UTILISATION DES PRODUITS PHYTOSANITAIRES 1) Que traiter l’hiver et pourquoi? Les traitements d’hiver vont essentiellement concerner les arbres fruitiers. L’hiver est une saison calme, les arbres, ainsi que les insectes et les maladies sont en repos. Nombre de parasites hivernent sur les troncs et branches des arbres fruitiers ou dans le sol. Les beaux jours venus, ils se réveillent et abîment les feuilles et les rameaux, ou dégradent les fruits. C’est le moment d’intervenir de manière préventive afin de lutter contre certains ravageurs (pucerons, cochenilles, carpocapses…) et champignons (cloque, monilia...). Ces derniers apparaissent dès le printemps suivant. Les conditions météorologiques jouent un grand rôle dans l’apparition des maladies. Un hiver doux et humide, génère une virulence accrue des maladies, associée à un démarrage hâtif de la végétation. Sans abus et avec parcimonie! Tenez compte des conditions de culture des plantes avant de sortir le pulvérisateur, comme un bon médecin adapte le traitement d’une maladie à chaque patient. N’oubliez pas que même sans danger pour la santé d’une plante, un insecticide « bio » peut détruire un large spectre d’insectes, donc perturber un équilibre. 2) Les soins préliminaires: Ramassage des feuilles mortes Si ce n'est déjà fait à cette époque de l'année, ratissez sous les arbres fruitiers pour ramasser les feuilles mortes, et brûlez ces dernières si l'arbre portait des maladies. Dans le cas contraire, elles peuvent enrichir le compost ou servir de paillage une fois broyées, pour le potager. Après le ramassage des feuilles, profitez-en pour désherber autour du tronc sur 1 mètre environ. Faites-le manuellement n'employez pas de produits chimiques, griffez légèrement le sol en surface, puis ajouter 1cm d’épaisseur de compost. Curetage Curetez les parties chancreuses sur vos arbres fruitiers en grattant au moyen d’un greffoir ou d’un canif propre et désinfecté. De préférence par temps sec, il s’agit d’enlever tous les tissus malades, jusqu’à atteindre les parties saines. Badigeonnez ensuite soigneusement les plaies avec un mastic à greffer cicatrisant. Sur de petites plaies, pulvérisez un produit à base de cuivre. Pensez à bien désinfecter les outils de taille, particulièrement les lames. Suppression des fruits momifiés Il est impératif d’enlever les fruits momifiés sur l'arbre. Ils constituent un foyer d'infection important, qui pourrait causer l'apparition de maladies (monilia, chancre), et le développement de ravageurs (cochenilles, vers des fruits…) la saison prochaine. Tous ces fruits doivent quitter le verger ou bien être brûlés. Brossage de l'écorce Le brossage des troncs et des grosses branches charpentières élimine la mousse et les lichens qui abritent larves et œufs d’insectes (cochenilles, pucerons, vers des fruits…). Grattez l'écorce du tronc et des branches à l'aide d'une brosse à « chiendent » ou une brosse métallique (dans ce cas ne pas être trop brutal). On peut couper les branches mortes lors de cette intervention. 3) Les produits de traitements: Le lait de chaux: Composition et action du lait de chaux La chaux y étant en excès, la solution est de couleur blanche comme le lait. Le lait de chaux appliqué sur le tronc des arbres est un excellent antiseptique qui détruit les larves des parasites nichant sous l'écorce des arbres fruitiers (araignées rouges, pucerons, larves de papillons…), ainsi que les champignons microscopiques, qui y passent également l'hiver en attendant de développer, à la saison, les redoutables maladies cryptogamiques (tavelure, cloque, moniliose, chancre...). On le trouve soit en bidon prêt à l'emploi sous le nom de "Blanc arboricole". Ou bien, on peut le préparer en mélangeant de la chaux éteinte avec de l’eau (attention aux projections!) Application Travailler un jour sans vent et sans pluie (qui compromettrait la fixation sur le bois). Le badigeon de chaux s'applique à la brosse ou au pinceau large, sur un tronc préalablement brossé. Passer si nécessaire une deuxième couche avant que la première ne soit complètement sèche. Une application tous les 2 ans au milieu de l'hiver sur les troncs pré brossés et jusqu'aux premières branches charpentières, constitue une protection efficace. On l'applique aussi sur les parois en verre des serres pour baisser la luminosité en période estivale. La bactériose ou chancre bactérien, est une maladie causée par des bactéries du genre Pseudomonas, surtout présente sur abricotiers et amandiers. Elle entraîne des points de gomme sur les rameaux atteints ou la mort des bouquet floraux. La progression rapide de ces lésions au court du printemps peut aboutir à la destruction partielle ou totale des arbres ou à la formation de chancres importants sur le tronc ou les charpentières. La pluie, le froid, les paies de taille et le stress hydrique sont des facteurs favorables au développement de cette maladie. Écoulement de gomme sur abricotier Lutte: badigeon à base chaux, purin de consoude (antiseptique), de prêle. Bouillie bordelaise: Composition de la bouillie bordelaise: La bouillie bordelaise est un fongicide fabriqué par une solution de sulfate de cuivre et de la chaux éteinte. Elle contient 20 % de cuivre (exprimé en cuivre métal). Pour garantir un meilleur effet mouillant on y ajoute du savon noir naturel, qui va permettre un étalement plus large du liquide sur le végétal. Elle est souvent vendue sous forme de poudre micronisée mouillable (de couleur bleue ou incolore). Mouillant: produit améliorant l’adhérence et l’étalement des matières actives sur le végétal, tout en limitant la dérive du produit. Sulfate de cuivre utilisé pour la préparation de la bouillie bordelaise Contre quelles maladies agit-elle? La bouillie bordelaise s'utilise pour protéger les vignes du mildiou, traiter ou limiter certaines maladies cryptogamiques (cloque du pêcher, tavelure, chancre…), traiter quelques maladies bactériennes (bactérioses…). Symptôme sur feuille de vigne Application La bouillie bordelaise ne protège que ce qu'elle couvre. On peut la mélanger avec du savon noir ou de l'huile de colza (mouillants) afin d’améliorer la tenue du traitement sur les branches. Huile et savon ont l'avantage et l'inconvénient de tuer nuisible et auxiliaires (altises, pucerons, aleurodes…). Les traitements sont seulement préventifs, et doivent être réalisés avant la pluie. Il faut recommencer le traitement dès qu'il a été lessivé. Altise Aleurode Le soufre: Cette substance naturelle, utilisée principalement contre l'oïdium, a également une action efficace contre les acariens (araignée rouge) et contre la tavelure. A utiliser quand la température est inférieure à 30°. On lui reproche de causer des dommages à la faune auxiliaire, entre autres acariens prédateurs et larves de coccinelles. Conseil Pour qu’un traitement soit efficace, il doit être en contact avec toutes les parties de la plante. Orientez le jet sous les feuilles et entre les tiges en tournant autour de la plante, lentement. Modifiez les réglages pour ajuster la puissance du jet: plus douce à proximité, plus ferme pour atteindre le haut des branches d’un fruitier. A la fin du traitement, la plante doit ruisseler. Sécurité: Un usage répété de la bouillie bordelaise conduit à une accumulation du cuivre dans le sol, car ce métal ne se dégrade pas, hormis en milieu acide, et est conservé dans le sol. Elle est à très faible dose très toxique pour les mousses, lichens et algues. Son utilisation pendant la période floraisonnouaison est à proscrire car elle provoque la coulure des fruits. C’est un produit irritant pour les yeux et par contact avec la peau. Le contact avec les yeux doit être évité (risque de lésions oculaires graves). Un peu d’histoire: Le mildiou est une petite moisissure qui attaque les organes de la vigne, surtout les feuilles et les raisins. Il fut constaté pour la première fois dans le sud-ouest en 1878, sans que les scientifiques trouvent rapidement un remède. Alexis Millardet, professeur de botanique à la faculté des sciences de Bordeaux, au cours d'une sortie en Médoc en octobre 1882 fut étonné de la belle venue des vignes en bordure de la route. Or, en Médoc on avait pris l'habitude de répandre un mélange de sulfate de cuivre et de chaux sur les ceps de vigne en bordure des routes pour dissuader les maraudeurs qui volaient les raisins. La bouillie bordelaise pour lutter contre le mildiou était née! La moniliose (Monilia laxa ou Monilia fructicola) touche tous les arbres fruitiers. Elle attaque fleurs, rameaux et fruits. Elle se développe dès le gonflement des bourgeons. La fleur (ou le bouquet floral) envahie par Monilia se dessèche (elle apparaît comme gelée) et reste accrochée à la branche. Le champignon peut ensuite remonter dans le rameau. Des chancres et un écoulement de gomme se développent sur les rameaux. Monilia sur fleurs avec apparition de chancre Monilia sur pêche Pomme atteinte de monilia Les fructifications du champignon sur les fleurs ou les chancres donnent des spores pouvant infecter ensuite les fruits sains plus tard en saison. Il se développe à leurs surfaces, des taches concentriques et poudreuses, grises ou beiges. Les fruits pourris non récoltés sèchent et se momifient. Ce sont ces momies, restées sur l’arbre ou tombées au sol, et les chancres sur rameaux qui constituent l’inoculum d’infection pour l’année suivante. Lutte : bouillie bordelaise, purin de prêle et élimination des fruits atteints. Monilia sur prunes La tavelure (Venturia inaequalis) attaque feuilles et fruits. Les jeunes feuilles sont sensibles dès leur apparition jusqu'à l'âge de 8 jours environ; en vieillissant, elles perdent graduellement leur sensibilité à la tavelure. Les fruits sont parsemés de croûtes brun-noir, de crevasses et tombent. Lutte : Effectuer une bonne taille afin de favoriser l'aération ou le séchage du feuillage plus rapide et une bonne couverture des fongicides. En prévention, bouillie bordelaise à partir du débourrement jusqu’à l’apparition des boutons floraux, si le temps est humide. Tavelure sur feuille de pommier Tavelure sur poire Ascospores du Venturia inaequalis Stade bouton rose du pêcher La cloque (Taphrina deformans) attaque les feuilles et les jeunes rameaux des arbres à noyaux (pêcher, amandier) en les déformant. Les tiges sont tordues, les feuilles, boursouflées et rougeâtres, tombent. Lutte : bouillie bordelaise (ou décoction de prêle et d’ail) à la chute des feuilles, et au printemps, un traitement dès le gonflement des bourgeons (avant l’apparition de la pointe verte pour les bourgeons à bois) et un autre traitement à l’apparition des boutons roses (pour les bourgeons à fleurs). A effectuer en fonction des variétés qui ont chacune des dates de floraisons spécifiques. Le carpocapse (Cydia pomonella) est un papillon nocturne, dont les femelles pondent sur les fruits sains, et la chenille pénètre par un point quelconque. La larve creuse principalement les pommes et les poires. Elle affectionne particulièrement les pépins. Le trou de sortie de la larve se remarque par l'accumulation de déjections. Lutte: Il est possible d'installer des bandes pièges (carton ondulé) d'une vingtaine de centimètres de large sur les troncs des pommiers (à plus de 20 cm du sol). Ces bandes capturent les larves de carpocapses qui cherchent un abri pour se métamorphoser. Il faut installer les bandes dès le mois de juin et les maintenir sur place jusqu'à la fin de la chute des feuilles pour ensuite les détruire, en les brûlant par exemple. Larve de carpocapse Les huiles: Huile de pétrole, huile de paraffine et de colza sont des insecticides efficaces pour lutter contre les cochenilles et œufs d’insectes durant le repos végétatif des arbres fruitiers. Action Elles asphyxient rapidement les insectes et leurs œufs, en les recouvrant d’une pellicule imperméable. Elles peuvent aussi réagir avec les acides gras du corps de l'insecte, interférer avec son métabolisme et agir comme poison. Elle a aussi un effet répulsif qui décourage la ponte, entre autres, chez les aleurodes. Composition La concentration recommandée pour toutes les huiles est de 2% (2 litres d'huile dans 100 litres d'eau). Une plus forte concentration n'est pas plus efficace et peut brûler le feuillage dans le cas d’une utilisation en saison. Certains auteurs recommandent d'ajouter du savon pour que l'huile agisse plus rapidement. Le savon a tendance à dessécher l'insecte alors que l'huile le suffoque. Les concentrations à utiliser sont alors de 1% d'huile et 1% de savon (1 litre d'huile et 1 litre de savon dans 100 litres d'eau). Le purin de prêle: Recette de la décoction de prêle : faire tremper 1 kg de tiges de prêle finement coupées dans 10 litres d'eau. Faire bouillir 30 minutes et laisser refroidir au moins 12 heures. Utiliser en pulvérisation diluée à 20%. Astuce: Si on trouve beaucoup de prêles sur un terrain, on peut sonder pour installer un puits : la prêle est indicatrice d'eau affleurante. Prêle En décoction (aussi appelée purin), la prêle a un effet préventif et curatif sur plusieurs maladies cryptogamiques : cloque du pêcher, mildiou, monilia, oïdiums, tavelures, rouille, maladie des taches noires sur le rosier, botrytis,... En fin de chute des feuilles, pulvérisez du purin de prêle (1 volume pour 9 volumes d’eau). La prêle est utilisée en agriculture biodynamique depuis le début du 20ème siècle. Très riche en silice, elle aurait le pouvoir de renforcer les défenses des plantes, en particulier pendant les périodes pluvieuses. Sources ● Le Truffaut du jardin écologique éditions Larousse 2008 ● Protection intégrée des fruits à noyau de Jean Lichou éditions Ctifl 2001 ● La culture fruitière de Michel Gautier éditions TEC&DOC 2001