7. La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique

Spectroscopie chapitre 7 ! 161
7. La spectroscopie de résonance paramagnétique
électronique
7.1. Introduction
La spectroscopie de résonance paramagnétique électronique (RPE) également appelée
spectroscopie de résonance de spin électronique (ESR pour electron spin resonance) est une
extension de l'expérience effectuée par Otto Stern et Walther Gerlach en 1922 et qui a conduit
à la mise en évidence du spin de l'électron. Comme le montre la Figure 5.1, Stern et Gerlach
ont fait passé un faisceau d'atomes d'argent dans une champ magnétique inhomogène et ont
vu que ce faisceau est dévié dans deux directions. Ces deux directions sont dues aux deux
orientations du moment magnétique de spin par rapport au champ magnétique, autrement dit à
la quantification spatiale du spin, avec ms=1/2 et ms=-1/2.
!
Figure 7.1: plaque commémorative sur le bâtiment de Francfort où Stern et Gerlach ont effectué leur expérience
en 1922.
La configuration électronique des atomes d'Ag à l'état fondamental est [Kr]4d105s1 et l'état
associé est 2S1/2. Il s'agit d'un état doublement dégénéré (état doublet). Toutefois en présence
d'un champ magnétique, cette dégénérescence est levée et l'écart entre les deux sous états est
d'autant plus grand que le champ magnétique est élevé. Nous verrons qu'avec un champ
magnétique de l'ordre de 1 T, l'écart d'énergie est de l'ordre de 0.18 meV. Pour une onde
électromagnétique, cette énergie correspond à une fréquence de 44 GHz, donc au domaine des
micro-ondes. Des transitions entre ces états sont possibles par absorption ou émission de
micro-ondes. Cependant, l'interaction radiation-matière se fait entre le moment magnétique de
spin et la partie magnétique du champ de radiation. La fréquence de transition dépend de
l'environnement de l'électron célibataire (du spin). Le principe de la spectroscopie RPE
consiste donc a placer un composé avec spin électronique total non-nul, comme par exemple
Spectroscopie chapitre 7 ! 162
un radical, dans un champ magnétique externe et à mesurer les fréquences de transition entre
les niveaux éclatés. On obtient ainsi des informations structurales importantes sur le composé.
7.2. Petit rappel sur la quantification du moment cinétique
Nous avons vu dans les chapitres précédents que l'électron est caractérisé par deux moments
cinétiques, le moment cinétique orbital , avec les nombres quantiques l et ml, et le moment
cinétique de spin , avec les nombres quantiques s et ms.
Le premier nombre quantique est associé à la grandeur (au module) du moment cinétique
(pour le spin !) et le second à la grandeur de sa projection sur un axe (en
général on choisit z, et pour le spin on a !). La quantification du moment cinétique
peut être illustrée à l'aide du modèle vectoriel. Par exemple, le spin est représenté par un
vecteur de longueur !situé quelque part
sur un cône autour de l'axe z (Figure 7.2). La
composante z du spin électronique est !
avec !. Par conséquent, l'angle
d'ouverture du cône est de 54.7o et ce cône est
orienté soit vers le haut (spin !, !) soit
vers le bas (spin !, !). Le fait qu'on
ne peut connaître simultanément toutes les
composantes cartésiennes de ces deux moments est dû au principe d'incertitude d'Heisenberg.
Par conséquent, les fonctions d'onde électroniques vont dépendre de ces nombres quantiques.
Module du moment cinétique:
Par exemple, si on veut calculer le module du spin, ! il faut calculer la valeur d'expectation
suivante en utilisant l'opérateur !:
carré du module du spin: (7.1)
Comme !, on a :
!
et donc le module du spin est !. Pour un seul électron, s=1/2 et
!.
!
L
!
S
!
S
=s s +1
( )
1 2 "
S
z=ms!
3!2
ms=1 2, 1 2
α
ms=1 2
β
ms=1 2
!
S
ˆ
S2
!
S
2
=
ϕ
es, ms
( )
ˆ
S2
ϕ
es, ms
( )
ˆ
S2
ϕ
es, ms
( )
=s s +1
( )
!2
ϕ
es, ms
( )
ϕ
es, ms
( )
ˆ
S2
ϕ
es, ms
( )
=s s +1
( )
!2
ϕ
es, ms
( )
ϕ
es, ms
( )
=s s +1
( )
!2
!
S
=s s +1
( )
1 2 "
!
S
=3"2
Figure 7.2: états de spin et représentés à
l ' a i d e d u m o d è l e vectoriel.
α
β
Spectroscopie chapitre 7 ! 163
On peut faire exactement la même démarche avec le moment cinétique orbital et on obtient:
!.
Composante z du moment cinétique
Si on veut maintenant calculer la composante z du moment cinétique (par exemple celle du
spin, !), il faut calculer la valeur d'expectation associée à l'opérateur ! (désigné également
!):
composante z du spin: !. (7.2a)
Comme !, on a :
!.
Dans le cas du spin électronique, s= 1/2 et ms=1/2, -1/2, et il en résulte donc les deux états de
spin suivants:
!, (7.3a)
!, (7.3b)
et donc et
(7.2b,c)
Dans le cas du moment cinétique orbitale, on a !.
Composantes x et y du moment cinétique
Les différentes composantes du moment cinétique sont reliées de la façon suivante:
!, (7.4)
seuls !et ! peuvent être déterminés simultanément. En ce qui concerne les
composantes x et y, on peut définir les opérateurs d'échelle suivants:
!, (7.5a)
!. (7.6a)
Ces deux opérateurs sont aussi appelé opérateurs de création et d'annihilation.
L'effet de ces opérateurs d'échelle est le suivant:
!. (7.6)
Par exemple: !. (7.7a)
De même, on peut voir que:
!
L
=l l +1
( )
1 2 "
S
z
ˆ
Sz
ˆ
MS
S
z=
ϕ
es, ms
( )
ˆ
Sz
ϕ
es, ms
( )
ˆ
Sz
ϕ
es, ms
( )
=ms!
ϕ
es, ms
( )
S
z=
ϕ
es, ms
( )
ˆ
Sz
ϕ
es, ms
( )
=ms!
ϕ
es, ms
( )
ϕ
es, ms
( )
=ms!
s,ms=1
2,1
2
=
α
s,ms=1
2,1
2
=
β
ˆ
Sz
α
=1
2
!
α
ˆ
Sz
β
=1
2
!
β
L
z=
ϕ
es, ms
( )
ˆ
L
z
ϕ
es, ms
( )
=ml!
!
S
2
=
S
2=
S
x
2+
S
y
2+
S
z
2
S
2
S
z
ˆ
S+=ˆ
Sx+iˆ
Sy
ˆ
S=ˆ
Sxiˆ
Sy
ˆ
S±s,ms=s s +1
( )
msms±1
( )
1 2 !s, ms±1
ˆ
S+
β
=ˆ
S+1
2,1
2
=1
2
1
2
+1
+1
21
2
+1
1/2
!1
2,1
2
=!
α
Spectroscopie chapitre 7 ! 164
!, (7.7b)
!, (7.7c)
!. (7.7d)
On peut utiliser ces opérateurs d'échelle pour exprimer les opérateurs ! et !:
!, (7.8a)
!. (7.8b)
Pour le moment cinétique orbital, on utilise les opérateurs d'échelle correspondants, ! et !.
7.3. Dipôle magnétique dans un champ magnétique
Nous avons vu dans les chapitres précédents qu'une charge électrique avec un moment
cinétique est également caractérisée par un moment magnétique, !. Dans le cas d'une
charge négative, !est dirigé dans la direction opposée au moment cinétique. Il faut
distinguer le moment magnétique orbital et le moment magnétique de spin:
!, (7.9a)
!, (7.9b)
!est un coefficient de proportionnalité entre le moment magnétique et le moment
cinétique appelé rapport gyromagnétique électronique. Le moment magnétique est le plus
souvent exprimé à l'aide du magnéton de Bohr électronique, !, qui correspond au moment
magnétique associé à un électron avec un moment cinétique de grandeur !:
!. (7.10)
Il faut encore multiplier par un facteur, ge, le facteur de Landé (ge=g0=2.0023 pour un électron
libre) pour obtenir la relation suivante:
!. (7.11)
Dans une molécule, le moment cinétique orbital total ! est en général inhibé. Ceci est dû à la
forme complexe des différentes orbitales moléculaires. D'autre part, un moment cinétique de
spin total !non nul requiert la présence d'électrons non appariés. Parmi les systèmes
moléculaires possédant un ou plusieurs électrons non appariés, on peut citer:
- Les radicaux libres caractérisés par la présence d'un électron non apparié. Par exemple: le
radical méthyl (.CH3), le monoxyde d'azote (NO.) ou le radical hydroxyle (.OH).
- Les biradicaux qui contiennent 2 électrons non appariés suffisamment éloignés l'un de
l'autre pour ne presque pas interagir (Figure 7.3).
ˆ
S
β
=0
ˆ
S+
α
=0
ˆ
S
α
=!
β
ˆ
Sx
ˆ
Sy
ˆ
Sx=1
2
ˆ
S++ˆ
S
( )
ˆ
Sy=1
2i
ˆ
S+ˆ
S
( )
ˆ
L+
ˆ
L
!
µ
M
!
µ
M
!
µ
M
l=
γ
el l +1
( )
1 2 "
!
µ
M
s=
γ
es s +1
( )
1 2 "
γ
e
β
e
!
β
e=e
2me
!
ge
β
e=
γ
e!
!
L
!
S
Spectroscopie chapitre 7 ! 165
!
Figure 7.3 : exemple de biradical.
- Les molécules à l'état triplet. Il peut s'agir de molécules dont l'état fondamental est un état
triplet (l'oxygène, O2) ou de molécules dans un état électronique excité, en général T1. Dans
ce dernier cas, l'état est peuplé soit optiquement (après CIS), soit thermiquement.
- La plupart des composés avec des métaux de transition ou des terres rares.
Etant donné cette inhibition du moment cinétique orbital, le seul moment cinétique restant est
celui relié au spin avec un moment magnétique associé:
!, (7.12)
S est le nombre quantique de spin total.
L'énergie d'un dipôle magnétique dans un champ magnétique !est donnée par:
(7.13)
!est l'angle entre le moment magnétique et !(Figure 7.4). L'orientation la plus stable
d'un dipôle magnétique classique est donc celle il est parallèle au champ magnétique
(!).
D'autre part, l'orientation d'un dipôle quantique est déterminée par la quantification spatiale
du moment cinétique (cf. section 7.2 et Figure 7.2). Le cas du spin d'un électron, il y a deux
orientations, ! avec !, et ! avec !. En l'absence de champ magnétique
externe, les états associés à ces deux orientations sont dégénérés. Cette
dégénérescence est toutefois levée en présence d'un champ magnétique. Si
ce champ est orienté le long de l'axe z, l'orientation du spin la plus basse en
énergie est celle avec le spin ! (!), car dans ce cas, le moment
magnétique associé, !, a une composante parallèle à ! (Figure 7.5).
Cl
Cl
Cl
Cl
!
µ
M
s=
γ
e
!
S
=ge
e
2me
S S +1
( )
1 2 "=ge
β
eS S +1
( )
1 2
!
B
E
=!
µ
M
!
B=
µ
MBcos
θ
( )
θ
!
B
θ
=0
α
ms=1 2
β
ms=1 2
β
ms=1 2
!
µ
M
s
!
B
Figure 7.4
1 / 33 100%

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