Les états d’agitation à l’adolescence
A. Braconnier
Centre Psychiatrique et Psychothérapique Philippe Paumelle, 11, rue Albert Bayet, 75013 Paris, Paris, France
L’Encéphale (2011) 37, 8-9
© L’Encéphale, Paris, 2011. Tous droits réservés.
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journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Correspondance.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Braconnier).
À l’adolescence, le sujet est amené en permanence à se
défendre, à faire face à ce qui dépasse ses capacités de
contrôle. L’agitation peut alors être le signe d’une lutte
contre l’émergence d’un dysfonctionnement déjà patholo-
gique, quoiqu’en deçà d’une pathologie psychiatrique avé-
rée : « la menace dépressive » ou la « menace psychotique ».
En n, l’agitation peut être le symptôme d’une organi-
sation psychiatrique déjà bien structurée. L’agitation est
ainsi reconnue aujourd’hui comme faisant partie du dia-
gnostic d’un état maniaque, d’un état dépressif majeur, ou
d’un état psychotique.
Fonctionnement adolescent -
fonctionnement limite
Pour comprendre l’articulation entre un état en développe-
ment et une organisation psychopathologique, on peut faire
une analogie entre le fonctionnement adolescent et le fonc-
tionnement limite. Chez l’adolescent, le sens de la réalité
est présent, mais il est facilement altéré, par des jugements
impulsifs et totalitaires. L’adolescence est un processus de
mentalisation, avec une fonction ré exive précaire, et une
prévalence de l’agir et de l’agitation sur la pensée. Le fonc-
tionnement est alors dominé par une forte réactivité, et une
instabilité affective et relationnelle. Différents types d’an-
goisse diffuse, des sentiments de vide, peuvent être sources
d’agitation. Les mécanismes de défense mis en œuvre à
l’adolescence sont de type primitif (régression, actings, pro-
jection…), et l’adolescent a un sentiment d’identité par
moment ou, insaisissable ou confus.
La compréhension des phénomènes psychiques de l’adoles-
cent nécessite de prendre en compte les aspects complé-
mentaires entre une étape de la vie et/ou du développement,
et une organisation psychopathologique en grande partie
indépendante des étapes de la vie. Il s’agit de mettre en
perspective à la fois le risque psychopathologique présent,
l’organisation qui se construit, et l’étape de développe-
ment.
Les manifestations comportementales de l’agitation
peuvent servir de porte d’entrée pour aborder cette intri-
cation entre organisation psychopathologique et dévelop-
pement. L’agitation est, à l’adolescence, une manifestation
comportementale d’appel (appel de soins et appel vis-à-vis
de l’environnement), qui impose la recherche d’un éven-
tuel diagnostic sous-jacent.
Les dif cultés diagnostiques de l’agitation
à l’adolescence
Face aux dif cultés diagnostiques posées par l’agitation de
l’adolescent, divers repères peuvent être posés. Le pre-
mier est de considérer l’agitation comme une caractéris-
tique comportementale du processus d’adolescence,
processus caractérisé par une dysrégulation émotionnelle.
L’adolescent a une propension particulière à exprimer de
manière comportementale ce qu’il ressent ou ce qu’il
pense : la dysrégulation émotionnelle est caractéristique
de l’adolescence, et ne doit donc pas faire évoquer systé-
matiquement une organisation psychopathologique struc-
turée et un diagnostic psychiatrique.
Les états d’agitation à l’adolescence 9
de dépendance, agitation, passage à l’acte auto ou hétéro
agressif, troubles des comportements alimentaires, somati-
sation, phobie, dépersonnalisation… Il est important de repé-
rer les mécanismes de coping ou de défenses mis en jeu, de
l’évitement au déni, et de rechercher l’intensité et les rai-
sons des affects dépressifs douloureux.
Les organisations pychopathologiques
concernées
Dans de plus rares cas, l’agitation est une manifestation
d’une organisation psychopathologique avérée.
Le trouble dé citaire de l’attention avec hyperactivité,
caractéristique de l’enfance, évolue à l’adolescence sous
des formes masquées, ou, de façon fréquente aujourd’hui,
sous la forme trompeuse d’une addiction « auto-thérapeu-
tique » au cannabis.
Les addictions doivent systématiquement être recher-
chées face à une agitation chez l’adolescent. Les troubles
anxieux, en particulier crise de panique et état de stress
post traumatique, peuvent également s’exprimer sous
forme d’une agitation.
Les troubles de l’humeur se manifestent fréquemment
chez l’adolescent par des états d’agitation : ceux-ci carac-
térisent les états maniaques, mais peuvent également être
des symptômes des épisodes dépressifs majeurs chez l’en-
fant et l’adolescent.
En n, le trouble de la personnalité de type « état-
limite » est également retrouvé chez l’adolescent, avec sa
triade agitation/colère/impulsivité, de même que les
troubles psychotiques aigus ou subaigus, dont il faut déter-
miner la nature transitoire ou durable, et la nature réac-
tionnelle (en particulier liée à la prise de toxique) ou
structurelle.
Con it d’intérêt
A. Braconnier : aucun.
Signi cations psychologiques
et/ou psychopathologiques de l’agitation
à l’adolescence
Les signi cations psychologiques et/ou psychopatholo-
giques de l’agitation à l’adolescence peuvent être très
diverses. L’agitation peut être considérée comme une stra-
tégie interactive, un moyen d’acquérir, de dissimuler ou de
révéler une question interne par l’expression repérable
d’un comportement.
L’adolescent peut chercher cette interaction pour atti-
rer l’attention de l’autre, ou au contraire rechercher sa
protection, dans une dimension d’appel, de chantage.
L’agitation est parfois à comprendre comme une
décharge impulsive des tensions, ou comme un substitut à
« l’incapacité de penser ». Elle peut être le symptôme
d’une lutte « anti dépressive » (séquence protestation-
désespoir), ou encore comme l’expression d’une organisa-
tion psychopathologique déjà structurée.
L’agitation dans le cadre
de la dépressivité ou de la menace
dépressive
Les sentiments dépressifs sont souvent présents de façon
sous-jacente chez l’adolescent : la capacité, intacte à cet
âge, de lutte contre ce sentiment dépressif, pourrait expli-
quer la fréquence d’une expression de son malaise sous
forme d’agitation, plutôt que de retrait dépressif. Il faut
donc évaluer le degré d’envahissement de ces affects
dépressifs.
L’adolescent utilise les ressources comportementales et
psychiques dont il dispose, qui sont variables selon l’histoire
et la personnalité de chacun. Quelle que soit l’organisation
psychopathologique sous-jacente, les manifestations com-
portementales seront situées de préférence, chez l’adoles-
cent, dans le domaine de l’agir : conduites à risque, conduites
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