent d’une inertie sociale et si la volonté artistique est de
révéler aux participants du projet culturel la capacité des hommes à faire ensemble
ou à construire grâce à l’ouverture aux autres, comment ne pas penser que ceux qui
recherchent ces ruptures ne sont pas eux-mêmes transfors par la dynamique
qui se met en place ? Bien entendu, la confrontation porte en elle les éléments de la
transformation (frictions, alliances objectives, ajustements, bats et polémiques
sont le lot du travail collectif) et chaque partie du projet agit cessairement aux
propositions des autres participants.
La rencontre autour de projets communs de deux univers grossièrement (c’est-
à-dire communément) identifs sous les appellations « social » et « culturel » est au
centre des analyses et réflexions présentées par Sylvie Rouxel et Radia El Khomsi.
Sylvie Rouxel montre comment le positionnement de chacune des catégories d’ac-
teurs (artistes et travailleurs sociaux), dont les postures professionnelles varient
en fonction des opportunités contextuelles, participe à la construction des projets
socio-culturels selon des points fondamentaux de divergence et de convergence
qui accompagnent leur « mise en place ». Radia El Khomsi questionne également
cette dynamique professionnelle, cherchant à identifier une typologie des attitu-
des professionnelles engendrées par la coopération, et révèle les aspects stratégi-
ques, et parfois concurrentiels, qui sous-tendent les actions communes.
Après ces analyses centrées sur les identités professionnelles, Frédéric Janus,
au nom de l’association Culture et Démocratie, et l’équipe de l’association Sens
Scrupule (bastien Dambra, Sébastien Castells et Dephine Malka) apportent
à travers leurs expériences et les réflexions attenantes, un regard pragmatique
sur l’intervention artistique et culturelle dans le champ socio-éducatif. Du point
de vue des formations sociales, Frédéric Janus appelle à la construction d’une
pédagogie sociale dont l’enseignement de pratiques artistiques et la découverte
de cultures alternatives permettent la formation de travailleurs sociaux « huma-
nistes », c’est-à-dire sensibles, respectueux et inventifs. Du point de vue de l’acte
artistique, Sébastien Dambra, bastien Castells et Dephine Malka évaluent
les bénéfices d’une expérience théâtrale dans la démarche d’un projet socio-
éducatif : à partir de l’engagement des participants, l’équipe éducative peut se
saisir des prises de conscience individuelles et des responsabilités réciproques
internes au groupe constitué.
Nous continuons ce numéro avec les analyses de Delphine Burguet, Antoine
Plet et Christophe Pittet, qui expliquent, par une ethnographie de deux pratiques
artistiques différentes (projets photographiques et atelier musical), comment un
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