LES MUSIQUES ACTUELLES EN aQUITAINE Naturellement liées aux innovations technologiques, sociales, économiques et culturelles, les musiques actuelles regroupent des esthétiques et des pratiques en mouvements constants (musiques amplifiées, musiques électroniques, jazz, musiques traditionnelles, musiques du monde, etc.). Elles témoignent d’une société plurielle et embrassent toutes les générations et les milieux sociaux. Selon le Ministère de la Culture, elles représentent 95 % des pratiques musicales des français. Cet immense phénomène découle également des interactions permanentes entre les professionnels et les amateurs, de la convergence d'une grande exigence et d'une ambition de culture populaire, ainsi que de la multiplicité de ses acteurs. La diversité des œuvres et des projets rappelle ainsi que les musiques actuelles sont historiquement créatrices de lien social et source d’une grande vitalité culturelle et économique des territoires. 1 Réseau Aquitain des Musiques Actuelles Fédération des Éditeurs et Producteurs Phonographiques Indépendants d'Aquitaine 3 Aquitaine Groupement d'Employeur Culture 2 Le secteur des musiques actuelles représente 500 à 600 opérateurs en Aquitaine, à la fois producteurs et éditeurs phonographiques, organisateurs de spectacles, développeurs d’artistes, structures de formation ou d’apprentissage artistique, lieux de diffusion, distributeurs d’œuvres musicales, médias... soit un système très diversifié d’opérateurs. Ce système est dominé par de petites structures agissant dans le champ de l’économie sociale et solidaire et dans un schéma économique hybride, combinant économie de marché, subventions et bénévolat. En ce sens, il offre un terrain d’expérimentations pour une économie innovante et contributive, dans laquelle la part de l’engagement bénévole est parfois déterminante, et « coopétitive », comme en témoignent les mutualisations de ressources mises en œuvre. Ce profil sectoriel souligne l’importance de l’organisation et de la structuration collectives des opérateurs, engagées depuis quelques années (RAMA 1 , FEPPIA 2 , AGEC 3 ). LE RÉSEAU AQUITAIN DES MUSIQUES ACTUELLES (RAMA) ET SES ADHÉRENTS Le RAMA accompagne la structuration et le développement des musiques actuelles en Aquitaine. Il travaille à la mise en réseau des opérateurs de musiques actuelles et à la co­construction des politiques publiques (Culture, Économie Sociale et Solidaire, Développement Durable, ...). Il conduit des actions concrètes : accompagnement, mutualisation de moyens, travaux d’ingénierie et de conseil, tant à destination des opérateurs que des collectivités territoriales. A ce jour, il rassemble 42 structures adhérentes (lieux de diffusion, labels, festivals, centre de formation, locaux de répétitions, studios, développeurs d'artistes...) réparties sur l'ensemble de l'actuel territoire Aquitain. La diversification de nos adhérents se fait progressivement, autour de valeurs et d'objectifs partagés. Très majoritairement associatifs, ce sont tous des TPE. Malgré une sur­ représentation logique de la Métropole bordelaise, ils reflètent la dynamique du réseau et son maillage territorial : "Les activités de votre organisation se déroulent plutôt ?" Milieu urbain Cartographie des adhérents du RAMA Milieu péri­urbain Milieu rural Zones "en difficultés" Ces acteurs participent, dans tous les segments de la filière, à construire l’intérêt général par la vitalité de leurs projets artistiques et culturels. Ils composent une mosaïque, particulièrement efficiente à long terme, qui s’appuie sur trois principes fondamentaux : • l’ancrage territorial des projets, des emplois et de la relation aux personnes, • l’hybridation économique (marché, subvention, bénévolat), • la transversalité de l'action et de la gouvernance. Avec un budget cumulé de plus de 20 millions d'euros, ces acteurs ont un véritable impact économique et social sur les territoires Répartition des types de contrat chez les adhérents du RAMA en 2014 CDI CDD CUI/CAE Contrat d'avenir Contrat d'alternance • environ 8 000 adhérents cumulés • plus de 2 800 bénévoles • plus de 350 000 bénéficiaires (publics, élèves...) • 266 emplois non délocalisables LEs enjeux pour les structures de musiques actuelles EN Aquitaine Dans la perspective de l'évolution de la filière, une enquête de conjoncture a été lancée fin 2014 sur l'ensemble des adhérents du RAMA. Cette enquête, comprenant environ 80 questions, réparties en 6 chapitres (enjeux, ressources humaines, économie et finances, partenariats, responsabilité et innovation sociale, partenaires publics) a permis de dresser un état des lieux de la situation actuelle des acteurs aquitains : leurs envies, leurs attentes, leurs craintes, leurs problématiques... En voici quelques éléments clés. LES STRUCTURES DES MUSIQUES ACTUELLES FONT FACE À UNE INDÉNIABLE CRISE DE CROISSANCE La principale raison pouvant expliquer cette crise de croissance est la massification des pratiques. Ce phénomène implique une importante hausse de la demande (en terme de diffusion, d'apprentissage, d'action culturelle...). Pour répondre à cette demande et poursuivre leur développement, les structures ont augmenté leurs activités. Cette augmentation pourrait fragiliser les structures. Plusieurs d'entre elles restent dubitatives quant à leur capacité à remplir leurs missions dans un avenir proche. Diriez­vous que votre organisation est (et sera) en mesure de remplir ses missions ? Tout­à­fait A peu près mais difficilement Difficultés, capacité incertaine pour remplir les missions Sérieuses difficultés, survie compromise Par rapport aux années antérieures, vos missions aujourd'hui sont : 29% A peu près aussi nombreuses 71% Nettement plus nombreuses 0% Plutôt moins nombreuses Les conséquences de cet effet de seuil sont déjà perceptibles : inquiétudes économiques (75% des adhérents) et sociales (50 % des adhérents). D'un point de vue économique, cela impacte la marge de manœuvre des structures et freine leur développement : • 60 % des structures ont des fonds propres insuffisants, très insuffisants ou négatifs • 50 % ont des problèmes de trésorerie, ponctuels ou récurrents • 72 % ont une situation économique « juste à l'équilibre » • 17 % seulement ont des moyens matériels « tout­à­fait suffisants » Au niveau des ressources humaines, on retrouve des conditions d'emploi insatisfaisantes, des structures en sous-effectif et un manque de moyens ou de compétences internes pour organiser et gérer ces ressources humaines : • 65 % ont des moyens humains insuffisants voire très insuffisants • entre 50 et 70 ETP supplémentaires sont jugés nécessaires • la moitié des structures voudrait embaucher mais n'en a pas les moyens • plus de la moitié des structures ont comme problématique les niveaux de rémunération et la gestion du temps de travail • une seule structure a un salarié dédié à la fonction de gestion des ressources humaines Ces éléments freinent considérablement le développement stratégique des acteurs : 80 % estiment que le frein principal à l'innovation est le manque de moyens (budget, temps, compétences). Malgré ces perturbations, les acteurs sont force de proposition pour poursuivre leur progression. Cela s'illustre notamment par l'expression de leurs envies : Quelles seraient vos envies pour l'avenir de votre projet ? Ces envies soulèvent principalement un besoin de temps et de moyens pour prendre du recul et être en capacité d'innover. Pour cela, les acteurs souhaitent s'appuyer, notamment, sur leur ancrage territorial. Ils ont également saisi l'enjeu que représente l'innovation et le développement durable (économique, social et environnemental). Cela doit contribuer à améliorer l'ensemble des aspects de leurs projets. Cette amélioration passe, entre autres, par une meilleure collaboration avec leurs parties prenantes, ce qui sous­entend notamment un dialogue plus efficace avec leurs partenaires publics et les territoires. LA FUSION DES RÉGIONS AQUITAINE ­ LIMOUSIN ­ POITOU­CHARENTES La Loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral prévoit la fusion des régions Aquitaine, Limousin et Poitou­Charentes. Cette loi implique deux nouveaux enjeux principaux : un enjeu territorial et un enjeu de réorganisation de la filière musiques actuelles. des festivals, des développeurs d'artistes, des centres de formations, des artistes...). Dans cette logique, les acteurs stratégiques des trois régions ont commencé à se concerter dès janvier 2015 pour réfléchir à ces enjeux de filière : – la FEPPIA et le RAMA en Aquitaine, – la SMAC4 Des Lendemains Qui Chantent, la Fédération Hiero et le consultant animateur du SOLIMA5 en Creuse, pour le Limousin, – le PRMA6 en Poitou­Charentes. • D'un point de vue macro, il s'agit de proposer une organisation efficace sur un territoire très vaste tout en respectant sa diversité (métropole, zones rurales...). Il est important de garantir un maillage territorial cohérent afin de préserver les droits culturels des personnes et la diversité culturelle (notions inscrites à l'article 103 de la Loi NOTRe). D'un côté, l'accroissement de la superficie du territoire régional ouvre de nouvelles perspectives pour les acteurs et leur permettra de développer des partenariats au­delà des frontières administratives actuelles. De l'autre, l'enjeu du développement local et de l'ancrage territorial devient d'autant plus essentiel pour les acteurs (65 % de nos adhérents expriment un intérêt particulier pour le développement local). • L'enjeu territorial nous incite donc à imaginer et à mettre en oeuvre une organisation sur un vaste territoire tout en répondant aux attentes locales des acteurs et des citoyens. L'enjeu est de saisir l'opportunité qu'offre cette réforme pour repenser l'ensemble de la filière à l'échelle de la grande région (en tenant compte des lieux de diffusions, des labels, 4 Scène de Musiques Actuelles (label du ministère de la culture) Schéma d'Orientation pour le développement des LIeux de Musiques Actuelles 6 Pôle Régional des Musiques Actuelles de Poitou­Charentes 5 Ces réflexions doivent permettre d'anticiper la nouvelle organisation des musiques actuelles à l'échelle de la grande région. Elles doivent se traduire par la convergence des conventions entre le CNV / Région Aquitaine et CNV / Région Poitou­Charentes et par la préfiguration d'un contrat de filière des musiques actuelles et des variétés pour la grande région. Ce texte doit avoir, comme vocation, d'énoncer les principes et modalités d'action, autour desquels les partenaires publics et la diversité des acteurs de la filière construisent une stratégie commune. Ceci dans l'objectif de consolider le dynamisme du territoire régionale, en tenant compte d'un double enjeu : artistique et culturel d'une part, économique et social de l'autre. LEs Acteurs Expriment l'envie d'améliorer Leurs relations Aux Partenaires publics Les acteurs ont clairement saisi l'enjeu stratégique que représente la relation aux partenaires publics (dont principalement le couple Région / intercommunalité) et ont formulé plusieurs attentes concernant les sujets prioritaires que l'on peut illustrer par ce nuage de mots : Selon vous, quels sont les sujets dont les responsables politiques devraient se préoccuper en priorité pour le secteur culturel ? Pour traiter ces thémathiques, les acteurs souhaitent également pouvoir instaurer des relations plus constructives avec leurs partenaires publics comme l'exprime ce nuage de mots : Qu'attend principalement votre structure des partenaires publics ? Malgré une évolution très positive des relations avec les partenaires publics ces dernières années, ces attentes illustrent le chemin qu'il reste à parcourir d'une manière générale, mais aussi au niveau de la nouvelle assemblée régionale. Certains acteurs soulèvent deux problématiques principales : Le financement PUBLIC Provenance des subventions (encore très peu diversifiées), leur évolution (stagnation ou baisse pour 60 % d'entre eux), le conventionnement pluriannuel d'objectif (ne concernant que 55 % des acteurs), les contraintes administratives. Sur les 34 structures ayant répondu, une seule juge que les subventions « sont mieux adaptées aux besoins des projets et du secteur » Les fonctions Stratégiques Compte tenu des perturbations économiques qui impactent les modèles RH des structures, les acteurs expriment globalement un réel manque concernant les fonctions stratégiques (communication, médiation...). Parmi ces fonctions, celles concernant la relation aux partenaires publics apparaissent comme essentielles. La loi portant Nouvelle Organisation de la République, dite loi NOTRe, a introduit une nouvelle conception des politiques publiques de la culture. Le texte affirme dans l'article 103 que: « La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l'État dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 » Cet article soulève un nouvel enjeu capital pour la conduite des politiques culturelles sur le territoire, à savoir qu'il implique de questionner les partenaires publics, et notamment le Conseil Régional, sur la manière dont ils souhaitent exercer « conjointement » cette responsabilité en matière culturelle entre les différents échelons de collectivités. Florent TEULé Directeur du rama direction@le­rama.org ­ 05 56 84 15 26