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Médecine palliative
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N° 6 – Décembre 2004
Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature
SYNTHÈSE
lées. Une femme enceinte de 31 ans, chez laquelle on dé-
couvre une tumeur rétro-orbitaire, présente une recrudes-
cence de ses symptômes au décours du troisième trimestre
de grossesse. La plupart des médicaments des douleurs neu-
ropathiques étant contre-indiquée, un traitement à base de
morphine, de paracétamol, d’amitryptilline, de kétamine as-
socié à un support psychologique est mis en place avec de
bons résultats. Les auteurs insistent sur la difficulté qu’a
représentée ce cas, compte tenu des contre-indications liées
à l’état gestationnel de la patiente [13].
Une autre étude de cas concerne un mode d’utilisation
particulier de la kétamine. Une femme de 32 ans atteinte
d’un carcinome épidermoïde de la langue a réalisé des
bains de bouche à la kétamine dans le cadre d’une mucite
radio-induite. Bien entendu, l’efficacité de cette thérapeu-
tique reste à évaluer, y compris dans le cadre d’autres étio-
logies de douleurs buccales [14].
Une observation a été rapportée chez l’enfant. Une
fillette de douze ans porteuse d’un
glioblastome responsable de douleurs
neuropathiques sévères a été calmée
par une dose test de 7,5 mg de kéta-
mine en intra veineux puis par l’as-
sociation de morphine en sous cuta-
née et de kétamine en perfusion intra
veineuse. Les doses utilisées ont été
croissantes, de 36 à 410 mg par
vingt-quatre heures. Elle a bénéficié de soixante-sept
jours de ce traitement avant de décéder. La conclusion de
cet article est qu’il s’agit d’un traitement qui peut être ef-
ficace chez l’enfant présentant des douleurs neuropathi-
ques ne répondant pas aux autres antalgiques. On peut
remarquer que la durée de ce traitement a été relativement
longue, poursuivie au domicile et s’inscrit bien dans un
contexte de soins palliatifs [15].
Essais
Aucun essai clinique n’a été mené en soins palliatifs.
L’utilisation de la kétamine dans ce domaine n’a donc pas
été validée par des études randomisées.
Revue de la littérature en cancérologie
On retrouve également dans ce travail des revues de
la littérature sur l’utilisation de la kétamine en cancéro-
logie. Ahmadzai, dans
l’European Journal of Cancer
de
juillet 1997, passe en revue les différents traitements de
la douleur cancéreuse et leurs effets secondaires : mor-
phine, méthadone, hydromorphone, patch de fentanyl,
strontium 89 et biphosphonate dans les douleurs de mé-
tastases osseuses. La kétamine à petite dose fait partie de
son arsenal thérapeutique pour traiter les douleurs réfrac-
taires et neuropathiques [16].
Un autre auteur en 2001 analyse les différents traite-
ments antalgiques en oncologie et en soins palliatifs, dont
les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la méthadone, la
kétamine et les biphosphonates, et souligne l’importance
de la balance entre les influences excitatrices et inhibitri-
ces du système nerveux central [17].
Une revue systématique de la littérature a été publiée
en septembre 2003 dans
Journal of Pain and Symptom
Management
. L’auteur, à l’aide d’une méthodologie rigou-
reuse, étudie les différents articles portant sur l’utilisation
de la kétamine comme traitement adjuvant des opioïdes
dans les douleurs réfractaires en cancérologie [9]. Son tra-
vail sur Medline, Embase, Cancerlit, The Cochrane Library
analyse quatre études randomisées. Dans ces études, la
population est définie comme présentant des douleurs
cancéreuses résistantes à la morphine ou aux anti-inflam-
matoires non stéroïdiens, des douleurs liées à la patholo-
gie cancéreuse en phase terminale ou des douleurs réfrac-
taires aux opiacés chez des patients présentant un
Karnofsky supérieur à 50 %. Un autre critère d’utilisation
de la kétamine dans ces essais est le caractère neuropa-
thique ou mixte de la douleur. Le mode d’administration
de la molécule diffère selon l’étude : orale, épidurale, in-
trathécale, sous-cutanée ou intraveineuse.
Les doses utilisées diffèrent également d’une étude à
l’autre : 0,5 mg/kg 2 fois par jour per os, 1 mg/kg/j en
sous cutanée, 600 mg/j en intraveineux et 67,2 mg/j par
voie intrathécale.
Deux essais sont des études en
cross over
[18, 19]. Sur
les quatre essais, un seul compare la kétamine à un placebo,
les trois autres comparent la kétamine à la morphine. Deux
essais sont considérés dans cette revue comme non fiables
au niveau méthodologique [20, 21]. Les deux autres con-
cluent que la kétamine permettrait de réduire l’intensité des
douleurs cancéreuses d’origine neuropathique et la con-
sommation de morphine [18, 19]. Cependant, ces études
concernent un faible effectif de patients, le type de douleur
n’est pas décrit et la stratégie de prise en charge des accès
douloureux n’est pas exposée. Pour l’auteur, il est donc né-
cessaire de faire des études contrôlées randomisées sur un
plus grand nombre de patients en homogénéisant le mode
d’administration de la kétamine.
Correspondances
On trouve également deux lettres questions-réponses.
Dans la première, qui correspond à un commentaire d’un
compte rendu de cas, Peter Lawlor rappelle l’importance
d’une prise en charge globale et multidisciplinaire et met
L’utilisation
de la kétamine
n’a donc pas été validée
par des études randomisées.