CONJUGALITE, MARIAGE, FAMILLE : RETOUR SUR LE SYNODE MARDI 5 ET MERCREDI 6 JANVIER 2016 Ecole italienne fin XVIe s., Mariage de la Vierge, Louvre, Cabinet des arts graphiques, INV 11233 Faculté de Théologie Catholique Université de Strasbourg Palais Universitaire 9, place de l’Université Salle Tauler 1 ARGUMENTAIRE GENERAL Rarement un tel événement d’Eglise n’aura suscité autant de débats, médiatiques et théologiques, d’espérances, fondées ou infondées, que la tenue de deux Synodes successifs consacrés à un thème unique : la famille. Mais que peut donc bien apporter l’Eglise à la famille dont le modèle, dans notre société post-moderne et sécularisée, est, il faut bien l’avouer, multipolaire ? Tout n’a-t-il pas été dit par l’Eglise sur ce sujet, notamment sous le Pontificat de Jean Paul II ? Que rappeler ? Que rajouter ? Ces journées d’études s’appliqueront à étudier des thématiques comme la conjugalité, le mariage, et la famille sous une modalité interdisciplinaire à travers le prisme des deux derniers Synodes convoqués par le Pape François en 2014 et 2015. Une approche canonique abordera les questions techniques concernant la convocation et le déroulement d’un Synode, sa fonction et sa finalité. Les questions relatives aux procédures matrimoniales ainsi qu’un état de la question sur les « divorcés-remariés » seront également de mise. Nous n’oublierons pas, à ce sujet, l’apport des sciences bibliques en ce domaine : que dit le Christ au sujet du divorce ? L’approche éthique et sociale trouvera également sa place durant ces journées : quel diagnostic est-il possible de poser sur la famille à partir d’une analyse de type éthique ? Souhaité comme un véritable temps d’échange et de dialogue par le Pape François, le Synode a su faire émerger des divergences et convergences de sensibilités qui seront également étudiées avec attention. Enfin, sur le plan de la théologie systématique, le Synode a été une véritable opportunité pour affiner une discursivité au sujet des tenants et aboutissants eschatologiques concernant la conjugalité et le mariage. Les représentations du couple en histoire des arts nous permettront de dégager une véritable herméneutique iconographique du mariage et de la famille. Evénement d’Eglise, le Synode fut également un événement médiatisé à bien des égards : une place sera accordée au traitement médiatique d’événements d’Eglise. Pour l’organisation : Sébastien Milazzo Maître de Conférences en Théologie Systématique Faculté de Théologie Catholique Université de Strasbourg [email protected] 06 60 52 05 69 2 MARDI 5 JANVIER 2016 10h-10h30 : Accueil 10h30-11h00 : Sébastien MILAZZO, Introduction, « Le mariage, vérité ou miséricorde ? Motifs d’un débat au sein de l’Eglise catholique à l’occasion des deux Synodes des évêques sur la famille » Le Pontificat du Pape François sera assurément marqué par l’originalité d’avoir convoqué en une année non pas un, mais deux Synodes des évêques consacrés à un thème unique : la famille. L’exercice de la synodalité requiert deux attitudes selon le Pape : « Je vous demande cela : de parler avec παρρησία (le fait de parler librement et franchement) et d’écouter avec humilité » (Cf. Salut du Pape François aux Pères synodaux au cours de la 1ère congrégation générale du Synode des évêques, 6 octobre 2014). Partant de la genèse du projet du Pape François, de sa méthodologie exploitée avant, pendant et après la tenue de ces deux Synodes, nous exposerons une analyse des débats, souhaités par le Pape lui-même, au sujet du mariage, de la conjugalité et de la famille. En quel sens l’Eglise se doit-elle d’être à la fois Mère (Mater) et Educatrice (Magistra) en matière de discipline matrimoniale ? Entre la Vérité de l’indissolubilité du mariage –qu’aucun Père ne remit jamais en cause– et la Miséricorde requise à l’égard de ceux qui sont dans une situation canonique irrégulière –quelle praxis de la Miséricorde ?–, l’Eglise est-elle condamnée à formuler Vérité et Miséricorde sous le sceau de la disjonction exclusive ? Comment comprendre le cheminement (σύνοδος) de l’Eglise catholique sur un sujet qui, malgré les options théologiques des uns et des autres, demeurera indissociablement –indissolublement– doctrinal et pastoral ? 11h00-12h30 : Anne BAMBERG, « Le Synode des évêques : approche institutionnelle » Partant de l’institution du Synode des évêques par le bienheureux Paul VI, nous examinerons les normes qui le régissent et traiterons de son organisation en portant l’attention sur la nature des diverses assemblées, les modalités de leur fonctionnement institutionnel, les approches méthodologiques nouvelles introduites par le pape François ainsi que sur les textes qui entourent le processus synodal. 12h30-14h00 : Déjeuner 14h00-15h30 : Alphonse KY-ZERBO, « Droit matrimonial et procédure de nullité : l’apport du motu proprio Mitis Iudex Dominus Iesus de François » Le mariage en droit canonique est à la fois, un sacrement, un contrat, une alliance, une institution et une communauté de toute la vie. Ses propriétés essentielles sont l’unité et l’indissolubilité. Le consentement matrimonial légitimement manifesté par des personnes juridiquement capables fait le mariage qui doit être célébré selon la forme canonique pour les baptisés catholiques. Tout empêchement dont la dispense n’a pas été obtenue et tout défaut concernant le consentement ou la forme du mariage peuvent donner lieu à une procédure de reconnaissance en nullité de mariage. 15h30-16h00 : Pause 3 16h00-17h30 : Stéphane JOURDAIN (Radio Jérico, Metz) et un journaliste des DNA, « Le Synode sur la famille et le synode des médias : communication et communion dans l’Eglise » Lors du premier synode sur la famille, en 2014, les médias se pressaient devant la salle Paul VI pour espérer un mot des participants à la session. Un an plus tard, il n’y avait presque que la presse catholique pour suivre les débats. Entre le rythme bousculé du temps médiatique et la lenteur de l’Eglise, comment la parole des évêques peut-elle être entendue aujourd’hui ? Quel est le rôle de la pression médiatique lors des réflexions et débats autour de sujets sociétaux dans l’Eglise ? Que retenir de cette longue séquence médiatique, qui verra sa conclusion avec la publication de l’exhortation du pape François sur la (ou les) famille(s) ? 18h00-19h30 : Dîner 19h30-21h00 : Anne CORNELOUP (Histoire de l’art), « Pour le meilleur, pour le pire : figurer en peinture la conjugalité des textes sacrés » Sur le mariage et plus généralement la conjugalité, l’Eglise a ses idées, ses dogmes, ses textes, doctrinaux ou bibliques. Qu’advient-il lorsque ceux-ci sont transposés dans la peinture ? On repère parfois d’étonnants glissements, humoristiques voire érotiques : ainsi dans les illustrations du Mariage de la Vierge (et de son époux) ou celles du Pauvre Job (et sa femme). Dérives gratuites ? Bien plutôt, ces images s’emploient à conjuguer les textes du répertoire sacré, eux-mêmes pluriels, les mentalités du temps et les préoccupations d’un chacun. Qu’est-ce qu’un couple bien assorti, ou mal ? Dans l’adversité, que me veut l’autre, que peut-il ? Et y aurait-il un Epoux, un Mariage idéaux, auxquels mesurer les siens – au risque d’en sourire. 4 MERCREDI 6 JANVIER 2016 9h00-10h30 : Denis FRICKER, « L’enseignement de Jésus sur le mariage au regard de l’histoire » Les textes néotestamentaires rapportent plusieurs sentences de Jésus sur le mariage : toutes attestent d’une position ferme en faveur du lien matrimonial et de l’opposition à la pratique généralisée de la répudiation. Toutefois, les formulations différentes de ces sentences ont donné lieu à des interprétations variables au cours des siècles. En amont de ces débats, la considération des résultats de la recherche historique sur Jésus situera ces nuances au plus près de leur contexte originel. 10h30-11h00 : Pause 11h00-12h30 : René HEYER, « La famille est-elle une trinité ? Essai d’anthropologie théologique » Saint Augustin se demandait s’il fallait accepter les thèses de ceux qui pensent la Trinité sur le modèle familial et il protestait hautement que non. Cependant, chemin faisant, il dégageait des relations entre les Personnes que l’on retrouve dans la famille humaine. Indépendamment d’une épistémologie qui n’est plus la nôtre, se dévoilent ainsi des axes anthropologiques essentiels. 12h30-14h00 : Déjeuner 14h00-15h30 : Philippe VALLIN, « La portée dogmatique du titre christologique d’Epoux, et la valeur eschatologique de la grâce conférée par le sacrement de mariage » Il ne suffit pas en bonne doctrine chrétienne d’expliquer que la grâce divine vient secourir l’amour conjugal pour le rendre fort devant les épreuves que le temps de la fidélité lui réserve. En effet, la grâce divine qui nous est départie en tous les sacrements a trouvé sa forme d’efficience spécifique dans l’incarnation du Verbe, Jésus vrai Dieu et vrai homme. En d’autres termes, la grâce est la grâce du Christ. Désormais, il ne s’agit plus seulement d’aller chercher dans le prophète Osée la figure d’un Dieu Epoux ; il s’agit de reconnaître que le Verbe fait chair, et chair masculine (« Et Verbum vir factus est »), a reformé le cœur de l’homme dans sa propre expérience d’Epoux de l’Eglise en cœur conjugal, siège concret d’une charité effective : cœur reformé selon la volonté rationnelle qui s’y engage, selon l’affectivité et la sexualité qui s’y laissent intégrer d’en-haut. Que les noces de l’Agneau soient différées jusqu’à la consommation de l’histoire ne fait pas de Jésus, célibataire et sans enfant, l’auteur impertinent du mariage. Car l’Epoux eschatologique est celui-là seul qui peut donner sans mesure l’Esprit de sainteté dont l’épreuve conjugale aura besoin : n’est-ce pas à la Samaritaine polygame que Jésus déclare : « Si tu savais le don de Dieu… » (Jn 4,10). 15h30-16h00 : Pause 5 16h00-17h30 : Sébastien MILAZZO : « Entre régime de Création et plénitude du Salut, la sacramentalité du mariage comme modèle économique » Une analyse attentive de l’histoire de la théologie permet de soutenir que la sacramentalité du mariage a été modélisée selon deux schémas. Le premier repose sur le régime de Création. En créant une auxiliaire précieuse pour Adam, le Père crée Eve : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie » Gn 2, 18. Certains, à l’instar de Saint Augustin, soutiendront que le mariage n’est qu’un remède à la concupiscence. D’autres souligneront la positivité du mariage : faisant partie intégrante de la Création voulue par le Père Créateur, le mariage se dévoile indissociablement comme une loi à la fois naturelle et divine, instituée avant la faute d’Adam. L’autre schéma retenu propose une modélisation du mariage qui part de la plénitude du Salut, c’est-à-dire des Noces mystiques du Christ et de son Eglise, après les fins dernières, après le Jugement, dans la plénitude des temps, c’est-à-dire une fois que l’homme sera pleinement et intégralement sauvé devant la Face de son Dieu. Saint Thomas d’Aquin verra en ce sens, dans la sacramentalité du mariage, une perfection de l’ordre du symbole évoquant un parachèvement de l’union entre le Christ et son Eglise dans la Patrie céleste à venir. Le mariage ne peut-il être conçu que comme un remède à la concupiscence ? La sacramentalité du mariage ne peut-elle que se réduire à un symbole, aussi noble soit-il ? Ajoutons que ces deux régimes appartiennent, pour le premier, où le péché n’existait pas encore, à une temporalité suspendue sans corruption de la chair et de l’esprit, et pour le second à un régime d’éternité où le Salut est achevé une fois pour toute in Patria. N’avons-nous pas là affaire à deux modèles idéalistes, et donc irréalisables ici-bas, dans la situation post-adamique de l’homme ? Le mariage est-il condamné à fonder sa dynamique sur un modèle idéaliste qu’il n’atteindra jamais ? Quid donc du mariage ici-bas, dans l’évolution, la temporalité, l’existentialité, les changements, les aléas des situations, des corps et des esprits ? Comment tenir une stabilité qui vient d’En-Haut, alors que la nature du mariage est essentiellement économique et soumis à la durée et au devenir ? Pris en étau entre l’immanence de la Création et la transcendance achevée du Salut, nous nous interrogerons sur ces deux modélisations de la sacramentalité du mariage afin de les dépasser en un sens économique : il semblerait que la sacramentalité du mariage trouve son modèle non pas dans une volonté divine éthérée et désincarnée –l’innocence d’un Eden qu’on ne retrouvera jamais, la perfection d’un Paradis loin d’être acquis–, mais à l’intérieur même de l’exercice d’un libre-arbitre éclairé et consenti entre deux sujets croyants créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et appelés au Salut. Enfin, entre la Création et le Salut, la théologie ne devrait-elle pas proposer un modèle complémentaire appartenant on ne peut plus à l’Economie du Salut, à savoir l’Incarnation d’un Dieu qui a pris chair de notre humanité ? A l’instar du mystère de l’Incarnation, aujourd’hui plus que jamais, le mariage comme idéal est appelé à prendre chair de notre humanité. 17h30-18h00: Conclusion 6