Chapitre 1 : La Théorie de l’utilité espérée et sa remise cause
que l'espérance mathématique d'utilité définit les préférences entre les loteries. Au
contraire, von Neumann et Morgenstern partent d'une relation de préférence définie
sur des distributions de probabilités. Les axiomes attachés à cette relation de
préférence permettent d'une part d'appréhender directement la théorie d'un point
de vue normatif ⎯ autrement dit, de poser les bases d'un choix rationnel en
situation risquée. D'autre part, ils permettent de mener au critère de l'utilité
espérée, en tant que critère représentant les préférences. Ces dernières reposent
sur un ordonnancement par paires des loteries ; elles sont donc "conceptuellement"
ordinales. Toutefois, les axiomes retenus font de la fonction d'utilité représentant
ces préférences, une fonction d'utilité cardinale (voir Fishburn (1988a, chapitre 1) et
la section 1.6.1.2). La fonction d'utilité von Neumann-Morgenstern, que nous
noterons u(.), est donc une fonction d'utilité cardinale préférentialiste ⎯ une
« utilité cardinale qui est ordinale » (Baumol (1958))
⎯ conceptuellement très
différente de v(.), la fonction d'utilité cardinale psychologique de Bernoulli.
Axiomes et théorème de représentation de la théorie EU
Nous présentons maintenant plus précisément la théorie de l'utilité espérée
dans le risque (théorie EU). Toutefois, un exposé détaillé et exhaustif serait hors de
propos. Nous nous contentons d'une présentation simple, issue de Jensen (1967),
dans le cas d'un ensemble fini de conséquences (voir, par exemple, Kreps (1988))7.
X est l'ensemble fini des conséquences x1, x2, ..., xi, ..., x, y, z, ...
XX
M⊆
est l'ensemble des conséquences monétaires.
7 Dans le cas où l'ensemble des conséquences est infini (dénombrable ou non), les
présentations les plus connues sont, outre celle de von Neumann et Morgenstern dans la
deuxième édition de leur ouvrage, celles de Hernstein et Milnor (1953), Jensen (1967) et
Fishburn (1970) : voir Kreps (1988) ou Fishburn (1970, 1988a).