
La république et la nouvelle démocratie des citoyens
volume des
Écrits
, il entreprend la rédaction d’un volume complémentaire,
ce volume de « Souvenirs » dans lequel il se propose de faire resurgir en sa
vérité la figure de son maître, et en particulier de donner, mais de manière
plus synthétique et sans s’en tenir à la lettre, une idée de son enseignementiii.
Un premier mouvement de composition clair peut être identifiéiv :
l’ouvrage comprendra quatre parties, d’une quinzaine de pages chacune. La
première, qui recevra pour finir le titre de « Souvenirs d’écolier », évoque le
choc de la rencontre, la figure du maître, une première référence au « petit
carnet noir » à partir duquel Lagneau exposait son cours de Psychologie ; la
deuxième revient sur la lecture de Platon, et en même temps sur le contenu
des leçons consacrées à la perception ; la troisième, sur la lecture de
Spinoza, et naturellement sur les leçons consacrées au jugement. La
quatrième nous fait saisir dans la figure de Lagneau celle d’un maître de
liberté.
Ce bel équilibre ne sera pas conservé. L’ouvrage, visiblement écrit tout
d’un trait, s’enrichit de deux ajouts fondamentaux.
Le premier est dû à une circonstance tout à fait heureuse : la réapparition
de Léon Letellier, fidèle entre les fidèles, qui apporte à Alain une rédaction
exemplaire du
Cours de psychologie
de 1889-90, ainsi qu’une rédaction
intégrale du
Cours sur Dieu
, qu’Alain ne connaissait qu’indirectement. Cet
événement modifie l’ensemble de la physionomie du projet initial de
restitution ; le
Cours sur Dieu
sera publié, ainsi que la rédaction par Letellier
du
Cours sur le jugement
et de la leçon
Évidence et certitude
. Le
Cours sur
la perception
paraîtra en même temps, mais dans une rédaction très
éloignée du contenu des notes de Letellier : il est clair qu’Alain ici s’est senti
contraint de renouer avec ses premières tentatives, et que cette dernière
rédaction porte sa marque plus que toute autre. Les
Souvenirs
eux-mêmes,
et c’est là notre premier « encart », s’augmententv d’une mise au point
qu’Alain juge nécessaire pour que la publication du
Cours sur Dieu
ne
détourne pas le lecteur d’une juste appréciation du génie de son maîtrevi : cet
encart représente, dans la version définitive, toute la fin du premier
« chapitre » (pp. 189-194). C’est la même nécessité, sans doute, qui pousse
Alain à insérer à la fin de la rédaction du
Cours sur Dieu
, qu’il n’avait pas
entendu, les deux derniers paragraphes, dont il raconte (229) que Lagneau
les improvisa au terme, semble-t-il, d’une leçon consacrée au jugement, et
dont les formules sévèresvii vont hanter la composition des
Souvenirs
:
La certitude est une région profonde où la pensée ne se maintient
que par l’action. Mais quelle action ? Il n’y en a qu’une, celle qui
combat la nature et la crée ainsi, qui pétrit le moi en le froissant. La
lâcheté, elle, a deux faces, recherche du plaisir et fuite de l’effort. Agir,