Dix-Huitième
Année.
41
Le
|5
cent
Dimanche
5
Octobre
1890
6»om:m.£iïx*e
Causerie,
LUCIEN.—
Propos
humoristiques:
Le
Ci-an
d'arrêt,
Pierre
BATAILLE.
Nos
théâtres,
X.
Casins
des
Arts.
Scala
Bouffes.
Histoire
de
la
semaine,
TANT-MIEUX.
Montpellier,
GUILO.
La
Rentrée
(poésie),
Tony
BOUUDIN.
Tableau
de
la
troupe
du
Grand-Théâtre.
Nîmes,
Auguste
MOREL.
Le
petit
dernier
de
Sarrazin.
Déclamation.
L'G<3uf
de
Pâques
(comédie
en
un
acte),
Louis
BOGEY.
Bulletin
financier.
CAUSERIE^
La
plupart
des
critiques
parisiens
ont
salué,
cette
année,
la
réouverture
des
théâtres
non
par
un
hosanah,
mais
par
un
de
profundis.
D'après
eux,
le
théâtre
se
meurt,
le
théâtre
est
mort.
Si
on
y
va
encore,
c'est
par
habitude,
tout
le
monde
s'y
ennuie,
même
ceux
qui
s'en-
nuient
sans
s'en
rendre
compte,
comme
on
a
certaines
maladies
que
l'illusion
TOUS
empêche
de
trop
sentir.
Pourquoi
cet
ennui
?
Parce
que
les
pièces
sont
toutes
fondues
dans
le
même
moule.
«
S'il
est
vrai,
dit
M.
Henri
Fouquier,
que
c'est
surtout
par
les
plaisirs
qu'elle
prend
qu'on
doit
juger
une
race,
nous
sommes
une
nation
de
conservateurs
entêtés,
de
conserva-
teurs-bornes,
comme
on
disait
jadis,
puisque
nous
supportons
indéfiniment
les
mêmes
ac-
teurs,
les
mêmes
pièces,
le
même
magasin
de
pantins
étiquetés,
poussiéreux
et
de
moins
en
moins
ressemblants
à
des
personnages
vivants
!
»
«
Que
ferez-vous
quand
vous
serez
au
minis-
tère?
»
demandait-on
à
M.
de
Rémusat,
qui
battait
en
brèche
le
cabinet
:
Nous
joue-
rons
le
même
air
de
flûte
que
nos
prédé-
cesseurs,
répondait
le
spirituel
parlementaire
:
seulement
nous
le
jouerons
mieux
».
Au
théâ-
tre,
c'est
toujours
le
même
air
de
flûte
:
seulement,
il
est
de
plus
en
plus
mal
joué
et
la
seule
chose
qu'on
y
trouve
d'inédite,
ce
sont
les
«
couacs
»
des
flûtistes
maladroits
!
»
Voilà
à
peu
près
le
thème
développé
par
les
critiques
dramatiques,
qui
pour
me
servir
•les
expressions
de
M.
Henri
Fouquier
jouent
le
même
air
de
flûte,
avec
plus
ou
moins
de
talent.
La
conclusion
est
donc
qu'une
révolution
est
nécessaire
dans
l'art
dramatique.
On
réclame
l'homme
de
génie
qui
brisera
la
vieille
formule
et
trouvera
la
nouvelle.
«
Le
révolutionnaire
qu'attend
le
théâtre,
dit
encore
M.
Henri
Fouquier,
sera
un
homme
qui
regardera
sans
parti-pris
et
exprimera
ce
qu'il
a
vu
avec
simplicité.
Qu'il
se
dépêche
seulement
de
venir,
car
jamais
on
n'eut
plus
besoin
qu'aujourd'hui
de
quelque
chose
de
nou-
veau
par
la
seule force
de
la
vérité.
»
Il
y
a
dans
les
jérémiades
de
mes
confrères
parisiens
une
bonne
part
d'exagération.
Non
le
théâtre
n'est
pas
mort,
il
souffre
simplement
d'anémie,
parce
que
les
écrivains
de
la
der-
nière
période,
les
Dumas,
les
Augier
pour
la
comédie;
les
Labiche,
les
Sardou,
pour
le
vau-
deville;
les
Dennery,
les
Anicet
Bourgeois
pour
le
drame
n'ont
pas
eu
d'héritiers,
mais
des
suc-
cesseurs,
gens
de
métier
exclusivement,
qui,
n'étant
pas
capables
de
rien
inventer,
ont
fait
des
comédies,
des
vaudevilles
et
des
drames
d'après
les
procédés
trouvés
par
leurs
devan-
ciers.
Est-il
donc
besoin
d'un
homme
de
génie
pour
accomplir
la
révolution
dramatique
dont
on
parle?
Je
ne
le
crois
pas.
Un
homme
de
talent
suffirait.
Le
public
est
d'humeur
accommodante
et
se
contente
de
peu.
Vous
souvient-il
du
succès
de
ces
proverbes
mis
à
la
mode
par
Octave
Feuillet,
qui,
pour
me
servir
de
l'expression
convenue,
en
avait
trouvé
la
formule?
En
a-t-on
assez
abusé
de
ces
proverbes
pré-
tentieux,
dont
le
style
avait
l'odeur
de
la
pommade
à
la
rose
et
le
goût
d'un
verre
d'eau
sucrée,
à
la
fleur
d'oranger.
Je
vous
défierais
bien
de
lire
aujourd'hui
sans
nausées,
ces
proverbes,
qui
nous
faisaient
pâmer
d'admiration.
Ne
dites
pas
poliment
que
nous
étions
des
imbéciles,
que
nous
n'y
enten-
dions
rien,
et
ne
vous
imaginez
pas
que
votre
génération
a
plus
d'esprit
et
de
goût
que
nous.
Nous
subissions
comme
vous
la
subissez
vous-
mêmes
_
la
mode
qui
existe
dans
l'art
dra-
matique
comme
dans
la
toilette.
En
parcourant
les
gravures
de
mode,
on
ne
peut
s'empêcher
de
rire
de
la
crinoline,
qui
a
eu
son
heure
de
triomphe.
Eh
bien!
jeunes
gens,
vos
mères
étaient
charmantes
et
adorables
avec
cette
crinoline.
Demandez
plutôt
à
vos
pères.
Quant
â
croire
comme
certains
de
mes
confrères
que
l'avenir
du
théâtre
est
dans
le
réalisme,
je
m'y
refuse
absolument.
Le
réalisme
n'a
en
soi
rien
de
ragoûtant,
et
il
est
absolu-
yn^jrt
impossible
au
théâtre
la
convention
-Bègïie
en
souverain
et
régnera
toujours.
Ce
n'est
pas
parce
que
les
acteurs
mangent
un
vrai
gigot,
comme
dans
['Abbé
Constantin
ou
une
vraie
salade
comme
dans
le
Duc
Job,
qu'on
fait
au
théâtre
de
la
vérité
absolue.
Un
exemple
entre
mille
:
deux
personnages
sont
dans
un salon,
dont
le
théâtre
reproduit
avec
exactitude,
l'ameublement.
Ils
causent
entre
eux
en
circulant,
par
conséquent,
ils
doi-
vent
être
tantôt
adroite,
tantôt
à
gauche,
et
tourner,
dans
certains
mouvements,
le
dos
à
la
salle.
Voilà
la
vérité.
Pourquoi
dès
lors
les
acteurs
représentant
ces
personnages,
s'arran-
gent-ils
toujours
pour
se
trouver
devant
le
trou
du
souffleur,
en
faisant
face
au
public
?
C'est
làdela
pure
convention,
convention
absolument
imposée
par
la
nécessité
pour
ces
acteurs,
d'être
entendus
du
public,
qui,
autrement
ne
pourrait
pas
suivre
l'action
et
ne
comprendrait
rien
à
la
pièce.
Et
les
entrées
et
les
sorties
?
Amusez-
vous
comme
je
l'ai
fait
parfois
à
les
expliquer.
Si
vous
y
réussissez,
je
vous
promets
une
stalle
pour
la
première
représentation
du
Lohengrin
au
Grand-Théâtre.
Molière
se
préoccupait
peu
de
ces
détails
et
cependant,
vous
m'accorderez
bien
qu'il
avait
plus
qu'aucun
autre
le
sentiment
du
théâtre,
puisque
après
deux
cents
ans
écoulés,
ses
comédies
font
assez
bonne
figure
à
la
scène,
et
qu'on
ne
se
lasse
pas
de
les
entendre,
quoi-
qu'on
les
sache
par
cœur.
Quelques
jeunes
auteurs
qui
ont
cru
être
des
révolutionnaires
et
qui
n'ont
été
que
des
é'meu-
tiers,
ont
bien
tenté
de
mettre
le
réalisme
dans
le
langage
de
leurs
personnages.
J'ai
donné
ici
même
quelques
échantillons
du
style
en
usage
au
Théâtre-Libre,
et
on
a
pu
sur
ces
échantil-
lons
se
rendre
compte
que
la
tentative
n'a
pas
de
chance
de
réussir
devant
un
public
qui
se
respecte.
Je
ferai,
à ce
propos,
observer
que
les
per-
sonnes
de
bonne
éducation,
et
pour
cela
il
n'est
pas
nécessaire
d'être
marquis
ou
vicomte
et
d'avoir
été
élevé
sur
les
genoux
d'une
duchesse,
évitent
par
un
sentiment
de
pure
conve-
nance
d'employer
dans
leur
conversation
le
mot
propre,
quand
il
est
malpropre,
ils
le
rem-
placent
par
une
périphrase.
Le
réalisme
dans
le
langage
tel
que
l'ont
compris
certains
au-
teurs
n'est
donc
pas
même
pratiqué
dans
la
Tie
réelle
par
les
gens
bien
élevés.
Pas
n'est
besoin,
je
le
répète
encore,
d'un
homme
de.
génie
pour
donner
quelque
attrait
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