L E T T R E S C I E N T I F I Q U E iRTSV Institut de Recherches en Technologies et Sciences pour le Vivant Fonctions intégrées des protéines - Du vivant aux nanotechnologies Direction des Sciences du Vivant Résultats scientifiques Hyperforine Alexandre Bouron Page 1 Lettre n° 29 - Mai 2012 Injectisome François Cretin / Ina Attrée Page 2 Le millepertuis (Hypericum perforatum) est une plante herbacée vivace communément appelé « Herbe de la Saint-Jean » car sa floraison survient fin juin. Le nom courant de cette plante (millepertuis perforé) est dû à l’aspect de ses feuilles qui semblent présenter de très nombreux trous. Le millepertuis a été décrit et utilisé en médecine traditionnelle depuis plus de deux milles ans pour un large spectre d’indications thérapeutiques. Au milieu des années 1980, les autorités de santé allemandes furent les premières à autoriser la vente et la consommation d’extraits d’Hypericum perforatum pour le traitement des troubles dépressifs. Bien toléré, induisant peu d’effets secondaires, le millepertuis apparaît comme une alternative efficace face aux antidépresseurs de synthèse dans le traitement des formes légères à modérées des troubles de l’humeur. Plusieurs groupes de substances bioactives ont été isolées à partir du millepertuis dont les phloroglucinols, essentiellement l’adhyperforine et l’hyperforine. Même si divers constituants présents dans ces extraits participent aux effets antidépresseurs, l’hyperforine apparaît comme l’acteur central Toxint'patch Nathalie Picollet-D'hahan Page 3 Channeling et Biotine Claude Alban Page 4 En bref Page 5 Hyperforine, un extrait végétal doué de propriétés anti-dépressives et influençant l’homéostasie du zinc responsable de l’efficacité thérapeutique des extraits d’Hypericum perforatum. Comme les antidépresseurs de synthèse, l’hyperforine inhibe, in vitro, la recapture de neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline, sérotonine, glutamate, GABA). Chez l’animal, elle augmente les taux extracellulaires de catécholamines, sérotonine et de glutamate ou stimule la libération d’acétylcholine. L'équipe Biologie des Métaux du Laboratoire de Chimie et Biologie des Métaux s’intéresse à l’hyperforine compte tenu de ses propriétés pharmacologiques. En effet, elle possède l'intéressante propriété d’être un activateur sélectif des canaux cationiques TRPC6, des protéines membranaires permettant des influx de calcium, de sodium et perméables au zinc. Par ailleurs, ces chercheurs ont montré que l’hyperforine provoque une dépolarisation du potentiel de membrane mitochondrial, provoquant la sortie d’ions zinc à partir de ces organelles. Un traitement chronique sur des neurones en culture ainsi que sur des souris (4 semaines de traitement par injection intra-péritonéale) s’accompagne d’une redistribution intracellulaire du zinc, d’une augmentation de l’expression des métallothionéines et d’une expression accrue des canaux TRPC6 ainsi que de TrkB, un récepteur du BDNF (brain-derived neurotrophic factor), un important facteur de croissance impliqué dans la survie et la croissance neuronale [1-5]. Il a également été montré que l’hyperforine interfère avec le métabolisme du précurseur du peptide β amyloïde (APP) : elle favorise la formation du dérivé sAPP s’opposant ainsi à la voie amyloïdogénique qui conduit à la formation des peptides amyloïdes (Aβ 40, Aβ 42). Divers laboratoires tentent de synthétiser des dérivés de l’hyperforine, par ailleurs un puissant inhibiteur d'enzymes impliquées dans des réactions inflammatoires. Un autre intérêt thérapeutique de l’hyperforine concerne ses propriétés anti-tumorales : elle exerce une toxicité directe sur les cellules cancéreuses et inhibe la vascularisation des tumeurs. L’hyperforine s’est en effet révélé être, in vitro et in vivo sur des modèles animaux, un inhibiteur de l’angiogenèse. Elle inhibe la sécrétion et la production d’enzymes dégradant la matrice extracellulaire, freinant la croissance et la migration des cellules endothéliales vasculaires. L’hyperforine est loin de constituer la panacée universelle mais possède d’intéressantes propriétés pharmacologiques qui nourrissent un nombre croissant d’études à son sujet. Un enjeu majeur des recherches futures consiste notamment à développer des dérivés plus stables et plus spécifiques. Contact : Alexandre Bouron LCBM Laboratoire Chimie et Biologie des Métaux UMR 5249 - CEA - CNRS - UJF Références Gibon J, Deloulme JC, Chevallier T, Ladevèze E, Abrous DN and Bouron A. The antidepressant hyperforin increases the phosphorylation of CREB and the expression of TrkB in a tissue-specific manner. International Journal of Neuropsychopharmacoly, 2012 [2] Gibon et al., Neuropharmacology, 2011 [3] Gibon et al., Cell Calcium, 2010 [4] Tu et al., Journal of Neurochemistry, 2010 [5] Tu et al., Journal of Neurochemistry, 2009 [1] Au niveau cellulaire, l’hyperforine dépolarise le potentiel de membrane mitochondrial, libérant du zinc (et du calcium) hors de ces organites. Par ailleurs, c’est un puissant activateur de TRPC6, des canaux cationiques de la membrane plasmique. Lors d’un traitement chronique, l’hyperforine contrôle, via une cascade de signalisation intracellulaire impliquant la protéine kinase A (PKA) et le facteur de transcription CREB, l’expression des canaux TRPC6 et de TrkB, le récepteur du facteur de croissance BDNF. Chimie et Biologie des Métaux 1 L E T T R E S C I E N T I F I Q U E Quoi de neuf sur l’injectisome, cible de choix pour de nouveaux anti-bactériens ? Il y a déjà plus de dix ans, les pouvoirs publics lançaient la campagne d’information « Les antibiotiques, c’est pas automatique ». Malgré la prise de conscience qui a suivi cette campagne, les infections aux bactéries pan-résistantes dans le milieu hospitalier restent toujours un problème et un véritable challenge. Des efforts doivent être faits pour créer une recherche ambitieuse, innovante et soutenue afin de combattre efficacement ce fléau mondial. Une des stratégies de choix est non plus de tuer la bactérie, mais plutôt de cibler les mécanismes de virulence qu'elle met en œuvre afin de coloniser sa cellule hôte. montré que toutes les cellules sont sensibles à l’injection de la toxine, sauf deux lignées d’origine hématopoïétique (HL-60, U-937) qui ne deviennent susceptibles que lorsqu'elles sont différenciées en monocytes, macrophages ou neutrophiles. Ces deux lignées constituent donc de bons modèles d’étude des mécanismes moléculaires contrôlant l’injection des toxines bactériennes. Le fait que les protéines du translocon aient été retrouvées insérées aussi bien dans la membrane plasmique des cellules HL-60 différenciées ou non, montre que le défaut d’injection des toxines ne réside pas dans l’interaction de la cellule cible avec la bactérie et la mise en place du système de perforation, mais implique la participation de mécanismes moléculaires de la cellule cible qui contrôlent l’injection des toxines. Ainsi, ces chercheurs ont montré que des voies de signalisation de la cellule cible jouaient un rôle car certains inhibiteurs (de polyUn des mécanismes de virulence attractif pour mérisation de l’actine, de phosphorylation de tyrolutter contre les infections bactériennes est le pro- sine, etc) étaient capables de bloquer l’injection des cessus d’injection des toxines par l’injectisome, ou toxines. D'autres phénomènes tels que la polarisasystème de sécrétion de type III (SST3), présent tion cellulaire semblent également réguler la susdans certains pathogènes. L'injectisome est compo- ceptibilité à l’injection. sé d’une vingtaine de protéines qui s’assemblent en une structure de type « aiguille » dont la pointe, ExoU : le lien fort entre la structure et la foncle translocon, est constituée de trois protéines tion permettant le passage des toxines dans la cellule La toxine ExoU est une phospholipase synthétisée hôte. L’équipe Pathogenèse Bactérienne et Réponses par environ 30 % des isolats cliniques de P. aerugiCellulaires du laboratoire Biologie du Cancer et de nosa, et se retrouve dans le cytoplasme bactérien l'Infection, étudie cette nano-machinerie macromo- complexée à sa chaperonne, SpcU. La structure léculaire chez la bactérie pathogène Pseudomonas spatiale du complexe ExoU:SpcU [2] a été résolue à aeruginosa. Dans deux études récentes, cette équipe la suite d'une collaboration avec l’équipe d’A. s'est intéressée : Dessen de l’IBS. Pour étudier le lien structure-fonc• aux mécanismes moléculaires de l’insertion du tion d’ExoU, ces chercheurs ont construit une soutranslocon et à l’injection des toxines, et che de P. aeruginosa exprimant soit la protéine sau• à l’étude structure-fonction d’ExoU, la plus vage soit les protéines mutantes modifiées au niagressive des quatre toxines injectées par P. aerugi- veau des acides aminés susceptibles d’influencer nosa. son activité. La toxicité d’ExoU et de ses mutants a ensuite été évaluée en mesurant le taux de mortaliL’injection de toxines dans les cellules té de cellules épithéliales infectées. Grâce à l'utiliAfin d’étudier la capacité de P. aeruginosa à injecter sation d'une forme inactive de la toxine, le devenir ses toxines [1], ces chercheurs ont mis au point un de la protéine dans la cellule a pu être étudié par système rapporteur de l’injection (Figure 1A) et immunofluorescence. ExoU ubiquitinée sur la A Pseudomonas aeruginosa B ExoU Lys178 est ciblée vers les endosomes. Néanmoins, cette modification n’influence pas sa cytotoxicité et semble plutôt refléter un effort désespéré de la cellule pour se « débarrasser » de la toxine. Les mutations introduites dans le domaine nécessaire à la fixation membranaire entraînent une mauvaise localisation de la toxine qui se trouve alors dans le cytoplasme, partiellement active (Figure 1B). Ces résultats ont permis aux chercheurs de l’équipe Pathogenèse Bactérienne et Réponses Cellulaires d‘avancer dans la compréhension du rôle de mécanismes présents dans les cellules eucaryotes et qui ont un impact important sur dans le contrôle de l’injection des toxines par l’injectisome de la bactérie P. aeruginosa. Les connaissances qui résultent de ces travaux permettent d’envisager des stratégies d’inhibition de ce système de virulence bactérien. Ces études, qui couplent approches structurales et microbiologie cellulaire ont également permis aux chercheurs de proposer un modèle d’action de la toxine ExoU et d’observer son devenir lors de l’intoxication cellulaire. Contacts : François Cretin et Ina Attrée BCI Biologie du Cancer et de l'Infection UMR_S 1036 - CEA - Inserm - UJF Références Vérove J, Bernarde C, Bohn YS, Boulay F, Rabiet MJ, Attrée I and Cretin F. Injection of Pseudomonas aeruginosa Exo toxins into host cells can be modulated by host factors at the level of translocon assembly and/or activity. PLoS One, 2012, 7(1): e30488 [2] Gendrin C, Contreras-Martel C, Bouillot S, Elsen S, Lemaire D, Skoufias DA, Huber P, Attrée I and Dessen A. Structural basis of cytotoxicity mediated by the Type III Secretion Toxin ExoU from Pseudomonas aeruginosa. PLoS Pathogens, 2012, 8(4): e1002637 [1] ExoU ΔUb ExoU ΔCter ExoU - EEA1 ExoS-Bla Cellule eucaryote hôte Cellules non « injectées » Cellules « injectées » Figure 1A - Système rapporteur de l’injection des toxines dans les cellules eucaryotes. La souche de P. aeruginosa génétiquement modifiée possède une toxine (ExoS) fusionnée à la ß-lactamase (Bla) qui catalyse le clivage d’un substrat fluorescent, le CCF2. Ceci permet de visualiser l’injection de la toxine chimérique par la transformation de la fluorescence verte (CCF2 non clivé) dans les cellules non « injectées » en une fluorescence bleue (CCF2 clivé) dans les cellules « injectées ». Figure 1B - Localisation d’ExoU dans la cellule infectée. Non ubiquitinée (ExoU ΔUb), ExoU est présente seulement à la membrane plasmique et sans le domaine C-ter (ExoU ΔCter) , elle est uniquement cytosolique. EEA1 est un marqueur spécifique des endosomes. Bactéries pan-résistantes : bactéries résistantes à la majorité des antibiotiques. 2 Biologie du Cancer et de l'Infection L E T T R E S C I E N T I F I Q U E Coquillages et crustacés… Produites par des micro-algues et consommées par les coquillages (huîtres, moules, palourdes…), les biotoxines marines (ou phycotoxines) peuvent produire des troubles graves chez le consommateur (intoxications diarrhéiques, paralysantes, amnésiantes ou neurologiques). La prolifération des espèces de micro-algues productrices de toxines ne pouvant être contrôlée, il est, de fait, impossible d'éviter que les coquillages ne se contaminent. Ainsi, afin de prévenir l'exposition des consommateurs à ces toxines, une surveillance constante est assurée dans les zones de production par un réseau de laboratoires côtiers tels que l'Ifremer. Depuis plusieurs mois, des discussions sont en cours au niveau communautaire pour remplacer les tests de toxicité chez la souris qui constituent la méthode de référence pour la surveillance de la qualité sanitaire des coquillages. Dans ce contexte, l'équipe Biomics du laboratoire Biologie à Grande Échelle a développé une mallette de patch-clamp sur puce pouvant répondre à ce besoin de surveillance sur site, au sein des laboratoires côtiers. Une méthode de détection basée sur les performances reconnues du patch-clamp permettrait de déterminer le profil toxinique (nature et quantité individuelles) et fournirait une réponse qualitative et/ou quantitative avec une limite de quantification très inférieure au seuil de salubrité. A La mallette de patch-clamp « Toxint’patch » [1], signe l’aboutissement de 7 années de développements technologiques menés au sein de l'équipe Biomics sur le patch-clamp planaire ou patchclamp sur puce silicium. Ce projet transverse a bénéficié des compétences pluridisciplinaires du DTBS sur les aspects microtechnologies et du Grenoble Institut des Neurosciences pour les étapes de validation biologique. Après avoir breveté le concept [2], l'équipe, en collaboration avec le DTBS, a optimisé les propriétés de la puce silicium [3], dédiée par exemple à la détection de toxine peptidique de scorpion (iberiotoxine) ou de phycotoxine non-peptidique de type PSP (gonyautoxine) ciblant des courants potassium ou sodium [4]. L’intégration de la puce silicium au sein d’une mallette a nécessité l’assemblage et la validation de modules pneumatiques de fluidique parallélisée et automatisée, le couplage d’une carte électronique 9 sites et le développement d’un logiciel dédié (Figure 1). Les performances électroniques de la carte Toxint'patch sont comparables à celles du système commercial de référence et permettent d’enregistrer des courants de centaines de picoAmp (Figure 2), suffisants pour détecter et doser des agents toxiniques. Références [1] Boussaoud A, Fonteille I, Collier G, Kermarrec F, Vermont F, Tresallet E, De Waard M, Arnoult C and Picollet-D’hahan N. A miniaturized planar patch-clamp system for transportable use. Biosensors and Bioelectronics, 2012, 32(1): 96–103 [2] Picollet-D’hahan N, Chatelain F, Caillat P and Revol-Cavalier F. Brevet WO 2004/038409 A2 Device for measuring the electrical activity of biological elements and its application. Brevet US délivré le 29/02/2009 sous le numéro : US 7,494,622 [3] Sordel T, Garnier-Raveaud S, Sauter F, Pudda C, Marcel F, De Waard M, Arnoult C, Vivaudou M, Chatelain F and Picollet-D'hahan N. Hourglass SiO2 coating increases the performance of planar patch-clamp. Journal of Biotechnology, 2006, 125(1): 142-154 [4] Sordel T, Kermarrec F, Sinquin Y, Fonteille I, Labeau M, Sauter-Starace F, Pudda C, de Crecy F, Chatelain F, De Waard M, Arnoult C and Picollet-D'hahan N. The development of high quality seals for silicon patch-clamp chips. Biomaterials, 2010, 31(28): 7398-7410 Ce dispositif de détection transportable pourrait se décliner à d’autres applications comme le contrôle des eaux de baignade ou l’agro-alimentaire; la bio-défense ou pourrait aussi être embarqué lors d’expéditions d’étude du phytoplancton des océans ou de suivi de l’évolution d’écosystèmes particuliers. Contact : Nathalie Picollet-D'hahan BGE Biologie à Grande Échelle UMR_S 1038 - CEA - Inserm - UJF Toxint’patch : voir également la lettre de l'iRTSV n° 21. PSP : paralytic shellfish poisoning (toxines paralysantes) B Étage fluidique Carte électronique Toxint'patch Carte électronique commerciale Étage électronique Figure 1 : Mallette Toxint’patch (ouverte A, fermée B) composée en son centre de l’assemblage pneumatique de la puce silicium (zoom dessous), de part et d’autres des modules automatiques de gestion des fluides, dans l’étage inférieur une carte électronique 9 voies et connectée à un PC externe. Biologie à Grande Échelle Figure 2 : Adéquation des performances électroniques de la carte Toxint'patch avec une électronique commerciale (Axopatch 200B, Molecular Devices). Validation par l’enregistrement de courants voltage-dépendants, calciques et sodiques sur 2 types cellulaires (CHO, HEK). 3 L E T T R E S C I E N T I F I Q U E Mise en évidence d’un mécanisme de « channelling » dans la voie de biosynthèse de la vitamine B8 chez les plantes Chez tous les organismes vivant, la biotine ou vitamine B8 est un cofacteur essentiel pour un petit nombre d’enzymes du métabolisme C1 (transfert d'unités monocarbonées) impliquées dans des processus métaboliques cruciaux comme la synthèse des acides gras ou le métabolisme des acides aminés. Chez les mammifères, la biotine est également impliquée de différentes manières dans la régulation de l’expression des gènes, en particulier au travers d’une voie de signalisation en cascade dépendante du GMPc. Cependant, en dépit de ses fonctions importantes, la biotine est synthétisée uniquement par les bactéries, certains champignons et les plantes. Les animaux, dont l’Homme, doivent puiser cette vitamine dans leur alimentation. Aussi, l’inhibition d’enzymes clé de la voie de biosynthèse de la biotine est une stratégie prometteuse pour le développement de nouveaux antibiotiques, fongicides et herbicides. L’équipe Dynamisme du Métabolisme C1 du Laboratoire de Physiologie Cellulaire & Végétale en collaboration avec le groupe Synchrotron de l’IBS a biochimiquement caractérisé la protéine BIO3BIO1 d’Arabidopsis puis résolu sa structure tridimensionnelle en l’absence et en présence de ses différents ligands (substrats, produits et cofacteurs) (Figure 2). Cette étude montre qu’au cours de la réaction, le DAPA (l’intermédiaire réactionnel des réactions catalysées par l’enzyme) est transféré directement et rapidement du site catalytique du domaine BIO1 où il est synthétisé, vers celui du domaine BIO3 où il est ensuite métabolisé en desthiobiotine (le précurseur direct de la biotine), sans diffuser dans le milieu environnant. En l’absence des autres substrats du domaine BIO3, le DAPA produit est séquestré au niveau du site BIO1, ce qui permet une bonne coordination des deux réactions. Il existe peu d’exemples documentés d’enzymes bifonctionnelles catalysant deux étapes successives ou non d’une même voie de biosynthèse. Ainsi, une vingtaine d'enzymes seulement sont décrites chez les plantes, ces enzymes étant im- BIO3 BIO1 DAPA La résolution de la structure de l’enzyme met en évidence la présence à sa surface d’un sillon reliant les deux sites catalytiques. Cette struc- Figure 2 : Structure tridimensionnelle de l’enzyme bifonctionnelle BIO3Chez les bactéries, les principaux gènes de la voie ture, absente en surface des enzy- BIO1 d’Arabidopsis thaliana. Sont visibles les deux domaines BIO1 et de biosynthèse de la biotine sont organisés en un mes bactériennes correspondantes BIO3, ainsi que des molécules de DAPA, l’intermédiaire réactionnel, opéron. Ce type d’organisation structurale des (enzymes mono-fonctionnelles), migrant du site BIO1 ou il est synthétisé vers le site BIO3 ou il sera gènes en opérons n’existe pas chez les plantes où pourrait constituer la voie de pas- transformé en DTB, le précurseur direct de la biotine. les gènes de la voie de biosynthèse de la biotine sage du DAPA. Pour tester cette sont dispersés dans le génome. Seuls, les gènes hypothèse les chercheurs de l’équipe ont substitué pliquées essentiellement dans le métabolisme BIO3 et BIO1 sont adjacents chez toutes les plantes certains acides aminés situés au fond de ce sillon des vitamines, des acides aminés et des lipides. dont le génome a été séquencé à ce jour et codent par d’autres, plus volumineux, afin d’entraver le Rares sont celles cependant, tous règnes confondeux étapes successives de la voie de synthèse cheminement du DAPA. Ces mutations ont eu dus, à avoir été caractérisées de manière exhaus(Figure 1). Chez la plante modèle Arabidopsis tha- pour conséquence d’empêcher la communication tive et très peu d’informations sont disponibles liana ces gènes codent une protéine fusion BIO3- des deux domaines fonctionnels et ont conduit à sur les mécanismes réactionnels de ces enzymes, BIO1 et certaines observations suggèrent que l’ori- un relargage et donc à une diffusion du DAPA notamment ceux permettant d’assurer le transit gine de ce gène bifonctionnel provient de la fusion produit, réduisant ainsi de manière dramatique le des intermédiaires réactionnels d’un site catalyde deux gènes procaryotiques, fusion qui serait couplage des deux réactions catalysées par BIO3- tique à l’autre. De telles informations sont poursurvenue très tôt dans l’évolution des premiers BIO1 et par conséquent l’efficacité catalytique du tant essentielles à une meilleure compréhension eucaryotes. système. Les deux domaines ayant des vitesses de la régulation des voies métaboliques impli(S)-KAPA catalytiques très différentes et la réac- quées, notamment dans l’optique d’optimiser Figure 1 : Réactions cataly- tion catalysée par le domaine BIO1 l’efficacité catalytique des enzymes qui la constisées par BIO3-BIO1. Le étant totalement réversible, un tel tuent afin d’améliorer les procédés de production domaine BIO1 catalyse la mécanisme de « channelling » pourrait de molécules à haute valeur ajoutée, ou de perréaction DAPA aminotranfé- constituer un moyen efficace d'empê- mettre le « design » d’inhibiteurs spécifiques à rase dépendante du PLP, à cher cette réaction de fonctionner dans des fins thérapeutiques ou phytosanitaires. partir de KAPA et d’AdoMet le mauvais sens. comme donneur d’amine. Le Contact : Claude Alban (R,S)-DAPA domaine BIO3 catalyse la LPCV réaction DTB synthétase qui Laboratoire Physiologie Cellulaire & Végétale est une carboxylation ATP-déUMR 5168 - CEA - CNRS - UJF - Inra pendante. La desthiobiotine étant le précurseur direct de la biotine. AdoMet, S-adénosylméthionine ; PLP, pyridoxal 5’Cobessi D, Dumas R, Pautre V, Meinguet C, DTB phosphate ; KAPA, acide kéto Ferrer JL and Alban C. Biochemical and amino pélargonique ; DAPA, structural characterization of the Arabidopsis acide diamino pélargonique ; bifunctional enzyme DTB synthetase – DAPA DTB, desthiobiotine. aminotransferase. Evidence for substrate channeling in biotin synthesis. Plant Cell, 2012, Un opéron est un groupement de gènes qui sont transcrits ensemble en ARN messager. 24(4): 1608-1625 Référence 4 Physiologie Cellulaire & Végétale L E T T R E S C Le Bevacizumab comme traitement de la maladie de Rendu-Osler L’équipe dirigée par Sabine Bailly du laboratoire Biologie du Cancer et de l'Infection a participé à un essai clinique sur des patients atteints de la maladie de Rendu-Osler qui vient d’être publié dans « Journal of the American Medical Association ». Cette pathologie vasculaire entraîne des épistaxis (saignements de nez) et des malformations artério-veineuses au niveau de plusieurs organes induisant une insuffisance cardiaque dans les cas les plus graves. Dans ce travail, les chercheurs montrent pour la première fois que l’on peut améliorer l’index cardiaque et les épistaxis de ces patients en les traitants avec une molécule anti-angiogénique, le Bevacizumab, anticorps dirigé contre le facteur angiogénique VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor). Cette étude préliminaire réalisée sur 25 patients suggère que le Bevacizumab pourrait être une nouvelle option thérapeutique dans le traitement de la maladie de Rendu-Osler pour les malades en attente de greffe hépatique. Des études supplémentaires seront nécessaires pour déterminer l’efficacité à long terme de cette thérapie. Référence Dupuis-Girod et al., Bevacizumab in patients with hereditary hemorrhagic telangiectasia and severe hepatic vascular malformations and high cardiac output. Journal of the American Medical Association, 2012, 307(9): 948-955 Maladie de Rendu-Osler : voir la lettre de l'iRTSV n° 19. Index cardiaque : quantité de sang expulsé par chacun des ventricules du cœur, par minute et par mètre carré de surface corporelle. I E N T I F I Q U E En bref Un organite végétal découvert chez les parasites responsables du paludisme et de la toxoplasmose inspire de nouveaux traitements Il y a une quinzaine d'année, il a été démontré qu'un organite limité par quatre membranes à l'intérieur des cellules de Plasmodium et de Toxoplasma était un vestige de chloroplaste. L'équipe Lipidomique Membranaire du laboratoire Physiologie Cellulaire & Végétale s'intéresse aux synthèses des glycérolipides dans les cellules végétales, aux trafics de ces lipides entre les différents organites membranaires et à leur remodelage dans différents contextes physiologiques ou en réponse à des variations de l'environnement. Cette équipe explore en collaboration avec plusieurs équipes internationales comment les connaissances issues de travaux portant sur la cellule végétale peuvent être transférées sur ces modèles parasitaires et exploitées dans le but de développer de nouveaux traitements médicamenteux. Une revue résume cette compréhension de l'évolution sophistiquée des parasites du groupe des Apicomplexes et couvre sommairement une décennie de recherche et de développement de candidats médicaments (antibiotiques et herbicides disponibles) visant à cibler les parasites au niveau de leur organite chloroplastique vestigial. Référence Botté C, Dubar F, McFadden G, Maréchal E and Biot C. Plasmodium falciparum apicoplast drugs: Targets or off-targets? Chemical Reviews, 2012, 112(3): 1269–1283 Parasitologues de l'Institut Jean Roget (équipe de Marie-France Cesbron-Delauw), de l'Université de Montpellier (équipe d'Henri Vial), du Muséum d'Histoire Naturelle (équipe d'Isabelle Florent), de l'Université de Melbourne (laboratoire de Geoff McFadden) et chimistes de l'iBITEC-S du CEA Saclay (équipe de Bernard Rousseau), de l'UJF (équipe de Young-Sing Wong) et de l'Université de Lille (équipe de Christophe Biot). Les laboratoires de l’iRTSV Directeur de la publication Dr. Jérôme Garin BCI CBM UMR_S 1036 CEA/Inserm/UJF UMR 5249 CEA/CNRS/UJF Biologie du Cancer et de l'Infection Chimie et Biologie des Métaux BGE PCV UMR_S 1038 CEA/Inserm/UJF UMR 5168 CEA/CNRS/UJF/Inra Biologie à Grande Échelle Physiologie Cellulaire & Végétale GPC Groupe Physiopathologie du Cytosquelette iRTSV et UMR_S 836 UJF/Inserm/CEA/CHU Éditeur et format électronique Pascal Martinez — [email protected] Comité de rédaction Claude Alban, Ina Attrée, Alexandre Bouron, François Cretin, Nathalie Picollet-D'hahan. Institut de Recherches en Technologies et Sciences pour le Vivant http://www-dsv.cea.fr/irtsv http://www-dsv.cea.fr/irtsv/lettres CEA Grenoble 17 rue des Martyrs 38 054 Grenoble cedex 09 Responsable : Jérôme Garin Tel. : 04 38 78 45 01 Fax : 04 38 78 51 55 © CEA [2012]. Tous droits réservés. 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