ATELIER NVEAU PGE TES / L’INSTABILITE DE LA CROISSANCE / 15h30-17h / M. SYLVAIN ATELIER : Comment expliquer l’instabilité de la croissance économique ? A_Que nous-dis le programme ? NOTIONS : Fluctuations économiques, crise économique, désinflation, croissance potentielle, dépression, déflation. INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES : L’observation des fluctuations économiques permettra de mettre l’accent sur la variabilité de la croissance, et sur l’existence de période de crise. On présentera les idées directrices des principaux schémas explicatifs des fluctuations (chocs d’offre et de demande, cycle du crédit), en insistant notamment sur les liens avec la demande globale. En faisant référence au programme de première, on rappellera le rôle des politiques macroéconomiques (nationales et européennes) dans la gestion des fluctuations conjoncturelles. On analysera les mécanismes cumulatifs susceptibles d’engendrer déflation et dépression économique, et leurs conséquences sur le chômage de masse. B_Une proposition de lecture du programme en trois axes Axe 1 : la croissance économique est irrégulière Axe 2 : les explications des fluctuations économiques Axe 3 : Les pouvoirs publics peuvent-ils limiter les fluctuations économiques ? C_Quelques références bibliographiques ********* [email protected] 1 ATELIER NVEAU PGE TES / L’INSTABILITE DE LA CROISSANCE / 15h30-17h / M. SYLVAIN AXE 1 : la croissance économique est irrégulière La croissance potentielle La croissance économique potentielle est le taux de croissance de la production potentielle, c’est à dire de la croissance maximale de production sans accélération de l’inflation. Déterminée par l’évolution de la quantité et de la productivité des facteurs de production disponibles (cf. ch1), c’est un indicateur d’offre. Sous l’impulsion de la destruction créatrice notamment, le potentiel de croissance de l’économie se développe de manière irrégulière, ce qui cause certaines fluctuations. Croissance potentielle et croissance effective La croissance effective peut être temporairement supérieure à la croissance potentielle sans créer de tensions s’il existe un déficit initial de production. La croissance économique effective résulte en effet de la hausse couplée de ces facteurs d’offre et de la demande globale, c’est-à-dire de l’ensemble des achats de biens et services effectués auprès des producteurs d’un pays, soit de la demande intérieure (consommation et investissement) et de la demande extérieure (exportations – importations). Inversement, la croissance effective peut rester inférieure à la croissance potentielle. A croissance potentielle inchangée, elle entraîne un sous-emploi des facteurs de production (chômage et faible taux d’utilisation des équipements). Si cette situation dure plusieurs années, le potentiel de croissance peut en être diminué. Cette situation risque en effet de limiter les efforts d’investissement et d’innovation comme de décourager une partie de la population active. Ainsi, la croissance économique constatée au cours d’une année (la croissance effective) peut ne pas être égale à la croissance potentielle. La crise économique La croissance effective est irrégulière. A des périodes de croissance soutenue (expansions), succèdent des périodes de crise économique, c’est-à-dire de forts ralentissements, voire de recul de l’activité productive pendant une période plus ou moins longue (récessions ou dépressions). Au sens étroit, le terme de « crise » correspond au retournement à la baisse de l’activité économique dans un pays. Au sens large, la « crise » englobe aussi la période de récession et de dépression ; la crise se termine alors grâce à la « reprise ». Le terme de « récession » peut aussi avoir deux significations. La récession survient lorsque la croissance économique devient inférieure à la tendance de croissance de longue période. Mais ce terme peut aussi signifier une croissance économique négative pendant au moins six 2 ATELIER NVEAU PGE TES / L’INSTABILITE DE LA CROISSANCE / 15h30-17h / M. SYLVAIN mois consécutifs. Lorsque la baisse de la production se prolonge, par exemple sur plusieurs années, on assiste à un phénomène de dépression économique. AXE2 : les explications des fluctuations économiques Les chocs de demande L’irrégularité de la croissance effective trouve sa source principale dans les variations de la demande globale. Lorsque la demande globale est affectée par des chocs positifs, sa hausse peut impulser une phase d’expansion. Inversement, si des chocs de demande négatifs se produisent, ils peuvent diminuer la demande globale et conduire à une récession. Ces chocs de demande risquent d’avoir un impact important sur l’activité économique du simple fait de l’existence de stocks. Lorsque la demande ralentit, la production peut s’effondrer car les entreprises préfèreront entamer leurs stocks afin de prévenir un ralentissement plus marqué, voire une baisse de la demande. La hausse du chômage, la baisse du nombre d’heures travaillées en général risquent alors de contribuer à accentuer ce ralentissement. Inversement, lorsque la hausse de la demande s’accélère, les entreprises produiront d’autant plus qu’elles devront reconstituer leurs stocks et que nombre d’entreelles engageront des investissements pour étendre leurs capacités de production. La baisse du chômage et la hausse du nombre d’heures travaillées peut alors contribuer à entretenir l’augmentation de la demande. Ces effets à court terme sur la croissance sont cependant d’autant plus réduits que la propension à épargner et à importer des agents économiques sont élevées. Les chocs d’offre La destruction créatrice élève le potentiel de croissance de l’économie, cependant, elle risque aussi d’en élever l’instabilité, ce qui cause certaines fluctuations. Lorsque les innovations permettent des gains de productivité et abaissent les coûts unitaires de production, elles produisent un choc d’offre positif. En abaissant les prix des produits, elles favorisent leur diffusion auprès des consommateurs et donc l’augmentation de la production donc la croissance. En cas de choc d’offre positif, la situation des producteurs s’améliore donc par la diminution de leurs coûts de production. Ils peuvent dès lors produire davantage et tirer la croissance économique. Les chocs d’offre négatifs sont causés généralement par une hausse coût des matières premières, par des augmentations de salaires supérieures aux gains de productivité ou par un alourdissement de la fiscalité sur les entreprises. En cas de choc d’offre négatif, l’activité économique devient plus coûteuse et produit inévitablement son lot de faillites. La déflation par la dette 3 ATELIER NVEAU PGE TES / L’INSTABILITE DE LA CROISSANCE / 15h30-17h / M. SYLVAIN En période d’expansion économique, l‘euphorie, « l’aveuglement au désastre » (Guttentag et Herring, 1986) de certains agents économiques les conduisent à s’endetter excessivement ou à spéculer. Dès lors des bulles se forment sur les prix des actifs, c’est-à-dire que la valeur de ces actifs se déconnecte des rendements qu’ils peuvent générer grâce à l’activité économique réelle. En fixant des taux d’intérêt trop bas en période d’expansion, les banques centrales peuvent amplifier ces comportements tout comme les banques commerciales lorsqu’elles prêtent à des agents économiques ayant des projets trop risqués. Une crise financière peut être la conséquence de ces excès et plonger l’économie réelle dans la crise par la conjonction des effets richesse négatifs sur les ménages, la destruction des capitaux propres des entreprises et des banques et du climat de pessimisme qu’elle installe. Il en résulte en effet l’effondrement de la demande globale, de l’offre et de la demande de crédit. Les krachs boursiers peuvent ainsi s’accompagner de crises bancaires qui entravent le financement des activités productives (cycle du crédit). La puissance de ce mécanisme de « déflation par la dette » tient à son caractère cumulatif : la destruction du système bancaire rend le crédit inaccessible aux PME, qui pour retrouver de la liquidité licencient et baissent leurs prix ; cela accroît la baisse des prix, qui augmente le poids réel de la dette pour les firmes endettées, multiplie les faillites, qui empirent en retour la situation des banques. La déflation assainit cependant l’économie si elle s’accompagne à long terme du redémarrage de cette dernière. En éliminant les producteurs les moins efficaces, la déflation peut en effet créer les conditions de la reprise. La chute de l’investissement pendant la déflation réduit la demande de capital et favorise la baisse des taux d’intérêt, tandis que le chômage contribue à la diminution des salaires. A un moment, le coût unitaire de production est si faible que l’activité des producteurs ayant survécu reprend. AXE3 : les pouvoirs publics peuvent-ils limiter les fluctuations économiques ? Pourquoi les pouvoirs publics devraient-ils intervenir ? Le recul de l’activité économique dans un pays a des conséquences économiques et sociales sur la population de ce pays : le chômage de masse et la baisse du revenu. Les jeunes éprouvent alors beaucoup plus de difficultés que leurs prédécesseurs à entrer sur le marché du travail. Les pouvoirs publics (Etat, administrations locales et de sécurité sociale) voient s’accroître le déficit public avec le recul de l’activité, ce qui peut leurs poser des problèmes de financement. Les tensions sociales et politiques augmentent dans le pays, donnant du crédit aux mouvements qui prônent des changements radicaux dans l’organisation économique et sociale. Le risque d’un « piège » déflationniste et dépressif La lenteur de l’ajustement de l’économie par la déflation appelle une intervention de l’Etat. Keynes dit ainsi dans une émission radiophonique du 14/01/1931 : « A long terme, nous 4 ATELIER NVEAU PGE TES / L’INSTABILITE DE LA CROISSANCE / 15h30-17h / M. SYLVAIN sommes tous morts. Les économistes s'adonnent à une tâche trop facile, trop primitive, si, dans la saison des tempêtes, ils nous annoncent seulement que lorsque l'orage sera terminé, l'océan retrouvera son calme. » L’interventionnisme apparaît d’autant plus nécessaire que cet ajustement peut même ne pas se produire. L’économie peut en effet tomber dans un cercle vicieux dans lequel la déflation, fréquemment observée en période de crise grave, accroît les difficultés économiques. La gestion des fluctuations conjoncturelles par les politiques budgétaire et monétaire Lorsque la croissance de la demande globale ralentit voire devient négative, l’écart entre la croissance effective et la croissance potentielle se creuse. Les politiques conjoncturelles peuvent temporairement soutenir la croissance effective pour le réduire. Elles consistent en une politique budgétaire de relance par une hausse du déficit de l’Etat et une politique monétaire de soutien à l’investissement et au système bancaire par la baisse du taux d’intérêt. Ainsi à l’occasion de la crise de 2008, les banques centrales américaine et européenne – la Fed et la BCE, ont abaissé très rapidement leurs taux d’intérêt directeurs et ont fourni la liquidité demandée par le marché. Les Etats ont laissé se creuser les déficits publics et ont en général mis en œuvre des plans de relance. Inversement, en cas de croissance économique effective trop élevée par rapport au potentiel de croissance de l’économie d’un pays, une politique de ralentissement de la demande globale par un excédent budgétaire de l’Etat et par une hausse des taux d’intérêt de la banque centrale doit permettre de réduire une inflation trop rapide : c’est une politique de désinflation, c’est-à-dire de ralentissement de l’inflation. Ainsi, le début des années 1980 a été marqué dans de nombreux pays développés par des politiques budgétaire et/ou monétaire désinflationnistes. Les voies étroites de la politique économique Les politiques conjoncturelles qui agissent sur la demande risquent de ne pas être pertinentes en réponse à un choc d’offre négatif dans l’économie. Par ailleurs, la France se trouve aujourd’hui insérée dans la zone euro où la conduite des politiques conjoncturelles est beaucoup plus délicate : la politique monétaire est décidée par la BCE pour l’ensemble de la zone euro ; la politique budgétaire est contrainte par le Pacte de Stabilité et de Croissance qui n’offre qu’une coordination négative (déficit budgétaire limité à 3% du PIB et dette publique à 60% du PIB) des politiques budgétaires nationales. L’efficacité des politiques conjoncturelles dans la zone euro est ainsi fortement limitée par une politique monétaire à taille unique et les marges de manœuvres limitées et non coordonnées des politiques budgétaires nationales. Quand bien même, les effets des politiques conjoncturelles ne sont pas mécaniques : les ménages et les entreprises peuvent modifier leurs comportements suite aux modifications 5 ATELIER NVEAU PGE TES / L’INSTABILITE DE LA CROISSANCE / 15h30-17h / M. SYLVAIN des politiques économiques. Il est de ce fait difficile de prévoir avec certitude les effets sur l’économie d’une modification de la politique budgétaire ou monétaire. Les pouvoirs publics n’ont donc pas une parfaite maîtrise de la conjoncture. ****** C_Quelques références bibliographiques Les manuels d’AEHSC des classes préparatoires ECE comportent un chapitre consacré aux fluctuations économiques. Vous trouverez là de quoi vous replonger très rapidement dans les savoirs de référence. Par exemple : J.-J. Quilès et L. Orio, « Chapitre 14. Les fluctuations économiques », in Collectif sous la direction de C.-D. Echaudemaison, AEHSC, L'économie aux concours des grandes écoles, Nathan, 2004. P.-A. Corpron, « Chapitre 4. Fluctuations et crises », in Collectif sous la direction de M. Montoussé, Economie et histoire des sociétés contemporaines, Bréal, nouvelle édition, 2007 (ou l'ancienne de 2001, ce n'est pas grave). Dans le même ordre, une synthèse parue récemment : Musolino M., Fluctuations et crises économiques, Éllipse, 2011 : une référence récente de manuel. Notamment les trois dernières parties : « Les interprétations de la crise de 1973 », « La crise permanente » et « la controverse des cycles longs ». Sur la notion de « croissance potentielle » : Patrick Artus, « Croissance potentielle et croissance effective », Flash économie n°524, 19 novembre 2008 : pas toujours facile de démêler ces questions de croissance potentielle et croissance effective. P. Artus le fait très bien pour vous et de plus défend ici l’idée que la croissance effective a une influence décisive sur la croissance potentielle. Sur la notion de « crise » : Bernard Gazier, La crise de 1929, PUF, Que sais je ?, 7e édition, 2011. Pierre-Cyrille Hautcoeur, La crise de 1929, coll. Repères, La découverte, 2009. Bruno Marcel, Jacques Taïeb, Les grandes crises, 1873, 1929, 1973, 2008 ?, Armand Colin, août 2010 : les grandes crises peuvent être l’occasion lors d’un TD de mettre en pratique les raisonnements économiques vus en cours – chocs d’offre, chocs de demande notamment. Au cas où vous recherchiez une référence synthétique sur les crises et les cycles : P. Gilles, Histoire des crises et des cycles économiques. Des crises industrielles du 19 e siècle aux crises actuelles, A. Colin, coll. U, 2009, 2ème édition. 6