Fluctuations électroniques et constantes fondamentales

Fluctuations électroniques et constantes
fondamentales
Les mesures de fluctuations sont actuellement en fort développement dans les équipes de
recherche et ont conduit à des résultats fondamentaux pour la physique. Elles ont notamment
permis de mettre en évidence les charges fractionnaires de l’effet Hall quantique ou de sonder
les différentes statistiques quantiques de Bose-Einstein et Fermi-Dirac pour différents bosons
et fermions. Actuellement ces mesures de corrélations sont un outil de choix pour détecter
l’intrication des particules.
En particulier, dans toute mesure électrique, il existe un bruit (des fluctuations) que l’on
voudrait éviter, réduire pour parvenir à des mesures plus précises. Cependant, si une partie de
ce bruit vient de l’extérieur et peut être évité il existe deux types de bruits électroniques
intrinsèques à tout conducteur électrique que nous allons essayer de mesurer et de
comprendre : le bruit thermique et le bruit de grenaille. Le premier étant relié à l’agitation
thermique des électrons nous permettra de mesurer la constante de Boltzmann alors que le
second, qui est à la nature discrète de la charge électronique nous permettra de mesurer
cette dernière.
Introduction
Si nous appliquons une tension V idéalement constante aux bornes d’un conducteur, le
courant mesuré à travers celui-ci au cours du temps n’est pas constant mais présente des
fluctuations autours de sa valeur moyenne I
0
. Ces fluctuations I(t)=I(t)-I
0
sont dues à deux
phénomènes : l’agitation thermique des électrons et le caractère discret de la charge qu’ils
transportent. Les fluctuations sont caractérisées quantitativement par la fonction de
corrélation :
(
)
)()(
ττ
+= tItIC
Les brackets représentent une moyenne d’ensemble prise sur des systèmes identiques ou bien
sur tous les instants initiaux t (si le système est ergodique cf votre cours de physique
statistique).
En pratique nous mesurons ce courant I(t) pendant un intervalle [0,T] avec un bande passante
∆ω (fixée par les appareils de mesure). On peut décomposer le courant comme
ti
n
n
n
eItI
ω
=)( avec
T
n
n
π
ω
2
= . Ce qui est mesuré dans une expérience de bruit est le
spectre de bruit
qui est la moyenne du module carré des composantes de Fourier dans
l’intervalle [ω, ω+∆ω] :
[ ]
+
=
ωωωω
ω
ω
,
2
1
)(
n
nI
IS
On peut montrer (théorème de Wiener-Khintchine) que S
I
est la Transformée de Fourier de
C(τ) sous certaines conditions que l’on supposera vérifiées ici.
Quelles sont les unités de S
I
(ω) ?
I Le bruit thermique (Johnson-Nyquist)
Dans un conducteur, me à l’équilibre (V=0), à cause des fluctuations thermiques (T0) des
fluctuations du courant sont présentes. Ceci a été établit expérimentalement par Johnson en
1928 et interprété par Nyquist. Ils ont montré que si l’on mesure le courant aux bornes d’un
conducteur avec une bande passante Β (fixée par l’appareil de mesure), la moyenne du
courant I
0
est nulle mais sa variance est donnée par la formule
RTktI
B
/4)(
2
Β=. Ce qui
donne pour la densité spectrale de bruit que nous allons mesurer RTkS
BI
/4)( =
ω
. Ce
résultat ne dépend donc que de la résistance et de la température, il nous permettra de
déterminer expérimentalement la valeur de la constante fondamentale kB.
Rq : Ici la densité de bruit est indépendante de la fréquence, le bruit thermique est donc un
bruit blanc car il contient toutes les fréquences en quantités égales. Ceci n’est en fait valable
qu’en dessous de certaines fréquences caractéristiques (biblio : validité de ce résultat)
a)
Montage expérimental.
Pour mesurer le bruit thermique d’une résistance nous allons enregistrer la tension à ses
bornes en fonction du temps grâce à la carte NI puis en extraire la densité spectrale de
bruit SV(ω). (On a donc la relation ;
)()()(
22
ωωω
IV
SRVS ==
Avec la carte d’acquisition NI que nous utilisons dans ce TP la bande passante ne peut
dépasser 100 kHz. Quelle est la valeur typique des fluctuations que nous allons mesurer à
300K pour des résistances de 100 à 100 k ? Pourquoi les résistance sont-elles
enfermées dans des boites métalliques ?
Pour mesurer ces faibles fluctuations, il faut donc utiliser une électronique générant moins
de bruit que celui que l’on veut mesurer. Vous disposez donc pour vos mesures d’un
amplificateur de tension bas bruit à gain variable à placer aux bornes de la résistance à
mesurer.
Vers carte NI
R
V
i
(t)
V
S
=GV(t)
G
I
0
I(t)
I
t
Mesure du bruit thermique Courant moyen et fluctuations
b)
acquisition avec labview, digitalisation.
Pour réaliser notre expérience il faut maintenant échantillonner la tension reçue par la carte et
en réaliser la TF avec labview. Comme nous allons le voir ceci présente quelques points
délicats de traitement du signal qu’il faut impérativement prendre en compte afin d’obtenir
une mesure quantitative correcte du bruit.
Repliement de bande (aliasing) :
Lorqu’on échantillonne un signal, le critère de Shannon stipule : un signal doit avoir sa
fréquence maximum échantillonnée sur au moins deux points afin de ne subir aucune
dégradation.
Ceci s’avère très important dans notre cas nous allons travailler sur la transformée de
Fourier du signal. En effet une conséquence directement liée au critère de Shannon est que
lorsqu’un signal est échantillonné avec une fréquence N (Npts/s), les composantes de son
spectre de fréquence f>N/2 sont détectées artificiellement à des fréquences plus basses et
faussent donc la mesure.
Exemple : faites un schéma pour comprendre ce qu’il se passe lors de l’échantillonnage d’un
signal du type cos(2
π
ft) quand f=N, 2N/3…
Il faut donc réaliser un filtre anti-aliasing c’est à dire que nous allons veiller à ce que les
fréquences f>N/2 contenues dans le signal analogique ne soient pas mesurées par la carte (sa
fréquence d’échantillonnage max est de 200 kHz). Il faut couper le signal. Comment
réaliseriez vous cela ? Dessinez le schéma du montage complet.
Caractérisation de la chaine de mesure.
Dans le domaine des fréquences le signal mesuré par la carte est donc maintenant
)()()()(
21
ωωωω
iS
VGGV = G
1
est le gain de l’ampli et G
2
celui du filtre. Il est donc
important de connaître G
1
(ω) et G
2
(ω). Ceux ci pourront être mesurés indépendamment à
l’aide d’une détection synchrone (lock-in) dont le fonctionnement vous sera expliqué durant
le tp.
Mesure du bruit thermique
Réalisez un programme labview permettant de mesurer le bruit thermique [Il existe des vi
permettant de calculer la puissance de bruit à partir de la courbe V(t)].
Vous effectuerez cette mesure pour toutes les résistances dont vous disposez à T ambiante
puis à T=77K (azote liquide).
Testez l’interêt du filtre. Quel est son effet sur les spectres mesurés ?
Mesurez le bruit généré par l’amplificateur lui-même.
Comparez vos résultats à la prédiction de Nyquist, en déduire une valeur pour k
B
.
II Le bruit de grenaille
Lorsqu’un conducteur est traversé par un courant (on impose V0 à ses bornes) il apparaît en
plus du bruit thermique, des fluctuations liées à la nature discrète de la charge des électrons.
En effet si l’on considère une source de courant qui délivre les électrons un par un , le courant
est alors nécessairement bruyant et on s’attend à ce que les fluctuations dépendent de la
charge élémentaire constituant ce flux. Schottky prédit en 1918 que cet effet devait conduire à
une puissance de bruit S
I
=2e<I>, ce qui fut découvert expérimentalement en 1925 dans une
diode à vide.
Dans ce TP nous utiliserons à la place un transistor bipolaire NPN dont le fonctionnement est
rappelé ci-dessous.
a) le transistor bipolaire
Fig 2a : Potentiel électrique le long d’une
jonction PN Fig 2b : Caractéristique électrique d’une jonction PN
rappel la jonction PN : Un cristal semiconducteur peut être dopé avec différents éléments
chimiques afin d’avoir soit un excès d’électrons libres qui transportent le courant (dopé N),
soit un excès de trous (dopé P). Si l’on met en contact une région dopée P et une dopée N
d’un même semiconducteur (même réseau cristallin de départ), un champ électrique est créé à
l’interface entre les électrons et les trous et apparaît donc une barrière de potentiel (cf fig 2).
Ainsi pour faire passer un courant il faut appliquer une tension V telle qu’elle diminue la
barrière, aucun courant ne passera si l’on applique la tension dans l’autre sens (on augmente
la barrière). Ceci donne la courbe I(V) qui est typique d’une diode de la figure 2.
Le transistor NPN : Le transistor bipolaire est formé de 2 jonctions PN têtes bèches en série
définissant 3 zones (emetteur E dopé N, base B dopée P et collecteur C dopé N définies sur la
figure). Mais le point important est que la partie centrale (dopée P ici) est très mince (on
comprendra cela à la fin).
A l’équilibre (V=0) on a donc un profil de potentiel donné par la figure 3. Afin d’en faire un
amplificateur de courant nous effectuons le montage électrique fig 4. La 1
ere
jonction entre E
et B est polarisée en sens direct et voit sa barrière diminuer pour les électrons alors que la
seconde entre B et C est polarisée en inverse et la marche de potentiel augmente. On obtient le
profil de potentiel de la figure 5.
Une fois la barrière sufisamment réduite les électrons de l’émetteur passent vers la base.
Parmi ce courant une partie peut aller directement vers la borne + de la pile branchée à la base
alors que le reste peut aller directement vers le collecteur. C’est ici que l’intérêt d’avoir une
base très mince se manifeste : grâce à cette finesse très peu d’électrons vont se diriger vers la
pile reliée à la base et la plupart vont aller vers le collecteur (99%). On obtient ainsi un Ic très
amplifié par rapport à Ib, c’est ce rapport qui constitue le gain du transistor : β.
Dans cette expérience on se retrouve dans une situation similaire à la diode à vide dans
laquelle les électrons sont collectés après passage 1 par 1 à travers une barrière de potentiel
par effet tunnel.
Fig 3
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