
aPLUSb, numéro 22, 4e trimestre 2012 – Magazine des associations du Pays d’Aix - bimestriel gratuit édité à 20 000 exemplaires et diusé sur la Communauté
du Pays d’Aix. Éditeur : Pays d’Aix Associations, association loi 1901 - Directeur de la publication : Gérard Pélissié, responsable de la rédaction : Jean-Dominique Giacometti
Comité de rédaction : Hakim Azgrar, Farid Bakzaza, Éric Chevalier, Chantal Davenne, Jean-DominiqueGiacometti, Jean-François Julien, Coline Maniez
Adresse de publication : Pays d’Aix Associations – Maison de la Vie Associative – Le Ligourès – Place Romée de Villeneuve– 13090 Aix-en-Provence
Tél. : 04 42 17 97 00 - info@paysdaixassociations.org – Réalisation : Service communication de Pays d’Aix Associations - Photos DR – Impression : Spot Imprimerie
Numéro ISSN : 1960-193X - www.paysdaixassociations.org
aPLUSb est imprimé en respectant un haut degré de normes écologiques en vigueur en imprimerie
Le journal
de la vie associative et du Bénévolat en Pays d’Aix
Edito
Pays d’Aix Associations continue sa
présentation des lignes de forces qui
font avancer la société française.
Après le Développement Durable (A+B
n°20), c’est l’Economie Responsable
et en particulier l’Economie Sociale et
Solidaire (ESS) que nous allons aborder,
avec la gageure de le faire en 32 pages.
Comment lier de petits collectifs
alternatifs et d’importantes institutions
médico-sociales, des jardins partagés
qui font le bonheur de quelques familles
et des groupements de formations qui
participent à des politiques publiques
d’apprentissage indispensables à la
compétitivité de notre pays ?
Ce sont les valeurs humaines, ainsi que les
pratiques démocratiques et collectives,
qui permettent un tel saut entre des
institutions si différentes – mutuelles,
coopératives et associations –, entre des
activités si diverses et entre des tailles de
structures si disproportionnées.
Pour comprendre la logique et le
dynamisme de la Responsabilité des
Organisations et l’ESS, il faut aussi la
regarder dans l’épaisseur historique
de la Nation, avec la construction de
la République démocratique, laïque et
sociale dont nous jouissons.
Pour l’admettre il faut aussi inclure
dans notre compréhension une part
d’avenir et de prospective ; mieux, une
part d’utopie. Les grands mouvements
utopistes du 19e siècle, qui ont mené
aux mutuelles, à la protection sociale, à
un capitalisme tempéré et à une société
démocratique, portaient en avant les
mêmes valeurs que celles que propose
l’ESS que nous voyons grandir. Les projets
qu’elle plante aujourd’hui pousseront de
nombreuses branches, dont la société
française de demain et d’après-demain
bénéficiera. Pays d’Aix Associations,
qui met en oeuvre la Maison de la Vie
Associative du Pays d’Aix apporte avec
enthousiasme sa contribution au Mois de
l’Economie Sociale et Solidaire.
Gérard Pélissié
Président de Pays d’Aix Associations
aPLUSb est imprimé en respectant un haut degré
de normes écologiques en vigueur en imprimerie
Ce numéro du Journal de la Vie Associative a
bénéficié de la collaboration et des compétences
de Coline Maniez,
que nous remercions ici. J.-D. G.
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L’Économie Sociale et Solidaire :
des valeurs, une démarche et des pratiques
ger l’économie sans une gouvernance
partagée par les différents acteurs
d’une entreprise. Cette dernière doit
tenir compte des intérêts de ses parte-
naires et ne pas agir à leur détriment,
respectant la Responsabilité Sociétale
des Entreprises (2). Les entreprises qui
adoptent de tels comportements sont
désormais considérées comme res-
ponsables. La Loi de Modernisation de
l’Économie, de 2008, établit définiti-
vement ces critères de transparence et
de participation dans l’entreprise, au
même niveau que les éléments comp-
tables et financiers.
Une économie
qui sait d’où elle vient
Ainsi au début du XXIe siècle une
convergence apparaît entre l’ESS et
les Entreprises Responsables. Les dif-
férences tendent à être moins recon-
nues par le statut légal de l’entité
(Société anonyme contre coopérative,
SARL contre mutuelle...) qu’en tenant
compte des fonctionnements réels :
participation des parties prenantes et
dialogue social, lutte contre les inéga-
lités et les discriminations, lutte contre
la corruption et les conflits d’inté-
rêts, disparités de salaires au sein
de l’entité, investissements dans la
société française... Ainsi s’élargissent
les exigences de transparence et de
démocratie des sociétés modernes
duXXIesiècle.
Ce changement de perspective est
reconnu par les collectivités territo-
riales, dans leurs politiques. Il émerge
aussi pour l’État, dans l’Économie Res-
ponsable. Il ne s’agit pas de dire qu’à
présent tout est pour le mieux dans
le meilleur des mondes et surtout pas
que les conquêtes du passé furent ai-
sées, sans combats ni pugnacité. Mais
les termes de l’équation économique,
sociale et territoriale de notre monde
sont connus. Les outils existent pour
placer l’Humain au centre de l’écono-
mie, et par plusieurs axes d’approche.
La réforme de la société et de son éco-
nomie a été un processus irréversibles
de l’histoire des 19e et 20e siècles.
Forts des atouts, qui nous ont amenés
d’un capitalisme brut à nos sociétés
développées, les nouveaux outils et
les nouvelles pratiques de l’Économie
Responsable doivent nous permettre
de continuer l’œuvre Humaine de nos
grands prédécesseurs.
Ce numéro du journal de la Maison de
la Vie Associative se place à la suite
du numéro 20, consacré au Dévelop-
pement Durable; il est dédié spécia-
lement à l’Économie Sociale et Soli-
daire.
1) L’investissement social des associations,
celles œuvrant dans le sport ou la culture est
bien sûr évident.
2) Voir A+B no 15, 17 & 20.
Des valeurs pour l’Économie
L’Économie Sociale et Solidaire (ESS)
repose sur des valeurs de solidarité,
d’autonomie, d’égalité, de partage et
de réciprocité. Elle porte la convic-
tion qu’il est possible d’entreprendre
tout en plaçant l’Homme au cœur de
l’économie et des échanges.
Afin de mettre cela en pratique, l’ESS
se dote de critères, d’outils et de res-
sources qui font aujourd’hui consen-
sus. Le rapport Lipietz de 1999 et la
Charte de l’Économie Sociale mettent
en avant cinq critères fondateurs : la
liberté d’adhésion, la non-lucrativité
individuelle, la gestion démocratique,
l’utilité collective ou sociale du projet
et la mixité des ressources.
Zoom sur les critères fondateurs
de l’Économie Sociale et Solidaire
La liberté d’adhésion : nul ne peut
être contraint d’adhérer ou de de-
meurer adhérent d’une structure de
l’ESS. Les sociétaires, consommateurs
ou producteurs, membres des entre-
prises de l’ESS, s’engagent librement
à prendre les responsabilités qui leur
incombent en tant que membres à part
entière.
Associations et économie,
une longue histoire
Les associations et l’économie sont inti-
mement liées, même si aujourd’hui,
les associations sont plus facilement
reconnues par nos concitoyens dans des
actions culturelles, médicales et spor-
tives(1).
Le courant économique le mieux
connu du secteur non lucratif est celui
des mutuelles. La plupart des Français
adhèrent à une mutuelle pour leur
protection santé. Un autre est celui
des coopératives, qu’elles soient de
consommateurs, de salariés ou de pro-
ducteurs. En Provence, les coopératives
fruitières et vinicoles sont une forme
très répandue de « coopération ».
Mais en France, la Loi 1901, avec son
extrême souplesse prend le relais des
autres formes coopératives.
Pourtant, à l’origine de nos associa-
tions, de la Loi 1901 qui nous régie, se
trouvent les mouvements mutualistes
et syndicalistes. La Loi de Coalition de
1864, qui efface l’interdit de la Loi Le
Chapelier de 1791, l’a précédé. Elle
permit de mettre en place des chambres
des métiers, préludes aux syndicats.
C’est en 1884 que la loi autorise les
syndicats, et son rapporteur au Parle-
ment est justement Pierre Waldeck-
Rousseau, grand défenseur des libertés.
C’est lui qui en 1901 rédige et présente
à l’Assemblée la Loi Relative au Contrat
d’Association. Car la « Loi 1901 » est
bien un contrat de droit privé, qui per-
met aux citoyens d’œuvrer ensemble,
en amenant à chacun des connais-
sances, du bénévolat, des outils, mais
pas d’argent, pas de « capital ». Dans
une association, le « capital » ce sont
les hommes et les femmes qui le com-
pose.
Ce rapport à l’économie et au capital
est même un des points essentiel du
discours de Pierre Waldec-Rousseau,
quand il déclare «
il faut substituer à
l’égoïsme individuel la Loi féconde de
la fraternité
». L’égoïsme auquel il fait
référence c’est celui du capitalisme
du19esiècle, que les Lois sociales de
la République ont permis de réformer.
Sans réflexion sur le Capitalisme, pas
de compréhension possible de notre
société. Et que de chemin parcouru
entre les années1860 décrites parZola
dansGerminal et les années1900 qui
voient la République triompher, avec
les Lois qui établissent les principes de
la démocratie : 1881 sur la liberté de
la presse,1882 sur l’instruction obliga-
toire, 1901 sur les associations, et1905
sur la laïcité. Les citoyens que la répu-
blique a formé grâce à elles furent aptes
à se tenir debout et à réformer la So-
ciété.
Économie Sociale et Solidaire
ou Économie Responsable?
L’économie Sociale, héritée des mou-
vements mutualistes du 19e siècle,
a vu émerger à ses côtés, dans les
années 1980, l’Économie Solidaire.
Celle-ci se tournait vers des demandes
sociales non-satisfaites ou répondait à
des situations de détresse, depuis l’in-
sertion des demandeurs d’emploi, à la
protection des publics fragiles. Beau-
coup d’associations ont alors créé des
activités économiques pour permettre
aux personnes en difficulté de vivre
et de travailler dans un cadre presque
normal. Ces activités économiques se
sont développées et diversifiées d’une
manière remarquable autour des an-
nées 2000. L’ensemble a commencé
à être dénommé « Économie Sociale
et Solidaire » (ESS), même si des dis-
parités évidentes existaient entre les
grandes banques mutualistes et de
micro épiceries solidaires de quartiers.
Les points communs, basés sur les va-
leurs bien connues des premières- soli-
darité entre les membres, non redistri-
bution des profits, capital appartenant à
la communauté des membres et égalité
des individus – légitimaient de lier les
deux courants issus d’histoires diffé-
rentes.
Mais c’est toute la société française
qui évolue vers plus de démocratie et
de participation, entre 1945 et la fin
du XXe siècle. La volonté
du Conseil
National de la Résistance
, de tenir un
équilibre entre économie libérale et
République Sociale amène dans la
Constitution de 1946 et celle de 1958
à établir que
Tout travailleur participe,
par l’intermédiaire de ses délégués, à la
détermination collective des conditions
de travail ainsi qu’à la gestion des en-
treprises
. La gestion paritaire des insti-
tutions est la garante de ces équilibres.
L’économie Libérale, créatrice de richesse,
est ainsi orientée vers le service de la
société, des hommes et femmes qui la
constituent, a contrario d’un capitalisme
dont on sait les injustices et les crises.
La fin du XXe siècle voit de plus une nou-
velle manière de penser le rapport entre
l’homme et le monde, au travers du Dé-
veloppement Durable. Issu de préoccu-
pations environnementales, le Dévelop-
pement Durable les dépasse largement,
s’intéressant en même temps à la crois-
sance économique et aux modes de gou-
vernance. Il n’est plus possible d’envisa-
Des valeurs atemporelles : la page de
titre de Voyage en Icarie, d’Etienne
Cabet, né d’un père tonnelier à Dijon
en1788, influent socialiste du milieu du
19e siècle, grand connaisseur du chris-
tianisme des origines, révolutionnaire
de 1830, parlementaire, fondateur de
cités idéales dans le Nouveau Monde,
donne déjà toutes les valeurs de l’Éco-
nomie Sociale dès 1840. Fraternité et
bien commun fondent le bonheur social.