Dépression
Document de travail à l’intention du
Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et
de l’assurance contre les accidents du travail
Septembre 2008
Révision : juillet 2013
Dr Emmanuel Persad
conseiller médical, TASPAAT
Le Dr Emmanuel Persad a obtenu son doctorat de l’University of Durham en Angleterre
en 1964. Il a fait des études postdoctorales en psychiatrie à l’Université de Toronto de
1966 à 1969. Il a obtenu sa spécialisation en psychiatrie en 1972. Il a été récipiendaire
de la médaille d’or en psychiatrie de l’Université de Toronto, où il a été professeur
jusqu’en 1988. Il s’est ensuite joint au corps professoral de l’Université de Western
Ontario où il a été chef du département de psychiatrie de 1994 à 2001. Il est professeur
adjoint à l’Université Queen’s et professeur à l’École de médecine du Nord de l’Ontario.
Il s’intéresse à la pratique clinique et à la recherche dans le domaine des troubles de
l’humeur, et il a publié de nombreux ouvrages sur le sujet. Il est actuellement consultant
au Markham-Stouffville Hospital. Il siège à la Commission du consentement et de la
capacité. Le Dr Persad a exercé les fonctions d’assesseur médical du Tribunal de 1991
à 2002.
Ce document de travail médical sera utile à toute personne en quête de renseignements
généraux au sujet de la question médicale traitée. Il vise à donner un aperçu général d’un sujet
médical que le Tribunal examine souvent dans les appels.
Ce document de travail médical est l’œuvre d’un expert reconnu dans le domaine, qui a été
recommandé par les conseillers médicaux du Tribunal. Son auteur avait pour directive de
présenter la connaissance médicale existant sur le sujet, le tout, en partant d’un point de vue
équilibré. Les documents de travail médicaux ne font pas l’objet d’un examen par les pairs, et ils
sont rédigés pour être compris par les personnes qui ne sont pas du métier.
Les documents de travail médicaux ne représentent pas nécessairement les vues du Tribunal.
Les décideurs du Tribunal peuvent s’appuyer sur les renseignements contenus dans les
documents de travail médicaux, mais le Tribunal n’est pas lié par les opinions qui y sont
exprimées. Toute décision du Tribunal doit s’appuyer sur les faits entourant le cas particulier visé.
Les décideurs du Tribunal reconnaissent que les parties à un appel peuvent toujours s’appuyer
Dépression
sur un document de travail médical, s’en servir pour établir une distinction ou le contester à l’aide
d’autres éléments de preuve. Voir Kamara c. Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeals
Tribunal) [2009] O.J. No. 2080 (Ont Div Court).
Traduit de l’anglais par Claude Filteau, trad. a. Membre de l’Association des traducteurs et
interprètes de l’Ontario (ATIO)
Dépression
1
DÉPRESSION
Introduction
Le terme « dépression » est couramment employé pour décrire une humeur
(tristesse), une réaction (à une mauvaise nouvelle) ou un trouble (syndrome clinique).
Le présent document de travail porte sur la catégorie des troubles dépressifs, lesquels
sont diagnostiqués à partir de critères mondialement reconnus (CIM-10 ou DSM-5*).
Ces troubles sont dénis comme des perturbations de l’humeur accompagnées de
perturbations de la pensée (ralentissement) et du comportement (repliement sur soi
ou agitation) ainsi que d’une incapacité d’effectuer les activités de la vie quotidienne.
Les épisodes peuvent être isolés ou récurrents. On pose un diagnostic de trouble
dépressif si les symptômes durent deux semaines ou plus. Faute de traitement,
le trouble peut persister pendant des mois ou des années et entraîner des actes
autodestructeurs.
Le présent document de travail porte sur les aspects suivants de la dépression :
la prévalence dans la collectivité et le milieu de travail;
la comorbidité;
les causes;
les questions liées au processus décisionnel;
le traitement.
Prévalence
La dépression touche toutes les cultures et est un important problème mondial de
santé publique. Sa prévalence au cours de la vie varie de 2 à 15 % selon le pays. (La
prévalence désigne la proportion de gens qui signalent avoir présenté un épisode
d’un trouble à un moment quelconque de leur vie.) Elle est au quatrième rang des
causes d’invalidité et on estime qu’elle représentera en 2020 la deuxième plus
importante charge de morbidité, après la maladie du cœur(1). La charge de morbidité
désigne l’impact pour la société des coûts sociaux et économiques d’une maladie.
La dépression est une importante cause d’invalidité et de décès. Environ 15 % des
personnes atteintes de dépression sont susceptibles de se suicider. La dépression
peut survenir à tout moment au cours de la vie. Selon l’Enquête sur la santé dans
* Classication internationale des maladies, 10e édition (2005), et Manuel diagnostique
et statistique des troubles mentaux de l’American Psychiatric Association, 5e édition
(2013).
Dépression
2
les collectivités canadiennes(2), la prévalence de la dépression au cours de la vie au
Canada est de 12,2 %. Dans le cadre de cette enquête, la prévalence au cours de la
vie n’était pas liée au niveau de scolarité, mais elle était liée à la présence de troubles
médicaux chroniques, tels que la maladie du cœur, l’arthrite, le diabète et l’accident
vasculaire cérébral, ainsi qu’au chômage et au manque de revenu. La prévalence
la plus faible se trouvait chez les personnes mariées. La plupart des personnes
atteintes de dépression ont entre 25 et 64 ans. Chez les personnes d’un certain âge,
la dépression est souvent accompagnée de troubles médicaux chroniques. On croit
que plus les gens sont sensibilisés à la dépression, plus ils sont susceptibles d’obtenir
de l’aide professionnelle. Les taux déclarés sont donc plus élevés dans les pays
développés. La question devra être davantage étudiée.
La dépression est un problème relativement courant en milieu de travail. Comme
environ 10 millions de Canadiens et Canadiennes ont un emploi, on estime que
les problèmes de santé mentale entraînent chaque année au Canada une perte
approximative de 35 millions de jours de travail(3). Les troubles dépressifs et anxieux
entraînent plus d’absences du travail que tout autre trouble médical. Des études
ont démontré que certains facteurs liés au travail contribuent probablement au
déclenchement ou à la persistance de la dépression, ou aux deux. Parmi ces facteurs,
mentionnons le moral bas, les exigences jugées déraisonnables, la perte de mainmise
sur le milieu de travail et les critiques perçues. Si toutes les personnes exposées à de
tels facteurs de stress au travail ne deviennent pas dépressives, c’est probablement
parce que certaines y sont plus vulnérables en raison de leur disposition génétique,
de leur personnalité ou de leurs expériences de vie. Même si on dépense des millions
de dollars au Canada pour traiter les troubles dépressifs, de nombreuses personnes
atteintes de dépression ne reçoivent pas les soins voulus faute de services sufsants,
de diagnostic ou de motivation à obtenir de l’aide. Le manque d’accès aux services
psychiatriques peut faire obstacle au traitement, mais on sait que la dépression peut
être traitée efcacement par les médecins de famille en milieu de soins primaires(4).
Comorbidité
On parle de comorbidité quand au moins deux troubles cliniques sont présents. La
dépression est un trouble clinique qui peut survenir en même temps que des troubles
anxieux, l’abus d’alcool ou d’autres drogues, les maladies physiques, l’état de stress
post-traumatique et la douleur chronique. D’autres maladies moins bien établies,
c’est-à-dire pour lesquelles on n’a pas de solides données cliniques, peuvent aussi
survenir en même temps que la dépression, soit le syndrome de fatigue chronique,
la bromyalgie, les troubles de la personnalité limite et les démences. On parle de
pseudo-démence quand un patient dépressif présente des symptômes de démence.
Une évaluation poussée et des tests cognitifs peuvent permettre de clarier le
diagnostic.
Dépression
3
Diagnostic de la dépression
Pour diagnostiquer la dépression, il faut procéder à une évaluation psychiatrique
exhaustive et connaître à fond les antécédents médicaux et le contexte socioculturel
du sujet. Dans son rapport, le psychiatre doit essayer de placer les symptômes
psychiatriques et le diagnostic dans le contexte des conditions de vie du sujet, ce dont
il sera question plus loin.
Échelles d’évaluation
On peut utiliser diverses échelles d’évaluation à des ns cliniques. Ces échelles
peuvent renforcer l’évaluation clinique, mais elles ne peuvent la remplacer. Ce sont
des outils de dépistage utiles. Ces échelles (par exemple les échelles de dépression
de Montgomery-Asberg, Burns ou Hamilton) peuvent donner une idée de la gravité
de la dépression. Des questionnaires autoadministrés (p. ex. celui de Beck) aident
le patient à évaluer son humeur au quotidien. Ces échelles et questionnaires sont
toutefois d’une utilité limitée. Les scores obtenus donnent une idée de la gravité et
peuvent témoigner des changements qui surviennent avec le temps.
Trouble dépressif
Selon les classications actuelles, telles que celles du DSM-5 et de la CIM-10, au
moins cinq des symptômes ci-dessous doivent être présents pendant au moins deux
semaines.
Humeur dépressive durant toute la journée ou la majeure partie de celle-ci
Perte d’intérêt
Importante perte ou prise de poids
Insomnie ou hypersomnie
Agitation ou ralentissement
Fatigue ou perte d’énergie (Dans certaines cultures, les symptômes
somatiques ou physiques, tels que la douleur et la perte de volonté, sont plus
courants.)
Sentiments de dévalorisation, de culpabilité
Diminution de la capacité de penser ou de se concentrer
Pensées morbides et suicidaires récurrentes
1 / 13 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !