La banque
d’un monde
qui change
■ Quel niveau de déficit en 2017?
Alors que le gouvernement visait un déficit public de 3,8% du PIB
en 2015, l’exercice budgétaire aura finalement été meilleur que
prévu, le déficit des administrations publiques se limitant à 3,6% du
PIB. Les objectifs du PSC sont, quant à eux, inchangés, à 3,3% du
PIB en 2016 et 2,7% du PIB en 2017. Malgré la bonne surprise de
2015, le respect des cibles de déficit public reste incertain.
Si, comme nous l’avons vu, l’ajustement budgétaire réalisé entre
2010 et 2015 a surtout été le fruit d’un effort structurel, il pourrait à
l’avenir dépendre davantage de l’embellie cyclique. C’est en tout
cas l’avis de la Commission européenne, qui projette une
amélioration du solde budgétaire structurel1 à 0,2 point en 2016 et
0,3 point en 2017, bien inférieure à l’estimation du gouvernement
français (0,4 point en 2016 et 0,5 point en 2017).
L’un des principaux risques pour la trajectoire budgétaire est donc
celui d’un ralentissement de l’activité qui risque de se matérialiser
avec le résultat du vote britannique et la perspective d’un « Brexit ».
La croissance française pourrait s’inscrire en deçà du rythme de
1,5% prévu pour 2016 et 2017 dans le PSC. Le gouvernement
risque aussi d’avoir à composer avec une remontée encore plus
graduelle qu’anticipée de l’inflation. Dans les deux cas, les
économies attendues de la maîtrise des dépenses seraient
amoindries. Avant le vote britannique, au moment de la
présentation du PSC, le gouvernement avait déjà dévoilé des
mesures d’économies complémentaires en 2016 et 2017,
équivalentes respectivement à EUR 3,8 mds et EUR 5 mds, afin de
faire face à des projections d’inflation déjà revues en baisse. Cela
pourrait être insuffisant. Ayant révisé à la baisse nos prévisions de
croissance de 0,3 point en 2017, nous prévoyons, en conséquence,
un déficit légèrement à l’objectif du gouvernement.
■ La fin du commencement
Quelle qu’en soit la date, la réduction du déficit public en deçà de la
barre des 3% du PIB n’est qu’une première étape pour respecter les
règles budgétaires européennes, renforcées suite à l’adoption du
traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en 2012.
Ainsi, l’année suivant la réduction du déficit budgétaire sous la barre
des 3% du PIB, la France sortira de la procédure pour déficit
excessif pour entrer dans le volet « préventif » du Pacte de Stabilité
et de Croissance réformé. Il faudra alors respecter la « règle d’or »
budgétaire qui prévoit à moyen terme une convergence du solde
public structurel à un niveau inférieur à -0,5% du PIB potentiel.
Jusqu’à ce que cet objectif soit atteint, un ajustement structurel d’au
moins 0,5 point de PIB par an sera requis.
Par ailleurs, à compter d’une période de trois ans suivant la
correction du déficit excessif (c’est-à-dire en 2020, si le déficit public
suit la trajectoire définie dans le PSC), la France devra également
respecter le critère de la dette qui prescrit une réduction d’un
vingtième par an de l’écart entre le ratio de dette publique et le
niveau de référence de 60% du PIB. Pour cela, des efforts devront
être entrepris entre 2018 et 2020 afin d’ancrer le ratio d’endettement
public sur une trajectoire de retour vers les 60 % du PIB. Cela
signifie que, même en cas de respect de la règle d’or, de nouveaux
1 Le solde budgétaire structurel est la somme du solde primaire structurel et de la
charge d’intérêts.
ajustements structurels pourraient être nécessaires pour satisfaire
le critère de la dette.
Le gouvernement estime que l’objectif structurel de moyen terme
sera respecté en 2018 avec un déficit public structurel ramené à
0,3% du PIB potentiel. Le critère de la dette impliquera ensuite une
amélioration structurelle de 0,3 point de PIB par an. En cumulé,
1,7 point de resserrement structurel sont à prévoir entre 2016 et
2019 d’après le PSC.
Ces prévisions sont étroitement liées au diagnostic conjoncturel et
aux hypothèses de croissance potentielle retenues. Le calcul du
solde budgétaire structurel est fonction de l’écart estimé entre le PIB
observé et le PIB potentiel (output gap). Son évolution dépend de la
vigueur, toujours estimée, de la croissance potentielle. Un gel des
dépenses publiques dans une économie dont la croissance
potentielle est nulle n’entrainera aucune amélioration structurelle du
déficit public. Les différences d’estimation du potentiel de
croissance de l’économie française expliquent en grande partie les
divergences de vue entre le gouvernement et la Commission
européenne quant à l’évolution des finances publiques dans les
prochaines années2. La Commission européenne porte un regard
nettement plus conservateur sur l’écart de production (-1,8% contre
-3,3% pour le gouvernement en 2015) et sur la croissance
potentielle (autour de 1% en 2016 et 2017 contre 1,5% pour le
gouvernement). En particulier, la Commission reste prudente sur
les effets du CICE et du Pacte de responsabilité sur la croissance
potentielle, estimés à 0,2 point par an à partir 2016 par le
gouvernement. Il faudra donc, selon elle, davantage d’efforts sur les
dépenses pour respecter le Pacte budgétaire européen.
Ces désaccords viennent rappeler la difficulté d’établir des règles
budgétaires sur des critères structurels alors que l’estimation de la
croissance potentielle est un exercice incertain soumis à de fortes
révisions 3. Il n’en demeure pas moins que l’orientation de la
politique budgétaire française devrait rester durablement restrictive,
bien au-delà de la correction du déficit public excessif. Les
prévisions gouvernementales du PSC doivent être vues comme la
contrainte minimum du point de vue des engagements européens.
Certes, une certaine flexibilité a été introduite pour faire face à des
conditions «exceptionnelles » mais elle concerne exclusivement les
pays sortis de la procédure pour déficit excessif, ce qui n’est pas
encore le cas de la France. Dans un environnement incertain, et
alors que les risques pesant sur la croissance ont augmenté,
l’impossibilité de recourir à une politique contra-cyclique (au-delà du
jeu des stabilisateurs automatiques) pourrait se révéler un enjeu
majeur, notamment dans une année électorale.
Thibault Mercier
2 Elles n’expliquent pas tout : la Commission n’intègre pas, par exemple, les EUR 5
mds d’économies annoncés pour 2017, mais non spécifiés par le gouvernement
dans le PSC.
3 Une des critiques les plus souvent prononcées à l’égard des estimations de
croissance potentielle est leur pro-cyclicité, qui tend à accentuer les ajustements en
période de faible croissance et les déséquilibres budgétaires en période de forte
croissance. Durant les années de bulle immobilière, ni l’Espagne ni l’Irlande ne furent
alertées sur la surchauffe de leurs économies. Ce n’est qu’a posteriori que
l’insoutenabilité de la croissance et les dérives budgétaires associées ont été
identifiées.
economic-research.bnpparibas.com France 3éme trimestre 2016 11