Pourquoi identifier les demandeurs d`asile vulnérables ?

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Pourquoi identifier les demandeurs d’asile vulnérables ?
1. Parce que c’est une obligation légale
Enjeux et difficultés :
Dès 2003 et la première directive européenne sur l’accueil, l’Union européenne prévoyait la prise en charge des
personnes vulnérables ayant des besoins particuliers en matière d’accueil et de procédure. Cependant, l’accès à
ces garanties supplémentaires n’est possible que dès lors que la personne demandeuse d’asile est identifiée
comme ayant besoin de bénéficier de ces garanties. Or, pendant la première phase du régime d’asile européen
commun, aucun mécanisme n’était prévu pour identifier ces personnes qui, en conséquence, ne pouvaient
jamais faire valoir leurs droits.
Apports de l’identification :
La nouvelle directive sur l’accueil oblige les Etats membres à mettre en place une procédure d’identification des
personnes vulnérables ayant des besoins particuliers en matière de procédure ou d’accueil (article 22). Cette
identification obligatoire vise à permettre l’accès concret et non plus théorique des demandeurs d’asile
vulnérables aux garanties spécifiques auxquelles ils ont droit en matière procédurale et d’accueil (article 21).
L’identification est particulièrement nécessaire dans le cas des victimes de torture et plus généralement les
personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique : en effet, ce type de vulnérabilité est bien souvent
invisible pour les intervenants sociaux et les agents de l’administration, dont l’Ofpra. Une telle procédure
d’identification sera mise en place dans les Etats membres dans les deux ans de la transposition de la directive.
Des initiatives en ce sens ont été lancées dans de nombreux autres Etats.
2. Parce que cela améliore la qualité des décisions et réduit les délais de procédure
Enjeux et difficultés :
Les demandeurs d’asile souffrant de trouble de stress post-traumatique font face à des difficultés particulières
dans le cadre de la procédure d’asile. En effet, ils manifestent bien souvent un ou plusieurs symptômes
particulièrement handicapants : pertes de mémoire, difficultés de concentration, évitement du souvenir des
évènements traumatisants, douleurs physiques divertissant l’attention des problématiques psychologiques,
fatigue mentale plus importante.
L’impact sur leur procédure d’asile est considérable. Tant dans la rédaction de leur récit de vie qu’à leur
entretien, voire leur audience à la Cour nationale du droit d’asile, ces personnes sont souvent dans l’incapacité
de se rappeler, voire de simplement faire référence, aux éléments parfois les plus déterminants de leur
demande d’asile, tels que des épisodes de torture ou de viol. Leur récit est souvent dénué de cohérence sans
référence temporelle ou spatiale précise, ni explication logique de leur parcours depuis leurs craintes de
persécution à leur fuite et à peine étayé par des motivations laminaires occultant
la réalité de leur demande de protection. Leur crédibilité est souvent sérieusement questionnée par l’Ofpra et
la CNDA. La procédure s’en trouve souvent rallongée, en raison d’un rejet Ofpra probable, voire dans les cas de
réexamen.
Nombre de ces personnes peuvent n’être jamais clairement identifiées, ni soulagées de leurs symptômes, les
exposant à un accompagnement socio administratif non adapté, voire à une exclusion de la prise en charge, et
le cas échéant un rejet de la demande d’asile, sans que la demande de protection ait été comprise. D’une
manière générale, la non-identification de leurs besoins particuliers conduit à les faire passer complètement « à
côté » de leur procédure d’asile.
Apports de l’identification :
Une identification (précoce) des besoins particuliers des personnes vulnérables permettra de :
- Orienter rapidement les personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique vers une prise en
charge psychologique1 ;
- Soulager ces personnes vulnérables d’une partie de leurs symptômes ;
- Leur permettre de travailler sur leur traumatisme, favorisant la révélation des épisodes traumatiques
au plus tôt de la procédure ;
- Etayer de manière précise, circonstanciée et solide leur récit de vie ;
- Prévoir les entretiens Ofpra au moment et dans les conditions les plus adaptées pour la discussion de
leur récit de vie et éviter les renvois ou les absences ;
- Cibler et adapter les entretiens Ofpra sur les évènements souvent déterminants liés au traumatisme,
- Démarrer au plus tôt la réhabilitation des victimes
 L’identification des personnes vulnérables est nécessaire pour une procédure JUSTE et ÉQUITABLE.
3. Parce que cela améliore la relation d’accompagnement
Enjeux et difficultés :
Pour les personnes accompagnant au quotidien des demandeurs d’asile, la non-identification des personnes
vulnérables conduit à de grandes difficultés en matière d’accueil et de suivi. En effet, bien que les travailleurs
sociaux soient formés à la prise en charge des personnes en difficulté sociale et psychique, l’identification des
personnes souffrant de troubles de stress post-traumatique suppose une formation spécifique. Par ailleurs, de
nombreux symptômes peuvent être soit invisibles ou muets, soit confondant avec d’autres pathologies qu’ils
peuvent plus fréquemment rencontrer, comme la dépression, dont les effets particuliers sont différents de ceux
des troubles de stress post-traumatique.
La relation entre l’intervenant et le demandeur d’asile peut être conflictuelle, sujette à de nombreuses
incompréhensions et peu satisfaisante pour les deux parties. L’assistance juridique peut être éprouvante en
raison des difficultés à se remémorer les évènements ou du refus de les évoquer. L’orientation médicale peut
ne pas inclure le suivi psychologique, les intervenants sociaux n’étant pas formés et parfois réticents, à la
détection des symptômes de troubles mentaux. L’hébergement est davantage compliqué, car les demandeurs
d’asile peuvent être orientés vers des logements en cohabitation, potentiellement source d’insécurité pour
certaines personnes vulnérables. La vie quotidienne peut s’en trouvée très perturbée, les relations sociales
1
Il a été démontré lors d’une recherche action réalisée avec Parcours d’exil en 2009 avec des CADA, que même en cas de difficulté
dans l’accès à l’offre de soins suite à l’identification, le simple fait d’avoir entamé une approche relative à la santé et d’avoir repérer
avec la personne un risque de vulnérabilité permet de mobiliser des solutions, mêmes complexes, longues à développer ou
imparfaites, mais qui améliorent malgré tout l’accompagnement.
pouvant être marquées par les manifestations du trouble de stress post-traumatique. France terre d’asile
dispose de multiples exemples de cas de demandeurs d’asile qui ne verbalisaient pas de souffrance particulière,
jusqu’à ce qu’ils tentent de se blesser ou de s’ôter la vie – ce type d’évènement dramatique
étant justement potentiellement traumatisant pour le personnel accompagnant et se terminant par l’exclusion
de la prise en charge du demandeur d’asile. Enfin, et cet enjeu reste le plus important, sans identification un
nombre important de personnes affectées par un trouble de stress post-traumatique restent en souffrance
profonde sans être jamais traitées et soulagées.
Apports de l’identification :
Une identification (précoce) des besoins particuliers des personnes vulnérables suivi d’une évaluation positive
permettra de :
- Orienter rapidement les personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique vers une prise en
charge psychologique ;
- Soulager ces personnes vulnérables d’une partie de leurs symptômes ;
- Adapter le comportement des intervenants sociaux aux problématiques rencontrées par ces personnes
- Accorder davantage de temps à l’accompagnement juridique et la rédaction du récit de vie, favorisant
la coopération avec le personnel psychologue, afin de faire émerger les enjeux de la demande d’asile dans un
cadre non menaçant ;
- Si nécessaire, permettre un hébergement en logement individuel dans un environnement sécurisant ;
- Si nécessaire, augmenter le nombre de visites à domicile pour s’assurer que les besoins des personnes
vulnérables sont bien pris en compte ;
- Si nécessaire, accompagner les personnes dans certaines activités telles que leur rendez-vous en
préfecture ;
- Démarrer au plus tôt la réhabilitation des victimes de torture
- pour les personnes qui seront reconnues réfugiées, permettre leur intégration dans la société dans des
conditions stables.
 L’identification des personnes vulnérables est nécessaire pour un accueil ADAPTÉ et SÉCURISANT
favorisant la réhabilitation.
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