Session 2012 ECONOMIE EPREUVE COMMUNE SUR DOSSIER : ORAL Jury : Alexis Penot et Aurélien Eyquem Sujet : les frontières de la firme Document 1 : Les fusions-acquisitions en chute au 3e trimestre, Le Monde, 4 octobre 2011. Document 2 : Les PME ont créé 85 % de l'emploi dans l'Union européenne entre 2002 et 2010, Le Monde, 16 janvier 2012. Document 3 : « Frontières de la firme et de l’industrie : Les perspectives récentes issues de la rencontre entre l’histoire industrielle et l’économie industrielle », Jackie Krafft, L'Actualité économique, vol. 80, n° 1, 2004, p. 109-135. . DOCUMENT 1 Les fusions-acquisitions en chute au 3e trimestre es opérations de fusions-acquisitions ont reculé de 23 % au troisième trimestre par rapport au trimestre précédent, dans le monde, selon Thomson-Reuters. Le montant total de ces opérations atteint néanmoins 539 milliards de dollars (404 milliards d'euros). Ce qui permet d'enregistrer un niveau record pour les neuf premiers mois de l'année, avec une hausse de 20 % par rapport à la même période en 2010. Depuis la crise de 2008, on n'avait pas fait mieux. Le secteur de l'énergie d'une part, et de la finance d'autre part, devancent les autres en volume d'opérations réalisées. La volatilité des cours et les inquiétudes liées à la crise de la dette souveraine expliquent le ralentissement du troisième trimestre. L'Europe est la région du monde où cette baisse a été la plus accentuée, alors que les opérations ont légèrement augmenté en Asie. Ce ralentissement n'est-il que passager ? Banquiers et analystes sont divisés sur la question, car deux phénomènes contradictoires coexistent. D'une part, l'inquiétude incite à différer toute décision. Mais, d'autre part, la situation financière des entreprises reste solide. Elles ont fortement augmenté leurs profits au premier semestre. Leurs carnets de commandes ne se sont, pour l'instant, pas vidés. Et elles disposent de liquidités abondantes. Parallèlement, la baisse des cours créée des opportunités, dans les cas où la valorisation boursière sert à évaluer l'entreprise ciblée. « Les cours de Bourse de beaucoup d'entreprises ont chuté, mais leur profitabilité n'en est pas diminuée pour autant », explique ainsi Gene Sykes, codirecteur du département mondial des fusion-acquistions chez Goldman Sachs, au quotidien britannique Financial Times. Mais cette baisse des cours est un handicap, pour les opérations financées par appel au marché. Le cabinet de conseil et de services financiers aux entreprises Ernst & Young est néanmoins optimiste quant à la reprise du secteur. Son « Baromètre semestriel des fusions-acquistions dans le monde », publié lundi 3 octobre, indique que 41 % des grands groupes internationaux envisagent de procéder à une acquisition dans les douze prochains mois. Ce baromètre repose sur un sondage réalisé auprès de 1 000 dirigeants dans le monde. La moitié des personnes interrogées ont une stratégie de croissance ; et seulement 7 % parlent de « survie », ce qui serait le plus faible taux depuis la création du Baromètre en 2009. Les deux tiers des dirigeants estiment que les valorisations se stabiliseront dans les douze prochains mois, ce qui va augmenter le nombre de vendeurs potentiels. Les opérations devraient essentiellement viser des acquisitions dans les pays émergents, en Chine, Inde, Malaisie, Mexique et Argen-tine. Mais aussi aux Etats-Unis et en Australie. Certes, ajoute Rudy Cohen-Scali, associé d'Ernst & Young et coauteur de l'étude, une récession généralisée rendrait ces prévisions caduques. 2004 pour la Suède et le Danemark DOCUMENT 2 Les PME ont créé 85 % de l'emploi dans l'Union européenne entre 2002 et 2010 Les petites et moyennes entreprises (PME), plus vulnérables à la crise, sont aussi les plus dynamiques en termes de création nette d'emploi dans l'Union européenne. Entre 2002 et 2010, elles ont ainsi assuré 85 % des emplois créés, selon des chiffres publiés lundi 16 janvier par la Commission européenne. La Commission souligne que la part des PME dans la création d'emplois est nettement supérieure à leur part dans l'emploi total, qui est de 67 %. Sur cette période, la croissance annuelle de l'emploi des PME s'est élevée à 1 % dans l'UE, contre 0,5 % pour les grandes entreprises. Sauf dans le secteur du commerce, où les grandes entreprises ont créé de nombreux emplois dans les domaines de la vente, de l'entretien et de la réparation de véhicules. Au sein même des PME, ce sont les entreprises de moins de dix personnes qui créent le plus d'emplois nets. Ce sont aussi les entreprises les plus jeunes (moins de cinq ans) qui sont les plus dynamiques en matière de création d'emploi, en particulier dans le secteur des services aux entreprises. DES EMPLOIS MOINS BIEN RÉMUNÉRÉS, PLUS FRAGILES L'étude de la Commission, qui a été menée dans trentesept pays européens, dont les vingt-sept membres de l'UE, reconnaît cependant qu'en moyenne, les postes dans les petites entreprises sont moins productifs et moins bien rémunérés et que les salariés de ces entreprises sont moins syndiqués que dans les grandes entreprises. Elle souligne aussi que les PME ont été plus vulnérables à la crise économique : le nombre d'emplois dans ce secteur a chuté de 2,4 % par an en moyenne à la suite de la crise de 2009-2010 contre 0,95 % dans les grandes entreprises. DOCUMENT 3 La théorie des coûts de transaction : opportunisme et spécificité des actifs C’est avec les connexions Chandler-Williamson que le rapprochement histoire industrielle - économie industrielle a véritablement débuté. L’objet de Chandler, dans son ouvrage Visible Hand, est d’étudier la révolution industrielle qui s’est mise en place à la fin du 19e siècle aux États-Unis et qui a donné naissance au système industriel moderne. Le problème qu’il soulève est pourquoi l’économie américaine a été dominée largement par des entreprises de grande taille au cours du 20e siècle. Sa méthode consiste à réaliser des monographies d’entreprises et à analyser les caractéristiques de larges panels de firmes s’étant maintenues dura- blement sur le marché. Il met en évidence deux caractéristiques particulières de cette époque. La première caractéristique est que les firmes qui s’engageaient massivement dans des activités fortement utilisatrices de capital ont rencontré un réel problème de coordination : celui d’articuler une production de masse avec une distribution de masse. La seconde est que le problème de coordination des activités fortement utilisatrices de capital ne pouvait être résolu automatiquement, c’est-àdire par les seules forces du marché. Dans ces industries capital-intensive, l’intégration verticale (en amont ou en aval)4 a permis aux firmes d’éviter les goulots d’étranglement de l’offre et de disposer de débouchés en coordonnant les différentes unités productives. L’argument de l’auteur est que la coordination managériale s’est imposée par rapport à la coordination par le marché dans les industries caractérisées par des economies of speed, c’est-à-dire lorsqu’une pro- duction suffisamment rapide et importante arrive à réduire les coûts unitaires. Les investissements dans la capacité organisationnelle requise pour gérer des entreprises reliées verticalement se sont révélés être la clef du succès compétitif. Les firmes qui n’ont pas entrepris de tels investissements ont disparu alors que celles qui les ont engagés ont constitué des positions de leadership durable sur le marché. Williamson, dans le chapitre dans le chapitre 5 de son ouvrage de 1985, utilise les différents cas d’intégration verticale explorés par Chandler afin de proposer des éléments de vérification empirique de sa théorie des coûts de transaction. Williamson propose que les firmes minimisent les coûts de transaction dans certaines situations : les firmes émergent pour gérer les investissements caractérisés par un degré élevé de spécificité des actifs, parce que leur caractère irrécouvrable expose les décideurs à des menaces de type hold-up impliquant l’expropriation de leurs profits. Ainsi, la présomption générale est que plus forts (respectivement faibles) seront les coûts de transaction par rapport aux autres coûts, plus forte sera la chance de voir se réaliser l’allocation des ressources dans le cadre d’une firme (respectivement d’un marché). Pour Williamson, l’intégration verticale est un exemple privilégié de sa théorie de la firme. Il qualifie même cette structure de gouvernance particulière de « problème paradigmatique par excellence » (Williamson, 1985 : 150). L’auteur reconnaît que les vérifications empiriques auxquelles il se livre en utilisant les monographies de Chandler sont rudimentaires et qu’elles peuvent en conséquence être discutées. Il soutient toutefois que, dans l’ensemble, celles-ci étayent la pro- position selon laquelle l’intégration verticale (en amont, en aval et latérale) est plus compatible avec l’économie des coûts de transaction qu’avec d’autres explications. Selon lui, en particulier, une théorie prédictive de l’intégration verticale doit principalement faire appel à la spécificité des actifs et aux problèmes d’opportunisme qui en découlent.