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DU REALISME NAÏF AU PLUREALISME
Denis Vernant
Université de Grenoble
La notion de « réalisme » s’avère polysémique et fort ambiguë1.
Il convient alors de la conceptualiser précisément. À cette fin,
nous proposerons d’examiner le réalisme naïf2 compris comme
attitude souvent admise, comme habitude de pensée. Après
en avoir opéré une critique dans ses dimensions ontologique,
gnoséologique et sémiologique, nous esquisserons une
définition de ce que nous qualifions de pluréalisme conçu
comme une manière rigoureuse de répondre à la question de
notre relation à ce qu’il est convenu d’appeler le « réel ».
1 déFinition du réaLisme naïF
Croyance commune, opinion courante, le réalisme naïf
plonge ses racines dans les thèses habituelles de la philosophie
traditionnelle. Par la simple perception, nous avons un accès
direct à la réalité que nous pouvons décrire et connaître. On
sait que selon Pascal « La coutume est une seconde nature »3.
1- Le terme est introduit dans le champ artistique en 1836 par Gustave Planche
pour s’opposer au néo-classicisme et à l’« art pour l’art » du romantisme en
peinture. Gourbet en fait le titre de son exposition de 1855. Le terme s’appliqua
ensuite à la littérature de Balzac à Zola. Après se succèderont le réalisme
socialiste, le surréalisme, le nouveau réalisme, etc.
2 - Il ne sera donc pas question du réalisme métaphysique des idées qui, dans
la querelle des universaux, opposa les Réaux aux Nominaux, puis inspira le
« platonisme » contemporain, notamment des mathématiciens.
3 - Lucide, Pascal justifie cette coutume ainsi : « Lorsqu’on ne sait pas la vérité
d’une chose, il est bon qu’il y ait une erreur commune qui fixe l’esprit des
hommes », Œuvres complètes, Pensée 744, p. 596. Goodman ne dit pas autre
chose : « Pour l’homme de la rue, les versions des sciences, de l’art et de la