HAMLET Opéra en 5 actes et 7 tableaux Livret de Jules BARBIER et Michel CARRÉ d'après le drame de SHAKESPEARE Création à Paris, Académie Impériale de Musique (Salle Le Peletier), le 9 mars 1868 Dernière représentation à l'Opéra de Marseille, le 6 juin 2010 COPRODUCTION OPÉRA DE MARSEILLE / OPÉRA NATIONAL DU RHIN Il ne faut pas chercher une adaptation fidèle de la pièce de Shakespeare dans cet Hamlet d’Ambroise Thomas. L’adaptation, que firent de la célèbre pièce anglaise Jules Barbier et Michel Carré, est assez éloignée de l’original, mais elle pouvait paraître fidèle au public de l’époque qui appréciait surtout « la fièvre passionnée » dont il gratifiait Shakespeare en laissant de côté ses ambiguïtés et ses interrogations existentielles. Ambroise Thomas, musicien officiel couvert d’honneurs - membre de l’Institut, directeur du conservatoire de Paris et l’un des musiciens les plus reconnus de son temps! - reprend là les principes du Grand Opéra historique à la française. Hamlet, ouvrage au style très académique, n’en est pas moins une réussite. L’art orchestral du compositeur joint à sa parfaite maîtrise de l’écriture vocale sont à l’origine de très belles pages comme le duo d’amour entre Hamlet et Ophélie, l’arioso* de Gertrude ou la scène du spectre. Le succès de Hamlet ne fut pas aussi grand que celui de Mignon (1866) qui resta jusque dans les années 1930 un des opéras français les plus joués dans le monde, assurant durablement la renommée d’Ambroise Thomas. Hamlet doit sa longévité à l’attrait que constitue le rôle éponyme pour tous les plus grands barytons. *arioso : En musique classique un arioso, est un genre musical pour voix de soliste, qui occupe la place intermédiaire entre le récitatif de nature narrative, et l’aria, purement musicale. > source : wikipédia Source : Opéra Online : https://www.opera-online.com/items/works/hamlet-carre-thomas-1868 Genèse H a m l e t : t r i o m p h e, o u b l i, r é s u r r e c t i o n Le 9 mars 1868, Hamlet, opéra en cinq actes d’Ambroise Thomas, triomphe à l’Opéra de Paris (Salle le Pelletier). Les auteurs du livret, Jules Barbier et Michel Carré n’ont pas hésité à changer le dénouement du drame de Shakespeare, Hamlet ne mourant plus mais devenant roi et les critiques sont enthousiastes ! Le second tableau du premier acte (tableau de l’esplanade) et la scène entre Hamlet et sa mère Gertrude au troisième acte (tableau de l’oratoire) sont particulièrement loués. La scène de la folie rallie également tous les suffrages. Les interprètes son couverts d’éloges et l’ouvrage remporte le même succès au Covent Garden de Londres, en 1869, dans sa version italienne. Pour cette création, le compositeur remanie sa partition pour ne pas choquer l’auditoire anglais très attaché à l’œuvre de Shakespeare. L’ouvrage se termine, comme dans la tragédie, par la mort d’Hamlet, après avoir tué Claudius et sans avoir revu le Spectre. En mai 1896, l’ouvrage est repris à l’Opéra de Paris en hommage au compositeur disparu en février de la même année. C’est alors qu’il restera à l’affiche pendant les deux premières décennies du XXe siècle ! Dans l’entre-deux-guerres, Hamlet commence à être moins représenté. Au palais Garnier, il atteint sa dernière représentation, la 384e, en 1938. La véritable et durable résurrection de l’ouvrage commence en 1978, à l’Opéra de San Diego, en Californie, dans une adaptation en langue anglaise, puis une parenthèse britannique au festival de Buxton, en 1980 et en 1982 à l’Opéra de Sydney (Australie). Dix ans après, en janvier 1993, à l’Opéra de Monte-Carlo, puis en septembre 1996 au Grand Théâtre de Genève et en 2010 à l’Opéra de Marseille. La Maison marseillaise retrouve l’opéra d’Ambroise Thomas, créé au Grand Théâtre de Marseille en mai 1869 et qui n’avait plus été repris depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en novembre 1943. André Segond – Livret d’Hamlet édité en 2010 par l’Opéra de Marseille, en partenariat avec le Département des bouches-du-Rhône. La pièce de Shakespeare Hamlet, une tragédie universelle… Elle est l’une des pièces de théâtre les plus célèbres et les plus jouées dans le monde. Cette œuvre est devenue populaire grâce au célèbre monologue « être ou ne pas être » « to be or not to be », acte III scène 2. Cette tragédie traite de plusieurs thèmes : - la piété filiale (deuil…) - la folie (vraie ou fausse) - le doute (la réflexion et l’impossibilité d’agir) - la solitude (isolement, errance…) - la mort (le suicide, meurtre, revenant...) La pièce est construite autour d’une série d’intrigues et de stratagèmes politiques qui entraînent le royaume d’Elseneur (Danemark) vers un dénouement tragique. Ce texte a des résonances avec le contexte historique dans lequel vivait Shakespeare à cette époque. La spécificité de cette pièce, l’apparition du spectre, la cruauté des stratagèmes, la folie du personnage… est liée à son origine. En effet, William Shakespeare s’est inspiré d’un conte pour écrire cette tragédie. Résumé Pour devenir roi du Danemark, Claudius a tué son propre frère et épousé sa veuve, Gertrude. Hamlet, le fils du roi assassiné, aime Ophélie, mais il doit accomplir la vengeance que le spectre de son père lui réclame. Ophélie se croyant délaissée par Hamlet, sombre dans la folie et meurt noyée. Quand Hamlet désespéré veut la rejoindre dans la mort, le spectre de son père revient lui rappeler son devoir de vengeance. Le prince tue Claudius et devient roi du Danemark. Source : Opéra Online : https://www.opera-online.com/items/works/hamlet-carre-thomas-1868 Les personnages Hamlet - baryton Prince du Danemark, il est le fils de Gertrude et d’Hamlet Père, roi du Danemark. Il est chargé par le spectre de venger le meurtre de son père.Il simule la folie pour arriver à ses fins et rétablir la vérité. Ophélie – soprano Fille de Polonius et sœur de Laërte, elle entretient une relation amoureuse avec Hamlet. Elle sombre dans la folie en apprenant la mort de son père et meurt noyée. Le spectre - basse Marcellus - ténor Le roi du un officier Danemark, Hamlet Père, revient sous forme de spectre pour raconter à son fils comment il a été tué et lui demander de venger son meurtre. Gertrude mezzo-soprano Reine du Danemark et mère d’Hamlet. Elle épouse Claudius, frère du roi défunt. Claudius – basse Nouveau roi du Danemark, épouse Gertrude peu après l’enterrement de son frère, le roi défunt. Le spectre de ce dernier l’accuse de l’avoir tué. Laërte - soprano Fils de Polonius et frère d’Ophélie, il veut venger la mort de son père en tuant Hamlet. Horatio - baryton Meilleur ami d’Hamlet qui lui est à la fois fidèle et sincère. Polonius Deux fossoyeurs baryton baryton et ténor chambellan du roi baryton Nous remarquons dans le choix des voix, une domination des tessitures graves qui assombrit particulièrement la partition, et que seule la voix d’Ophélie vient éclairer. Initialement, Ambroise Thomas voulait jouer le jeu de la convention et confier le rôle-titre à une voix de ténor. Mais le choix du grand baryton Faure lui fit réécrire le rôle pour cette tessiture, habituellement dévolue aux frères ou aux compagnons. Les ténors de la partition ont des rôles secondaires. Synopsis Acte 1 À la cour d’Elseneur, on célèbre le mariage du roi Claudius avec la veuve de son frère, la reine Gertrude. Claudius vient d’hériter du trône de son frère et Hamlet, le fils du défunt roi, est troublé par le remariage précipité de sa mère. Le prince aime Ophélie mais l’apparition du spectre de son père, qui lui apprend que Claudius l’a empoisonné, le rappelle à son devoir de vengeance. Acte 2 Ophélie s’attriste du soudain changement de Hamlet (« Sa main depuis hier »). Elle confie ses craintes à Gertrude qui prend peur : Hamlet aurait-il découvert que son père a été assassiné ? Au cours d’un festin (« O vin, dissipe la tristesse »), Hamlet invite une troupe de comédiens à jouer une pièce mettant en scène l’assassinat d’un roi. Claudius comprend la portée de l’accusation et quitte l’assemblée. Hamlet l’accuse publiquement du meurtre du roi. Ses gestes désordonnés donnent l’impression qu’il est en proie à la folie. Acte 3 Hamlet médite sur la destinée humaine (« Être ou ne pas être »). Il apprend que Polonius, le père d’Ophélie, est complice du meurtre du roi. Quand la jeune fille se présente à Hamlet, il la renvoie sans ménagement, la condamnant au couvent. Puis il affronte violemment Gertrude, qu’il accuse tout en dialoguant avec le Spectre que sa mère ne peut voir. Gertrude pense que son fils est devenu dément. Elle est au désespoir. Acte 4 Ophélie, repoussée par Hamlet, erre dans la campagne. Elle a perdu la raison. Elle découvre une fête villageoise à laquelle elle commence par se joindre (« À vos jeux, mes amis »). Puis en se penchant au-dessus d’un fleuve, elle perd pied et se noie. Acte 5 Dans le cimetière d’Elseneur, on prépare la tombe d’Ophélie. Hamlet fuyant les assassins qui le poursuivent sur ordre de Claudius, observe ces préparatifs, plongé dans une sombre méditation (« La fatigue alourdit mes pas »). Quand il réalise que c’est sa bien-aimée qu’on porte en terre, il veut la rejoindre dans la mort. Mais le spectre de son père réapparait pour lui rappeler son devoir. Hamlet tue Claudius et surmontant son désespoir, il se fait proclamer roi du Danemark. Source : Opéra Online : https://www.opera-online.com/items/works/hamlet-carre-thomas-1868 R e g a r d d e V i n c e n t B o u s s a r d, m e t t e u r e n s c è n e Extraits des notes et entretiens préparatoires du metteur en s c è n e, a u d é c o r a t e u r, V i n c e n t L e m a i r e. Apurer le plus possible, afin de laisser au seul à la musique tout son charme pénétrant. Contenir toute la tension dans un espace unique, pour un développement dramatique qui soit le plus acéré possible. Saisir les surfaces dans un geste de glaciation (murs et moulures pris dans les glaces d’un vernis, d’une pellicule épaisse, qui a tout figé). Plonger entre des murs (hauts et squelettiques) D’abord, les suivre (écouter la musique), comme leur ombre, sans objecter, et emprunter leurs chemins. (…) Pour faire vite, parmi ces « survivants », trois gamins : Hamlet, égaré fanatique de pureté, en proie à une révolte indicible et un rien égocentrique. Hamlet usant de la folie comme de l’alcool – ou l’inverse – parleur qui ne sait rien avouer, partager de son drame intime. Ophélie baignant dans la fiction et qui finit cruellement noyée. Elle est une figure pure et attirante. Laërte, hébété face à ces ordres venus de plus haut, que lui et ses devoirs brutaux, que ses intuitions semblent contredire. Ces trois « jeunesses » naviguent à vue et finissent avec de réelles brisures. Puis, Gertrude et Claudius qui jouissent (enfin!) avec l’impudeur décomplexée, un brin revancharde sur la vie, de ceux qui accèdent à une souveraineté à un prix certain. Polonius, flic, ou ministre? Il n’a pas même ici les honneurs du poignard à travers la tenture ! Le reste Horatio, Marcellus, sous la terreur des destins supérieurs ou en totale ignorance du drame comme ces fossoyeurs, ivrognes abrutis. Et la grande majorité (courtisans, pages, officiers etc), sans doute complice parce que muette, complaisante ; douée également d’une puissante propension à la compassion, mais toujours trop tardive. Le spectre reste encore un mystère : Une voix détachée de son corps ; hallucination, visiteur, illusion? Un peu tout cela en même temps. En tous cas, il renverse les mondes. V i n c e n t B o u s s a r d , m e t t e u r e n s c è n e, à M a u r i c e X i b e r r a s, D i r e c t e u r G é n é r a l d e l ’ O p é r a d e M a r s e i l l e. (…) Nous comprenons Ambroise Thomas, s’inscrivant dans une tradition d’adaptation du mythe entamé au XVIIIème siècle (déjà Ducis pour une tragédie « imitée de l’anglais » donnée à la Comédie-Française un siècle auparavant, avait laissé en vie le prince et rendu sa mère coupable de l’homicide). Bien dans son siècle, Thomas s’empare des grands textes de la littérature dramatique et en use à sa guise pour produire un drame romantique. La liste est sans fin des petits ou grands « traîtres » de ce genre (parfois pour le plus grand bonheur de la musique). (…) Aborder Thomas dans le regret de Shakespeare est stérile. Seule importe aujourd’hui l’œuvre qu’il laisse et que nous allons à notre tour, la portant à la scène dans un contexte fictionnel, politique et esthétique tout autre, résolument et nécessairement devoir « trahir ». Guide d’écoute Prélude ressentir l’ambiance sombre et presqu’effrayante de ce début : un drame va se jouer. Sentir comment les instruments, le tempo, les rythmes, la dynamique illustrent cette ambiance. Registre grave, roulements de timbales, cordes puissantes, thème du cor... Acte I, 1 : introduction (fanfare et marche puis choeur) On identifie facilement les cuivres et les percussions d’une fanfare royale. Nous sommes à la cour d’Elseneur, on attend sans doute l’arrivée du nouveau roi. Le choeur à partir : le peuple et la cour acclament leur souverain. Le texte est facilement compréhensible car les voix sont homorythmiques et chantent en alternance avec la fanfare. Acte I, 1 : récitatif et duo d’Hamlet et Ophélie Le récit fait entendre le motif d’Ophélie à la flûte qui représente le côté juvénile, léger et pur de la jeune fille qui s’adresse à Hamlet avec respect: « Monseigneur ! ». Suit un récit assez animé entre les deux jeunes gens qui ressemble à une dispute d’amoureux. L’orchestre, d’abord inexistant, reprend le rythme avec le questionnement d’Ophélie puis devient plus sérieux et le discours s’achève avec une réplique d’Hamlet prolongée par une clarinette… Le grand duo d’amour de l’oeuvre « Doute de la lumière… » : c’est la page romantique et sentimentale portée à sa plus haute expression! La situation ne doit rien à Shakespeare puisque cette scène n’existe pas dans la pièce. Seule une lettre qu’Hamlet a adressée à la jeune fille et qu’elle a montrée à son père, par obéissance, atteste de cet amour. Polonius lit la lettre au Roi et à la Reine au début de l’acte II pour expliquer l’état mental du jeune homme. Sa qualité littéraire n’a rien d’extraordinaire, mais les librettistes ont respecté la traduction des vers originaux que la musique met en valeur. Etranges, ces impératifs par lesquels notre héros demande à celle qu’il aime promise de douter… de la lumière, du soleil et du jour, des cieux et de la terre, mais non de son amour ! Dialogue entre le spectre et Hamlet On peut comparer les voix. L’une semble endormie, lointaine comme celle d’un fantôme, l’autre plus présente, celle d’un vivant, Hamlet. A la fin de l’extrait, le dialogue est interrompu par une fanfare. Une seconde écoute un peu plus prolongée permettra de préciser la manière de chanter : un accompagnement discret de l’orchestre pour commencer. Le spectre chante sur la même note pour demander vengeance tandis qu’Hamlet, plus mélodieux, le questionne. Après la fanfare qui évoque la cour, le spectre évoque le nouveau roi, tandis que l’orchestre se met à bruire, traduisant l’angoisse qui monte en mêmetemps que la « brise matinale ». Le spectre reprend sa plainte monocorde mais graduellement plus aigüe et plus menaçante quand il révèle le crime dont il a été victime. Remarquons l’adoucissement du ton et de l’orchestre quand il est question d’épargner la Reine pourtant complice. Revenue sur hauteur initiale, la voix du spectre s’atténue progressivement pour enfin disparaître. Resté seul, Hamlet, dans un élan lyrique, promet de venger son père mais en même temps de renoncer à la gloire et à l’amour. Scène et air d’Ophélie - Ballade et final de l’acte IV On reconnait le motif d’Ophélie en introduction. la ballade se caractérise par sa grande simplicité qui s’oppose à tous les traits de virtuosité de la soliste. Ce contraste musical symbolise le passage de l’espritd’Ophélie de la raison à la folie qui finalement l’emporte. Au préalable, on peut se familiariser avec la ballade en l’apprenant bouche fermée, comme cela est écrit dans le final pour le choeur (S1, S2 et T1): le caractère est calme mais triste, cela sonne ancien (pseudo modal). Puis on fera écouter la ballade chantée par Ophélie et on expliquera son texte : on ne sait pas encore que la jeune fille va s’identifier à la blanche Willis ou nymphe des eaux. En poursuivant l’audition, on sera surpris d’entendre une musique orientalisante (bourdon, hautbois et cymbales) sur laquelle la voix vocalise très librement. La ballade reprend avec la suite du texte, puis le passage oriental. L’identification se précise dans une coda brillante où Ophélie crie son amour à un amant qui ne vient pas et pour lequel elle annonce qu’elle va mourir. La folie gagne donc Ophélie, comme le constate le choeur dans le n° suivant. Le final débute par des traits de harpe et de flûte très calmes, presque lointains et l’on reconnaît la ballade chantée par le choeur bouche fermée, lointain aussi. Le compositeur a demandé que tous jouent ou chantent dans les coulisses. La voix d’Ophélie répond au choeur par cinq phrases qui attestent de son délire : « Le voilà ! Je crois l’entendre ! Pour le punir de s’être fait attendre, Blanches Willis, nymphes des eaux, Ah ! Cachez-moi parmi vos roseaux ! » Le choeur chante a cappella tandis que flûte, hautbois et harpe soutiennent la voix de la soliste dans des harmonies étranges, quasi célestes. La dernière phrase d’Ophélie est chantée avec le choeur. Les dernières paroles d’Ophélie sont celles que lui chantait Hamlet au début du duo. Puis sa voix s’évanouit sur un aigu au moment où on l’imagine s’enfoncer dans les eaux. On se posera également la question de l’utilisation du choeur à bouches fermées, pour symboliser des témoins devenus impuissants, et insister sur la variété des moyens musicaux utilisés par Ambroise Thomas. Source : dossier pédagogique réalisé par Armelle BADIN, professeure agrégée en éducation musicale – Responsable du service éducatif – Opéra de Marseille – 2009. Bio Express Ambroise Thomas (1811- 1896) Né à Metz en 1811 et fils d’un professeur de musique, Ambroise Thomas apprend la musique avec son père (piano et violon) en même temps que l’alphabet ! Sa mère devenue veuve l’emmène à Paris en 1827. Ambroise fait alors de brillantes études musicales au Conservatoire de Paris couronnées par le 1 Grand Prix de Rome obtenu en 1832 avec la cantate Herman et Katy. Il compose surtout de la musique de chambre. Après son séjour à la Villa Médicis où il rencontre Ingres, il voyage en Europe. Selon les souvenirs de Léon Escudier « ce svelte jeune homme, à la voix flexible et pénétrante, ne se faisait pas trop prier quand on l’engageait à se mettre au piano. Il jouait fort bien de cet instrument, non point à la manière des virtuoses […] mais en poète qui sait parler au coeur et trouver de fines couleurs pour peindre ses transports et ses rêves. » Attiré par le théâtre à son retour à Paris en 1837, il obtient son premier succès à l’Opéra-Comique avec Le Caïd en 1849. Mais bientôt il se détourne de la verve comique sans pour autant réussir pleinement à illustrer les sujets dramatiques qui attirent son attention. Il écrira une vingtaine d’ouvrages lyriques qui ont pratiquement tous sombré dans er l’oubli. Sa première approche de Shakespeare avec Le Songe d’une nuit d’été (livret de Rosier et De Leuwen) date de 1850 et n’arrive pas à la hauteur de son modèle : on y trouve Falstaff et Shakespeare lui-même et non Titania et Obéron. Heureusement, la musique sauve le livret d’un extrême platitude. Son ouvrage suivant, Mignon (livret de Barbier et Carré, Op.-Com. En 1866), emprunté aux Années d’apprentissage de Wilhem Meister de Goethe, parvient en 28 ans à sa millième représentation. On y trouve un lien lointain à Shakespeare dans l’intérêt que porte Meister au théâtre du dramaturge anglais. Le succès de l’opéra n’empêcha pas des critiques acerbes au sujet d’une musique aux « tendres rengaines. Sirupeuses romances. Onctueuses cantilènes ». Le Songe et Mignon sont encore des opéras de demi-caractère (avec des dialogues parlés). Ambroise Thomas, fort de son succès, se tourne à nouveau vers le dramaturge anglais et destine son Hamlet (livret de Barbier et Carré, 1868) à la scène de l’Opéra. L’adaptation de la célèbre tragédie shakespearienne (avec une fin heureuse !) sera représentée 384 fois de 1868 à 1938. Après une longue période de silence, Thomas n’obtiendra qu’un succès médiocre avec Françoise de Rimini d’après Dante en 1882 puis avec le ballet fantastique La Tempête en 1889. Malgré ces quasi-échecs, Ambroise Thomas achève sa carrière de musicien auréolé d’une gloire que la postérité n’a pas confirmée : premier musicien récompensé par la Légion d’Honneur en 1884, élu à l’Académie des Beaux-Arts depuis 1851, il succède à Daniel Auber comme directeur du Conservatoire de Paris en 1871, fonction qu’il assumera consciencieusement jusqu’à sa mort. Conservateur et réputé égocentrique, opposé à la musique allemande, Ambroise Thomas n’a pas su reconnaître le talent de la jeune génération, celle des Bizet, Lalo, Franck et Fauré. Sa musique et son oeuvre « Il y a deux espèces de musique, la bonne et la mauvaise. Et puis il y a la musique d’Ambroise Thomas » a dit Emmanuel Chabrier : ni bonne, ni mauvaise, la musique de Thomas est légère, facile, mélodieuse. Elle était faite avant tout pour plaire au public bourgeois du Second Empire. Musicien romantique, Ambroise Thomas se situe à la charnière de deux styles. A la fois « dernier représentant de la longue génération de producteurs rapides qui, pendant un demi-siècle, alimentèrent avec une fécondité infatigable et peut-être excessive nos théâtres lyriques », selon Alfred Bruneau, mais également initiateur de l’évolution du grand opéra français* de Meyerbeer vers le drame lyrique**, juste avant Charles Gounod. On lui doit en particulier la transition du dialogue parlé ou du récitatif vers le récitatif arioso et un véritable talent d’orchestrateur au service des voix. En dehors de ses opéras, Ambroise Thomas a composé quelques pièces de musique sacrée ainsi que de musique instrumentale. *appliquant les principes de Gluck (continuité dramatique, dimension psychologique des personnages), le grand opéra français s’épanouit dans la première partie du XIXe siècle. Ses effets dramatiques visuels et extérieurs cherchent à impressionner le public : scènes grandioses, mouvements de masses, somptuosité des ballets, sujets historiques revus sous un angle romantique. D’un point de vue structurel, on conserve le découpage des actes en numéros faisant alterner récitatifs et airs. **après 1850, la continuation de l’opéra romantique est assurée par le drame lyrique, pendant au Musikdrama allemand inventé par Richard Wagner. Des sujets historiques avoisinent contes et légendes pour se tourner plus tard vers le roman réaliste. Choeurs et ballets (emblèmes de l’opéra français depuis Lully) perdent de leur importance au profit de portraits psychologiques plus approfondis des individus. Le style arioso remplace de plus en plus souvent le récitatif, le rapprochant ainsi de l’air. Quant à l’orchestre, il participe étroitement à la compréhension du sujet, en soutenant le texte mais aussi en exprimant l’action, parfois à lui tout seul. La fluidité dramatique qui en découle estompe petit à petit le découpage des actes en numéros. Source : dossier pédagogique réalisé par Armelle BADIN, professeure agrégée en éducation musicale – Responsable du service éducatif – Opéra de Marseille – 2009. William Shakespeare (1564 – 1616) Il est né vraisemblablement le 23 avril 1564, à Stratford-sur-Avon, troisième enfant de John Shakespeare, notable local d’origine paysanne, et de Mary Arden, issue d’une riche famille catholique. Il s’installe à Londres en 1588, et devient acteur et auteur dramatique de renommé. Il s’établit au « Théâtre du Globe » avec la compagnie des « Lord Chamberlain’s Men ». De 1590 à 1600, son théâtre met en scène des drames historiques et politiques tels que Henry VI, mais aussi des comédies comme La Mégère apprivoisée. Il a écrit les célèbres Sonnets publiés en 1609, dans lesquels il évoque désir, jalousie, vanité et sentiments amoureux. D’autres œuvres se font jour comme Le Songe d’une nuit d’été en 1595 et une de ses tragédies les plus connues, Roméo et Juliette en 1594. 1600 marque un virage vers des œuvres au ton plus grave : Hamlet, l’histoire de ce jeune prince qui entretient un rapport ambigu avec la mort, écrit en 1601. Dans Othello, 1604, se mêlent amour, folie et suicide. Un an plus tard, en 1605, Macbeth fait régner le sang. La Tempête, sera son œuvre ultime, en 1611. En cette même année, dernier tournant dans sa vie, Shakespeare arrête le théâtre et s’en retourne à Stratford où il s’éteint le 23 avril 1616 à l’âge de 52 ans.