Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles Ottawa, le 20 avril 2016 Retards dans les procès criminels • Lois criminelles incluant le Code criminel • Faut-il réviser le Code criminel? • Conséquences des dispositions existantes relatives aux infractions et à la détermination des peines sur l’administration de la justice criminelle • Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition • Conséquences du système actuel de libération conditionnelle et de libération des prisonniers sur les procédures comme la négociation de plaidoyers • Nomination des juges; juges surnuméraires • Contributions aux services d’aide juridique • Mégaprocès • Enquêtes préliminaires • Autres procédures avant procès • Formation des juges • Détention provisoire préalable à une déclaration de culpabilité • Autres sujets que les témoins jugent pertinents pour l’étude Criminalisation des personnes atteintes de maladies mentales – « Les oubliés du Canada » Dr John Bradford Professeur et chef de la Division de psychiatrie médicolégale, Université d’Ottawa Professeur, École de criminologie de l’Université d’Ottawa Professeur de psychiatrie, Université Queen’s Criminalisation des personnes atteintes de troubles mentaux • Le terme figure dans les publications en sciences sociales depuis environ 1972. • Le phénomène est attribué à la désinstitutionnalisation psychiatrique commencée dans les années 1950. • La criminalisation des personnes atteintes de troubles mentaux a été reconnue bien avant cela, soit en 1939. Criminalisation des personnes atteintes de troubles mentaux • Penrose (1939) a parlé du « modèle hydraulique » du contrôle social. Dit très simplement, Penrose a remarqué que dans plusieurs pays d’Europe, le nombre de personnes envoyées dans des établissements psychiatriques était inversement proportionnel à celui des personnes envoyées dans le système carcéral, et vice-versa. Lorsque les conditions sociales étaient telles qu’il y avait moins de gens dans les établissements psychiatriques, le nombre de personnes en prison augmentait. • La thèse générale derrière la théorie de Penrose était que la criminalisation des personnes souffrant de troubles mentaux était le résultat de l’inadéquation du système de santé mentale. À l’époque, ce système n’était pas très développé. • De 1950 à aujourd’hui, la désinstitutionnalisation (ou la déshospitalisation) des personnes atteintes de troubles mentaux contribue à la criminalisation de ces personnes. Le phénomène décrit par Penrose existe-t-il encore aujourd’hui? • Des études menées aux États-Unis auprès de personnes en détention préventive révèlent que ces personnes sont atteintes de troubles mentaux à plus de 70 %. • La plupart des programmes en santé mentale et correctionnels visent les détenus purgeant une peine. • La maladie mentale devient un obstacle à la mise en liberté provisoire. Désinstitutionnalisation et modèle de santé publique • Des milliers de places en établissements psychiatriques ont été supprimées. C’est à la fin des années 1950 que le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux placées dans des institutions était le plus élevé. • 40 ans plus tard, la Californie avait ramené l’hospitalisation de personnes souffrant de troubles mentaux dans l’État à moins de 5 % par rapport aux sommets atteints. • Partout aux États-Unis, le nombre de personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques a chuté pour passer de 560 000 en 1955 à environ 60 000 en 1992. • On a observé la même tendance ailleurs dans le monde. Dans certains milieux, cela a été décrit comme une réussite sans précédent sur le plan de la santé publique. Transinstitutionalisation • Beaucoup de patients ont été envoyés vers d’autres établissements, comme des maisons de soins infirmiers et des foyers de groupe. • Le nombre de places dans les hôpitaux psychiatriques généraux a été multiplié par sept environ. • Certaines études montrent qu’il y a au moins 250 000 places en psychiatrie aux États-Unis, alors qu’on compte au moins 750 000 patients en psychiatrie dans des maisons de soins infirmiers et autres établissements. • Il y a eu aussi une augmentation spectaculaire des cas de maladie mentale dans les centres correctionnels. • Aujourd’hui, nous pouvons dire sans conteste que l’établissement accueillant le plus grand nombre de personnes souffrant de troubles mentaux aux États-Unis est la prison du comté de Los Angeles!!! Laquelle est suivie de près par celle du comté de Cooke, à Chicago!!!! • On observe la même tendance au Canada. Les personnes en détention provisoire ne bénéficient d’aucun des programmes destinés aux prisonniers souffrant de troubles mentaux Le nombre élevé de personnes en détention provisoire souffrant de troubles mentaux crée des environnements dangereux ce qui, dans certains cas, a pour effet de retarder la tenue des procès et la libération sous caution d’individus. Les personnes souffrant de troubles mentaux ou de problèmes de toxicomanie se voient souvent refuser leur libération conditionnelle, parce qu’il n’existe pas d’endroit supervisé pouvant les accueillir avant la tenue de leur procès. Cela devient une question de gestion des risques qui empêche la libération de certaines personnes sous condition avant la tenue de leur procès. On a aussi besoin de ressources, comme des « maisons de transition ». Programmes pour les personnes en détention préventive • En général, les services en santé mentale sont insuffisants. • En général, il faudrait que des traitements de la toxicomanie soient offerts à l’interne. • En général, il devrait y avoir plus de services de consultations psychologiques. • En général, il faudrait que des travailleurs sociaux participent à la mise en œuvre des plans de mise en liberté provisoire. Solutions possibles • Faire appel aux tribunaux spécialisés, tribunaux de traitement de la toxicomanie et tribunaux de santé mentale pour éviter que les personnes souffrant de troubles mentaux n’entrent dans le système de justice pénale. • Renforcer ces tribunaux pour qu’ils travaillent sur les demandes de mise en liberté provisoire. Tribunaux spécialisés • • • • Intervention clinique immédiate Contexte non accusatoire Décisions pratiques constructives Juges ayant une approche « pratique » faisant preuve de créativité dans la détermination des peines Déjudiciarisation • Décisions non conventionnelles pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves qui se retrouvent devant les tribunaux • Liens étroits avec les tribunaux en santé mentale • Psychiatres et autres professionnels en santé mentale travaillant auprès des tribunaux pour que les personnes souffrant de troubles mentaux soient prises en charge par le système de soins de santé mentale Déjudiciarisation • • • • Déjudiciarisation avant l’arrestation Déjudiciarisation non clinique avant le procès Déjudiciarisation clinique avant le procès Déjudiciarisation dans le cadre des décisions au procès à l’égard de personnes déclarées non criminellement responsables, et probation avec conditions de traitement • Déjudiciarisation après la peine empêchant la criminalisation des personnes atteintes de troubles mentaux Déjudiciarisation avant le procès • Les tribunaux de santé mentale pourraient aider les personnes en attente de leur procès à trouver une place dans un foyer pour personnes en liberté sous caution. Foyers pour personnes en liberté sous caution • Nécessité d’une surveillance 24 heures sur 24 • Nécessité d’association avec un service de soins de santé mentale pour offrir les consultations et les traitements requis • Programmes de placement extérieur pour les personnes en attente de leur procès répondant aux normes de sécurité • Dépistage aléatoire par examen d’urine dans le cadre de tests de routine • Il faudrait utiliser davantage les technologies, comme les dispositifs de suivi par GPS. • Auparavant, des organismes communautaires comme la société John Howard offraient ces dispositifs, et elles devraient recommencer à le faire. • Il faudrait offrir des services psychiatriques, y compris des services de psychiatrie médicolégale. La déjudiciarisation est tributaire des ressources • Tous les types de programmes de déjudiciarisation sont tributaires des ressources. Si les ressources institutionnelles et communautaires destinées aux personnes souffrant de troubles mentaux graves sont insuffisantes, la déjudiciarisation sera un échec. La déjudiciarisation, est-ce que ça fonctionne? • Existe-t-il des preuves empiriques d’une diminution des récidives? • Existe-t-il des preuves empiriques d’une diminution de la criminalisation? “Mental Health Courts and the lesson learned in Juvenile Court » Grudzinkas et Clayfield JAAPL 2004 • Influence du mouvement pour la défense des droits civiques • Réformes juridiques complexes basées sur le mouvement pour la défense des droits civiques • Financement du système de soins de santé mentale • Avancées dans le traitement pharmacologique des personnes atteintes de troubles mentaux graves Déjudiciarisation d’une personne atteinte de troubles mentaux après une décision de placement sous garde • Dans le but de réduire la récidive • Dans le but de mettre un terme à la criminalisation des personnes souffrant de troubles mentaux graves • Dans le but de donner aux détenus souffrant de troubles mentaux graves le même niveau de soins psychiatriques que ceux accordés à n’importe quel autre citoyen dans la province de l’Ontario Centre correctionnel et de traitement St. Lawrence Valley • Unité de traitement en milieu fermé « Serious mental disorder in 23,000 prisoners : A systematic review of 62 surveys », Fazel, Danesh, The Lancet, vol. 359, 2002 • 62 enquêtes, dans 12 pays, portant sur 22 790 prisonniers; âge moyen : 29 ans; 18 530 (81 %) sont des hommes 2 568 (26 %) sont des délinquants violents; • 3,7 % des hommes souffrent de troubles psychotiques, 10 % de dépression majeure, 65 % de troubles de la personnalité, dont 47 % d’un trouble de la personnalité antisociale. • 4 % des femmes souffraient de troubles psychotiques, 12 % de dépression majeure et 42 % de troubles de la personnalité, dont 21 % d’un trouble de la personnalité antisociale. • Les prisonniers étaient plusieurs fois plus susceptibles de souffrir de psychoses et de dépression majeure et 10 fois plus susceptibles d’être atteints d’un trouble de la personnalité antisociale que la population en général. L’AVENIR COORDONNÉES DE LA PERSONNERESSOURCE Dr John Bradford Services de santé Royal Ottawa Courriel : [email protected]; [email protected] (613) 345-1461, poste 2617 Unité de traitement médico-légal du Centre de santé mentale de Brockville