Institutions financières spécialisées dans le développement

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Institutions financières spécialisées dans le développement : où en
sont
-
elles dans leur action pour accélerer le développement
économique en Afrique ?
Léonce Ndikumana
Professeur agrégé, University of Massachusetts, Amherst
Responsable, Section d’analy
-
économique, UNECA, Addis
-
Abeba
Version : Novembre 2006
1.
Introduction
La documentation sur le développement économique reconnaît depuis longtemps
le rôle de la finance dans le processus de croissance (Schumpter 1934). La théorie
traditionn
elle de Chenery
-
Strout des étapes de croissance a souligné l’importance
de disposer des ressources financières suffisantes pour permettre à un pays de
traverser divers processus de croissance (Chenery et Strout 1966). Cette théorie
souligne, en particulier
, que le manque de ressources financières représente un
sérieux goulot d’étranglement qui retarde la croissance, en entraînant notamment
la sous
-
exploitation d’autres facteurs de production, tels que la main
-
d’œuvre et
les ressources naturelles (Sanford 19
75). C’est pourquoi la finance remplit un rôle
particulier qui est fondamentalement différent de celui d’autres facteurs de
production, notamment en permettant à l’économie d’atteindre le même niveau
potentiel d’exploitation et de productivité que les autr
es facteurs.
2
Cette réalisation de l’importance de la finance dans le processus de croissance
justifie toute l’attention accordée au rôle du système financier au cœur du débat
sur les stratégies visant à accélerer la croissance dans les pays en voie de
veloppement. En effet, un système financier fonctionnant correctement permet
non seulement une exploitation plus efficace des autres facteurs de production,
mais également le contrôle de la politique macro
-
économique. Ainsi, dans son
volume
Can Africa Clai
m the 21
st
Century?
, la Banque mondiale a souligné
l’importance du rôle du système financier pour aider l’Afrique à accélerer sa
croissance économique (Banque mondiale 2000)
: «
Le système financier
remplit
une fonction primordiale qui n’est pas directemen
t parallèle à l’infrastructure
physique
; il représente une voie de politique macro
-
économique en tant
qu’instrument de stabilisation et de croissance
» (Banque mondiale 2000
: 160
-
161).
L’importance primordiale du système financier dans le processus de c
roissance a
motivé plusieurs initiatives gouvernementales intervenant dans le système, pour
fonder des institutions financières spécialisées dans le développement afin de
promouvoir les stratégies nationales de développement. Cette intervention a été
renfo
rcée par la conviction que les mesures financières doivent être
accompagnées d’une action sociale. Le gouvernement de l’Inde a exprimé son
3
avis dans la Loi sur les banques de 1969 : «
Le système bancaire affecte la vie de
millions de personnes et doit par
conséquent se fonder sur des projets sociaux de
grande envergure et servir les priorités et objectifs nationaux tels que
l’agriculture, les petites industries et l’exportation ; il doit encore améliorer les
taux de chômage, favoriser les nouvelles entrepri
ses et permettre le
développement de zones en retard
» (Burges et Pande 2003 : 2
-
3). C’est en partie
cette opinion qui a entraîné la fondation de nombreuses institutions financières
spécialisées dans le développement, parallèlement aux banques commerciales
contrôlées par le gouvernement présentes dans la plupart des pays en voie de
développement à l’époque post
-
indépendance.
Malheureusement, l’action de ces institutions financières spécialisées dans le
développement dans leur rôle de promotion de croissan
ce économique ne s’est
pas avérée très satisfaisante en Afrique et dans d’autres pays en voie de
développement. En outre, les tentatives de réforme globale du système financier
afin d’améliorer l’accès au crédit n’ont produit que des résultats décevants ;
les
divers facteurs à l’origine de l’échec sont exposés dans le présent document.
Cependant, il a également été établi que les banques commerciales ne peuvent à
elles seules répondre aux besoins financiers des économies en voie de
développement ; en effet,
les banques n’ont pas les ressources nécessaires pour
servir certains secteurs économiques, en particulier les secteurs informel
et
4
agricole, et ne recoivent pas les incitations correspondantes. En même temps, ces
secteurs privés de crédits sont ceux qui
présentent le meilleur potentiel
d’absorption de la main
-
d’œuvre non qualifiée abondante dans les pays en voie de
développement. S’il est évident que ces pays ne peuvent se passer d’institutions
financières spécialisées dans le développement, force est de
constater que
l’ancienne approche de ces institutions s’est soldée par un échec. Aussi existe
-
t
-
il
un besoin urgent de lancer une nouvelle approche capable de rendre viable et
efficace l’action des institutions financières spécialisées pour réduire les in
égalités
financières des secteurs manquant de crédits.
Ce document analyse les actions accomplies par les institutions financières
spécialisées dans les pays africains, dans le but d’identifier les obstacles aux
mécanismes de financement efficaces pour l
e développement. Cette analyse
permettra d’ouvrir le débat sur les nouvelles stratégies des institutions financières
spécialisées dans le développement dans le contexte actuel afin d’accélérer la
croissance économique sur ce continent.
Le reste de ce docu
ment s’organise de la façon suivante
: la section 2 analyse les
facteurs responsables de
l’échec des réformes du secteur financier dans sa
tentative d’améliorer l’accès aux ressources financières en Afrique. La section 3
expose la nécessité de développer d
es institutions adaptées aux besoins des
5
secteurs rural et informel. La section 4 compare l’ancienne et la nouvelle
approche des nouvelles institutions et stratégies financières de développement en
Afrique pour rendre ces dernières plus fiables et efficace
s. La section 5 présente
les enseignements principaux et la conclusion.
2.
Échec des réformes du secteur financier dans sa tentative d’améliorer
l’accès aux ressources financières en Afrique
Malgré les efforts des pays africains soutenus et encouragés p
ar leurs partenaires
de développement internationaux, les réformes des systèmes financiers entreprises
depuis les années 80 n’ont produit que des résultats décevants. Les systèmes
financiers africains n’ont pas été, pour la plupart, en mesure de remplir la
prévue de mobilisation et d’attribution efficaces des ressources afin de permettre
l’exploitation optimale des facteurs de production. Les réformes n’ont pas
remédié aux importances faiblesses inhérentes aux systèmes financiers ; les
principales
faiblesses restantes sont identifiées ci
-
après.
2.1
Faiblesses du système financier africain dans l’ère post
-
libéralisme
Les crédits demeurent onéreux et rares
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