Hyperforine, un extrait végétal doué de propriétés anti

LETTRE SCIENTIFIQUE
Chimie et Biologie des Métaux!1
Channeling et Biotine
Claude Alban
Page 4
!Lettre n° 29 - Mai 2012
iRTSV
Résultats scientifiques
Institut de Recherches en Technologies et Sciences pour le Vivant
Fonctions intégrées des protéines - Du vivant aux nanotechnologies
Hyperforine
Alexandre Bouron
Page 1
Toxint'patch
Nathalie Picollet-D'hahan
Page 3
Injectisome
François Cretin / Ina Attrée
Page 2
Direction des Sciences du Vivant
En bref
Page 5
Le millepertuis
(Hypericum perfo-
ratum) est une
plante herbacée vi-
vace communément
appelé «!Herbe de la
Saint-Jean!» car sa
floraison survient fin juin. Le nom courant
de cette plante (millepertuis perforé) est à
l’aspect de ses feuilles qui semblent présenter
de très nombreux trous. Le millepertuis a été
décrit et utilisé en médecine traditionnelle
depuis plus de deux milles ans pour un large
spectre d’indications thérapeutiques. Au
milieu des années 1980, les autorités de san-
allemandes furent les premières à autori-
ser la vente et la consommation d’extraits
d’Hypericum perforatum pour le traitement
des troubles dépressifs. Bien toléré, induisant
peu d’effets secondaires, le millepertuis ap-
paraît comme une alternative efficace face
aux antidépresseurs de synthèse dans le trai-
tement des formes légères à modérées des
troubles de l’humeur.
Plusieurs groupes de substances bioactives ont été
isolées à partir du millepertuis dont les phloroglu-
cinols, essentiellement l’adhyperforine et l’hyper-
forine. Même si divers constituants présents dans
ces extraits participent aux effets antidépresseurs,
l’hyperforine apparaît comme l’acteur central
responsable de l’efficacité thérapeutique des ex-
traits d’Hypericum perforatum. Comme les antidé-
presseurs de synthèse, l’hyperforine inhibe, in
vitro, la recapture de neurotransmetteurs (dopa-
mine, noradrénaline, sérotonine, glutamate, GA-
BA). Chez l’animal, elle augmente les taux extra-
cellulaires de catécholamines, sérotonine et de
glutamate ou stimule la libération d’acétylcholine.
L'équipe Biologie des Métaux du Laboratoire de
Chimie et Biologie des Métaux s’intéresse à l’hy-
perforine compte tenu de ses propriétés pharmaco-
logiques. En effet, elle possède l'intéressante pro-
priété d’être un activateur sélectif des canaux ca-
tioniques TRPC6, des protéines membranaires
permettant des influx de calcium, de sodium et
perméables au zinc. Par ailleurs, ces chercheurs
ont montré que l’hyperforine provoque une dépo-
larisation du potentiel de membrane mitochon-
drial, provoquant la sortie d’ions zinc à partir de
ces organelles. Un traitement chronique sur des
neurones en culture ainsi que sur des souris (4
semaines de traitement par injection intra-périto-
néale) s’accompagne d’une redistribution intracel-
lulaire du zinc, d’une augmentation de l’expres-
sion des métallothionéines et d’une expression
accrue des canaux TRPC6 ainsi que de TrkB, un
récepteur du BDNF (brain-derived neurotrophic fac-
tor), un important facteur de croissance impliqué
dans la survie et la croissance neuronale [1-5]. Il a
également été montré que l’hyperforine interfère
avec le métabolisme du précurseur du peptide
β!amyloïde (APP)!: elle favorise la formation du
dérivé sAPP s’opposant ainsi à la voie amyloïdo-
génique qui conduit à la formation des peptides
amyloïdes (Aβ 40, Aβ 42).
Divers laboratoires tentent de synthétiser des déri-
vés de l’hyperforine, par ailleurs un puissant inhi-
biteur d'enzymes impliquées dans des réactions
inflammatoires. Un autre intérêt thérapeutique de
l’hyperforine concerne ses propriétés anti-tumora-
les!: elle exerce une toxicité directe sur les cellules
cancéreuses et inhibe la vascularisation des tu-
meurs. L’hyperforine s’est en effet révélé être, in
vitro et in vivo sur des modèles animaux, un inhibi-
teur de l’angiogenèse. Elle inhibe la sécrétion et la
production d’enzymes dégradant la matrice extra-
cellulaire, freinant la croissance et la migration des
cellules endothéliales vasculaires.
L’hyperforine est loin de constituer la panacée
universelle mais possède d’intéressantes proprié-
tés pharmacologiques qui nourrissent un nombre
croissant d’études à son sujet. Un enjeu majeur
des recherches futures consiste notamment à
développer des dérivés plus stables et plus spé-
cifiques.
Contact : Alexandre Bouron
LCBM
Laboratoire Chimie et Biologie des Métaux
UMR 5249 - CEA - CNRS - UJF
Hyperforine, un extrait végétal doué de
propriétés anti-dépressives et influençant
l’homéostasie du zinc
Au niveau cellulaire, l’hyperforine dépolarise le potentiel de
membrane mitochondrial, libérant du zinc (et du calcium)
hors de ces organites. Par ailleurs, c’est un puissant activa-
teur de TRPC6, des canaux cationiques de la membrane
plasmique. Lors d’un traitement chronique, l’hyperforine
contrôle, via une cascade de signalisation intracellulaire
impliquant la protéine kinase A (PKA) et le facteur de
transcription CREB, l’expression des canaux TRPC6 et de
TrkB, le récepteur du facteur de croissance BDNF.
Références
[1] Gibon J, Deloulme JC, Chevallier T,
Ladevèze E, Abrous DN and Bouron A. The
antidepressant hyperforin increases the
phosphorylation of CREB and the expression of
TrkB in a tissue-specific manner. International
Journal of Neuropsychopharmacoly, 2012
[2] Gibon et al., Neuropharmacology, 2011
[3] Gibon et al., Cell Calcium, 2010
[4] Tu et al., Journal of Neurochemistry, 2010
[5] Tu et al., Journal of Neurochemistry, 2009
LETTRE SCIENTIFIQUE
2!Biologie du Cancer et de l'Infection
Il y a déjà plus de dix
ans, les pouvoirs
publics lançaient la
campagne d’information «!Les antibiotiques,
c’est pas automatique!». Malgré la prise de
conscience qui a suivi cette campagne, les
infections aux bactéries pan-résistantes dans
le milieu hospitalier restent toujours un pro-
blème et un véritable challenge. Des efforts
doivent être faits pour créer une recherche
ambitieuse, innovante et soutenue afin de
combattre efficacement ce fléau mondial. Une
des stratégies de choix est non plus de tuer la
bactérie, mais plutôt de cibler les mécanis-
mes de virulence qu'elle met en œuvre afin
de coloniser sa cellule hôte.
Un des mécanismes de virulence attractif pour
lutter contre les infections bactériennes est le pro-
cessus d’injection des toxines par l’injectisome, ou
système de sécrétion de type III (SST3), présent
dans certains pathogènes. L'injectisome est compo-
d’une vingtaine de protéines qui s’assemblent
en une structure de type «!aiguille!» dont la pointe,
le translocon, est constituée de trois protéines
permettant le passage des toxines dans la cellule
hôte. Léquipe Pathogenèse Bactérienne et Réponses
Cellulaires du laboratoire Biologie du Cancer et de
l'Infection, étudie cette nano-machinerie macromo-
léculaire chez la bactérie pathogène Pseudomonas
aeruginosa. Dans deux études récentes, cette équipe
s'est intéressée :
aux mécanismes moléculaires de l’insertion du
translocon et à l’injection des toxines, et
• à l’étude structure-fonction d’ExoU, la plus
agressive des quatre toxines injectées par P. aerugi-
nosa.
L’injection de toxines dans les cellules
Afin d’étudier la capacité de P. aeruginosa à injecter
ses toxines [1], ces chercheurs ont mis au point un
système rapporteur de l’injection (Figure 1A) et
montré que toutes les cellules sont sensibles à
l’injection de la toxine, sauf deux lignées d’origine
hématopoïétique (HL-60, U-937) qui ne deviennent
susceptibles que lorsqu'elles sont différenciées en
monocytes, macrophages ou neutrophiles. Ces
deux lignées constituent donc de bons modèles
d’étude des mécanismes moléculaires contrôlant
l’injection des toxines bactériennes. Le fait que les
protéines du translocon aient été retrouvées insé-
rées aussi bien dans la membrane plasmique des
cellules HL-60 différenciées ou non, montre que le
défaut d’injection des toxines ne réside pas dans
l’interaction de la cellule cible avec la bactérie et la
mise en place du système de perforation, mais
implique la participation de mécanismes molécu-
laires de la cellule cible qui contrôlent l’injection
des toxines. Ainsi, ces chercheurs ont montré que
des voies de signalisation de la cellule cible
jouaient un rôle car certains inhibiteurs (de poly-
mérisation de l’actine, de phosphorylation de tyro-
sine, etc) étaient capables de bloquer l’injection des
toxines. D'autres phénomènes tels que la polarisa-
tion cellulaire semblent également réguler la sus-
ceptibilité à l’injection.
ExoU : le lien fort entre la structure et la fonc-
tion
La toxine ExoU est une phospholipase synthétisée
par environ 30 % des isolats cliniques de P. aerugi-
nosa, et se retrouve dans le cytoplasme bactérien
complexée à sa chaperonne, SpcU. La structure
spatiale du complexe ExoU:SpcU [2]
a été résolue à
la suite d'une collaboration avec l’équipe d’A.
Dessen de l’IBS. Pour étudier le lien structure-fonc-
tion d’ExoU, ces chercheurs ont construit une sou-
che de P. aeruginosa exprimant soit la protéine sau-
vage soit les protéines mutantes modifiées au ni-
veau des acides aminés susceptibles d’influencer
son activité. La toxicité d’ExoU et de ses mutants a
ensuite été évaluée en mesurant le taux de mortali-
de cellules épithéliales infectées. Grâce à l'utili-
sation d'une forme inactive de la toxine, le devenir
de la protéine dans la cellule a pu être étudié par
immunofluorescence. ExoU ubiquitinée sur la
Lys178 est ciblée vers les endosomes. Néanmoins,
cette modification n’influence pas sa cytotoxicité et
semble plutôt refléter un effort désespéré de la
cellule pour se «!débarrasser!» de la toxine. Les
mutations introduites dans le domaine nécessaire à
la fixation membranaire entraînent une mauvaise
localisation de la toxine qui se trouve alors dans le
cytoplasme, partiellement active (Figure 1B).
Ces résultats ont permis aux chercheurs de
l’équipe Pathogenèse Bactérienne et Réponses
Cellulaires d‘avancer dans la compréhension du
rôle de mécanismes présents dans les cellules
eucaryotes et qui ont un impact important sur
dans le contrôle de l’injection des toxines par
l’injectisome de la bactérie P. aeruginosa. Les
connaissances qui résultent de ces travaux per-
mettent d’envisager des stratégies d’inhibition de
ce système de virulence bactérien. Ces études,
qui couplent approches structurales et microbio-
logie cellulaire ont également permis aux cher-
cheurs de proposer un modèle d’action de la
toxine ExoU et d’observer son devenir lors de
l’intoxication cellulaire.
Contacts : François Cretin et Ina Attrée
BCI
Biologie du Cancer et de l'Infection
UMR_S 1036 - CEA - Inserm - UJF
Références
[1] Vérove J, Bernarde C, Bohn YS, Boulay F,
Rabiet MJ, Attrée I and Cretin F. Injection of
Pseudomonas aeruginosa Exo toxins into host cells
can be modulated by host factors at the level of
translocon assembly and/or activity. PLoS One,
2012, 7(1): e30488
[2] Gendrin C, Contreras-Martel C, Bouillot S,
Elsen S, Lemaire D, Skoufias DA, Huber P,
Attrée I and Dessen A. Structural basis of
cytotoxicity mediated by the Type III Secretion
Toxin ExoU from Pseudomonas aeruginosa. PLoS
Pathogens, 2012, 8(4): e1002637
Quoi de neuf sur l’injectisome, cible de choix
pour de nouveaux anti-bactériens ?
Bactéries pan-résistantes!: bactéries résistantes à la majorité des antibiotiques.
Figure 1A - Système rapporteur de l’injection des toxines dans les cellules eucaryotes. La souche de P. aeruginosa génétiquement modifiée possède une toxine (ExoS) fusion-
née à la ß-lactamase (Bla) qui catalyse le clivage d’un substrat fluorescent, le CCF2. Ceci permet de visualiser l’injection de la toxine chimérique par la transformation de la
fluorescence verte (CCF2 non clivé) dans les cellules non «!injectées!» en une fluorescence bleue (CCF2 clivé) dans les cellules «!injectées!».
Figure 1B - Localisation d’ExoU dans la cellule infectée. Non ubiquitinée (ExoU ΔUb), ExoU est présente seulement à la membrane plasmique et sans le domaine C-ter
(ExoU ΔCter) , elle est uniquement cytosolique. EEA1 est un marqueur spécifique des endosomes.
Cellules non «!injectées!»
ExoU ΔUb ExoU ΔCter
A B
Cellules «!injectées!»
ExoU
ExoU - EEA1
Cellule eucaryote
hôte
ExoS-Bla
Pseudomonas aeruginosa
LETTRE SCIENTIFIQUE
Biologie à Grande Échelle!3
Produites par des
micro-algues et
consommées par les
coquillages (huî-
tres, moules, pa-
lourdes…), les biotoxines marines (ou phy-
cotoxines) peuvent produire des troubles
graves chez le consommateur (intoxications
diarrhéiques, paralysantes, amnésiantes ou
neurologiques). La prolifération des espèces
de micro-algues productrices de toxines ne
pouvant être contrôlée, il est, de fait, impos-
sible d'éviter que les coquillages ne se con-
taminent. Ainsi, afin de prévenir l'exposi-
tion des consommateurs à ces toxines, une
surveillance constante est assurée dans les
zones de production par un réseau de labora-
toires côtiers tels que l'Ifremer. Depuis plu-
sieurs mois, des discussions sont en cours au
niveau communautaire pour remplacer les
tests de toxicité chez la souris qui consti-
tuent la méthode de référence pour la sur-
veillance de la qualité sanitaire des coquilla-
ges. Dans ce contexte, l'équipe Biomics du
laboratoire Biologie à Grande Échelle a déve-
loppé une mallette de patch-clamp sur puce
pouvant répondre à ce besoin de surveillance
sur site, au sein des laboratoires côtiers. Une
méthode de détection basée sur les perfor-
mances reconnues du patch-clamp permet-
trait de déterminer le profil toxinique (na-
ture et quantité individuelles) et fournirait
une réponse qualitative et/ou quantitative
avec une limite de quantification très infé-
rieure au seuil de salubrité.
La mallette de patch-clamp «!Toxint’patch !» [1],
signe l’aboutissement de 7 années de développe-
ments technologiques menés au sein de l'équipe
Biomics sur le patch-clamp planaire ou patch-
clamp sur puce silicium. Ce projet transverse a
bénéficié des compétences pluridisciplinaires du
DTBS sur les aspects microtechnologies et du Gre-
noble Institut des Neurosciences pour les étapes de
validation biologique. Après avoir breveté le con-
cept [2], l'équipe, en collaboration avec le DTBS, a
optimisé les propriétés de la puce silicium [3], dé-
diée par exemple à la détection de toxine peptidi-
que de scorpion (iberiotoxine) ou de phycotoxine
non-peptidique de type PSP (gonyautoxine) ci-
blant des courants potassium ou sodium [4].
L’intégration de la puce silicium au sein d’une
mallette a nécessité l’assemblage et la validation de
modules pneumatiques de fluidique parallélisée et
automatisée, le couplage d’une carte électronique 9
sites et le développement d’un logiciel dédié
(Figure 1). Les performances électroniques de la
carte Toxint'patch sont comparables à celles du
système commercial de référence et permettent
d’enregistrer des courants de centaines de pico-
Amp (Figure 2), suffisants pour détecter et doser
des agents toxiniques.
Ce dispositif de détection transportable pourrait
se décliner à d’autres applications comme le con-
trôle des eaux de baignade ou l’agro-alimentaire;
la bio-défense ou pourrait aussi être embarqué
lors d’expéditions d’étude du phytoplancton des
océans ou de suivi de l’évolution d’écosystèmes
particuliers.
Coquillages et crustacés…
Contact : Nathalie Picollet-D'hahan
BGE
Biologie à Grande Échelle
UMR_S 1038 - CEA - Inserm - UJF
Figure 1!: Mallette Toxint’patch!(ouverte A, fermée B) composée en son
centre de l’assemblage pneumatique de la puce silicium (zoom dessous), de
part et d’autres des modules automatiques de gestion des fluides, dans l’étage
inférieur une carte électronique 9 voies et connectée à un PC externe.
Références
[1] Boussaoud A, Fonteille I, Collier G, Kermarrec
F, Vermont F, Tresallet E, De Waard M, Arnoult C
and Picollet-D’hahan N. A miniaturized planar
patch-clamp system for transportable use.
Biosensors and Bioelectronics, 2012, 32(1): 96–103
[2] Picollet-D’hahan N, Chatelain F, Caillat P and
Revol-Cavalier F. Brevet WO 2004/038409 A2
Device for measuring the electrical activity of
biological elements and its application. Brevet US
délivré le 29/02/2009 sous le numéro !: US
7,494,622
[3] Sordel T, Garnier-Raveaud S, Sauter F, Pudda
C, Marcel F, De Waard M, Arnoult C, Vivaudou
M, Chatelain F and Picollet-D'hahan N.
Hourglass SiO2 coating increases the performance
of planar patch-clamp. Journal of Biotechnology,
2006, 125(1): 142-154
[4] Sordel T, Kermarrec F, Sinquin Y, Fonteille I,
Labeau M, Sauter-Starace F, Pudda C, de Crecy F,
Chatelain F, De Waard M, Arnoult C and
Picollet-D'hahan N. The development of high
quality seals for silicon patch-clamp chips. Bioma-
terials, 2010, 31(28): 7398-7410
Toxint’patch : voir également la lettre de l'iRTSV n° 21.
PSP!: paralytic shellfish poisoning (toxines paralysantes)
Figure 2!: Adéquation des performances électroniques de la carte Toxint'patch avec une
électronique commerciale (Axopatch 200B, Molecular Devices). Validation par l’enregis-
trement de courants voltage-dépendants, calciques et sodiques sur 2 types cellulaires
(CHO, HEK).
Carte électronique
Toxint'patch
Carte électronique
commerciale
Étage fluidique
Étage électronique
AB
LETTRE SCIENTIFIQUE
4!Physiologie Cellulaire & Végétale
Chez tous les orga-
nismes vivant, la
biotine ou vitamine
B8 est un cofacteur
essentiel pour un petit nombre d’enzymes du
métabolisme C1 (transfert d'unités mono-
carbonées) impliquées dans des processus
métaboliques cruciaux comme la synthèse
des acides gras ou le métabolisme des acides
aminés. Chez les mammifères, la biotine est
également impliquée de différentes manières
dans la régulation de l’expression des gènes,
en particulier au travers d’une voie de signa-
lisation en cascade dépendante du GMPc.
Cependant, en dépit de ses fonctions impor-
tantes, la biotine est synthétisée uniquement
par les bactéries, certains champignons et les
plantes. Les animaux, dont l’Homme, doi-
vent puiser cette vitamine dans leur alimen-
tation. Aussi, l’inhibition d’enzymes clé de
la voie de biosynthèse de la biotine est une
stratégie prometteuse pour le développement
de nouveaux antibiotiques, fongicides et her-
bicides.
Chez les bactéries, les principaux gènes de la voie
de biosynthèse de la biotine sont organisés en un
opéron. Ce type d’organisation structurale des
gènes en opérons n’existe pas chez les plantes
les gènes de la voie de biosynthèse de la biotine
sont dispersés dans le génome. Seuls, les gènes
BIO3 et BIO1 sont adjacents chez toutes les plantes
dont le génome a été séquencé à ce jour et codent
deux étapes successives de la voie de synthèse
(Figure 1). Chez la plante modèle Arabidopsis tha-
liana ces gènes codent une protéine fusion BIO3-
BIO1 et certaines observations suggèrent que l’ori-
gine de ce gène bifonctionnel provient de la fusion
de deux gènes procaryotiques, fusion qui serait
survenue très tôt dans l’évolution des premiers
eucaryotes.
L’équipe Dynamisme du Métabolisme C1 du Labora-
toire de Physiologie Cellulaire & Végétale en col-
laboration avec le groupe Synchrotron de l’IBS a
biochimiquement caractérisé la protéine BIO3-
BIO1 d’Arabidopsis puis résolu sa structure tridi-
mensionnelle en l’absence et en
présence de ses différents ligands
(substrats, produits et cofacteurs)
(Figure 2). Cette étude montre qu’au
cours de la réaction, le DAPA (l’in-
termédiaire réactionnel des réactions
catalysées par l’enzyme) est transfé-
directement et rapidement du site
catalytique du domaine BIO1 où il
est synthétisé, vers celui du domaine
BIO3 il est ensuite métabolisé en
desthiobiotine (le précurseur direct
de la biotine), sans diffuser dans le
milieu environnant. En l’absence des
autres substrats du domaine BIO3, le
DAPA produit est séquestré au ni-
veau du site BIO1, ce qui permet une
bonne coordination des deux réac-
tions.
La résolution de la structure de l’en-
zyme met en évidence la présence à
sa surface d’un sillon reliant les
deux sites catalytiques. Cette struc-
ture, absente en surface des enzy-
mes bactériennes correspondantes
(enzymes mono-fonctionnelles),
pourrait constituer la voie de pas-
sage du DAPA. Pour tester cette
hypothèse les chercheurs de l’équipe ont substitué
certains acides aminés situés au fond de ce sillon
par d’autres, plus volumineux, afin d’entraver le
cheminement du DAPA. Ces mutations ont eu
pour conséquence d’empêcher la communication
des deux domaines fonctionnels et ont conduit à
un relargage et donc à une diffusion du DAPA
produit, réduisant ainsi de manière dramatique le
couplage des deux réactions catalysées par BIO3-
BIO1 et par conséquent l’efficacité catalytique du
système. Les deux domaines ayant des vitesses
catalytiques très différentes et la réac-
tion catalysée par le domaine BIO1
étant totalement réversible, un tel
mécanisme de «!channelling!» pourrait
constituer un moyen efficace d'empê-
cher cette réaction de fonctionner dans
le mauvais sens.
Il existe peu d’exemples documentés d’enzymes
bifonctionnelles catalysant deux étapes successi-
ves ou non d’une même voie de biosynthèse.
Ainsi, une vingtaine d'enzymes seulement sont
décrites chez les plantes, ces enzymes étant im-
pliquées essentiellement dans le métabolisme
des vitamines, des acides aminés et des lipides.
Rares sont celles cependant, tous règnes confon-
dus, à avoir été caractérisées de manière exhaus-
tive et très peu d’informations sont disponibles
sur les mécanismes réactionnels de ces enzymes,
notamment ceux permettant d’assurer le transit
des intermédiaires réactionnels d’un site cataly-
tique à l’autre. De telles informations sont pour-
tant essentielles à une meilleure compréhension
de la régulation des voies métaboliques impli-
quées, notamment dans l’optique d’optimiser
l’efficacité catalytique des enzymes qui la consti-
tuent afin d’améliorer les procédés de production
de molécules à haute valeur ajoutée, ou de per-
mettre le «!design !» d’inhibiteurs spécifiques à
des fins thérapeutiques ou phytosanitaires.
Mise en évidence d’un mécanisme de «!channelling!» dans
la voie de biosynthèse de la vitamine B8 chez les plantes
Référence
Cobessi D, Dumas R, Pautre V, Meinguet C,
Ferrer JL and Alban C. Biochemical and
structural characterization of the Arabidopsis
bifunctional enzyme DTB synthetase DAPA
aminotransferase. Evidence for substrate
channeling in biotin synthesis. Plant Cell, 2012,
24(4): 1608-1625
Contact : Claude Alban
LPCV
Laboratoire Physiologie Cellulaire & Végétale
UMR 5168 - CEA - CNRS - UJF - Inra
Figure 1 : Réactions cataly-
sées par BIO3-BIO1. Le
domaine BIO1 catalyse la
réaction DAPA aminotranfé-
rase dépendante du PLP, à
partir de KAPA et d’AdoMet
comme donneur d’amine. Le
domaine BIO3 catalyse la
réaction DTB synthétase qui
est une carboxylation ATP-dé-
pendante. La desthiobiotine
étant le précurseur direct de la
biotine. AdoMet, S-adénosyl-
méthionine!; PLP, pyridoxal 5’-
phosphate!; KAPA, acide kéto
amino pélargonique !; DAPA,
acide diamino pélargonique !;
DTB, desthiobiotine.
Figure 2 : Structure tridimensionnelle de l’enzyme bifonctionnelle BIO3-
BIO1 d’Arabidopsis thaliana. Sont visibles les deux domaines BIO1 et
BIO3, ainsi que des molécules de DAPA, l’intermédiaire réactionnel,
migrant du site BIO1 ou il est synthétisé vers le site BIO3 ou il sera
transformé en DTB, le précurseur direct de la biotine.
Un opéron est un groupement de gènes qui sont transcrits ensemble en ARN messager.
BIO1
BIO3
DAPA
DTB
(R,S)-DAPA
(S)-KAPA
LETTRE SCIENTIFIQUE
Contacts : [email protected]!5
Les laboratoires de l’iRTSV
Directeur de la publication
Dr. Jérôme Garin
Éditeur et format électronique
Pascal Martinez — [email protected]
Comité de rédaction
Claude Alban, Ina Attrée, Alexandre Bouron, François
Cretin, Nathalie Picollet-D'hahan.
Institut de Recherches en Technologies et
Sciences pour le Vivant
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17 rue des Martyrs
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"En bref
BCI
Biologie du Cancer
et de l'Infection
UMR_S 1036
CEA/Inserm/UJF
BGE
Biologie à Grande
Échelle
UMR_S 1038
CEA/Inserm/UJF
CBM
Chimie et Biologie
des Métaux
UMR 5249
CEA/CNRS/UJF
PCV
Physiologie Cellu-
laire & Végétale
UMR 5168
CEA/CNRS/UJF/Inra
GPC
Groupe Physiopa-
thologie du Cytos-
quelette
iRTSV et UMR_S 836
UJF/Inserm/CEA/CHU
L’équipe dirigée par Sabine Bailly du laboratoire Biologie du Can-
cer et de l'Infection a participé à un essai clinique sur des patients
atteints de la maladie de Rendu-Osler qui vient d’être publié dans
«!Journal of the American Medical Association!». Cette pathologie
vasculaire entraîne des épistaxis (saignements de nez) et des mal-
formations artério-veineuses au niveau de plusieurs organes in-
duisant une insuffisance cardiaque dans les cas les plus graves.
Dans ce travail, les chercheurs montrent pour la première fois que l’on peut
améliorer l’index cardiaque et les épistaxis de ces patients en les traitants
avec une molécule anti-angiogénique, le Bevacizumab, anticorps dirigé
contre le facteur angiogénique VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor).
Cette étude préliminaire réalisée sur 25 patients suggère que le Bevacizu-
mab pourrait être une nouvelle option thérapeutique dans le traitement de
la maladie de Rendu-Osler pour les malades en attente de greffe hépatique.
Des études supplémentaires seront nécessaires pour déterminer l’efficacité à
long terme de cette thérapie.
Référence
Dupuis-Girod et al., Bevacizumab in patients with hereditary
hemorrhagic telangiectasia and severe hepatic vascular malformations
and high cardiac output. Journal of the American Medical Association, 2012,
307(9): 948-955
Le Bevacizumab comme
traitement de la maladie de
Rendu-Osler
Il y a une quinzaine d'année, il a été démontré qu'un organite
limité par quatre membranes à l'intérieur des cellules de Plasmo-
dium et de Toxoplasma était un vestige de chloroplaste.
L'équipe Lipidomique Membranaire du laboratoire Physiologie Cellulaire &
Végétale s'intéresse aux synthèses des glycérolipides dans les cellules végé-
tales, aux trafics de ces lipides entre les différents organites membranaires
et à leur remodelage dans différents contextes physiologiques ou en ré-
ponse à des variations de l'environnement. Cette équipe explore en collabo-
ration avec plusieurs équipes internationales comment les connaissances
issues de travaux portant sur la cellule végétale peuvent être transférées sur
ces modèles parasitaires et exploitées dans le but de développer de nou-
veaux traitements médicamenteux. Une revue résume cette compréhension
de l'évolution sophistiquée des parasites du groupe des Apicomplexes et
couvre sommairement une décennie de recherche et de développement de
candidats médicaments (antibiotiques et herbicides disponibles) visant à
cibler les parasites au niveau de leur organite chloroplastique vestigial.
Référence
Botté C, Dubar F, McFadden G, Maréchal E and Biot C. Plasmodium
falciparum apicoplast drugs: Targets or off-targets? Chemical Reviews, 2012,
112(3): 1269–1283
Parasitologues de l'Institut Jean Roget (équipe de Marie-France Cesbron-Delauw),
de l'Université de Montpellier (équipe d'Henri Vial), du Muséum d'Histoire Natu-
relle (équipe d'Isabelle Florent), de l'Université de Melbourne (laboratoire de Geoff
McFadden) et chimistes de l'iBITEC-S du CEA Saclay (équipe de Bernard Rous-
seau), de l'UJF (équipe de Young-Sing Wong) et de l'Université de Lille (équipe de
Christophe Biot).
Un organite végétal découvert
chez les parasites responsables du
paludisme et de la toxoplasmose
inspire de nouveaux traitements
Maladie de Rendu-Osler : voir la lettre de l'iRTSV n° 19.
Index cardiaque : quantité de sang expulsé par chacun des ventricules du cœur,
par minute et par mètre carré de surface corporelle.
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Hyperforine, un extrait végétal doué de propriétés anti

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