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DOSSIER
e
En juillet 2007, un mois avant
que la crise des
subprimes
ne
s’exporte des USA en bloquant le
marché interbancaire internatio-
nal, la Commission européenne
présentait le cadre de la régle-
mentation Solvency 2 pour les
compagnies d’assurance conçu
comme une mise à jour majeure
des dispositions de Solvency 1.
Datant des années soixante-dix,
Solvency 1 ne s’intéressait qu’aux
exigences en capital permettant
de couvrir les risques liés au pas-
sif des compagnies d’assurance.
La réglementation reposait sur
une approche assez simpliste
d’exigence de fonds propres à
partir des données comptables
et laissait de grandes marges
de manœuvre aux régulateurs
nationaux pour adapter le cali-
brage du capital minimum de sol-
vabilité. Solvency 2 adopte une
approche bien plus ambitieuse :
elle s’appuie sur les facteurs de
LES ImpactS DE SOLvEncy 2
SuR LES InvEStISSEmEntS
ImmObILIERS
Si Solvency 2 traite relativement bien l’immobi-
lier par comparaison aux actions ou aux obliga-
tions, la réglementation considère l’immobilier
coté comme un risque action, ce qui favorise
d’autres investissements (fonds non cotés,
immobilier physique). Ce que l’on peut regret-
ter car les REITs européens, comme les SIIC en
France, ont montré leur capacité à accompagner
les entreprises européennes dans l’externalisa-
tion de leur patrimoine immobilier et l’optimisa-
tion de leurs capitaux investis.
autEuR
Pierre Schoeffler
ImmObILIER cO LES ImpactS DE SOLvEncy 2 SuR LES InvEStISSEmEntS ImmObILIERS
risque économiques et financiers
affectant l’actif et le passif des
compagnies d’assurance, elle in-
tègre une dimension prospective
de
value-at-risk
mitigée d’une ap-
proche de diversification de por-
tefeuille et, enfin, elle est censée
s’appliquer uniformément à tous
les pays de l’Union européenne.
En revanche, elle ne s’appli-
quera pas aux fonds de pension
et la France, qui ne dispose pas
de fonds de pension mais d’un
système d’assurance-vie pour
l’épargne retraite privée, sera
particulièrement impactée par la
mise en œuvre de Solvency 2.
25% DE fOnDS pROpRES
pOuR L’ImmObILIER
Solvency 2 traite relativement
bien l’immobilier. D’abord parce
que l’immobilier est considéré
comme une classe d’actif à part
entière alors qu’il ne pèse que de
3 à 10 % dans les portefeuilles des
compagnies d’assurance euro-
péennes, la France étant plutôt
dans le bas de la fourchette. Ceci
signifie concrètement que, dans
le modèle standard de Solvency 2
(les compagnies d’assurance qui
le désirent pouvant adopter un
modèle interne plus sophisti-
qué), l’investissement en immo-
bilier est doté d’une exigence
spécifique en fonds propres de
couverture. Cette exigence est
fixée à 25 % de l’exposition, elle
correspond à un
value-at-risk
sur un an avec une probabilité
de 0,5 %. Cette mesure, cohé-
rente avec l’observation des prix
de l’immobilier d’entreprise au
Royaume-Uni qui a servi au cali-
pIERRE ShOEffLER
ESt pRéSIDEnt
DE S&paRtnERS
Et SEnIOR aDvISOR DE
L'InStItut DE L'EpaRgnE
ImmObILIèRE Et fOncIèRE
(IEIf).
Il a commencé une carrière de
chercheur en mécanique des fluides
avant de rentrer au Crédit Commercial
de France comme stratégiste de
portefeuille. Il est progressivement
nommé responsable de la gestion
Actif-Passif de la banque et prend
la direction du département
d'études économiques et d'analyses
financières.
En 1990, il quitte le CCF pour
fonder la succursale parisienne
de la banque suédoise Svenska
Handelsbanken qu’il quitte en 2004
pour fonder S&Partners, société de
conseil en allocation stratégique
d’actifs financiers et alternatifs dont
l’immobilier.
Pierre Schoeffler est ingénieur
diplômé de l'École polytechnique
ainsi que de l'École nationale de la
Météorologie.
pROpERty
InvEStmEnt
anD SOLvEncy 2
Solvency II is a major update of
Solvency I, being undertaken by
the European Commission in July
2007, to the regulation applying to
the European insurance industry.
Solvency II takes a forward-looking
value-at-risk and economic
approach of the solvency capital
requirement encompassing the
risk factors affecting the liabilities
as well as the assets. Property
investment is relatively well treated
under Solvency II. It is recognized
as a full-fledged asset class with
an equity requirement of 25 %,
intermediate between stocks and
bonds, and a significant capacity of
risk diversification in combination
with bonds. Indirect property is
treated as property if the investment
vehicle is unlisted and designed
with a limited financial leverage,
otherwise it is treated as a private
equity investment. Listed property is
treated as a stock market risk.
Pierre Shoeffler
www.revueanalysefinanciere.com
octobre novembre décembre 2012 anaLySE fInancIèRE n° 45
45
La date de mise en application
a été préliminairement fixée à
début 2013 mais il est probable
qu’elle soit repoussée. La moro-
sité économique ambiante en
Europe justifie en effet une
incitation à investir dans les
entreprises, immobilières ou
industrielles, alors que la baisse
des taux d’intérêt a tendance à
augmenter la valeur du passif
des compagnies d’assurance et
à réduire par conséquent leur
assiette en fonds propres. Il
apparaît de plus en plus que cet
aspect pro-cyclique de la régle-
mentation est très pénalisant
pour la croissance.
C’est d’autant plus dommageable
que les sociétés d’investissement
en immobilier coté dotées de la
transparence fiscale (les “REIT”
ou en français les “SIIC”) ont
montré leur capacité à accompa-
gner les entreprises européennes
dans l’optimisation de leurs capi-
taux investis en leur permettant
d’externaliser leur patrimoine
d’immobilier d’exploitation dans
de bonnes conditions. Les SIIC
sont actuellement le principal
investisseur institutionnel en im-
mobilier en France avec plus de
100 milliards de patrimoine im-
mobilier sur un total de 240 mil-
liards détenus par les investis-
seurs financiers. Il semble parti-
culièrement contre-productif de
pénaliser ce secteur à l’heure où
la productivité du capital comme
celle du travail est un élément-
clé d’amélioration de la compé-
titivité et de dynamisation de la
croissance potentielle.
M
brage, est vraisemblablement
plus faible en Europe continen-
tale. Par comparaison, les obliga-
tions sont dotées d’une exigence
en fonds propres de l’ordre de 6 à
12 % selon la duration et le risque
de crédit, les actions cotées
d’une exigence de l’ordre de 40 %
et le
private equity
une exigence
de l’ordre de 50 %. L’immobilier
est également doté d’un certain
pouvoir de diversification : sa
corrélation avec les actions est
considérée égale à 75 % et sa cor-
rélation avec les obligations est
considérée égale à 50 % en cas de
baisse des taux d’intérêt et de 0 %
en cas de hausse des taux. Cette
décorrélation avec les obliga-
tions en période de marché bais-
sier, avérée de fait dans tous les
pays avancés, procure un avan-
tage indéniable à l’immobilier,
surtout dans la configuration do-
minante en France des contrats
d’assurance-vie en euros qui sont
très investis en obligations.
Les fonds immobiliers sont
considérés comme de l’immobi-
lier à condition qu’ils fassent ap-
pel à un levier financier modéré,
de l’ordre de 25 % au maximum
en termes de
loan-to-value
, sinon
ils sont considérés comme du
private equity
. Si ces fonds ont
une caractéristique de
collective
investment vehicle
, autrement
dit s’ils font appel à l’épargne
publique, une approche de
look-
through
est appliquée et les com-
posantes du fonds sont traitées
indépendamment. L’immobilier
coté est considéré comme un
risque action. Le fait que la per-
formance à moyen et long terme
de l’immobilier coté suive celle
de l’immobilier physique n’est a
priori pas reconnu dans la logique
d’un horizon de la
value-at-risk
à
un an. Au final une compagnie
d’assurance désireuse d’investir
dans de l’immobilier aura inté-
rêt à investir dans des fonds non
cotés dotés d’un levier financier
supérieur à 50 % (l’exigence de
50 % s’appliquant à la proportion
de fonds propres du fonds, soit
moins de 50 % de l’exposition en
immobilier, l’exigence finale est
inférieure à 25 % de la valeur du
patrimoine immobilier) ou dans
des sociétés immobilières co-
tées dotées d’un levier financier
supérieur à 40 % (en appliquant
le même raisonnement que pré-
cédemment) ou, le cas échéant,
dans de l’immobilier physique
ou des fonds non cotés dotés
d’un levier de 25 % maximum. Le
résultat semble paradoxal dans
la mesure où l’investissement en
immobilier indirect à fort effet de
levier nécessite moins de fonds
propres en couverture.
unE appROchE
pénaLISantE pOuR
La cROISSancE
En France, l’immobilier coté ne
représente que 10 % environ de
l’exposition en immobilier des
compagnies d’assurance, soit
4 milliards environ pour une
capitalisation boursière totale
de l’immobilier coté de plus de
40 milliards. C’est sans doute
un étiage qui ne devrait pas se
réduire car l’immobilier coté dé-
tient d’autres vertus, en particu-
lier sa liquidité. Cette proportion
autEuR
Pierre Schoeffler
ImmObILIER cO LES ImpactS DE SOLvEncy 2 SuR LES InvEStISSEmEntS ImmObILIERS
DOSSIER
octobre novembre décembre 2012 anaLySE fInancIèRE n° 45
est loin d’être optimum en termes
d’allocation de portefeuille car
une combinaison d’immobilier
physique et d’immobilier coté
en proportion plus équilibrée est
particulièrement intéressante
pour optimiser la rentabilité ajus-
tée du risque. Mais l’approche
standard de Solvency 2 reste as-
sez frustre comme tout approche
standard.
Le calibrage de Solvency 2 est
toujours en cours. Depuis 2007,
cinq études d’impact quantitatif
ont été menées par le régulateur
européen des compagnies d’as-
surance (
European Insurance
and Occupational Pensions Au-
thority
) en liaison avec les fédé-
rations nationales.
Les fonds
immobiliers
sont considérés
comme de
l’immobilier,
à condition
qu’ils fassent
appel à un
levier financier
modéré, de
l’ordre de 25 %
au maximum
en termes de
loan-to-value”
,
sinon ils sont
considérés
comme du
“private
equity”
.
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