NÉCESSAIRE ET URGENT

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REVUE DE PRESSE
NÉCESSAIRE ET URGENT
D’Annie Zadek
Mise en scène : Hubert Colas
ON A PARLÉ DE NÉCESSAIRE ET URGENT...
• dans la presse écrite internationale
• sur le web
- La Tribune de Genève, Katia Berger, 2 septembre
2014
- Le Devoir (Québec), Fabien Deglise, 20 octobre
2014
- La Presse (Québec), Jean Siag, 20 octobre 2014
- voir.ca, Philippe Couture, 16 octobre 2014
- jeromegac.artblog.fr, 29 novembre 2014
- lecloudanslaplanche.com, Agathe Raybaud, 11
décembre 2014
- latheatrotheque.com, Caroline Lerda, 11 décembre
2014
- Mediapart, Jean-Jacques Delfour, 11 décembre
2014
- Rega’Arts, Charles Zindor, 15 décembre 2015
- sortirenprovence.com, Marie Lise Faure, avril
2015
- froggydelight.com, mai 2016
- hottellotheatre.wordpress.com, Véronique Hotte,
13 mai 2016
- unfauteuilpourlorchestre.com, Anna Grahm, 16
mai 2016
• dans la presse écrite française
- Inferno, Mari-Mai Corbel, Printemps 2014
- Les Inrocks, Fabienne Arvers, 3 décembre 2014
- L’Humanité, Jean-Pierre Léonardini, 9 décembre
2014
- Libération, Hugues Le Tanneur, 21 avril 2015
- La Croix, Didier Méreuze, 17 mai 2016
- La Marseillaise, Cédric Coppola, 14 août 2014
- La Dépêche du Midi, A. Hennequin, 12 décembre
2014
- Zibeline, Dominique Marçon, 18 mars 2015
- Sortir La Provence, Marie-Eve Barbier, 25 mars
2015
- Zibeline, Dominique Marçon, 14 avril 2015
- La Provence, Marie-Eve Barbier, 21 avril 2015
- La Marseillaise, Antoine Pattefoz, 21 avril 2015
- 20 minutes, 22 avril 2015
- La Provence, Marie-Eve Barbier, 24 avril 2015
- Ventilo, Barbara Chossis et Olivier Puech, 6 mai
2015
- theatoile.wordpress.com, 16 mai 2016
- Théâtre du Blog, Philippe du Vignal, 17 mai 2016
- webtheatre.fr, Jean Chollet, 18 mai 2016
- toutelaculture.com, David Rofé-Sarfati, 18 mai 2016
- sortir.telerama.fr, Sylviane BernardGresh, 19 mai 2016
PRESSE INTERNATIONALE
15/9/2014
La Bâtie Festival: Hubert Colas soumet l’inénarrable à la question - Culture - tdg.ch
LA BÂTIE FESTIVAL
Hubert Colas soumet l’inénarrable à la
question
Par Katia Berger. Mis à jour le 02.09.2014
Aux Eaux-Vives, le metteur en scène français présentait lundi en première
mondiale «Nécessaire et urgent», un monologue d’Annie Zadek.
S’avançant à travers la fumée des fours, deux Juifs (Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud) s’interrogent sur leur histoire.
Image: DIPHTONG CIE
Mots-clés
La Bâtie - Festival de Genève
Il faut le faire, une pièce entière ancrée dans le non-dit!
Un monologue d’une heure qui s’enfonce dans
l’épaisseur du silence. Matérialisant l’ignorance que
chacun a d’autrui, et par conséquent de soi.
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Ce qui se définit comme Nécessaire et urgent, dans le
texte d’Annie Zadek, est paradoxalement tu. L’auteure,
née à Lyon en 1948 d’un couple d’immigrés juifs, y adresse 524 questions qu’elle n’a pas pu poser à
ses parents sur leur exil de Pologne en 1937. Des questions jamais proférées, destinées à prendre
corps sur une scène de théâtre qu’elles occuperont à elles seules. Des questions vaines, puisque
personne n’y répondra. Portant de surcroît sur une réalité dont chacun sait qu’elle demeure
http://www.tdg.ch/culture/scenes/Hubert-Colas-soumet-l-inenarrable-a-la-question/27518514/print.html
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15/9/2014
La Bâtie Festival: Hubert Colas soumet l’inénarrable à la question - Culture - tdg.ch
indicible: l’holocauste – avant, pendant et après –, mais jamais désigné comme tel. De même qu’on
n’entendra jamais les mots de «camp», de «génocide» ou de «nazi»: juste «vous» (les parents),
«eux» (la famille restée sur place, les autres – y compris les bourreaux) et «nous» (les enfants, les
survivants). «Quel livre avez-vous emporté?» «Ne s’attendaient-ils pas au pire?» «De quoi nos
noms sont-ils le nom?» Nécessaire et urgent comme l’inconscient, donc. Comme le secret, et tout
ce qui, dans les histoires personnelles et collectives, avance masqué.
Pour traiter cette matière en creux (quoique sans cesse revisitée il est vrai), le Français Hubert
Colas, arpenteur assidu des écritures contemporaines, conçoit une scénographie aussi minimaliste
qu’éloquente: un grand box vitré trône sur le plateau. Transparent mais propice à la prolifération
des reflets. Le cube s’emplira symboliquement de fumée blanche, d’où s’avanceront en direction du
public deux silhouettes de descendants interrogateurs. Celle du comédien Thierry Raynaud et sa
lancinante prononciation des lettres «a». Et celle de Bénédicte Le Lamer dont le ventre de
chanteuse anime la voix. (TDG)
Créé: 02.09.2014, 17h58
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21/10/2014
Festival Actoral / Hubert Colas / Nécessaire et urgent : Embarquement Montréal-Marseille – Scène – Voir.ca
Festival Actoral / Hubert Colas / Nécessaire et
urgent
Embarquement Montréal-Marseille
16 OCTOBRE 2014
par PHILIPPE COUTURE
Commentaire +
Hubert Colas: «L'idée est vraiment de créer des rencontres artistiques
durables et fertiles.»
Il n’est pas peu fier, Hubert Colas. Son festival Actoral, dédié aux écritures
contemporaines et né à Marseille ces dernières années, se déploie pour la
première fois dans une version montréalaise à l’Usine C. Il débarque aussi avec
son spectacle Nécessaire et urgent. Discussion.
Résultat d’un dialogue fertile avec la scène québécoise depuis quelques années, et particulièrement
avec Danièle de Fontenay, directrice artistique de l’Usine C, la mise en place d’une édition
montréalaise d’Actoral se fait dans le bonheur de croiser les paroles d’ici et de là-bas, conviant autant
l’esprit punk de Gisèle Vienne (lire notre entrevue avec elle) que l’esprit aérien de Marie Brassard.
Mais Actoral, quessé ça? «Quand j’ai commencé à travailler à Marseille avec ma compagnie,
ditHubert Colas, j’ai découvert qu’il n’y avait pas d’endroit pour interroger l’écriture contemporaine par
des nouvelles formes scéniques, pas d’endroit où travailler l’interdisciplinarité en croisant le théâtre, la
danse, la performance et les arts plastiques. Je me suis dit qu’il fallait l’inventer, rassembler des
artistes qui ne se fréquentent pas, et rassembler aussi des publics qui ne se retrouvent pas souvent au
même endroit.»
À cette noble mission s’ajoute aujourd’hui celle de provoquer «un échange culturel réel entre le
Québec et la France». Ainsi, Colas n’a pas hésité à inviter à Marseille, entre autres, la belle équipe
du NoShow et le spectacle Yellow Towel, de Dana Michel. Dans les deux villes, à quelques semaines
d’intervalle, Marie Brassard crée une curiosité scénique avec Alain Farah,pendant que la
Québécoise Sarah Berthiaume s’unit au metteur en scène Julien Gosselin, nouvelle coqueluche de
l’Hexagone (lire notre autre texte). «L’idée est vraiment de créer des rencontres artistiques durables et
fertiles.»
On se réjouit, car Actoral Montréal nous ramène aussi un spectacle d’Hubert Colas, dont le travail
rigoureux et sensible arrive toujours à matérialiser superbement le mystère de la pensée humaine et
http://voir.ca/scene/2014/10/16/festival-actoral-hubert-colas-necessaire-et-urgent-embarquement-montreal-marseille/
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21/10/2014
Festival Actoral / Hubert Colas / Nécessaire et urgent : Embarquement Montréal-Marseille – Scène – Voir.ca
les circonvolutions du langage. Nécessaire et urgent est un texte d’Annie Zadek, entièrement écrit
sous forme interrogative, qu’il a redistribué dans les voix d’un homme (Thierry Raynaud) et d’une
femme (Bénédicte Le Lamer). Allégorie d’un monde d’incertitudes et de doutes, qui évoque le passé
trouble de la Shoah pour le mettre en confrontation avec un avenir incertain, le spectacle pose avant
tout des questions intimes.
«C’est un texte, dit-il, qui n’est pas a priori dramatique, mais qui a une grande puissance dramatique à
travers cette forme interrogative. Sont abordées les grandes questions reliées à la mémoire collective
des événements troubles, mais aussi la notion d’exil: faut-il partir ou rester? Quitter le dogme religieux
juif ou pas? La série de questions évoque, doucement, l’idée d’avoir un corps fantôme à l’intérieur de
soi sans en reconnaître particulièrement les contours. Des mouvements d’âme y sont évoqués, dans
une absence de réponses qui me semble parlante, caractéristique du doute qui nous habite tous.»
Ce serait même une forme idéale, à plusieurs égards, pour dépeindre une société saturée
d’informations, dans laquelle on ne sait plus sur quel pied danser. «On est à une forme de fin de
civilisation, en ce moment, qui n’est pas comparable à celles qui ont précédé. Et on ne sait pas encore
quels sont les pensées futures ou les modèles de société qui seront adoptés par les humains bientôt –
je pense que ce texte en témoigne particulièrement. Les communications incessantes, la
surabondance d’informations, et parallèlement l’absence de modèles collectifs rassurants, nous
placent dans une incertitude criante.»
Ce spectacle pose ainsi, dans la multiplicité, la question de notre devenir collectif.
—Festival Actoral, du 21 octobre au 1er novembre à l’Usine C / Nécessaire et urgent, les 28 et 29
octobre
usine-c.com/programmation
http://voir.ca/scene/2014/10/16/festival-actoral-hubert-colas-necessaire-et-urgent-embarquement-montreal-marseille/
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REVUE DE PRESSE - FESTIVAL ACTORAL!
LE D E V O I R , L u n d i 2 0 o c t o b re 2 0 1 4
Quotidien québécois
20 octobre 2014
RuGicomm • 514 759 0494 • [email protected]
Quotidien québécois
20 octobre 2014
PRESSE NATIONALE
Revue semestrielle
Printemps 2014
Hebdomadaire national
3 décembre 2014
Quotidien national
9 décembre 2014
Quotidien national
21 avril 2015
Quotidien national
17 mai 2016
Théâtre et mémoire de la Shoah
Par Didier Méreuze, le 17/5/2016 à 04h48
Accompagné de deux acteurs lumineux, Hubert Colas met délicatement en scène ce retour sur le passé d’une enfant
juive.
Nécessaire et urgent, d’Annie Zadek
Théâtre national de la Colline, à Paris
Un chant s’élève – « Erbarme dich », extrait de La Passion selon Mathieu de Bach, interprété par Kathleen Ferrier.
Peu à peu, au centre du plateau, une cage de verre se découvre, dans la pénombre. Furtives, démultipliées sous les
effets provoqués par les lumières qui traversent et heurtent les parois, des ombres se dessinent, apparaissent,
disparaissent : un homme et une femme. Parfois, celui­ci ou celle­là quitte la cage, noyée de brume, de blanche fumée.
Sans noms, ils semblent s’interroger l’un l’autre, tout en s’adressant à eux­mêmes, à moins, qu’ils ne parlent aux
morts, aux « fantômes » : « C’était en quelle année déjà ? C’était à quelle date exactement ? »… « Pourquoi avoir
choisi la France ? Était­ce à cause des Lumières ? Était­ce à cause de Zola ? »… « Faisiez­vous rire en imitant
Hitler ? »… « De quoi nos noms sont­ils nos noms ? De quoi avons­nous hérité ? De quels biens sommes­nous
spoliés ? Jusqu’à la combientième génération ? »
254 questions
En une vingtaine de pages d’une écriture sidérante, rédigées exclusivement sous la forme de 254 questions posées à la
manière d’un interrogatoire de police ou de frontière, Annie Zadek explore les méandres de la mémoire en quête du
passé et d’une identité. Mémoire et identité des générations issues de l’immigration, aux racines dont, longtemps, elles
ne se sont pas souciées.
Mémoire et identité pour cette auteure, née il y a 67 ans à Lyon, qui sont celles d’une fille de juifs communistes ayant
quitté la Pologne pour trouver une vie meilleure en France, à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale et de la Shoah.
manière d’un interrogatoire de police ou de frontière, Annie Zadek explore les méandres de la mémoire en quête du
passé et d’une identité. Mémoire et identité des générations issues de l’immigration, aux racines dont, longtemps, elles
ne se sont pas souciées.
Mémoire et identité pour cette auteure, née il y a 67 ans à Lyon, qui sont celles d’une fille de juifs communistes ayant
quitté la Pologne pour trouver une vie meilleure en France, à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale et de la Shoah.
Or, comme elle précise dans le programme, ce sont ces « centaines de questions » que, comme d’autres enfants,
« par pudeur ou par insouciance », elle n’avait pas posées à ses parents et qui « n’en finissent pas de nous hanter,
maintenant qu’ils ne sont plus là pour répondre et, peut­être, consoler ».
Ponctuée de projections de photographies et d’images d’archives, la mise en scène d’Hubert Colas est d’une justesse
parfaite. Rigoureuse dans son minimalisme, délicate dans son épure.
Dans l’espace intemporel et irréel du plateau, le texte résonne comme un chant profond. Deux acteurs lui donnent leur
chair, et en même temps qu’ils en font sourdre toutes les hésitations, les non­dits, voire les contradictions et les
errements des souvenirs réveillés, reconstruits, ainsi que les vieilles – ou nouvelles – peurs, et les incertitudes qui les
accompagnent.
Les silences aussi forts que les mots 
Thierry Raynaud et Bénédicte Le Lamer sont ces deux acteurs. Hiératiques, s’extrayant de la cage de verre ou se
noyant dans la fumée blanche qui l’emplit (gaz d’extermination ?), tour à tour semblables à des spectres et vivants au
présent, ils sont magnifiques de maîtrise et de présence, jusque dans leurs silences aussi forts que les mots. Thierry
Raynaud est l’« homme » ; lumineuse dans sa petite robe noire, Bénédicte Le Lamer est la « femme »,
Le spectacle dure une heure à peine. Une heure d’intense émotion, en osmose totale avec Annie Zadek : « Quand
allons­nous prendre toute la mesure de la contamination du présent par ce traumatisme majeur survenu dans notre
passé ? De son infiltration dans notre langage, notre mémoire, notre corps, nos rêves, nos paysages, jusqu’à
aujourd’hui et, vraisemblablement demain ? »
PRESSE RÉGIONALE
Quotidien régional
14 août 2014
Quotidien régional
12 décembre 2014
En 524 questions, Annie Zadek interroge son passé
Théâtre - Vu au Garonne
Du 12/12/2014 au 13/12/2014
Annie Zadek, auteur dramatique dont deux comédiens interprètent actuellement au Garonne «Nécessaire et urgent», est
une enfant de l'après – guerre issue d'une famille de juifs polonais, victimes de l'holocauste. Enfant, «par timidité ou par
légèreté», dit-elle, elle n'a jamais interrogé les siens sur leur passivité devant les premiers signes annonciateurs du
désastre. Ensuite, il était trop tard. Depuis, l'incompréhension et les questions sans réponse n'ont jamais cessé de la
hanter et irriguent toute son œuvre. Cette pièce, véritable performance pour les acteurs, est construite comme une
déferlante de questions (il y en a 524). Autant d'interrogations qui resteront à jamais sans réponse, puisqu'elles
s'adressent à des ombres, à des fantômes. Cependant, à travers elles, on retrouve nos propres interrogations. Pourquoi
n'avoir pas fui devant le danger alors que les alertes étaient nombreuses ? Pourquoi ne pas pouvoir quitter sa terre natale?
Pourquoi tant d'incrédulité et de passivité devant ce qui s'annonçait ? Pourquoi ne pas avoir voulu voir la haine qui
montait ?…
La longue litanie des questions est déclinée dans un climat intimiste, où seule l'intonation, les expressions du visage des
deux acteurs qui s'expriment à tour de rôle, et le travail sur la lumière, traduisent différentes émotions. C'est un texte
fort, mis en scène avec beaucoup de finesse, de poésie et de pudeur, qui ne peut qu'emporter l'adhésion.
«Au théâtre Garonne jusqu'au samedi 13 décembre. L'auteur sera présente vendredi 12 décembre. Elle lira «Vivant» à
18 h 30 et viendra à la rencontre du public après les représentations du vendredi et du samedi 13
A Hennequin, publié le 12/12/2014
Mensuel régional
18 mars 2015
Quotidien régional
25 mars 2015
Mensuel régional
14 avril 2015
Mensuel régional
14 avril 2015
Quotidien régional
21 avril 2015
Quotidien régional
21 avril 2015
Quotidien régional
22 avril 2015
Quotidien régional
24 avril 2015
Bimensuel régional
6 mai 2015
WEB/BLOG
Le blog de Jérôme Gac
Blog
29 novembre 2014
"Nécessaire et urgent"
À Toulouse, Hubert Colas présente au Théâtre Garonne sa mise en scène d’un
texte d’Annie Zadek.
Née en 1948, Annie Zadek est, dit­elle, une «assimilée­dissimulée dans la culture française au
prix d’un silence opaque concernant l’histoire et le destin familial juif­polonais». Son texte
"Nécessaire et urgent" pose «ces centaines de questions qu’enfants, par pudeur ou par
insouciance, nous n’avons pas posées aux parents, maintenant qu’ils ne sont plus là pour
répondre et, peut­être, nous consoler, n’en finissent pas de nous hanter», assure Annie Zadek.
D’une grande musicalité, son écriture traque cette «impossible transmission du vide» laissée par
ses proches, victimes de l’holocauste. «L’écrivain n’est­il pas une sorte de médium, celui qui, au
sens propre, "fait parler les morts", les pogromés, les négationnés, les disparus sans sépulture ni
"dernières paroles" ? Voilà pourquoi ils ne peuvent pas répondre. Et ce silence est une menace
en même temps qu’une accusation», prévient Annie Zadek.
Hubert Colas a choisi ce texte pour sa nouvelle mise en scène présentée au Théâtre Garonne
(http://jeromegac.artblog.fr/1917117/Scene­electrique/) , à Toulouse. Il annonce : «Il y en aura 524.
Des questions que d’ordinaire les enfants n’osent pas poser aux parents, des questions en
attente qui se posent un jour aux fantômes, aux aînés disparus. Elles arrivent comme des
déferlantes, et qui réinterrogent l’origine de ce qu’a pu représenter le début du génocide juif et
particulièrement ce qui s’est passé en Pologne. Toute l’œuvre d’Annie Zadek porte ce
questionnement­là mais ici c’est plus brut, plus radical. Parfois, on peut, avec tout son corps,
avancer comme une interrogation muette, la creuser encore plus au fil du temps avant d’en faire
quelque chose de nécessaire et d’urgent. Annie Zadek appartient à cette génération qui a subi,
pour vivre la vie à tout prix, un lourd silence, celui du destin familial juif­polonais. Un jour, il est
donc urgent d’évaluer la contamination du présent par le passé, de mesurer son infiltration dans
nos esprits et dans nos corps pour agir avant qu’il ne soit trop tard, atténuer ce que l’on pourrait
appeler les douleurs fantômes, invisibles. C’est une forme d’écriture poétique, car qui vient du
plus profond de l’intime tout en croisant le politique, et, de là, elle trouve un écho particulier sur
scène. C’est une écriture qui permet de mettre du corps vivant en face du corps vivant, sans
artifice. J’ai choisi un homme, une femme, Thierry Raynaud et Bénédicte Le Lamer pour le dire.
Annie Zadek interroge le genre mais au­delà de la matière littérale qu’on voit beaucoup
aujourd’hui. Non seulement car le genre littéraire de son texte est indéfinissable, mais aussi
parce que la question n’a pas de genre précis. Comme d’autres textes d’Annie Zadek, le féminin
navigue dans le masculin et vice­versa», termine le metteur en scène.
photo © Hervé Bellamy
Du 9 au 13 décembre, au Théâtre Garonne (http://www.theatregaronne.com/) , 1, avenue du
Château d’eau, Toulouse. Tél. 05 62 48 54 77.
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"Nécessaire et urgent"
Nécessaire et urgent Théâtre Garonne
In memoriam
Ce qui m’intéresse principalement aujourd’hui,
c’est que le spectateur ne soit plus placé devant une œuvre,
mais qu’il pénètre à l’intérieur de l’œuvre.
C. Boltanski
On se souvient de sa mise en scène brûlante de Purifiés de Sarah Kane, de celle, glaciale, de Face au Mur de Martin Crimp, et de
la performance éprouvante que constituait celle de Kolik de Raynald Goetz : Hubert Colas, toujours avec une certaine radicalité,
revient au Théâtre Garonne – qui le co-produit ici avec le Théâtre Sorano-Jules Julien – pour une adaptation de Nécessaire et Urgent
d’Annie Zadek, en résidence et en première française. A noter que Diphtong Cie présentera également Texte M en mars 2015 au
Théâtre Sorano. Deux semaines après Récit d’une vie, adapté du très beau texte d’Aharon Appelfeld, le Théâtre Garonne programme
donc un nouveau monologue – cette fois, à deux voix – sur la mémoire de la Shoah et les traces qu’elle laisse dans l’existence.
Annie Zadek, est née en France au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, de parents juifs-polonais en exil. Ce qui est Nécessaire
et Urgent pour elle, est de poser à ceux qui ne sont plus les questions d’enfant qu’elle a tues à propos de cet indicible qu’ils ont vécu
: une histoire qui la forge en silence et par son silence même. 524 questions, et un texte universel à plus d’un titre, pour une mise en
scène quelque peu envahissante, malgré un minimalisme apparent.
« C’était en quelle année déjà ? C’était à quelle date exactement ? Quel âge aviez-vous à l’époque ? En rêviez-vous depuis
longtemps ? »
Un cube en plexiglas au centre d’une scène noire, percé d’un mince faisceau blanc frappant le public. Deux silhouettes, l’une
masculine et l’autre féminine, y évoluent sur un air de Bach chanté par Kathleen Ferrier : souvenirs d’enfance... Leurs contours se
reflètent à l’infini, arpentant tels de fantomatiques hologrammes les parois transparentes, s’échappant sur les pendrillons, sur le sol
laqué du plateau. Progressivement, l’homme s’en extrait, sous le regard de la femme, fait sèchement cesser la musique et lance une
première question, puis deux, trois, dix, vingt, cinquante… Une litanie comme un flot trop longtemps retenu. Des questions d’abord
adressées à un « vous » sur les raisons et les circonstances du départ : Pourquoi avoir choisi la France ? Etait-ce à cause des
Lumières ? Etait-ce à cause du Front Populaire ? Etait-ce à cause d’Emile Zola ? (…) Etiez-vous résolus à partir ? Pour quel
motif?; puis sur ceux qu’on laisse en partant, sur la vie quotidienne en exil, sur comment on se construit un bonheur malgré ça :
Aimiez-vous marcher dans la neige ?, ou Alliez-vous au cinéma voir Greta Garbo ?, ou encore Vouliez-vous être ornitologue,
écrivain, végétarien ?... En parallèle, les interrogations repartent vers le pays, concernant ceux qui sont restés, les brimades, et
l’horreur, en filigrane. La parole passe de l’homme à la femme, dense et aérienne à la fois, douloureuse et émouvante, en équilibre
parfois instable entre la diction si personnelle de Thierry Raynaud et celle, non moins particulière de Bénédicte Le Lamer. Ils ne
dialoguent pas, mais s’écoutent, tandis que le cube déserté se remplit d’une fumée blanche jusqu’au débordement. Alors,
subrepticement, le questionnement passe au « nous » : Que savons-nous en vérité ? Etions-nous seulement nés ? (…) De quoi nos
noms sont-ils le nom? De quoi avons-nous hérité ? (…) N’étaient-ils pas de bons parents ? Ne sommes-nous pas des filles ingrates
? N’étions-nous pas au cinéma ce soir-là ? Etions-nous avec un garçon ? Ne sommes-nous pas allées au théâtre ?...
« Savoir, c'est questionner » E. Jabès, Le livre des questions
Depuis longtemps, Annie Zadek écrit sur le temps et l’identité, autour de sa problématique familiale, et ses textes commencent
souvent par une question : une résurgence à la fois de son histoire personnelle basée sur le secret, mais aussi de sa formation
philosophique. En psychiatrie, on dit que les enfants ne posent que les questions dont ils sont capables d’entendre les réponses, et
c’est pourquoi, probablement, elles s’imposent avec une si forte nécessité. Malheureusement, dans le cas présent, de réponses il n'y
aura guère... Convoquer la mémoire de quelqu’un, c’est être en mouvement vers lui : la locution latine In memoriam en porte
d’ailleurs la trace, employant un accusatif plutôt qu’un ablatif, qui exprime le lieu où l’on va. Et en effet l’auteure emmène le lecteur
– et le spectateur – avec elle sur les lieux de son enfance : ses questions esquissent les silhouettes de ses parents – tels les voyageurs
elliptiques de Bruno Catalano –, mais aussi une topographie de l’exil, ouvrent l’album d’une époque et d’une histoire appartenant à
la mémoire collective, sans pathos excessif, retraçant une jeunesse éprise de vie et de liberté confrontée à l’Histoire, avec la tendresse
d’une fille qui regarde les étrangers que sont ses parents d’avant sa naissance. Et on constate alors tout ce que révèle une question
de celui qui la pose. Le spectateur est emporté dans un flux de représentations mentales, un mélange de photos d’enfances et
d’images d’archives ; les questions dessinent à la fois celle qui les écrit, ceux qui les énoncent et ceux auxquels elles s’adressent,
mais résonnent aussi en ceux qui les écoutent : certaines ébranlent, d’autres interpellent personnellement, chacun peut imaginer ses
propres réponses, celles de ses parents ou grands-parents… Et c’est toute une communauté humaine qui apparaît sur l’espace –
obscur et presque nu – du plateau, dans les brumes blanches du cube, venant finalement interroger aujourd'hui : « Cela peut-il
recommencer ? »
Redondant ?
Comme nombre des textes d’Annie Zadek, celui-ci se prête particulièrement bien à une oralisation, qui apparaît donc comme
pleinement justifiée. Cependant, quelle est la nécessité de la mise en scène qui l’accompagne ici ? La scénographie imaginée par
Hubert Colas s’inscrit dans l’esthétique à la fois épurée et imposante du mémorial : on pense à celui de Berlin, avec ses stèles à
perte de vue, rectangles anonymes, symboles de déshumanisation ; et plus encore à celui de Boston, avec ses grandes tours en verre
dans lesquelles monte une vapeur d’eau, suggérant les cheminées des fours crématoires. La première image de la pièce est en cela
très évocatrice : on y perçoit comme les corps longilignes des sculptures de bronze de Yad Vashem, ou de celles de Miami Beach,
représentant les victimes de l’holocauste. Mais cela est déjà largement contenu dans le texte, l’accumulation des questions n’étant
pas sans rappeler celles de vêtements ou de photos dans les installations de Christian Boltanski. Alors, l’évidence du symbole, la
fumée, le ballet spectral des comédiens peuvent paraître redondants, venant même parfois affaiblir le texte en en distrayant le
spectateur plutôt qu’en y ajoutant du sens. Ainsi, alors que le texte, par ses interrogations, faisait entrer le spectateur au cœur de
l’œuvre et pénétrait sa propre intimité, la vitre glacée du cube le remet à distance, l’incitant davantage à la contemplation d’une
œuvre plastique. ||
²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²²Agathe Raybaud, publié le 11 Décembre 2014
Jeudi 11 décembre 2014
Hubert Colas & Annie Zadek, Nécessaire et urgent,
une tentative textuelle de monument
La mise en scène du génocide nazi des Juifs d’Europe est toujours confrontée au même dilemme :
représenter donc trahir, raconter donc imaginer[1].
La représentation simulatoire, qui s’efforce de reproduire, ne peut éviter d’inventer, de transformer, bref
d’amortir : la représentation, en tant que fabriquée, construite, même réaliste, substitue des images
limitées à une réalité infinie et infiniment catastrophique. Son aspect fictionnel rapproche l’objet­
témoignage de l’objet­distractif, au détriment du réel qu’il s’agissait pourtant de rendre plus présent.
La représentation narrative, qui renonce aux images faites (cinéma, théâtre), n’évite jamais la production
d’images psychiques bricolées à partir d’autres images, c’est­à­dire d’emprunts aux films d’archives, aux
photos, aux films de fiction. Son aspect écoute de témoignage n’empêche pas l’intervention du fantasme
(des images internes).
La solution proposée par Annie Zadek et Hubert Colas consiste à raréfier les images, jusqu’à une petite
série dont le symbolisme est cependant transparent, et à opérer un long interrogatoire qui change
d’interlocuteurs et fait rupture avec la logique des textes de témoignages.
(c) Hervé Bellamy
L’image est une boite en verre, habitée par des miroirs, dans laquelle circulent des formes humaines,
fantômes revenus du passé, survivants obsessionnels, images des victimes qui hantent non seulement les
survivants mais tous ceux qui se sont laissés touchés par le scandale épouvantable du génocide. Le
remplissage de cette boite par une fumée blanche, saturant lentement l’espace, figurant, dans les
échappées, des panaches de cheminées, convoque les faits monstrueux des mises à mort et des disparitions
des cadavres (la boite en verre pourrait être associée au hublot des chambres à gaz d’Auschwitz[2]).
Le témoignage, textuel ou en image, est la tentative de perpétuer dans la mémoire un événement passé,
donc faire monument. Cette monumentalisation exige fidélité et honnêteté, c’est­à­dire la soumission à un
réel posé comme référence et dont la représentation doit éviter la trahison, c’est­à­dire, finalement,
l’intervention du récepteur ou du spectateur­lecteur dans le témoignage recueilli.
Annie Zadek pose immédiatement sur scène non pas le témoin du crime mais le témoin du témoignage, le
fils ou la fille du survivant, la petite­fille ou le petit­fils d’une victime, ou la génération suivante qui a appris
l’existence du génocide encore plus tard et qui peut n’avoir eu aucune perte dans sa famille : le cercle des
témoins du témoignage s’élargit sans cesse (il se rétrécit aussi dans certains milieux).
Ce déplacement a une portée historique. La catastrophe de l’Histoire, de telle sorte que sa réalité demande
des décennies pour parvenir à un peu de visibilité, tend à écraser les générations suivantes. Celles et ceux
qui sont nés après 1950 sont en droit, avec la connaissance du génocide, d’exister dans leur propre
historicité, c’est­à­dire d’assumer une créativité de l’histoire qui s’émancipe du poids du témoignage.
Être reconnu comme témoin du témoignage et obtenant ainsi la reconnaissance d’une position propre qui
ne se réduise pas à la transmission ou à l’assurance d’avoir bien été frappé par la connaissance du
témoignage. Ne plus être seulement les témoins du témoignage mais devenir les témoins de leur propre
histoire, celle de la réception du témoignage et des bouleversements, troubles, interrogations, doutes, que
ce dernier a suscités.
Une sobriété apparente, mais surtout une sorte de colère contenue, teinté ponctuellement d’une quasi­
véhémence silencieuse, tel est le jeu, en nuance et efficace, des deux comédiens : Bénédicte Le Lamer et
Thierry Raynaud, admirables.
Au Théâtre Garonne, jusqu'au 13 décembre.
Jean­Jacques Delfour
(c) Hervé Bellamy
[1] Cf. mes propres contributions à ce débat sur l’imagologie de la Shoah : La pellicule maudite,
dans L’Arche, juin 2000, p. 14­17. L’imagerie sotériologique de la Liste de Schindler dans La Voix du
regard, n°13, automne 2000, p. 66­77. Bénie soit la belle vie à Auschwitz?, dans Trafic, n°35, automne
2000, p. 61­80. La Shoah, fait métaphysique, dansLes Temps modernes, décembre 2000/février 2001, n
°611­612, p. 327­332.
[2] Sur les assassinats de masse et sur les opérations mobiles de tuerie, cf. Rawl Hilberg, La destruction
des Juifs d’Europe, Paris, Fayard, 1988.
Blog théâtre
11 décembre 2014
Nécessaire et Urgent de Annie Zadek, Hubert Colas
Mise en scène de Hubert Colas
Avec Bénédicte Le Lamer, Thierry Raynaud
Les deux protagonistes sont comme dans une quête insatiable, pour pouvoir
répondre finalement à une question plus générale : "De quoi avons­nous hérité
?".
Avec ce texte d'Annie Zadek, Hubert Colas et ses comédiens interrogent l'idée de
départ, l'exil et redonnent la parole à ceux qui se retrouvent forcés de quitter leur pays,
leur chez eux. Si le texte renvoie plus précisément à l'histoire de familles juive­
polonaises au cours de la Seconde Guerre mondiale, il fait tout de même écho aux
exilés d'hier et d'aujourd'hui. Basé sur une succession de questions, Nécessaire et
Urgent laisse entrevoir plusieurs dimensions, plusieurs niveau de lecture. Les
interrogations s'enchaînent, creus ent dans l'intime de l'interlocuteur, absent.
Le public s'installe dans les gradins du Théâtre Garonne, face à lui, sur la scène, il peut
s'observer lui­même. En effet, un miroir est disposé au centre du plateau. Le théâtre,
reflet du monde : ce soir, ce que les spectateurs vont voir va leur parler d'eux­mêmes.
Et, de la même manière que l'on se reflète dans ce miroir, on se reflète dans les mots
des c omédiens. Ces derniers prennent la parole, chacun leur tour. Ils adressent
directement leurs différents monologues au public. Des questions se succèdent dans
leur bouche. Des questions qui resteront sans réponse, mais qui soulèveront
certainement d'autres interrogations auprès des spectateurs. Cependant, si le texte est
intéressant et le propos stimulant, nous aurions aimé avoir quelques espaces de
res piration possibles, voir le rythme se rompre, laisser entendre un cri ou un rire non
retenu. Quelque chose qui vienne briser le processus, pour le rendre que plus fort peut­
être.
Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud sont comme deux enfants assoiffés de
curiosité, à travers toutes les questions qu'ils posent, ils expriment l'envie de connaître
le passé de leurs aînés. Les deux protagonistes sont comme dans une quête insatiable,
pour pouvoir répondre finalement à une question plus générale : "De quoi avons­nous
hérité ?". Cette interrogation veut tout dire, elle renvoie au devoir de mémoire et de
transmission, pour que ce qui a été n'advienne pas à se reproduire. Ainsi, en
interrogeant les survivants de la Shoah, le texte s'adresse à tous et son sens n'en est
que plus criant face à la montée du racisme actuelle.
La scénographie est sobre, un espace cubique aux parois transparentes est disposé au
centre de la scène. Au cours de la pièce, cet espace devient à la fois un lieu de
passage, un sas, jusqu'à prendre l'image d'une chambre à gaz. C'est un endroit clos
duquel il semble difficile de s'échapper, et pourtant, ses parois transparentes laissent
entrevoir un extérieur, un ailleurs. Au début, des silhouettes errent de part et d'autres de
ce cube, le public les devinent dans l'obscurité, sont­elles réelles ? Elles ont quelque
chose de fantomatique et rappellent les lucioles de Pasolini, renforçant alors le propos
défendu, la nécessité urgente de se souvenir et de résister.
Avec ce spectacle, le public est directement invité à s'interroger lui­même et à
interroger le monde qui l'entoure en prenant pour base le passé, afin de ne pas oublier ;
mais surtout, il est invité à aller parler avec ses aînés et à écouter leurs témoignages
de vie.
Caroline Lerda
Blog théâtre
15 décembre 2014
Mardi 9 décembre 2014, la compagnie Diphtong Théâtre Garonne a présenté Nécessaire et
Urgent d’Annie Zadek dans une mise en en scène d’Hubert Colas...
Évidemment, nous ne pouvons qu’être d’accord sur le fait qu’il est nécessaire et urgent de
dénoncer ces postures et impostures suprématistes, exceptionnalistes, ces doctrines de peuples
élus, de destinée manifeste, ces racismes qui débouchent sur Auschwitz, Hiroshima, Nagasaki,
le Viet­nam, Rwanda 94, déclinés en esclavagisme, colonialisme, impérialisme ; dénoncer toutes
ces croyances et doctrines qui font obstacle à une véritable fraternité entre les gens, entre les
peuples ; dénoncer toutes ces doctrines qui portent en elles la barbarie la plus sombre et qui sont
cause que nous nous retrouvions ici ce soir dans ce théâtre en compagnie de spectres, de
fantômes du passé, traces d’une mémoire fuyante et évanescente structurée par le silence et le
non­dit de nos parents dont nous ne pouvons qu’imaginer la souffrance.
Nous n’avons pas participé à ces crimes mais pouvons­nous fuir ces ombres qui apparaissent et
disparaissent dans le miroir comme des âmes mortes prisonnières condamnées à hanter le
présent, notre présent ? Pouvons­nous les fuir sans tendre l’oreille ? Miroir, chambre à gaz, où chacun se perçoit à la fois comme un et élément d’un ensemble, la
communauté des hommes et des femmes au­delà des différences. Mais sommes­nous capables
de voir dans ce défilé de spectres dans une chambre à gaz des villageois algériens enfermés
dans une grotte à côté de fagots de bois auquel on y mettait le feu et qui mouraient ainsi
asphyxiés et dont les os pouvaient ensuite servir de remblais pour les routes ou finir brûlés et
utilisés comme charbon dans les raffineries de sucre ? Sommes nous aussi capables de voir
dans ce défilé de spectres les nègres poursuivis, enchaînés, déportés, condamnés au travail
forcé, soumis à une législation exceptionnelle, le Code Noir ? Sommes nous aussi capables de
voir parmi ces spectres l’Irakien jeté à terre dans la prison d’Abu Ghraïb et tenu en laisse par
une soldate de la démocratie ? Car des camps de concentrations et d’extermination des juifs, à
Guantánamo, aux claquements du fouet sur le dos de l’esclave dans le champ de coton il y a
toujours cette même idée : certains humains seraient supérieurs à d’autres, il existerait des
hommes et des sous­hommes, des maîtres et des esclaves, des peuples élus et des peuples
pêcheurs, des peuples conquérants et des peuples nés pour être soumis.
Alors comment être certains que nos enfants ne seront pas demain des parents dont les enfants
s’assoiront à la même place que nous aujourd’hui, face au même miroir pour voir avancer
lentement dans la pénombre les mêmes spectres du passé, les écouter leurs adresser les
mêmes questions et s’apercevoir tout comme nous que les faits, même les plus monstrueux,
sont sans consistance ; que les mailles du filet tissés par les mots aussi serrées qu’elles soient
ne peuvent retenir les faits ; que la mémoire est chaire imparfaite soumis au temps qui passe,
que l’histoire finit par devenir de la poésie et la poésie finit par perdre son sens à force de côtoyer
l’horreur ?
Nécessaire et Urgent : il paraît qu’à l’est, à nouveau, bruissent les bottes et que partout s’amoncellent les nuages du chaos. Que voulons­nous ? L’horreur et la répétition du même ?
Qu’est­ce qui est bon ? Qu’est­ce que la beauté ? Que voulons­nous ? Qui est l’étranger et qui sommes­nous pour l’étranger ?
Charles Zindor
Blog sorties culturelles
avril 2015
Site spécialisé théâtre
mai 2016
NÉCESSAIRE ET URGENT
Théâtre de la Colline (Paris) mai 2016
Comédie dramatique de Annie Zadek, mise en
scène de Hubert Colas, avec Bénédicte Le
Lamer et Thierry Raynaud.
Un homme et une femme, deux officiants
indéterminés, anonymes et immobiles,
simplement des voix, dispensent une batterie de
questions, au demeurant sans réponse, lancées
à la cantonade et déclinées en trois
mouvements.
En premier lieu des questions factuelles et
standardisées qui évoque un interrogatoire de
police de l'émigration destiné à cerner les
motivations profondes des exilés.
Ensuite, lourdement appuyé par la scénographie conçue par Hubert Colas qui
signe également la mise en scène, un cube de verre qui s'emplit de fumée
symbolisant les chambres à gaz, le champ d'investigation se rétrécit avec
questions concernent très précisément et uniquement l'émigration juive des
années 1930 avant de s'élargir à l'infini par une approche mémorielle de la
Shoah dans la conscience et la présence au monde contemporain.
"Nécessaire et Urgent" ne constitue pas un opus théâtral par destination mais
un texte mémoriel généré par l'histoire familiale par lequel l'écrivaine Annie
Zadek, fille de Juifs communistes qui volontairement, hors impératifs
éc onomiques, politiques ou religieux, ont quitté leur Pologne natale en 1937
pour commencer une autre vie en France, n'ont ensuite jamais évoqué ni leur
vie polonaise ni les raisons de leur exil, se livre, en une forme atypique à un
travail d'archéologie familiale.
Inscrite dans l'engouement contemporain pour la généalogie, le souci de la
trace et la volonté de s'inscrire dans une lignée identitaire, sa démarche qui
cerne des non­dits et des secrets de famille à jamais tus qu'elle ressent
comme douloureux, se déplace de l'intime au général, voire l'universel, selon
un processus empruntant à la phénoménologie pour la perpétuation dans la
mémoire collective et l'inscription dans l'historicité individuelle, en l'occurrence
de la Shoah, des événements historiques tendus comme fondateurs du
présent.
Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud réussissent techniquement le
difficile exercice imposé par le texte mais sans toutefois parvenir, en raison de
la durée du spectacle d'une heure vingt, qui ne pâtirait pas à être resserré, à
éviter les défaillances d'attention résultant du procédé répétitif même si leur
prestation comporte parfois des pics émotionnels retenus et néanmoins
sensibles.
MM
hottello
CRITIQUES DE THÉÂTRE PAR VÉRONIQUE HOTTE
Nécessaire et urgent de Annie
Zadek (Éditions Les Solitaires
Intempestifs), mise en scène et
scénographie de Hubert Colas
Crédit photo : Hervé Bellamy
Nécessaire et urgent de Annie Zadek (Éditions Les Solitaires Intempestifs),
mise en scène et scénographie de Hubert Colas
Blog théâtre
13 mai 2016
Nécessaire et urgent de Annie Zadek (Éditions Les Solitaires Intempestifs),
mise en scène et scénographie de Hubert Colas
La voix hantée de l’auteure Annie Zadek vient du tréfonds des âmes disparues, de
la nuit des fantômes entrevus – les siens et les proches qui demeurent inconnus,
grands­parents, oncles, tantes, cousins et générations anciennes, tombés dans le
gouffre de l’extermination et de l’oubli.
Sur la scène de théâtre, ces derniers – les parents de l’auteure et ceux qui ont
choisi de partir avant les temps maudits en 1939 – ne s’expriment pas, ils sont
interpelés, sollicités, requis et comme sommés de répondre à cette belle voix
sourde qui parle – celle de l’auteure et de ses pareils – enfants et petits­enfants –
une « voix dédoublée, dramatisée, mise en scène pour on ne sait quel cérémonial
intime », commente Philippe Lacoue­Labarthe dans la Condition des voix.
Annie Zadek est née à Lyon, originaire de Pologne, pays que ses parents juifs et
communistes ont quitté en 1937, deux ans avant l’invasion par l’Allemagne nazie et
criminelle – sa solution finale conçue et inventée par l’impensable et l’innommable.
L’enfant n’a pas interrogé en son temps ses parents sur la Pologne, les leurs quittés
et perdus pour une vie autre à partager dans la France des Droits de l’Homme
La conscience parentale silencieuse est reprise et animée par la fille, le fils, toutes
les filles et tous les fils qui questionnent sans cesse pour combler un vide effroyable
:
« Cette histoire de culpabilité : les avaient­ils abandonnés ? Auraient­ils pu faire
autrement ? Toute cette histoire de désespoir ? De cauchemars ? De chambre à
part ? De refuser d’être touché(e) ? » D’une génération à l’autre, le fléau de
l’énigme.
Un silence lourd est seul pressenti pour réponse étrangement informulée et non
posée, comme si celle­ci était inutile tant est grande la puissance de ce qui ne peut
se dire, quand l’entreprise d’élucidation s’énonce tel un geste Nécessaire et urgent.
De quoi dans leur pays d’origine les parents, jeunes gens porteurs d’un idéal de
société à réinventer, ont­ils eu assez – du fanatisme, de l’obscurantisme et des
particularismes ?
Mais l’héritière de l’Histoire maudite ressasse l’obsessionnel et vivace outrage :
« De quoi avons­nus hérité ? De quels biens sommes­nous spoliés ? Jusqu’à la
combientième génération ?»
La question de la transmission à la postérité importe existentiellement : la
dimension de l’histoire individuelle et collective déposée dans la mémoire – sans
que ne s’annule pour autant la douleur de la disparition gravée ad vitam aeternam.
Sur le plateau, une cabine aux parois de verre translucide s’amuse des
dimension de l’histoire individuelle et collective déposée dans la mémoire – sans
que ne s’annule pour autant la douleur de la disparition gravée ad vitam aeternam.
Sur le plateau, une cabine aux parois de verre translucide s’amuse des
éblouissements lumineux, un jeu de cache­cache avec les réminiscences du passé
qui percutent la conscience et l’imaginaire, ses cathédrales de rêves et de
cauchemars. Peu à peu, une fumée se dégage des tapis posés au sol et envahit
l’espace transparent d’une brume compacte et dense – métaphore de la disparition
avec la paume d’une main aplatie sur la vitre, ombres, fantômes et souvenirs noirs.
Les comédiens Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud sont sur la scène d’une
absolue pudeur et justesse, au plus près de cette voix intérieure qu’ils incarnent, la
voix profonde et résonante des vivants et des morts, d’hier et d’aujourd’hui, en
nous.
La pluie de questions ne cesse : quand arrêtera­t­on d’hésiter entre partir et rester ?
Véronique Hotte
La Colline – Théâtre national, du 12 mai au 4 juin. Tél : 01 44 62 52 52
Site spécialisé théâtre
16 mai 2016
Nécessaire et urgent, d’Annie Zadek, mise en scène de Hubert Colas au Théâtre de la
Colline
Mai 16, 2016 | Commentaires fermés sur Nécessaire et urgent, d’Annie Zadek, mise en scène de Hubert Colas au
Théâtre de la Colline
ƒƒƒ article d’Anna Grahm
© Hervé Bellamy
C’est une écriture pudique et obsessionnelle que nous offre Annie Zadek. Elle nous conduit sur un chemin pavé
d’interrogations, parle aux morts et à nous les vivants. C’est une recherche philosophique. Sa démarche explore les
limites de la pensée, suit les traces des souvenirs oubliés, soulève les immobilismes. Son fil conducteur traque
l’incertitude, les rapports ambigus que l’on entretient avec la mémoire.
La mise en scène est une expérience magnétique. Le style épuré de Hubert Colas accompagne cette marche
hypnotique, porte sa quête, sublime sa poésie, épouse ses fêlures et découvre ses lignes de force. Mais pour entrer dans
le spectacle, il faut accepter de se perdre, il faut s’égarer au bord des précipices, appréhender la profondeur des abîmes,
se laisser porter vers des points de fuite. Il faut se contenter d’être escorté par une foule de silences, il faut se laisser
bousculer par les découvertes, se laisser guider vers des lieux de séparations et de deuils impossibles. Et comme
toujours, revenir sur les terres de l’incompréhension, et creuser les exils et déterrer les germes de régressions.
Le dispositif scénique capture les acteurs dans un espace temps irréel, et captive immédiatement l’attention des
spectateurs. Au milieu du plateau, trône un énorme cube de verre que des rayons lumineux balaient de part en part. La
lumière aveuglante blesse le regard du public, et découpe comme un laser, le corps des acteurs.
Ils viennent de la transparence, se distinguent à peine, se télescopent et se perdent. Ils ont des silhouettes fragiles en
perpétuel mouvement, difficilement identifiables. Prisonniers des volumes du carré, ils traversent une forêt de miroirs,
apparaissent dans un filet lumineux, disparaissent dans un dédale d’ombres. Leurs reflets se multiplient, changent sans
arrêt d’aspect, s’appréhendent et s’amenuisent.
Et soudain il est là, en chair et en os, bien en vue à l’avant scène, premier sorti du labyrinthe, campé solidement sur ses
deux jambes et pose des questions. En apparence toutes simples qui ressemblent à celles que chacun pourrait poser
lors d’une toute nouvelle rencontre avec un inconnu. Mais l’homme se fait plus précis, plus curieux, fouille, examine
comme pourrait le faire un officier de police lors d’un interrogatoire. Et le personnage féminin encore enfermé derrière les
perpétuel mouvement, difficilement identifiables. Prisonniers des volumes du carré, ils traversent une forêt de miroirs,
apparaissent dans un filet lumineux, disparaissent dans un dédale d’ombres. Leurs reflets se multiplient, changent sans
arrêt d’aspect, s’appréhendent et s’amenuisent.
Et soudain il est là, en chair et en os, bien en vue à l’avant scène, premier sorti du labyrinthe, campé solidement sur ses
deux jambes et pose des questions. En apparence toutes simples qui ressemblent à celles que chacun pourrait poser
lors d’une toute nouvelle rencontre avec un inconnu. Mais l’homme se fait plus précis, plus curieux, fouille, examine
comme pourrait le faire un officier de police lors d’un interrogatoire. Et le personnage féminin encore enfermé derrière les
parois de verre, paraît démuni, semble incapable de fournir des réponses suffisamment valables pour rendre compte de
qui elle est.
Ils sont là désormais, côte à côte tous les deux, cherchant à remplir le questionnaire de leur terre d’accueil, à gratter les
contours dont ils sont faits, à passer au tamis tous les sujets qu’ils n’ont jamais pu aborder. Elle, comme lui, n’en n’ont
jamais terminé avec ce qu’ils ont tu, qui les hante, qu’ils redoutent encore d’aborder. Ils parlent à tâtons, d’un monde
englouti, d’un effroi invisible, évoquent des évènements d’une cruauté inouïe, qu’ils hésitent à nommer tout à fait. Ils
écartent avec une infinie délicatesse, des regrets éternels, tandis que derrière eux, des fumées montent du sol, s’élèvent
et s’épaississent, prennent corps, lèchent les parois du cube jusqu’à le remplir tout à fait.
L’image saisissante s’empare du Zyklon b des chambres à gaz, du champignon atomique, image sublime et atroce que
cette main happée par la fumée qui fait resurgir l’ampleur criminelle du génie humain. Sentiment tragique d’avoir à
côtoyer et la beauté et l’horreur.
De l’inimaginable traumatisme de la Shoah, restent des douleurs fantômes que les nuits morales d’aujourd’hui rendent
plus réelles que jamais. Sur ces ponts entre passé et présent repose ce dilemme lancinant. Partir ou rester. Suspendus à
la répétition des sidérations récentes, confrontés à la haine insupportable, le besoin de transmission est plus qu’urgent.
ThéâToile
Du théâtre au cinéma mais toujours des étoiles plein les
Site culturel
16 mai 2016
yeux
Nécessaire et urgent : questionner les morts
Publié le 16 mai 2016
524 questions rhétoriques qui déferlent sur le plateau du Petit Théâtre de la Colline : voici ce
qui vous attend en acceptant de vous confronter au texte d’Annie Zadek, présenté
actuellement dans une mise en scène sobre mais diablement efficace d’Hubert Colas. Un
questionnement mené avec pudeur et poésie par Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud,
d’une justesse infinie.
© Hervé Bellamy
Un grand miroir fait face au public qui s’installe dans le Petit Théâtre de la Colline.
D’emblée, le reflet que nous y voyons nous serre la gorge. La masse compacte fait écho au
sujet qui sera abordé de manière peu ordinaire, au détour d’un questionnement sans réponse.
Tandis qu’en-dessous, Falk Richter et Stanislas Nordey se démènent avec une Europe qui se
délite, Annie Zadek nous renvoie aux fantômes du passé, ceux qui ont fuit la Pologne au
début de la déportation, des camps d’extermination et des chambres à gaz. Elle brise le silence
dans une semi-pénombre par les questions de l’indicible, dans un interrogatoire d’une grande
pudeur, aux allures d’un témoignage sobre mais percutant. Tandis que des projecteurs à la
lumière aveuglante viennent nous éblouir par de violents faisceaux, nous distinguons des
silhouettes humaines, enfermées dans une cage de verre. Leurs ombres se superposent à nos
reflets, viennent se fondre en nous puis ils sont là, juste en face, les contours troublés, presque
translucides, effacés, comme des fantômes prisonniers d’un passé.
Quittant cet espace clos symbolisant l’enfermement, Thierry Raynaud lancent les premières
questions. Elles seront au total de 524, des interrogations générales ou intimes qu’il partagera
avec Bénédicte Le Lamer durant une heure. Comme des enfants qui veulent tout connaître du
monde qui les entoure, nous éprouvons tous ces « Qui ? Pourquoi ? Comment ? ». Tandis que
le cube transparent se remplit de fumée et que des tâches rougeâtres viennent souiller le sol,
comme le sang qui se mêle à la mort dans les chambres à gaz, le duo s’adresse aux fantômes,
aux Juifs polonais et communistes qui ont fuit leur pays et les nazis pour rejoindre la France,
avec l’espoir d’un avenir meilleur pour eux mais surtout pour leurs enfants. Ce sont eux, la
génération née après guerre, qui cherchent à comprendre cet exil. Ils tentent de faire parler les
morts pour accéder aux raisons qui les ont poussés à partir en 1937 avec pour seul bagage le
silence : « Cette maison où vous habitiez, existe-t-elle toujours ? Y êtes-vous retourné ? Que
mangeait-on à la maison ? […] Faisiez-vous rire les filles en imitant Hitler ? Etiez-vous contre
l’art pour l’art »
Annie Zadek nous confronte à un geste, à une écriture de l’urgence : celle de briser ce silence.
La nécessité de comprendre le passé pour se tourner vers l’avenir devient absolue. La mise en
scène d’Hubert Colas est d’une sobriété exemplaire. Le public est suspendu aux lèvres
mangeait-on à la maison ? […] Faisiez-vous rire les filles en imitant Hitler ? Etiez-vous contre
l’art pour l’art »
Annie Zadek nous confronte à un geste, à une écriture de l’urgence : celle de briser ce silence.
La nécessité de comprendre le passé pour se tourner vers l’avenir devient absolue. La mise en
scène d’Hubert Colas est d’une sobriété exemplaire. Le public est suspendu aux lèvres
des deux acteurs, en communion avec le passé, dans un silence oppressant, profond,
introspectif. Tout y est suggéré, poétique, désarmant, laissant toute la puissance au
texte et aux interrogations que chacun prendra pour siennes. Dans la dernière partie, les
questions ne sont plus seulement aux fantômes de l’exil, elles s’adressent à nous, aux
vivants et à ceux qui ne savent pas toujours quoi faire de ce silence, de ce traumatisme du
passé venu contaminer le présent et se destinant à hanter le futur en absence de réponse pour
apaiser, comprendre ou du moins entrevoir les raisons qui poussent à partir ou à rester, à
dire ou à taire, à survivre ou à mourir. « Que savons-nous en vérité ? Qui aurait pu nous
en parler ? Tout nous raconter ? N’avons-nous pas tout imaginé, tout inventé en réalité ?
Nous ont-ils parlé du passé ? Les avons-nous questionnés ? Cela peut-il recommencer ? La
souffrance n’est-elle pas intacte ? Le deuil n’est-il pas permanent ? ». Nécessaire et urgent,
c’est en réalité comme un cri dans le silence, déchirant et bouleversant, touchant à
l’essentiel et à l’universel.
Blog Théâtre
17 mai 2016
N é c e s s a i r e e t u r g e n t
Posté dans 17 mai, 2016 dans critique.
Nécessaire et urgent d’Annie Zadek, mise en scène d’Hubert Colas
La voix d’Annie Zadek vient du tréfonds des âmes disparues, de la nuit des
fantômes entrevus – les siens et les proches qui demeurent inconnus,
grands­parents, oncles, tantes, cousins et générations anciennes, tombés
dans le gouffre de l’extermination et de l’oubli.
Ici, les parents de l’auteure et ceux qui ont choisi de partir avant les temps
maudits en 1939, ne s’expriment pas mais sont interpellés, sollicités, requis
et comme sommés de répondre à cette belle voix sourde qui parle – celle
d’Annie Zadek, de ses enfants et petits­enfants, une «voix dédoublée,
dramatisée, mise en scène pour on ne sait quel cérémonial intime »,
commente Philippe Lacoue­Labarthe dans La Condition des voix.
Annie Zadek, née à Lyon, est originaire de Pologne que ses parents juifs et
communistes ont quitté en 1937, deux ans avant l’invasion par l’Allemagne nazie et criminelle avec sa solution finale conçue et
inventée par l’impensable et l’innommable. L’enfant qu’elle était, n’a pas interrogé en son temps ses parents sur la Pologne, et sur sa
famille quittée et perdue, alors qu’elle allait partager une autre vie dans la France des Droits de l’Homme. La conscience parentale
silencieuse est reprise et animée par tous les fils et filles qui se posent sans cesse la même question pour combler un vide effroyable :
«Cette histoire de culpabilité : les avaient­ils abandonnés ? Auraient­ils pu faire autrement ? Toute cette histoire de désespoir ? De
cauchemars ? De chambre à part ? De refuser d’être touché(e) ?» D’une génération à l’autre, le fléau de l’énigme. Dans un silence lourd, seul pressenti comme réponse inutile, tant est grande la
puissance de ce qui ne peut se dire, quand l’entreprise d’élucidation s’énonce tel un geste dans Nécessaire et urgent.
Dans leur pays d’origine, de quoi, les parents, alors jeunes gens porteurs d’un idéal de société à réinventer, ont­ils eu assez ? Du
fanatisme, de l’obscurantisme ? Annie Zadek, héritière de l’Histoire maudite, ressasse l’obsessionnel: «De quoi avons­nous hérité ? De
quels biens sommes­nous spoliés ? Jusqu’à la combientième génération ? »
La question de la transmission à la postérité est existentielle : celle d’une histoire, à la fois individuelle et collective déposée dans la
mémoire, sans que s’annule pour autant, la douleur d’une disparition de proches gravée ad vitam aeternam.
Sur le plateau, une cabine aux parois de verre avec des éblouissements lumineux, dans un jeu de cache­cache avec les réminiscences
du passé, où se percutent la conscience et l’imaginaire, ses cathédrales de rêves et de cauchemars. Peu à peu, une fumée se dégage
du sol et envahit l’espace d’une brume compacte et dense, métaphore de la disparition. On voit un instant la paume d’une main aplatie
sur le verre : ombres, fantômes et souvenirs noirs.
Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud, d’une pudeur et d’une justesse absolue, incarnent au plus près cette voix intérieure, cette voix
profonde et résonante des vivants et des morts, d’hier et d’aujourd’hui. La pluie de questions ne cesse : quand arrêtera­t­on d’hésiter
entre partir et rester ?
Véronique Hotte
Nous confirmons. Il faut voir ce spectacle comme un poème, remarquablement dit par ses deux interprètes. Avec une grande
précision orale et gestuelle et en même temps, avec une grande tendresse, pour le verbe d’Annie Zadek.
Mémoire d’un passé douloureux qui marquera à jamais l’histoire du XXème siècle, celle de la Pologne mais aussi celle de l’Europe toute
entière. Ces réfugiés qui arrivèrent démunis et croyant en l’idéal du pays des Droits de l’homme, auront beaucoup apporté à la France.
On repense encore une fois à cette fameuse phrase d’Anton Tchekhov : «Ce sont les vivants qui ferment les yeux des morts mais ce
sont les morts qui ouvrent les yeux des vivants. »
Hubert Colas, très loin des redoutables approximations sans fin d’Une Mouette d’après Anton Tchekhov malheureusement revue et
corrigée, (voir Le Théâtre du Blog) maîtrise ici, avec intelligence et sensibilité, l’espace et le temps scénique, au service d’un courte
pièce, d‘une absolue densité théâtrale. Un travail remarquable qui mérite d’être vu.
Philippe du Vignal
Théâtre national de la Colline, jusqu’au 4 juin. T : 01 44 62 52 52
Le texte de la pièce est édité aux Solitaires Intempestifs
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Site culturel
18 mai 2016
Critiques / Théâtre
Nécessaire et urgent de Annie Zadek
par Jean Chollet
Multiples interrogations au cœur de la mémoire
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Cette pièce écrite par Annie Zadek, née à Lyon en 1948 de parents juifs et communistes polonais, immigrés en France en 1937, se
compose d’une litanie de 524 questions qui interrogent différents aspects de la condition humaine lorsque la liberté est menacée et
l’avenir compromis, tandis que se profile la Seconde Guerre mondiale et la menace de la “ Solution finale ”. L’ancienne génération a
choisi de rester dans son pays d’origine. “Pourquoi sont –ils resté sur place ? Pourquoi ne sont – ils pas partis ? Parce que c’était leur
terre natale ? Etaient –il si mal informés ? ... Pour les plus jeunes ayant choisi l’exil, “ Pourquoi avoir choisi la France ? Etait­ce à cause
des “Lumières ” ? Etait­ce à cause du Front populaire ? Etait­ce à cause d’Emilie Zola ? Aviez – vous fait d’autres tentatives ? ... ” Un
aperçu des interrogations qui abordent par ailleurs différents aspects dans ce contexte, l’environnement et les relations familiales, les
religions, les dimensions culturelles ou encore le rapport à une langue autre que la sienne, inscrits dans une histoire vécue.
Auteur de la mise en scène et de la scénographie, Hubert Colas, et sa compagnie Diphtong basée à Marseille, conduisent avec rythme,
acuité et justesse, cette forme dramatique interrogative et minimaliste, qui fait surgir dans une cage de verre des effets visuels lumineux
et des vidéos troublantes, suggérant les fantômes d’êtres vivants ou morts en introduction de la représentation, avant de se remplir de
fumée pour une image métaphorique. Les monologues croisés, alternatifs et incisifs, sont portés avec pudeur et sans pathos par deux
bons comédiens, Bénédicte Le Lamer et Thierry Raynaud, qui témoignent de leurs résonnances tragiques et de leurs accents poétiques,
suscitant l’émotion en nous prenant à témoin. Ces questionnements de l’Histoire renvoient au présent et à notre capacité à construire
un avenir collectif.
Photo © Hervé Bellamy
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"Nécessaire et Urgent"
de Hubert Colas à la Colline
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"Nécessaire et Urgent" de Hubert Colas à la Colline
524 questions, les questions qu’Annie Zadek n’a pas posées aux siens, lancent un appel aux
fantômes: l'émotion est aux limites du supportable.
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Pologne. Ses parents sont partis deux ans avant l’invasion de leur pays par l’Allemagne nazie.
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saisir la nécessaire question de l'origine dans un texte dont la force procède d'une fausse
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!est à voir; de ce vide à interroger sans cesse
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http://toutelaculture.com
"Nécessaire et Urgent" témoigne par un moment unique de théâtre où la force du texte est si
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doute. Les comédiens soufrent autant que nous de la proximité de ce texte rude et sec.
Crédit
photo ©La colline
+ Affiche
Paradoxalement,
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"Nécessaire et Urgent" témoigne par un moment unique de théâtre où la force du texte1 est
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Nécessaire
et
urgent
radicale qu'elle nous étouffe comme elle aura étouffé nos compagnons de sidération, le metteur
de Annie Zadek
mise en scène et scénographie
Spectacles
Nécessaire et urgent
Du 24 mai 2016 au 4 juin 2016 La Colline ­ Théâtre national ­ Paris
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Du 24 mai 2016 au 4 juin 2016 La Colline ­ Théâtre national ­ Paris
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Cinq cent vingt­quatre questions sans réponse : elles
constituent le très beau texte, poétique et musical, d'Annie
Zadek. Des questions qu'on ne pose pas, enfant, et qui
créent chez l'adulte autant de « trous », de blessures, de
silences. L'auteure met au jour une mémoire enfouie, à
partir d'interrogations sur le passé tragique de ses grands­
parents juifs polonais. Ce silence opaque s'élargit aux non­
Cinq cent vingt­quatre questions sans réponse : elles
dits qui flottent dans toutes les familles et qui resurgissent
constituent le très beau texte, poétique et musical, d'Annie
sous forme de fantômes. La mise en scène d'Hubert Colas
Zadek. Des questions qu'on ne pose pas, enfant, et qui
fait jouer les deux comédiens devant un cube de lumière
créent chez l'adulte autant de « trous », de blessures, de
opaque, à travers lequel on perçoit des ombres, des
silences. L'auteure met au jour une mémoire enfouie, à
silhouettes noires. Très beau travail. Bénédicte Le Lamer
partir d'interrogations sur le passé tragique de ses grands­
et Thierry Raynaud jouent avec délicatesse et une
parents juifs polonais. Ce silence opaque s'élargit aux non­
sensibilité retenue. Quand ils chantent (très bien), on a
dits qui flottent dans toutes les familles et qui resurgissent
l'impression d'assister à un oratorio. C'est magnifique.
sous forme de fantômes. La mise en scène d'Hubert Colas
fait jouer les deux comédiens devant un cube de lumière
Sylviane Bernard­Gresh.
opaque, à travers lequel on perçoit des ombres, des
silhouettes noires. Très beau travail. Bénédicte Le Lamer
et Thierry Raynaud jouent avec délicatesse et une
sensibilité retenue. Quand ils chantent (très bien), on a
l'impression d'assister à un oratorio. C'est magnifique.
Sylviane Bernard­Gresh.
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19 mai 2016
Diphtong Cie / Hubert Colas
3, impasse Montévidéo 13006 Marseille // Tél : 04 91 04 68 41 / Fax : 04 91 04 69 79
[email protected] / www.diphtong.com
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