Saint Augustin observe que les corps sont poussés par leurs poids vers leur lieu. Par exemple, la pierre
tombe, et l'huile, au contraire, remonte au-dessus de l'eau. Et, conclut saint Augustin, « Moi, mon poids,
c'est mon amour : où que je sois porté, je suis porté par lui. »[8]
Ainsi, quand sainte Catherine de Sienne écrit que Marie est élevée au-dessus d'elle-même, c'est parce que
son lieu est en Dieu, et pour trouver ce lieu, il faut de l'humilité, au sens "sortir de soi".
Une vérité qui rend heureux et met dans la clarté
Jésus promet à Catherine qu'avec cette vérité, « Tu seras heureuse », « tu acquerras sans difficulté, toute
grâce, toute vérité, toute clarté ».
Elle n'est rien (autrement dit, on ne peut pas donner de définition à l'être humain). Jésus est (et il donne la
définition de l'être humain créé à l'image de Dieu) : Catherine, (et chacun de nous), n'est pas en référence à
soi-même, à son espèce ou à son genre (comme les autres créatures), mais est réellement créée à l'image de
Dieu, donc relative à Dieu qui est sa vie, sa clarté, sa grâce, sa force, etc..
Une philosophie qui nous est devenue inhabituelle.
Depuis le « Je pense donc je suis » de Descartes, la volonté de puissance de Nietzsche, jusqu'à l'homme
(Dasein) comme « gardien de l'être » selon Heidegger, c'est toujours l'homme qui se définit lui-même, seul.
Et quand il a encore une place, Dieu est posé en concurrent, ou en simple « étant ».
Catherine de Sienne ou Augustin réorienteraient toute la philosophie en renouvelant totalement la définition
de l'être humain comme étant celui qui reçoit son être propre comme un don, comme une grâce.
Puisque l'homme n'est rien [en soi], tant que l'homme pense être par soi-même, il n'est pas heureux.
Quand l'homme est en mouvement, à travers la ressemblance vers l'image, vers le « Je Suis » divin, alors il
est heureux.
Un message qui n'est pas réservé à Catherine de Sienne.
La parole « Tu es celle qui n'est pas. Je suis celui qui suis » n'est pas réservée à sainte Catherine de Sienne...
Et si cette découverte lui a donné une liberté par rapport à elle-même et par rapport à autrui (parce que son
identité ne dépend du regard humain mais de Dieu), cette découverte peut tout aussi bien nous libérer...
Et si cette découverte a été pour Catherine le ressort de son audace apostolique (parce qu'elle était dans la
clarté, ayant en Dieu son être et son lieu, donc aussi sa lumière et sa force), il en est de même pour nous.
[1]Vie, par le bienheureux Raymond, 1re part., ch. 10.
[2]C. Van Der Plancke, A. Knockaert, Prier 15 jours avec Catherine de Sienne, Nouvelle Cité, Montrouge
1996, p. 27-33
[3]Lettre 226, S. CATERINA DA SIENA, Epistolario, Ediz. Paoline, Torino 1993. (non è ancora un
edizione critica), p. 1288.
[4]St Augustin, Confessions, I, 1.