LE«POUVOIR » DES MÉDIAS 15
éditer clandestinement, recevoir des chaînes via les paraboles, etc.
Certes, cela peut désarçonner certains gouvernants « droits dans leurs
bottes », qui estiment que « ce n’est pas la rue qui gouverne ». C’est la
même chose pour les médias. Quand on parle de leur pouvoir, on
réactive la façon habituelle d’employer ce terme, notamment en attri-
buant une sorte de pouvoir magique aux médias électroniques. En
l’occurrence, il s’agit de l’influence persuasive qu’ils auraient sur les
publics : les messages diffusés auraient la capacité de faire changer
les opinions et les conduites. Envoyer un message quel qu’en soit le
vecteur technique permettrait de manipuler des destinataires vus
comme passifs et spongieux.
Les chercheurs ont cependant montré que les messages n’agissent
pas comme un stimulus de type pavlovien, qui suppose une réaction
conforme à l’intention de l’émetteur. Si cela était le cas, c’est Édouard
Balladur qui aurait dû être élu président de la République en 1995 vu
les multiples soutiens dont il a bénéficié en regard de la candidature
de Jacques Chirac, qui a remonté la pente de la popularité en partie
grâce à l’aide involontaire des Guignols de l’info [Collovald et Neveu,
1999]. Les auteurs de cette émission préféraient le second car la marion-
nette humoristique qu’ils avaient construite au fil des années les
inspiraient plus pour fabriquer les sketches : « Mangez des pommes ! »,
slogan repris par les jeunes militants du RPR. Mais d’autres causes sont
à considérer, comme la remontée dans les sondages consécutive à
une intervention du clan Chirac auprès d’un des « instituts », ce qui
enclencha des modifications d’attitude chez les journalistes.
La pérennité de la croyance
Malgré les démentis des savants, la croyance dans l’influence
persuasive des discours sur le public se maintient. Pour expliquer cette
pérennité, on peut combiner trois hypothèses: 1/la faible dissémination
des acquis des sciences sociales parmi les médiateurs, ce qui conforte
la tendance à accepter des relations de cause à effet basées sur les
apparences et le sens commun ; 2/les conditions de fabrication et de
réception des produits médiatiques, qui contraignent les rédacteurs à