Article : L’Afrique dans le commerce international : état des lieux, raisons de la marginalité1 du continent et solutions à envisager. Introduction Depuis la révolution industrielle, l’économie mondiale est devenue largement tributaire du développement des échanges internationaux : le commerce international représente de nos jours un peu plus de 25% du PIB mondial. De plus en plus, les surplus dégagés par les économies locales sont transférés vers les marchés internationaux moyennant une équivalence monétaire. Dans ces flux internationaux, tous les continents y prennent part, mais de manière inégalitaire. C’est ainsi que l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Asie orientale sont régulièrement citées comme pôles majeurs du commerce international. Qu’en est-il donc de l’Afrique ? Autrement dit, quelle est la place de ce continent dans le commerce international ? Dans un premier temps, un état des lieux nous permettra de réaliser que L’Afrique apparaît dans son ensemble comme le continent le moins inséré dans le commerce international. Par la suite, il sera intéressant de présenter les raisons de cette marginalisation. Ce n’est qu’après cette étape que nous pourrons envisager les perspectives. I- L’Afrique apparaît dans son ensemble comme le continent le moins inséré dans le commerce international (l’Afrique occupe une place marginale dans le commerce international). Le commerce mondial représente en termes de marchandises échangés une valeur de 6300 milliards de dollars. Sur ce total, l’Union européenne réalise 40%, l’Asie orientale 28% (dont NPI 10%, Chine 8%, Japon 7,5%), l’Amérique du Nord 14,5%, l’Amérique latine 5% et l’Afrique 2%. C’est dire que c’est le Triade qui polarise l’essentiel des échanges. Les principales routes de marchandises parcourent la Terre de l’Asie orientale à l’Amérique du Nord en passant par l’Europe occidentale. La carte de la page 155, annales 2010, histoireGéographie, atteste de cette domination et met en évidence la suprématie des ports de la Triade (Rotterdam, Anvers, Houston, Singapour…). La grande majorité des flux va donc vers la Triade ou provient de celle-ci. A l’inverse, la carte montre également que certains espaces sont évités par les flux. C’est le cas du continent africain. Ici, seul le port de Richard’s Bay apparaît comme une escale importante au sein de cet espace. Plus important port d’Afrique (44e), il est accompagné des ports de la Baie de Saldanha (99e), Durban (43e port à conteneur) et Le Cap (seulement 115e port à conteneur). En ce qui concerne l’Afrique, dans les années 1950 à 1970 sa part dans les exportations mondiales est passée de 7% à 5%, puis de 5% en 70 à près de 2,3% en 2007 tandis qu’elle détient les trois quart des matières premières de la planète. Elle a perdu plus de la moitié des parts du marché mondial qu’elle détenait, mais ses exportations en volume n’ont pourtant pas régressé. Surtout celles de matières premières comme le pétrole, le gaz ou les minerais qui 1 Situation d'une personne mise à l'écart de la partie active de la société Exemple : il vit dans une marginalité totale n’ont cessé d’augmenter, tandis que la part des produits manufacturés a baissé. Elle occupe une place marginale dans le commerce international. De manière plus détaillée, le tableau suivant présente les flux des exportations entre les principaux groupes de pays mesurés en pourcentage du total des exportations mondiales. L’importance des trois principaux pôles commerciaux y est confirmée aussi bien en termes d’échanges avec les autres groupes de pays qu’en termes de flux commerciaux intérieurs. Tableau 1: Les flux des exportations de 1994 mesurés en pourcentage des exportations mondiales Destination Export. en Monde Europe Europe Amérique Japon Australie Afrique Amérique Asie de de du Nord Nouvelle latine (sauf % des l’Est l’Ouest Zélande Japon) export. mondiales Europe de l’Est 3.3 1.0 1.5 0.1 0.1 0.0 0.0 0.0 0.3 Europe de l’Ouest 41.5 1.6 27.8 3.4 0.9 0.3 1.2 1.1 4.0 Amérique du Nord 15.4 0.1 2.8 5.7 1.4 0.3 0.2 2.2 2.6 Japon 9.4 0.0 1.5 3.0 0.2 0.2 0.4 4.0 Australie N. Zélande 1.4 0.0 0.2 0.1 0.0 0.3 0.1 0.0 0.0 0.5 Afrique 2.2 0.0 1.2 0.3 0.1 0.0 0.2 0.0 0.2 Amérique Latine 4.5 0.0 0.8 2.1 0.2 0.0 0.1 0.9 0.3 Asie (sauf 21.4 0.4 3.5 4.4 2.6 0.3 0.4 0.5 8.8 Japon) Source: UNCTAD, Handbook of International Trade and Development Statistics, 1995. Ainsi, ce tableau confirme que l’Afrique ne participe qu’à hauteur de 2% dans le commerce mondial. Même avec l'ouverture des échanges qui a considérablement contribué à améliorer la participation des pays en développement à l'économie mondiale (À titre d'exemple, entre 2000 et 2008, le volume des exportations des pays en développement a presque doublé, tandis que les exportations mondiales n'ont augmenté que de 50 pour cent), la part de l'Afrique dans les exportations mondiales reste stable et la plus faible: 3 pour cent en 1990 tout comme en 2009. Seule la valeur des exportations de ce continent a effectivement augmenté entre 1990 et 2009 : les exportations de l'Afrique sont passées de 106 millions de dollars EU en 1990 à 379 millions de dollars EU en 2009. Le graphique suivant illustre ces tendances. Graphique 1: Part des économies en développement dans la valeur des exportations mondiales, par région: 1990 à 2009 (Pour cent) Il est donc clair que l’Afrique reste largement en marge du commerce international. Cette marginalité a d’ailleurs des causes connues. II- Les raisons de la marginalité de l’Afrique du commerce international Ces raisons sont nombreuses, mais nous nous limiterons aux plus saillantes. 1- La qualité de la production des économies africaines L’Afrique souffre encore de son retard industriel, contrairement aux pays de la Triade. Les unités industrielles existantes sont pour la plupart héritées du système colonial : il s’agit des industries extractives. Or, le commerce international concerne en premier lieu les produits manufacturés (des machines-outils, des automobiles, de l’électronique…) qui représentent la part la plus importante des flux commerciaux (environ 70%). Les matières premières, notamment le pétrole, les minerais, les produits agricoles, constituent les 30% restants. Du fait de la faiblesse de son tissu industriel, l’Afrique ne peut offrir aux marchés internationaux que des matières premières. Or, sur ce terrain, elle est fortement concurrencée par un certain nombre de pays : pour le pétrole et le gaz (pays du golfe, Russie, Norvège, Venezuela…) ; pour la banane (pays d’Amérique latine). La marge de manœuvre de l’Afrique est donc réduite à peau de chagrin. La faible part de l’Afrique dans le commerce mondial est due à la structure et nature des biens qu’elle exporte. C’est essentiellement des matières premières issues de l’industrie extractive et des produits agricoles qui ne peuvent pousser que sous le climat tropical humide comme le café, le cacao, huile de palme, la canne à sucre et coton par exemple. Ce qui fait que l’Afrique est très peu présente sur le marché mondial des produits manufacturés et des services. Selon le rapport 2007 de la banque mondiale, ses exportations des marchandises et services étaient estimées pour 2005 à près de 245, 262 milliards de dollars contre 319, 552 milliards de dollars en importation de mêmes produits. Quand l’Allemagne a exporté pour plus de 1400 milliards de dollars en 2007. Selon certains experts, cette faible part de l’Afrique dans les exportations mondiales explique son faible PIB/habitant à (803 dollars US) contre 35 433 dollars US pour l’Allemagne premier exportateur mondial avec un PIB de 2915,867 milliards de dollars US, ou bien celui de la Chine autre grand pays exportateur qui a un PIB/habitant de 2013 USD pour un PIB de 2644,642 milliards USD. La part du commerce extérieur dans le PIB de l'Allemagne était de 75,3% en 2005, dans celui de la Chine de 69,7%, Brésil 26,4%, l'Inde de 43,6%. Selon le même rapport 2007 de la Banque mondiale la part des exportations dans la balance des ressources qui était en 2005 de 2,2 % pour les pays d’Afrique subsaharienne, la évolué de la manière suivante : Entre 1980-89 de -1,4%, entre 1990-1999 de -1,5% et entre 2000-05 de +1,9% Il faut noter que le taux positif est dû à la flambée des prix des matières premières extractives comme le pétrole et les minerais. 2- La faiblesse des flux d’investissements sur le continent africain Les investissements directs à l’étranger, c’est-à-dire les investissements faits par les entreprises dans des pays autres que le leur, sont un indicateur de la vitalité de l’économie du pays qui en bénéficie. En effet, ces investissements auraient pu permettre à l’Afrique de refaire son retard industriel sur les pays de la Triade. Or, à l’exception de six pays (Tunisie, Afrique du Sud…), les flux d’investissement sur le continent africain sont faibles, comme l’atteste le document ci-dessous (voir doc.3 p.157 dans Annales 2010 : HistoireGéographie). 3- L’absence ou la faiblesse des infrastructures de transport Les infrastructures de transport sont l'ensemble des installations fixes qu'il est nécessaire d'aménager pour permettre la circulation des véhicules et plus généralement le fonctionnement des systèmes de transport. Les transports représentent une des plus importantes activités humaines mondiales. En effet, La mobilité en général est une caractéristique fondamentale et importante de l'activité humaine: elle est importante et omniprésente. Elle répond à un besoin fondamental, celui de se déplacer pour aller d'un lieu à un autre en fonction de motifs très variés et variables dans le temps. Toutes les sociétés (et à plus petite échelle, tous les humains) ne possèdent pas le même niveau de mobilité. Les sociétés ou individus jouissant d'une grande mobilité ont généralement plus de chance de se développer que ceux n'ayant qu'une faible mobilité. On remarque alors que la mobilité est un indice du développement des sociétés ou des individus. Une mobilité réduite est un frein au développement, une grande mobilité s'avère un catalyseur du développement. Les transports ont donc une grande importance économique. Le transport est un facteur économique de production de biens et de services. Sa fonction dans ce domaine est d'ouvrir les marchés aux produits et vice versa. Le transport engendre le commerce, les échanges et vice versa. Un système de transport efficace et des réseaux modernes amènent une spécialisation géographique, une production à grande échelle, une augmentation de la compétition et de la valeur du sol. Spécialisation géographique. Chaque pays, État ou ville produit des biens et services pour lesquels les capitaux, la main d'œuvre et les matières premières sont les plus appropriées. Une zone se spécialise dans la production d'un bien ou d'un service pour lequel elle possède les meilleures avantages (ou les moins grands désavantages) comparativement à une autre zone en autant qu'elle puisse compter sur les transports comme outil d'exportation et d'importation. Production à grande échelle. Un bien ou un service produit efficacement peut être demandé à de grandes distances du site de production. Cette production est efficace seulement si les modes de transport sont efficaces, c'est-à-dire au niveau du coût, du temps de transport et de la fiabilité des équipements en présence (sécurité). La production de masse ou en série implique spécialisation des tâches, transport important de matière première et d'énergie et distribution des produits à grande échelle. Depuis quelques années, un nouveau concept a fait son apparition le "just-intime". Le transport y joue un rôle très important non seulement dans la manutention des composantes et des produits finis mais aussi dans la phase de production. Augmentation de la compétition. Lorsque le transport est efficace, le marché augmente pour un produit (ou service); donc il y a ouverture des marchés aux compétiteurs en offrant aux consommateurs d'un territoire, une gamme plus vaste de produits et services (ce qui est bénéfique). Pourtant, les pays africains ont une faible densité des infrastructures de transport. S’agissant de la route, Le continent africain est caractérisé par une faible densité routière: 6,84 km pour 100 km² par rapport à 12 km pour 100 km² en Amérique latine et 18 km pour 100 km² en Asie. De plus, le réseau routier africain est mal entretenu compte tenu de l’insuffisance des ressources allouées. Ainsi, moins de la moitié des besoins requis pour la maintenance est satisfait. À titre d’exemple, le taux de couverture est de 30% pour la CEDEAO, 31% pour le COMESA, 40% pour la SADC et 25% pour la CEMAC. Ce réseau souffre en particulier de la surcharge effectuée sur les véhicules routiers, ce qui réduit la durée de vie des routes. Le réseau ferroviaire africain est estimé à 89 380 km pour une superficie de 30,19 millions de km² soit une densité de 2,96 km pour 1 000 km². Ce réseau est très peu interconnecté, surtout en .Afrique occidentale et centrale. Plus d’une quinzaine de pays en Afrique ne disposent pas de voie ferrée, à savoir le Burundi, le Cap-Vert, les Comores, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale, la Libye, Maurice, le Niger, la République centrafricaine, le Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, les Seychelles, la Sierra Leone (le chemin de fer n’est plus en service), la Somalie et le Tchad. En outre, les chemins de fer se caractérisent par l’hétérogénéité des écartements des voies avec différents types d’écartements au sein d’une même sous-région. L’insuffisance et le mauvais état des routes et chemins de fer africains renchérit les coûts de production et n’incitent donc pas à investir dans l’arrière-pays. C’est ainsi que les productions des zones rurales parviennent difficilement dans les grands centres urbains. L’Afrique compte environ 80 ports importants qui, ensemble, génèrent 95% du commerce international (importations/exportations) des 53 pays africains dont 6 sont des pays insulaires et 15 sont des pays enclavés. Ces ports sont confrontés à des problèmes d’équipements, de sécurité, de problèmes environnementaux (pollution, érosion), de productivité, d’insuffisance des mesures de facilitation et de capacités techniques. L’Afrique ne disposant pas de façade maritime, ses ports sont peu compétitifs et ne sont donc pas capables d’attirer suffisamment de clients, ce qui limite les échanges de ce continent avec l’extérieur. Face à tous ces obstacles, des mesures énergiques doivent être envisagées. III- Perspectives pour une meilleure insertion de l’Afrique dans le commerce international Comme solution, les grandes institutions de développement ont préconisé que l’Afrique devait développer son économie par un accroissement de ses exportations avec le monde extérieur, ceci en faisant référence à une approche du développement par l’exportation. Celleci trouve son essence dans les théories des avantages comparatifs et des coûts de production d’un produit dans un pays donné par rapport à un autre. Par ailleurs, pour améliorer sa participation au commerce international, l’Afrique devrait adopter des mesures à même de booster sa production en biens manufacturés. Pour cela, elle peut envisager : 1- de soutenir la recherche-développement La recherche-développement est l’ensemble des activités visant à découvrir ou à développer des techniques, de nouveaux produits. C’est par la recherche-développement que l’Afrique peut aspirer à une véritable industrialisation. Pour cela, les Etats africains devraient dans le cadre par exemple de l’union africaine consacrer une part importante du budget de l’organisation au financement de la recherche-développement, chaque pays ou sous-région se spécialisant dans un domaine précis. A titre comparatif, les Etats-Unis et le Japon fondent en grande partie leur puissance industrielle sur l’importance du financement que chacun de ces Etats accorde à la recherche-développement. En 2006, 2,62 % du PIB américain était investi dans la RD. Or, le PIB de ce pays représentait déjà 14 266 milliards de dollars en 2009. Avec 4 332 milliards de dollars de PIB en 2010, le Japon consacre 3,6 % du P.I.B. en 2009 à la recherche-développement, ce qui permet à ce pays d’assurer 15% de la production industrielle mondiale. 2- d’exiger le transfert de technologie de la part de ses partenaires L’Afrique est un continent au potentiel énorme. Aujourd’hui, il bénéficie des investissements massifs des pays émergents comme la Chine. Il s’agit là d’une occasion inouïe pour les pays africains d’exiger de la part de leur partenaire des transferts de technologie ; ce qui leur permettra de mieux orienter leur production car maîtrisant déjà la technologie. 3- de transformer ses matières premières pour leur donner plus de valeur ajoutée et ainsi peser beaucoup plus dans le commerce international. 4- Assainir son environnement politique et économique afin d’attirer davantage des investissements étrangers. Conclusion On peut affirmer qu’en l’état actuel des choses, le commerce international se fait sans l’Afrique. En tout cas sa participation ici y est la plus faible de tous les continents. Les raisons de cette faible insertion sont surtout d’ordre technique et économique. C’est pour cela qu’il faut agir prioritairement dans ces domaines. En d’autres termes, il est question de faire dans un premier temps de l’Afrique un continent émergent. Le programme « vision 2035 » adopté par le gouvernement camerounais ne s’inscrit-il pas dans cette logique ? Bibliographie : - Noesser (J.) et al., Annales 2010, Histoire-Géographie L-ES-S, sujets corrigés http://www.afrology.com/eco/kibaya_export.html: L’Afrique peut-elle se développer par l’exportation ?