Le choc des continents
L’océan Téthys a entièrement disparu. La
partie continentale de la plaque indienne
est entraînée à son tour dans la zone de
subduction. La croûte, moins dense que le
manteau, résiste à l’enfoncement comme
un bouchon dans l’eau. À cause de cette
résistance – la force d’Archimède – elle finit
par être désolidarisée du manteau qui seul
continue à s’enfoncer. La bordure nord de
l’Inde s’écrase alors contre l’Asie, qui
commence aussi à se déformer. Le choc
ralentit la vitesse de dérive du continent,
qui se stabilise à 5 cm/an mais ne l’arrête pas.
L’écrasement de la «Grande Inde»
Avant la collision, la bordure sud de l’Asie
devait être à peu près rectiligne et s’étendait
de l’Iran actuel à Sumatra. De son côté, l’Inde
continentale Ă©tait sans doute plus vaste
qu’aujourd’hui. Le bord nord de la « Grande
Inde » était situé à plusieurs centaines de
kilomètres plus au nord qu’actuellement.
Depuis le choc initial, la déformation
des deux continents a absorbé plus de
2500 km de convergence.
Àla recherche de l’océan perdu
La fermeture de la Téthys a laissé des traces
sur la bordure nord de la haute chaîne
himalayenne, de la vallée de l’Indus à celle
du Yarlung Tsangpo. Des vestiges de croûte
océanique ayant résisté à l’enfouissement
marquent la zone de suture entre les deux
continents.
Anomalies magnétiques
Les orientations du champ magnétique
terrestre, qui varient dans le temps, sont figées
dans les basaltes de la croûte lors de leur
refroidissement. Il s’en suit, localement, des
anomalies magnétiques. Elles sont dites
positives ou négatives selon que la polarité
du champ Ă©tait identique Ă celle du champ
actuel ou l’inverse. L’échelle datée de
ces inversions estun véritable «code-barre»
permettant de déterminer les taux
d’expansion des océans.
C’esten reconstituant, grâce à ces infor-
mations, l’ouverture des océans Indien,
Atlantique central et Atlantique Nord, que
l’on est parvenu à reconstruire le déplacement
de l’Inde par rapport à l’Asie.
La rencontre avec l’Asie
Le contact s’établit entre les marges sous-marines
de l’Inde et de l’Asie. L’océan Téthys s’évanouit. Toujours
entraînée par les mouvements profonds qui brassent le
manteau, l’Inde s’écrase alors contre l’Asie, ajoutant une
pièce à ce qui était déjà une mosaïque de blocs.
«Si le champ magnétique terrestre est connu
depuis l’Antiquité, il n’a que récemment permis
d’expliquer les bouleversements de l’écorce
terrestre, comme la folle course de l’Inde
vers l’Asie. La plupart des roches fossilisent la
direction du champ magnétique terrestre dans
les grains de fer qu’elles contiennent. Elles se
comportent alors comme de petites boussoles,
indiquant le nord et la latitude de leur formation,
et permettent ainsi de reconstruire la position des
continents dans le passé. Le travail des
chercheurs en paléomagnétisme consiste
précisément à retrouver ces directions
d’aimantation fossiles. Et à les dater. Car le champ
magnétique terrestre permet aussi une datation
fine des roches. En s’inversant périodiquement au
cours de son histoire, celui-ci laisse en effet des
indices indélébiles dans les grains de fer.
Ainsi, l’étude systématique des fonds marins
a-t-elle permis de dater les roches formées
symétriquement de part et d’autre des rides,
chaînes sous-marines où se crée le plancher
océanique, et d’en déduire une vision dynamique
de la formation des océans… Et du mouvement
des continents alentour. La combinaison de ces
deux méthodes utilisant les propriétés
magnétiques des roches a ainsi permis de décrire
l’éclatement du Gondwana, l’ancien continent
unique, la dérive de l’Inde, sa collision avec l’Asie,
et enfin, la déformation de la croûte continentale.»
Jean Besse
Laboratoire géomagnétisme, paléomagnétisme,
géodynamique
CNRS - IPGP - Univ. Denis Diderot
Le voyage de l’Inde
L’Inde est en route vers l’Asie. Devant elle,
un océan se ferme. Derrière elle naît un nouvel
océan. À mi-chemin, un volcan la submerge de
lave : l’Inde est passée sur un point chaud.
L’Inde, entraînée par le plancher de
l’océan Téthys qui s’enfonce (subduc-
tion) au bordsud de l’Eurasie, débute
la partie rapide de son voyage. Elle parcourt
4500 km en 30 millions d’années, à la vitesse
de 15cm/an. Ausud, à mesure que la montée
ininterrompue de basaltes le long de
trois dorsales fabrique du plancher océa-
nique, un océan s’élargit : c’est l’océan In-
dien.
Cataclysme mondial Ă mi-parcours
À-65 millions d’années précisément, un pa-
nache chaud venu du manteau profond per-
ce l’Inde: c’est un point chaud. Il la couvre
de basaltes sur 500000 km2,soit la surface de
la France. L’événement durera 500000 ans.
L
L’
’e
em
mp
pi
il
le
em
me
en
nt
t d
de
es
s c
co
ou
ul
lé
Ă©e
es
s (
(o
ou
u t
tr
ra
ap
pp
ps
s)
) sur
2000 m d’épaisseur donnera naissance a
au
u
p
pl
la
at
te
ea
au
u d
du
u D
De
ec
cc
ca
an
n. Cet épanchement d’un
Ă©norme volume de basaltes, en un temps
géologique «bref », a
un impact très im-
portant sur la com-
position de l’at-
mosphère et de
l’océan, et par consé-
quent sur l’environ-
nement global de la
planète. Il est
contemporain de la
grande crise biolo-
gique de la fin du
Crétacé et fournit
une des hypothèses
explicatives de cette
dernière. Le volume
de gaz carbonique
émis par les éruptions – 3 fois celui de l’at-
mosphère actuelle – réchauffe la Terre de
4 °C. Il faudra 1,5 millions d’années pour en
résorber l’excès. Après ces éruptions cata-
clysmiques initiales, le point chaud restera
actif sous la plaque indienne en dérive. En té-
moigne la naissance d’îles volcaniques suc-
cessives: les Maldives, Maurice et la RĂ©union,
avec le piton de la Fournaise, dernier né des
volcans surgis sous la mer et témoin de l’em-
placement actuel de ce point chaud.
Le processus de subduction qui referme
l’Océan Téthys va se poursuivre encore
quelques millions d’années, jusqu’à ce que la
marge continentale de l’Inde entre brutale-
ment en contact avec l’Asie, il y a environ
55 millions d’années.
Trajet suivi par l’Inde, reconstitué d’après les
mesures des anomalies paléomagnétiques
(âges en millions d’années).
-85 millions d’années.
La Terre déplace l’Inde vers le nord. -55 millions d’années.
La Terre soude l’Inde à l’Asie.
RETRACER LA TECTONIQUE
GRÂCE AU CHAMP MAGNÉTIQUE
TERRESTRE.
Domaines océaniques(CNRS-UBO)/Géosciences Marines IPGP-CNRS-Univ. D. Diderot
Éruption du piton de la Fournaise..
IPGP-CNRS-Univ. D. Diderot
IPGP-CNRS-Univ. D. Diderot
Les trapps du Deccan
La subduction de l’ancien océan
Téthys est achevée. L’Inde se soude à l’Asie.
Les roches de la suture (sédiments marins et lambeaux de
lithosphère océanique) témoignent de l’océan disparu.
Exposition CNRS-MNHN