Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 11
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L'observation du Soleil (2)
par François Borle
2
ème
partie. Le spectre d'émission du Soleil
Tout corps chauffé émet un rayonnement qui peut
être décrit assez précisément par la loi de Planck.
Dans le cas du soleil la température de la photos-
phère est de 5780 K et produit donc un pic d'émis-
sion dans la lumière visible qui s'étale largement
dans l'infra-rouge et chute rapidement dans l'ultra-
La figure 2 nous montre l'effet de l'absorption de l'at-
mosphère terrestre sur le spectre avec une diminu-
tion de l'intensité et des raies large d'absorption due
à la présences des gaz (vapeur d'eau (H
2
O), gaz car-
bonique (CO
2
) , mais aussi oxygène ( O
2
) et ozone
(O
3
). L'axe vertical exprime le flux d'énergie en Watt
violet pour notre plus grand bien, les rayons UV
ayant des propriétés photochimiques plutôt destructi-
ves. On remarque sur la figure 1 que le maximum
d'intensité tant à se déplacer vers les plus petites lon-
gueurs d'onde lorsque la température du corps aug-
mente (Loi de Wien).
Fig. 1 – Loi de Planck : Longueur d'onde émises par un corps chauffé
(en accolade : partie du spectre visible)
Fig 2. Spectre de la lumière solaire mesurée sur Terre ( Extrait de SUN by Kenneth Lang Cambridge University Press 2001).
par m
2
de surface et par nanomètre de longueur
d'onde. Ce spectre grossier de l'ensemble du rayon-
nement solaire ne met pas en évidence la structure
fine du spectre avec les raies sombres dues aux élé-
ments chimiques.
Figure 3 ci-contre :
Des mesures personnelles du spec-
tre solaire à l'aide du petit spectros-
cope Lhires Lite (Shelyak) permet-
tent de mettre en évidence les raies
d'absorption de plusieurs éléments
chimiques.
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Les raies d'absorption en sombre sont dues à la pré-
sence des éléments chimiques dans les couches ex-
ternes de la photosphère et de température légère-
ment plus basse, les atomes vont agir principalement
en absorption par rapport à l'émission de fond conti-
nu d'origine thermique de la photosphère. La résolu-
tion spectrale de la figure peut être évaluée à partir
des valeurs du doublet du sodium qui est à l'inte-
raction magnétique spin orbite des électrons du so-
dium, cette interaction spin – orbite correspond à
une séparation des niveaux d'énergie des électrons,
elle s'exprime sous forme d'une différence de lon-
gueur d'onde de 0.597 nm.
Pour l'hydrogène, on observe des raies d'absorption
sombres aux longueurs d'onde de 656.3; 486; 434;
410 nm correspondant aux transitions de la série de
Balmer de l'hydrogène atomique neutre lorsque les
électrons excités de la 2
ième
couche électronique (n
= 2) peuvent absorber la lumière visible et atteindre
les couches électronique supérieures ( n = 3 ; n = 4;
n = 5).
Le spectre de l'hydrogène et la structure de l'atome
d'hydrogène ainsi que les notions historiques sur les
débuts de la spectroscopie et les explications simpli-
fiées de physique quantique des transitions électroni-
ques ont été crits par Alain Kohler dans le Bulle-
tin SAVAR 3/2009 Introduction à la spectrométrie
(4).
Les autres raies spectrales d'absorption sont dues
aux autres éléments du tableau périodique qui se si-
tuent dans les couches justes supérieures à la photos-
phère, ces couches étant légèrement plus froides, les
atomes vont réagir majoritairement en absorption.
Environ 64 éléments du tableau périodique peuvent
être mesurés dans le spectre solaire en absorption.
Malheureusement certains éléments comme l'hélium,
pourtant bien présent, ne sont pas excités suffisam-
ment (en proportion de nombre d'atome absorbant et
émettant) à la température de la photosphère, pour
permettre à la transition spectroscopique d'absorp-
tion entre les couches électroniques d'avoir lieu avec
une probabilité suffisante pour être rendue visible
sur un spectre. L'hélium est détecté prioritairement
dans la chromosphère ( T > 20'000 K) et dans les
éruptions solaires permettant à l'hélium d'être excité
ou ionisé (1+ ) et de présenter des raies d'émission
( λ = 688; 588; 502; 447 nm). A plus basse tempéra-
ture, sur les bordures des taches solaires par exem-
ple, l'hélium peut être détecté par un spectrohélio-
graphe en mesurant une image à une longueur d'onde
de 587.56 nm, exactement sur la raie de l'hélium
avec une solution de 0.02 nm (On admire la réso-
lution du bon monochromateur et donc du spectro-
mètre…) et en soustrayant une autre image prise à
λ = 587.46 nm pour éliminer le rayonnement thermi-
que et visualiser ainsi l'hélium !
Dépendance des raies spectrales observées et de la
température de surface de l'étoile.
L'énergie de ionisation de l'hydrogène correspond à
l'énergie nécessaire pour éjecter un électron depuis
sa couche la plus interne ( n = 1) et lui faire quitter
l'atome, cette énergie est de 13.6 eV ( = 2.18 * 10
-18
J). L'énergie d'un photon est donnée par la relation
d'Einstein par
E
Photon
= h * c / λ
ou h = constante de Planck = 6.63 * 10
-34
J*s;
c = vitesse de la lumière 3 * 10
8
m/s et
λ la longueur d'onde en m.
On peut donc calculer que tous les photons d'une
longueur d'onde inférieure à 91.2 nm pourront ioni-
ser complètement l'hydrogène. Ceci correspond à de
la lumière ultraviolette profonde et à la série de raie
de Lyman.
La possibilité de voir les raies spectrale de la série
de Balmer est fortement liée à la température de sur-
face de l'étoile. Considérons 3 étoiles de température
de surface respective de 3'000; 8'000 et 20'000 K. Si
l'étoile à une température de 3000 K, l'énergie ther-
mique n'est pas assez grande pour porter les atomes
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ème
partie. L'observation du Soleil en H alpha et en Ca K. La chromosphère.
La chromosphère est une couche située à l'exté-
rieur de la photosphère d'une épaisseur de 1000-
3000 km qui est moins dense que la photosphère
et dont la température augmente avec l'altitude de
5000 à 30'000 K.
On l'appelle chromosphère donc "couche colo-
rée" car lors d'éclipse totale de soleil, on aperçoit
un anneau de couleur rose-rouge sur la surface du
soleil à l'extérieur du disque solaire lui-même
définit comme la photosphère. La chromosphère
se situe en dessous de la couronne solaire elle-
même beaucoup plus diffuse, moins dense et en-
core beaucoup plus chaude (T jusqu'à 1'000'000
K).
dans le premier niveau excité ( n = 2), la grande ma-
jorité des atomes sont dans l'état fondamental ( n =
1). Il n'y a donc que très peu d'atome dans l'état exci-
té n = 2 pouvant absorber la lumière de la série de
Balmer, ces raies ne sont donc pas visible ( étoile de
type spectral K, M ).
Pour une température plus élevée ( 8'000 K) la tem-
pérature devient suffisante pour qu'un grand nombre
d'atome soient à l'état excité (n = 2) et que leur élec-
tron puisse passer dans une couche supérieure ( n =
3 (Hα) ; n = 4 (Hβ)), ceci correspond à l'absorption
de photons dans la série de Balmer. Les raies d'ab-
sorption sont alors bien visible (étoile de type spec-
tral A et F ). Lorsque la température de surface de
l'étoile est encore plus élevée, l'énergie d'agitation
thermique devient capable d'ioniser l'hydrogène. A
20'000 K, l'hydrogène est ionisé en grande propor-
tion, il a perdu son électron, les raies d'absorption de
Balmer diminue d'intensité, les transitions ne pou-
vant plus se former que dans une population d'atome
très réduite et donc avec une probabilité beaucoup
plus faible. Donc à mesure que la température de
surface d'une étoile croît, la proportion d'atomes ex-
cités au niveau n = 2 par rapport au nombre total
d'atomes et d'ions commence d'abord par augmenter
pour ensuite diminuer. L'intensité des raies de la sé-
rie de Balmer de l'hydrogène passe par un maximum
pour une température voisine de 10'000 K. Cette in-
tensité est donc un indicateur de la température qui
règne dans le milieu où ces raies se sont formées. Fi-
nalement une raie donnée est d'autant plus intense
que :
- L'élément chimique est abondant
- Que la proportion d'atomes occupant l'état d'éner-
gie qui correspond au niveau de départ de la tran-
sition produisant cette raie est plus élevée.
Seule une modélisation minutieuse de l'atmosphère
d'une étoile et de la distribution spectrale du rayon-
nement qui en émane permet de déterminer les abon-
dances des éléments dont il est possible d'observer
les raies. ( Astrophysique Jean Heyvaerts Dunod
2006).
On observe que les raies spectrales de l'hydrogène
sont particulièrement larges, ceci étant principale-
ment dû à l'effet Doppler dû aux mouvements des
atomes d'hydrogène à ces températures, ainsi qu'à
l'effet des collisions et interactions avec les atomes
et les électrons libres du gaz chaud et également à
l'effet de diffusion quasi-élastique de la lumière sur
les électrons de la couronne (diffusion coronale
quasi-élastique de Thomson). L'origine de la largeur
des raies spectrales est un phénomène complexe dû à
5 effets principaux décrits:
1) La limite quantique dû au principe d'incertitude
de Heisenberg: E * t = h/2π . Les interactions
et processus de collision élastique des photons
avec les électrons ou les atomes déterminent des
échanges d'énergie (dépendant de la pression et
de la densité des électrons libres et des atomes), à
chaque collision de l'énergie est échangée et donc
selon le principe d'incertitude, E va grandir lors-
que t exprime le temps entre chaque collision
(dépend du libre parcours moyen des photons).
En réalité cet effet est principalement négligeable
ici sur le Soleil.
2) L'effet Doppler: La vitesse microscopique des
atomes du fait de la température et la vitesse ma-
croscopique de déplacement de la matière:
convection et éruption
3) La collision des atomes absorbants avec d'autres
atomes d'hydrogène et la perturbation des ni-
veaux énergétiques de transitions (potentiels mo-
difiés, état local de non-équilibre thermodynami-
que), ceci dépend de la température et du libre
parcours moyen entre les atomes d'hydrogène.
4) La diffusion quasi-élastique des photons sur des
électrons libres (Diffusion de Thomson) en parti-
culier sous forme de diffusion dans la couronne
solaire.
5) Le décalage gravitationnel ou red shift des diffé-
rentes couches absorbantes (négligeable ici pour
le soleil)
Fig. 4 – Soleil 1.10.2011 en Ca K λ=393 nm
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En observant le soleil dans l'ultraviolet proche
sur la raie du calcium 1 fois ionisé Ca
1+
(Raie
Ca K ) à une longueur d 'onde λ = 393.3 nm, on
voit bien les zones de facules, les tâches solaires
et la supergranulation (Figure 4) (Photo prise
avec un filtre Ca K de Lunt, bande passante =
0.24 nm, avec lunette Televue NP 101 f = 540
mm, Camera DMK 41 + superposition de 50
images dans Registax, exposition 1/5000 s ). La
couche observée à cette longueur d'onde corres-
pond à la basse chromosphère, directement supé-
rieure à la photosphère. On observe que la gra-
nulation est plus grosse que sur la photosphère
dans le visible (2-4 x plus grosse), on parle de
supergranulation, ceci étant probablement dû à
la coalescence des cellules de convection au-
dessus de la photosphère comme les bulles de
mousse dans une chope de bière qui fusionnent
pour grossir vers la surface. Les tâches et les fa-
cules ressortent avec un excellent contraste.
Les couches à plus haute altitude de la chromos-
phère sont rendues visibles par les filtres permet-
tant de sélectionner la raie de l'hydrogène H al-
pha à 656.3 nm dans le rouge. Pour obtenir un
bon contraste ces filtres doivent avoir une bande
passante < 0.08 nm, ce qui n'est rendu possible
que grâce à l'utilisation d'étalon interférométri-
que de type Pérot –Fabry sur le trajet optique de
la lunette. Actuellement les marques Coronado
et Lunt se partage le marché des filtres et lunet-
tes permettant de visualiser le soleil en H alpha
sans restriction sur le rapport f/D de la lunette.
D'autres filtres thermorégulés sont proposés,
entre autre par Baader, mais ils sont limités à
des rapports focale/Diamètre > 25-30 ce qui est
très contraignant.
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Les images de ce chapitre, ont été obtenues avec
une petite lunette Lunt de 60 mm de diamètre,
de focale f = 500 mm avec un système d'ajuste-
ment de l'interféromètre par "pressure tuning" .
Dans cette lunette l'interféromètre Perot-Fabry
est de petit diamètre à l'intérieur de la lunette ce
qui diminue le coût par rapport aux filtres exté-
rieures sur l'avant des lunettes. Cet interféromè-
tre se situe dans une cavité qui peut être mise en
légère surpression par un piston à vis. Ceci
change légèrement l'indice de réfraction de l'air,
donc la vitesse de propagation de la lumière et
permet d'ajuster la longueur d'onde λ de la bande
passante de l'interféromètre.
La première lentille de la lunette est équipée d'un
filtre de réjection UV et IR, puis les rayons lumi-
neux traversent le doublet, puis l'interféromètre
Perot-Fabry, puis le renvoi coudé qui comprend
un filtre passe-bande permettant de sélectionner
une des très fines bandes de transmission de l'in-
terféromètre correspondant à l'hydrogène alpha.
Les figures 5 et 6 nous montrent le soleil en H
alpha, lors du réveil de son activité le 21 juin et
le 1 octobre 2011.
Figure 6
Figure 5
Les figures 5 et 6 nous montrent le Soleil en H alpha, lors du réveil de son activité le 21 juin et le 1 octobre 2011.
Figure 7 – Les images coronographiques du soleil nous montrent l'activité des éruptions solaires (17 août 2011) sur le pourtour
de la chromosphère, ces images sont obtenues par des temps de poses 20-40 x plus longues et l'occultation du disque solaire
lui-même (Figure 7).
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